Passer au contenu
;

PROC Rapport du Comité

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

PDF

AMÉLIORER L’INTÉGRITÉ DU PROCESSUS ÉLECTORAL : RECOMMANDATIONS DE MODIFICATIONS LÉGISLATIVES

B.Autres modifications législatives proposées

6.1.Identification aux bureaux de vote

De nombreux Canadiens sont très inquiets du risque de fraude et de fausse déclaration au moment du vote. Les membres du Comité partagent leur inquiétude. Nous n’avons aucun moyen de savoir si cette inquiétude est justifiée ou non, mais le fait qu’elle existe mine l’intégrité du processus électoral. Elle découle dans une certaine mesure du manque de fiabilité du Registre des électeurs et du fait que bon nombre d’entre nous n’ont pas confiance en la liste électorale permanente.

À l’heure actuelle, les électeurs n’ont pas besoin de montrer une pièce d’identité aux bureaux de vote s’ils sont sur la liste. Dans notre société, les opérations les plus importantes supposent que l’on présente une preuve quelconque d’identité, de préférence avec une photo. Dans le cas des élections, nous ne pensons pas qu’il serait déraisonnable d’exiger la même chose des électeurs. Cela ferait également comprendre aux électeurs l’importance de ce qu’ils sont sur le point de faire : exercer un droit démocratique précieux et fondamental.

Nous prenons note qu’exiger l’identification aux bureaux de vote vise à établir trois choses : que la personne est bien la personne qu’elle prétend être; que son lieu de résidence lui donne le droit de voter au bureau de vote où elle se présente; qu’elle est de citoyenneté canadienne. Probablement qu’aucune pièce d’identité particulière ne contient toute cette information. Ne pas exiger une forme d’identification ou autre avant d’autoriser une personne à voter, toutefois, est inacceptable. De plus, comme aucune preuve d’identité n’est requise, bon nombre de fonctionnaires électoraux hésitent à la demander ou l’exiger. La rendre obligatoire réglerait le problème, dissuaderait les personnes n’ayant pas droit de vote et éviterait les erreurs et les malentendus.

Nous proposons que :

  1. Avant d’être autorisés à voter, les électeurs potentiels soient tenus de fournir une carte d’identité délivrée par un organisme gouvernemental, et comportant une photographie et une adresse.
  2. Les électeurs qui n’ont pas de carte d’identité comportant une photographie soient tenus de fournir deux pièces d’identité acceptables afin d’établir leur identité et leur adresse domiciliaire. (Il a aussi été proposé de demander la date de naissance — qu’il est possible de vérifier en consultant la liste électorale officielle — afin de confirmer l’identité de l’électeur devant un comité constitué pour fins de vérification de l’admissibilité au droit de vote).
  3. Les électeurs qui n’ont pas de pièces d’identité acceptables soient tenus de prêter serment qu’ils sont bien la personne qu’ils prétendent être. De plus, une personne qui a déjà respecté les conditions pour voter devra confirmer e serment de l’électeur potentiel.
  4. Vu les inquiétudes soulevées, les électeurs ne possédant pas de carte d’identité devraient faire l’objet d’une vérification aléatoire après les élections; et qu’il faudrait sévir rigoureusement contre ceux qui ont prêté un faux serment ou qui ont frauduleusement confirmer le serment de l’électeur potentiel.

Au Canada, nous avons toujours essayé de faciliter le plus possible l’exercice du droit de vote, mais si la confiance dans le système est minée, il faut le changer. Il est évident que nous ne voulons pas prendre des mesures qui seraient de nature à dissuader les électeurs de voter ou à rendre le vote plus difficile qu’il le faut. La légitimité et la crédibilité du système supposent cependant que nous fassions quelque chose pour veiller à ce que seules les personnes ayant le droit de voter votent effectivement et qu’elles sont bien qui elles disent qu’elles sont. C’est indispensable à la préservation de l’intégrité du système électoral.

Les préoccupations du Comité concernant une preuve d’identification et d’adresse suffisante d’une personne et la preuve qu’elle a le droit de voter sont partagées par les témoins qui ont comparu devant le Comité et qui ont déposé des mémoires écrits. Tous les partis actuellement représentés à la Chambre des communes appuient l’instauration d’une méthode plus efficace pour procéder à la vérification de l’identité des électeurs, notamment au moyen d’une pièce avec photo. Les partis admettent également qu’une solution de rechange à la pièce d’identité photo devrait être proposée aux personnes qui ne peuvent pas fournir les pièces d’identité requises. Le Comité tient à préciser que les cartes d’information de l’électeur ne devraient pas conférer le droit de vote. Il n’a jamais été question qu’elles servent à des fins d’identification bien qu’en pratique c’est souvent le cas. Compte tenu des problèmes découlant de la façon dont elles sont livrées ou mises au rebut, il faut trouver une solution. Les membres du Comité se disent également inquiets de voir que les électeurs semblent pouvoir utiliser les étiquettes d’abonnements à des revues et des relevés de services publics pour établir leur identité. Bien que ce genre de document puisse être utile pour établir l’adresse d’une personne, il ne remplace pas une pièce d’identité satisfaisante.

Certains ont proposé de s’inspirer du modèle québécois. Le Québec exige que les électeurs fournissent leur nom, adresse et, sur demande, date de naissance. Ils doivent également produire, pour s’identifier, leur permis de conduire, leur carte d’assurance maladie, leur passeport canadien ou un autre document délivré par un organisme gouvernemental. (Loi électorale (Québec), article 337). Si un électeur ne peut produire les pièces d’identité requises, il est dirigé vers la table de vérification de l’identité des électeurs où il signe un affidavit déclarant qu’il est bien la personne qu’il prétend être et présente deux autres pièces d’identité ou est accompagné d’une personne qui a établi sa propre identité et qui est en mesure d’attester l’identité de l’électeur (Loi électorale (Québec), article 335.2).

6.2.Avertissement affiché dans les bureaux de vote

Afin d’empêcher la fraude et de renforcer l’intégrité du processus électoral, les membres du Comité croient qu’il faudrait installer dans tous les bureaux de vote des écriteaux énumérant les infractions et les amendes correspondantes aux termes de la Loi électorale du Canada. Le directeur général des élections a indiqué qu’Élections Canada utilise déjà des écriteaux concernant le droit de vote et que ceux-ci pourraient être modifiés en vue d’ajouter un avertissement au sujet des conséquences du viol des règles du droit de vote énoncées dans la Loi.

Le Comité recommande également que les avertissements soient affichés bien à la vue dans les deux langues officielles ainsi que dans toute autre langue couramment utilisée dans un bureau de vote ou une circonscription électorale.

6.3.Carte d’information de l’électeur

La carte d’information de l’électeur, sa pertinence et son intégrité ont fait l’objet d’un débat considérable au cours de l’étude entamée par le Comité. On nous a parlé, par exemple de lots de cartes d’information de l’électeur dans des immeubles d’appartements et d’autres bâtiments à résidences multiples où ils étaient à la vue de tous et à qui voulait les prendre. Dans la mesure où il s’agissait de la responsabilité de facteurs, nous invitons instamment Élections Canada à prendre de toute urgence des mesures pour régler ce problème avec Postes Canada. Il semblerait également que, dans bien des cas, ces cartes aient été jetées par leurs destinataires. Le risque d’abus est évident. Le directeur général des élections a reconnu que c’est un problème dans le texte accompagnant la recommandation 2.7 : « Il arrive que les cartes d’information de l’électeur (CIE) envoyées à certaines adresses — par exemple, les immeubles où les déménagements sont fréquents — soient jetées près des boîtes aux lettres. Il arrive aussi que des électeurs qui ne veulent pas voter mettent leur CIE au rebut. On pourrait craindre que des individus utilisent ces CIE jetées pour voter frauduleusement sous le nom de la personne inscrite sur la carte. »

Lors de sa comparution devant le Comité le 13 juin 2006, le directeur général des élections a proposé que les CIE soient envoyées dans des enveloppes, ce qui suppose que les nom et adresse de l’électeur ne seraient pas inscrits sur la carte. Les membres du Comité ne sont pas convaincus de l’efficacité de cette solution.

Le but de la carte étant d’informer son destinataire de l’adresse du bureau de vote où il doit voter, certains membres estiment que les cartes devraient être envoyées par courrier de première classe à « l’occupant ». L’inconvénient de cette solution est que beaucoup de gens ne se donnent pas la peine d’ouvrir le courrier qui ne leur est pas adressé personnellement, et elle ne leur permettrait de déterminer s’ils sont bel et bien inscrits sur la liste électorale.

Comme nous l’avons souligné plus haut, nous tenons à bien faire comprendre que les cartes d’information de l’électeur n’autorisent pas une personne à voter bien que ce soit l’usage qu’on semble en faire. Compte tenu des problèmes associés à la façon dont elles sont livrées ou dont on en dispose, la recherche d’une solution est prioritaire.

6.4.Inscriptions des électeurs non inscrits sur la liste électorale

Certains s’inquiètent du nombre élevé d’inscriptions le jour du scrutin, particulièrement dans certaines circonscriptions. Le représentant du Parti libéral a rappelé le grand nombre de votants inscrits le jour du vote à la dernière élection : 55 000 dans les bureaux de vote par anticipation et 795 000 dans les bureaux ordinaires. Cela représente une moyenne de 2 700 électeurs par circonscription, alors que, en fait, les inscriptions le jour du vote étaient inégalement réparties dans le pays. Le fait que ces électeurs n’étaient pas sur la liste électorale a pour résultat que les limites imposées aux dépenses des candidats et des partis politiques ont été sous-évaluées et que les candidats ont été dans l’impossibilité de communiquer avec les électeurs ou de les identifier. À la réunion du 13 juin 2006, le directeur général des élections a convenu qu’il y aurait lieu de procéder à une vérification dans la circonscription de Trinity–Spadina où quelque 10 000 électeurs se sont inscrits le jour de l’élection. M. Kingsley a également accepté de communiquer les résultats de cette vérification au Comité.

Vu le grand nombre d’inscriptions le jour du scrutin, il y a vraiment lieu de se demander pourquoi tant d’électeurs ne sont pas inscrits au Registre national des électeurs ou, s’ils le sont, pourquoi leur nom n’apparaît pas sur les listes électorales.

On a également porté à notre attention la pratique des « répondants en série » : une personne ayant le droit de voter dont le nom apparaît sur la liste électorale se porte garante d’un votant potentiel non inscrit sur la liste électorale, lequel peut à son tour se porter garant d’un autre, et ainsi de suite. Nous espérons que la mise en œuvre des recommandations formulées dans le présent rapport réduira le recours aux répondants. Quoi qu’il en soit, nous nous attendons à ce qu’Élections Canada élabore des lignes directrices et des politiques afin d’empêcher cette pratique à l’avenir.

6.5.Les bureaux de vote

L’endroit, l’accessibilité et le nombre des bureaux de vote soulèvent un certain nombre de questions.

  • Premièrement, les membres du Comité rappellent que certains bureaux ne sont pas accessibles aux personnes handicapées. Selon le document intitulé Parachever le cycle des réformes électorales, à l’élection générale de 2004, seulement 45 (0,2 pour cent) des 18 807 bureaux de vote n’étaient pas aménagés à cet égard, bien que selon l’information anecdotique dont nous disposons, il y en aurait davantage.
  • Deuxièmement, on s’inquiète également de la distance que les électeurs doivent parcourir pour aller voter dans certaines circonscriptions, particulièrement dans le Grand Nord.
  • Troisièmement, certaines institutions se transformant généralement en bureaux de vote dans des endroits commodes et accessibles, comme des écoles, révoquent l’autorisation d’y organiser un bureau de vote, avec un préavis souvent très court, pour un motif de sécurité. Ces problèmes soulèvent la question plus générale de l’obligation de ceux qui contrôlent les biens publics en général de permettre l’installation de bureaux de vote dans ces locaux et des amendes qui devraient être imposées pour les cas de révocation.

Les membres du Comité s’inquiètent également du fait que les dirigeants de parti et les candidats sont filmés au moment où ils votent, alors que les médias ne sont pas censés avoir accès aux bureaux de vote. Cette règle n’est pas toujours observée étant donné que certains médias ont reçu l’autorisation d’entrer dans les bureaux de vote. Lors de sa comparution devant le Comité le 13 juin 2006, le directeur général des élections a donné des assurances au Comité qu’il prendrait les mesures nécessaires pour que soient appliquées uniformément dans tous les bureaux de vote les règles relatives à la couverture médiatique.

6.6.Mise à jour des listes électorales le jour du scrutin selon le système des « cartes de bingo »

À l’heure actuelle, les partis politiques doivent compter sur leurs bénévoles et sur leur personnel pour mettre à jour périodiquement la liste électorale afin de retracer qui a voté le jour de l’élection. Cette procédure est fastidieuse et pèse sur les ressources des partis. Certaines circonscriptions semblent avoir adopté des pratiques différentes. Tous les partis actuellement représentés à la Chambre des communes appuient un système selon lequel ce serait le personnel aux bureaux de vote qui mettrait à la disposition des représentants des candidats intervalles réguliers des copies des listes électorales indiquant qui a voté. Le directeur général des élections n’a pu confirmer que cette pratique était autorisée en vertu de la Loi électorale du Canada. Le Comité recommande de modifier la Loi au besoin pour autoriser cette façon de mettre à jour les listes électorales le jour du scrutin.

6.7.Rôles et pouvoirs des représentants des candidats aux bureaux de vote

Certains des témoins qui se sont exprimés devant le Comité estiment qu’on ne sait pas très bien quels sont les pouvoirs des représentants des candidats aux bureaux de vote. Par exemple, la Loi électorale du Canada prévoit qu’ils peuvent demander aux votants de produire une pièce d’identité s’il y a doute sur l’identité ou l’admissibilité d’un électeur, mais Élections Canada est d’avis contraire. À son avis, les représentants des candidats peuvent seulement demander aux fonctionnaires électoraux d’exiger l’identification. En définitive, la décision d’acquiescer à la requête revient au fonctionnaire électoral. Par ailleurs, des fonctionnaires électoraux auraient menacé d’expulser des représentants de candidats ayant affirmé leur droit de contester un votant. Le problème se posera moins si nos recommandations d’exiger l’identification sont adoptées. Quoi qu’il en soit, il faudrait clarifier les droits et rôles des représentants des candidats à cet égard.

6.8.Dénombrement

Comme l’indique la discussion ci-dessus, l’exactitude des listes électorales et l’intégrité et l’exactitude du contenu du Registre national des électeurs sont des questions qui préoccupent beaucoup le Comité et les partis qui se sont exprimés devant lui. L’idée de procéder périodiquement à un dénombrement porte à porte pour actualiser le Registre suscite un certain intérêt parmi les membres du Comité. Le dénombrement porte à porte a été remplacé par le Registre national des électeurs en 1997. Le dénombrement porte à porte, quoique très précis, exige beaucoup de main-d’œuvre et suppose une période électorale plus longue. Il comporte également d’autres difficultés concernant, par exemple, le recrutement de recenseurs, la possibilité de trouver les électeurs chez eux, la réticence des résidents à ouvrir leur porte le soir et les questions de sécurité.

Certains membres croient qu’on devrait envisager la possibilité d’effectuer un dénombrement porte à porte périodiquement, par exemple après trois élections fédérales ou tous les dix ans. Un dénombrement coûterait aujourd’hui quelque 85 millions de dollars, d’après le coût du dernier dénombrement (71,4 millions de dollars) effectué avant la 36e élection générale en 1997 pour dresser le Registre national des électeurs, compte tenu de l’inflation.

Certains partis ont recommandé que le directeur général des élections cible davantage le processus de révision afin de s’attaquer à certaines lacunes du Registre. Le directeur général des élections préconise un dénombrement ciblé pour compléter les renseignements inscrits dans le Registre national des électeurs, et il a affirmé qu’il serait peut-être en mesure de soumettre des modifications législatives à l’examen du Comité l’automne prochain.

Une autre proposition que le Comité trouve intéressante est celle voulant qu’Élections Canada prenne des dispositions afin d’obtenir l’information recueillie par Statistique Canada lors des recensements décennaux ou quinquennaux. Un des inconvénients est que, selon la lettre que la commissaire à la vie privée a adressée au Comité le 15 juin 2006, les données du recensement pourraient ne pas inclure tous les renseignements relatifs à la citoyenneté. Elle a souligné que Statistique Canada n’avait pas demandé ces renseignements lors du recensement de 2006 dans le questionnaire abrégé, que la plupart des résidences ont reçu. Nous exhortons Élections Canada et Statistique Canada de travailler en étroite collaboration afin de combler leurs besoins respectifs.

C.Les finances électorales

Le rapport déposé par le directeur général des élections sous le titre de Parachever le cycle des réformes électorales porte sur des questions qui n’ont rien à voir avec la réforme du financement des partis politiques. Les dispositions de la Loi électorale du Canada ayant trait au financement des partis et au financement électoral ont été considérablement modifiées par le projet de loi C–24, entré en vigueur le 1er janvier 2004 (L.C. (2003), ch. 19). L’article 536.1 du projet de loi se lisait comme suit :

Après la présentation à la Chambre des communes du rapport prévu par l’article 535 pour l’élection générale suivant l’entrée en vigueur du présent article, le comité de cette chambre saisi du rapport examine, en plus de celui-ci, l’effet des dispositions de la présente loi concernant le financement politique qui sont entrées en vigueur à la même date que le présent article.

Le directeur général des élections a fait savoir qu’il déposera un rapport sur les dispositions de la Loi électorale du Canada sur le financement électoral. Le Comité attend ce rapport. Plusieurs propositions des membres du Comité et des partis ont trait à ces dispositions de la Loi :

  • Cotisations des membres et crédits fiscaux
  • Reçus aux fins de l’impôt pour les contributions préélectorales
  • Âge minimum pour verser des contributions à des partis politiques
  • Exclusion de certains services considérés comme des contributions
  • Limites des fonds consacrés à la campagne au leadership
  • Transfert des dettes des candidats
  • Élimination du seuil de l’allocation trimestrielle des partis.

Nous estimons que ces questions devraient plutôt être analysées dans le cadre général des problèmes associés aux finances électorales. Nous avons l’intention d’y revenir lorsque nous aurons reçu le rapport du directeur général des élections.

Comme nous l’avons indiqué au début, les membres du Comité estiment que la Loi électorale du Canada doit faire l’objet d’un examen plus poussé, et ils ont l’intention d’entreprendre cet examen dès que possible.