STER Rapport du Comité
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CHAPITRE DEUX :
INFRACTIONS LIÉES AU TERRORISME
CONTEXTE
On abordera les nouvelles infractions de terrorisme qui ont été intégrées au Code criminel par le Parlement en 2001, avec l’adoption de la Loi antiterroriste. On traitera en particulier de certaines des infractions ainsi créées et de l’éventail des peines prévues à leur égard.
L’article 4 de la Loi antiterroriste ajoute au Code une partie II.1 intitulée « Terrorisme » et comprenant les articles 83.01 à 83.33. Les infractions de terrorisme se trouvent aux articles 83.02 à 83.04 et 83.18 à 83.23. Pour bien saisir la nature de ces nouvelles infractions, il importe de bien comprendre les définitions des deux expressions « activité terroriste » et « groupe terroriste », la première étant la plus controversée.
La notion d’« activité terroriste » fait l’objet d’une définition en deux parties figurant au paragraphe 83.01(1) du Code. La première se trouve à l’alinéa 83.01(1)a) aux termes duquel une activité terroriste est toute action ou omission, commise ou menacée d’être commise au Canada ou à l’étranger, qui constitue une infraction de terrorisme aux termes des dix conventions internationales antiterrorisme signées par le Canada.
La seconde définition d’« activité terroriste », plus générale, se trouve à l’alinéa 83.01(1)b). Il s’agit d’une action ou d’une omission commise au Canada ou à l’étranger, au nom, exclusivement ou non, d’un but, d’un objectif ou d’une cause à caractère politique, religieux ou idéologique. Cette action ou omission doit avoir été commise exclusivement ou partiellement pour intimider l’ensemble de la population ou une partie de la population quant à sa sécurité, ou pour contraindre une personne, un gouvernement ou une organisation nationale ou internationale à accomplir un acte ou à s’en abstenir. En outre, cette action ou omission doit intentionnellement causer des blessures graves à une personne ou la mort de celle-ci par l’usage de la violence, mettre en danger la vie d’une personne, compromettre gravement la santé ou la sécurité de personnes, causer des dommages matériels considérables ou perturber gravement, voire paralyser, des installations, services ou systèmes essentiels. Pour plus de certitude, la définition et le paragraphe 83.01(1.1) du Code contiennent des exceptions qui excluent certains actes de la portée de la définition, à savoir les actes commis au cours d’un conflit armé et conformes au droit international; les actes commis dans le cadre de revendications, de protestations ou de manifestations d’un désaccord ou d’un arrêt de travail; de même que les actes liés à l’expression de convictions d’ordre religieux, politique ou idéologique.
La définition de « groupe terroriste » aux fins de la partie II.1 du Code criminel est énoncée au paragraphe 83.01(1). Est considérée comme un groupe terroriste toute entité dont l’un des objets ou l’une des activités consiste à exécuter des activités terroristes ou à en faciliter l’exécution ou une « entité inscrite » aux termes de l’article 83.05.
Il s’agit là d’un survol général seulement des infractions de terrorisme qui ont été ajoutées au Code criminel par la Loi antiterroriste. On entrera dans les détails plus loin dans le présent chapitre où le Sous-comité présente ses observations et ses recommandations.
Aux termes de l’article 83.02 du Code, un acte criminel passible d’une peine d’emprisonnement d’au plus dix ans est le fait de réunir ou de fournir des biens qui serviront à des activités terroristes ou certaines autres activités. L’article 83.03 stipule que le fait de réunir des biens ou de fournir des biens ou des services financiers ou des services connexes dans l’intention de les voir utilisés pour une activité terroriste ou en sachant qu’ils seront utilisés par un groupe terroriste ou qu’un groupe terroriste en bénéficiera, constitue un acte criminel passible d’un emprisonnement d’au plus dix ans. L’article 83.04 fait de l’usage ou de la possession de biens pour une activité terroriste, directement ou indirectement, un acte criminel punissable par une peine d’emprisonnement d’au plus dix ans.
Les articles 83.18 à 83.23 portent sur la participation à des activités terroristes, sur le fait de faciliter des activités terroristes ou de fournir de quelque manière que ce soit des instructions ou de la formation relativement à des activités terroristes, ainsi que sur le fait d’abriter des terroristes. Certaines de ces infractions concernent les rapports avec des groupes terroristes et d’autres concernent les activités terroristes.
L’article 83.18 fait de la participation aux activités d’un groupe terroriste un acte criminel passible d’un emprisonnement d’au plus dix ans. Aux termes de l’article 83.19, le fait de faciliter une activité terroriste est un acte criminel passible d’un emprisonnement d’au plus quatorze ans.
Aux termes de l’article 83.2 du Code, un acte criminel est passible d’un emprisonnement à perpétuité lorsqu’il est commis sous la direction ou au profit d’un groupe terroriste ou en association avec lui. Aux termes de l’article 83.21, quiconque charge une personne de se livrer directement ou indirectement à une activité au profit d’un groupe terroriste commet un acte criminel passible d’un emprisonnement à perpétuité. Aux termes de l’article 83.22, quiconque charge, directement ou non, une personne de se livrer à une activité terroriste commet un acte criminel passible d’emprisonnement à vie. Le fait d’héberger une personne qui se livre à des activités terroristes est un acte criminel passible d’une peine d’emprisonnement d’au plus 10 ans.
Enfin, aux termes de l’article 83.26, abstraction faite d’une peine d’emprisonnement à perpétuité, les peines infligées pour une infraction de terrorisme sont purgées consécutivement à toute autre peine.
Les poursuites engagées en vertu de la partie du Code criminel portant sur les infractions de terrorisme doivent avoir l’aval du procureur général du Canada, ou du procureur général ou solliciteur général de la province où l’acte terroriste allégué aurait été commis.
L’article 9 de la Loi antiterroriste modifie l’article 231 du Code criminel. Il crée une nouvelle infraction de meurtre au premier degré pour tout homicide résultant de la perpétration ou tentative de perpétration d’une infraction de terrorisme. Le meurtre au premier degré est punissable par une peine minimale d’emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle avant vingt-cinq ans. Le projet de loi C-24, au sujet des organisations criminelles, adopté par le Parlement en 2001, contenait une disposition analogue au sujet des homicides associés à des mesures d’intimidation de participants au système de justice.
Les articles 20 et 21 de la Loi antiterroriste portent sur la détermination de la peine des personnes reconnues coupables d’infractions de terrorisme. L’article 20 a modifié l’article 718.2 du Code criminel de manière que les juges soient tenus de considérer la participation à une infraction de terrorisme comme une circonstance aggravante dans la détermination de la peine d’un condamné.
L’article 21 de la Loi a modifié l’article 743.6 du Code criminel de telle sorte que, lorsqu’une personne a été condamnée à une peine d’emprisonnement de plus de deux ans pour une infraction de terrorisme, le juge soit tenu de fixer la période d’inadmissibilité à la libération conditionnelle à la moitié de la peine jusqu’à concurrence de dix ans. La période normale de non-admissibilité à la libération conditionnelle est le tiers de la peine jusqu’à concurrence de sept ans. Le Code permettait déjà au tribunal de porter la période de non-admissibilité à la libération conditionnelle à la moitié de la peine jusqu’à concurrence de dix ans, dans le cas de certaines infractions désignées ayant causé un préjudice personnel ou liées à des organisations criminelles. Le projet de loi C-24 contenait une disposition exigeant du tribunal qu’il rallonge la période de non-admissibilité à la libération conditionnelle pour trois nouvelles infractions relatives au crime organisé.
Il n’y a eu jusqu’à présent au Canada que deux cas de poursuites pour des infractions de terrorisme prévues dans la Loi antiterroriste. Un résident d’Ottawa, Mohammad Momin Khawaja, a été inculpé en mars 2004. Cette affaire, visée par un interdit de publication, est encore devant les tribunaux (un juge de première instance s’est prononcé sur les éléments de l’accusation – on en parlera plus loin dans le présent chapitre). En juin et en août 2006, 18 hommes de la région de Toronto ont été inculpés pour infraction de terrorisme aux termes du Code criminel. Ces affaires, elles aussi assujetties à un interdit de publication, sont encore en instance.
SUJETS DE PRÉOCCUPATION
La définition d’« activité terroriste »
Les mémoires et présentations, dont a été saisi le Sous-comité à ce sujet, concernaient largement la définition de l’expression « activité terroriste » dans le Code. On constate, à la lecture de la définition elle-même, et même du résumé qu’on en a fait plus haut, qu’il s’agit d’une définition complexe qui n’est pas facile à saisir, même avec une lecture attentive. La définition est très vaste. Il ne faut pas se surprendre, cependant, que le Parlement ait adopté une définition comportant un tel degré de complexité et de souplesse. En effet, le phénomène qu’on tente de décrire aux fins du droit pénal, c’est-à-dire l’activité terroriste au début du XXIe siècle, connaît de nombreux avatars. De plus, de nos jours, la lutte contre le terrorisme exige souvent, pour être bien menée, des mesures préventives ou préemptives afin de contrecarrer les plans des terroristes bien avant qu’ils n’en soient au stade de la réalisation. C’est dans ce contexte que le Parlement a adopté la définition d’activité terroriste qui figure maintenant au paragraphe 83.01(1) du Code criminel.
Le Sous-comité a étudié d’autres définitions d’activité terroriste qui lui ont été proposées dans des mémoires et des présentations. Il a examiné en particulier celle qui figure dans la Convention internationale sur la répression du financement du terrorisme des Nations Unies. Il l’a trouvée trop étroite celle-ci étant, à titre d’exemple, trop axée sur les activités associées uniquement à des actes de violence graves. Le Sous-comité préfère la définition adoptée par le Parlement en 2001.
L’autre question sur laquelle s’est penché le Sous-comité est celle de la motivation politique, religieuse ou idéologique des activités terroristes. En Grande-Bretagne et en Australie, les lois antiterroristes contiennent elles aussi l’exigence d’un motif de cet ordre. Or, le Sous-comité a été saisi de préoccupations au sujet des répercussions de cet élément de la définition sur certains groupes ethnoculturels, en particulier sur les collectivités arabe et musulmane. On attribue ces répercussions au profilage racial auquel se livrent les organes de police et de renseignement, en partie à cause l’obligation de faire enquête pour établir les motifs d’ordre politique, religieux ou idéologique qui sous-tendent par définition l’activité terroriste. Les membres de ces minorités se sentent injustement ciblés et par conséquent marginalisés.
Quand on les a interrogés au sujet du profilage racial et religieux, les services de police et de renseignement ont nié s’y livrer, affirmant qu’il n’est d’aucune utilité dans leurs enquêtes et leurs évaluations de renseignement. Le commissaire de la Gendarmerie royale du Canada de l’époque, M. Giuliano Zaccardelli, a dit au prédécesseur du Sous-comité le 1er juin 2005 que la GRC ne fait pas de profilage racial, mais fait en revanche du profilage de criminels.
À cause des répercussions de la prise en considération du motif dans la définition d’activité terroriste, certains ont proposé dans leur mémoire que cet aspect de la définition soit supprimé. C’est ce qu’ont recommandé notamment Amnistie Internationale, le B’nai Brith Canada et, dans un mémoire conjoint, la Fédération canado-arabe et le Canadian Council on Islamic-American Relations, ainsi que la Canadian Muslim Lawyers Association.
L’ancien commissaire de la GRC, M. Zaccardelli, a expliqué que la question du motif empêche les organismes d’application de la loi de s’en prendre à certaines personnes et que cela constitue en fait une mesure de protection garantie par la loi. Quand il a comparu devant le Sous-comité en juin 2006, le ministre de la Justice de l’époque, Vic Toews, a abondé dans le même sens, en disant que la suppression de l’élément motif de la définition d’activité terroriste faciliterait sans doute le travail des enquêteurs et des procureurs sur le plan de la nature des preuves à produire pour obtenir une condamnation.
Dans une décision rendue le 24 octobre 2006 dans l’affaire R. c. Khawaja1, le juge Rutherford de la Cour supérieure de l’Ontario a invalidé la partie de la définition d’« activité terroriste » portant sur le motif parce qu’elle contrevient aux libertés de religion, d’expression et d’association de la Charte. De tous les éléments de la contestation de la constitutionnalité des accusations au pénal portées contre M. Khawaja en vue de les faire rejeter, c’est le seul qui a été agréé. L’ironie c’est que l’État a maintenant un élément de preuve de moins à établir hors de tout doute raisonnable. Certainement surpris par l’issue de la contestation judiciaire, l’accusé a demandé à la Cour suprême du Canada l’autorisation d’en appeler de la décision du juge de première instance, ce qui retarde d’autant plus le procès proprement dit.
La décision du juge dans l’affaire Khawaja montre on ne peut plus clairement ce qui arrive quand on supprime la question
du motif de la définition d’« activité terroriste ». S’il n’est
certes pas courant de devoir prouver la motivation d’un acte criminel hors de
tout doute raisonnable au Canada, et même sans précédent, et cette
particularité constitue une mesure de protection dans ce contexte. Pour ces
raisons, le Sous-comité conclut qu’il faut conserver l’élément de la définition
d’« activité terroriste » qui renvoie à des motifs d’ordre politique,
religieux ou idéologique. Il reste cependant que la question de l’étendue de ce
qu’on entend par
activité terroriste est encore devant les tribunaux et que les décisions
judiciaires qui seront rendues ultérieurement à ce sujet pourraient avoir des
conséquences sur la question.
RECOMMANDATION 1
Le Sous-comité recommande que la définition de l’expression « activité terroriste » énoncée au paragraphe 83.01(1) du Code criminel ne soit pas modifiée.
Préoccupations des groupes minoritaires
Si le Sous-comité recommande de laisser en l’état la définition d’« activité terroriste », le sujet n’est pas pour autant épuisé. Les préoccupations exprimées par les groupes minoritaires, au sujet du profilage racial et religieux par les services de police et de renseignements, doivent être prises au sérieux et le problème doit être réglé.
Les services de police et de renseignements ont pris des mesures pour répondre à ces préoccupations. Le gouvernement du Canada a établi une table ronde transculturelle sur la sécurité, qui se réunit régulièrement pour faciliter les échanges d’information sur les répercussions des impératifs de la sécurité nationale sur les collectivités ethnoculturelles du Canada.
La GRC a pris des mesures dans le cadre de la mise en œuvre du Plan d’action contre le racisme du gouvernement du Canada. Elle a adopté une politique de police sans préjugés en réponse aux allégations de profilage religieux et racial et pour assurer des services de police de haute qualité à tous les Canadiens. Cette politique comprend des activités axées sur les relations communautaires dirigées vers les minorités visibles et les autres groupes. Les membres de la GRC reçoivent de la formation tout au long de leur carrière pour les sensibiliser à la diversité culturelle de la population canadienne. On s’attend d’eux qu’ils intègrent à leurs activités régulières des interactions avec les minorités. Le Comité consultatif sur les minorités visibles du commissaire se réunit régulièrement.
Le SCRS aussi a adopté des politiques sur les questions dont nous traitons dans la présente partie du rapport. Il encourage dans ses pratiques de recrutement l’embauche de personnel de tous les groupes de la société canadienne, de manière à refléter la diversité culturelle de notre pays. Une bonne partie de ses agents de renseignements ont vécu et voyagé dans le monde entier, ce qui leur permet de mieux sentir et comprendre les différences d’ordre culturel. Dans leur travail, les enquêteurs du SCRS sont conscients des préoccupations des collectivités minoritaires et suivent des directives détaillées sur la manière de mener des enquêtes de manière respectueuse. Tous les agents de renseignements suivent une formation interculturelle. Le SCRS a un programme de relations publiques où sont affectés principalement des bénévoles qui offrent des séances d’information sur demande aux groupes communautaires. Les bureaux régionaux du SCRS offrent aussi des programmes de relations communautaires qui comportent notamment des rencontres des personnalités locales.
Ce n’est là qu’un bref aperçu de certaines des activités des organisations gouvernementales. En dépit des nombreuses mesures que celles-ci ont prises, beaucoup de dirigeants de groupes ethnoculturels et d’autres groupes continuent d’exprimer des préoccupations au sujet du profilage racial et religieux. Il importe de les prendre au sérieux. Le Sous-comité ne formule pas de recommandations sur la manière d’y répondre, mais il est certain qu’il reste encore fort à faire sur ce plan, en consultation avec les collectivités ethnoculturelles concernées.
Glorification de l’activité terroriste
La liberté d’expression, un droit fondamental garanti par la Constitution, revêt une importance primordiale pour la santé de la démocratie au Canada. Il peut arriver cependant que des personnes, apparemment peu soucieuses de vivre dans une société ouverte et pluraliste, abusent de cette liberté.
C’est ce qui s’est passé notamment dans les années 1960 quand un petit nombre de groupes racistes et néo-nazis se sont mis à distribuer de la propagande haineuse sous la forme de dépliants, de brochures et de journaux ciblant en particulier les jeunes. Le souvenir de la Seconde Guerre mondiale et de la haine que distillait le régime nazi étant encore frais dans la mémoire des Canadiens, le Parlement a modifié le Code criminel pour faire de la communication de documents incitant à la haine un acte criminel. Ces dispositions, qui se trouvent toujours aux articles 318 à 320.1 du Code, ont donné lieu à une poignée de poursuites seulement. La Cour suprême du Canada a statué qu’elles ne contrevenaient pas à la liberté d’expression en raison des mesures de protection qu’elles contiennent.
Le B’nai Brith (Canada) soulève dans son mémoire de graves préoccupations quant à la glorification des activités terroristes. Il dit craindre, entre autres l’effet pernicieux, sur les jeunes de certaines communautés, d’enseignements qui glorifient le terrorisme ou incitent au terrorisme. Il recommande que le Code criminel soit modifié de manière à faire de l’incitation au terrorisme une infraction dont se rendrait coupable quiconque fomente, glorifie ou admet le terrorisme. Le Sous-comité est d’accord avec cette recommandation en principe, mais il estime qu’elle doit être étayée comme suit.
Ce type de mesure pénale n’est pas sans précédent. La Terrorism Act, 2006 britannique prévoit une telle infraction à l’article 1. En outre, toute disposition en ce sens envisagée au Canada pourrait être modelée en partie sur les dispositions du Code criminel portant sur la propagande haineuse.
Aux termes des paragraphes 1(1) et (3) de la loi britannique précitée, le fait de faire des déclarations vraisemblablement interprétées par le public comme incitant indirectement à la commandite ou la préparation d’actes terroristes constitue une infraction. Par définition, ces déclarations comprennent tout propos qui glorifie la commandite ou la préparation d’actes terroristes courants ou passés et la glorification de ces actes en en faisant une conduite à émuler. Le terme « glorification » est défini au paragraphe 20(2) comme étant toute forme de louange ou d’éloge. Cette infraction est passible, sur condamnation, d’une peine de prison maximale de sept ans et d’une amende, ou, sur déclaration sommaire de culpabilité, d’une peine de prison d’au plus six mois et d’une amende.
Tel que déjà mentionné, le Code criminel contient des dispositions sur la propagande haineuse qui non seulement interdisent la diffusion de propos haineux, en particulier au paragraphe 319(2), mais protègent la liberté d’expression en exigeant que le procureur général de la province concernée avalise toute poursuite pour propagande haineuse. Par ailleurs, la jurisprudence fait en sorte que la poursuite doit prouver l’intention de promouvoir la haine au moyen des actes incriminés. Enfin, ces dispositions du Code prévoient des moyens de défense dont peut se prévaloir quiconque est accusé d’une des infractions liées à la propagande haineuse. Ces moyens de défense spéciaux, énoncés au paragraphe 319(3), permettent à l’accusé de faire valoir que les déclarations qu’on lui reproche sont vraies, que ses propos ont été tenus de bonne foi sur un sujet religieux ou sont fondés sur un texte religieux auquel il croit, qu’ils se rapportent à une question d’intérêt public et qu’il les croyaient vrais pour des motifs raisonnables, ou qu’il voulait de bonne foi attirer l’attention, pour qu’il y soit remédié, sur des questions qui tendent à susciter des sentiments de haine.
Les dispositions de la législation canadienne sur la propagande haineuse et celles de la législation britannique sur la glorification du terrorisme présentent des similarités quant au contexte historique dans lequel elles ont été adoptées. Dans les deux cas, elles ont été adoptées pour contrer les abus de la liberté d’expression qui visent à corrompre, sinon à carrément nier, des caractéristiques importantes de sociétés ouvertes et inclusives. Elles divergent dans la mesure où les dispositions de la loi canadienne sur la propagande haineuse visent à protéger la dignité de groupes identifiables, tandis que les dispositions britanniques sur la glorification du terrorisme visent à interdire des actes susceptibles d’entraîner la destruction d’importants segments de la société.
Le Sous-comité estime que les dispositions actuelles du Code criminel sur la propagande haineuse ne sont pas suffisantes pour traiter de la glorification du terrorisme et de l’incitation à imiter des terroristes. C’est le cas aussi des dispositions relatives aux infractions de terrorisme portant sur la participation à des activités terroristes, sur le fait de faciliter des activités terroristes ou de fournir de quelque manière que ce soit des instructions ou de la formation relativement à des activités terroristes, qui ne traitent pas des cas où les propos glorifiant le terrorisme ou incitant au terrorisme sont exprimés en public de manière générale sans encourager une personne en particulier à imiter une autre. Il s’agit là de comportements beaucoup plus diffus et moins ciblés.
Le Sous-comité estime opportun de créer une nouvelle infraction couvrant le fait de glorifier l’activité terroriste dans le but d’inciter des personnes à se livrer à des actes terroristes, à condition que les poursuites aux termes de cette nouvelle disposition aient l’aval du procureur général de la province concernée et qu’une poursuite prouve que l’inculpé avait spécifiquement l’intention de glorifier l’activité terroriste pour inciter d’autres personnes à se livrer au terrorisme, tout en offrant aux inculpés des moyens de défense analogues à ceux qui figurent dans les dispositions du Code sur la propagande haineuse.
RECOMMANDATION 2
Le Sous-comité recommande que le Code criminel soit modifié de manière à faire de la glorification d’une activité terroriste dans le but de la promouvoir une infraction, en précisant que les poursuites aux termes de cette nouvelle disposition doivent être autorisées par le procureur général de la province concernée et que la poursuite doit prouver que l’accusé avait l’intention de susciter une émulation en glorifiant l’activité terroriste, tout en offrant aux accusés des moyens de défense analogues à ceux qui sont prévus au paragraphe 319(3) du Code.
L’infraction de facilitation et les services juridiques
La profession juridique craint que les avocats chargés de la défense des personnes accusées d’infractions de terrorisme ne fassent eux-mêmes l’objet d’accusations au criminel pour avoir fourni des services juridiques à des présumés terroristes. L’Association du Barreau canadien a notamment indiqué dans son mémoire que la définition élargie de la participation ou de la contribution à une activité d’un groupe terroriste, qui figure à l’article 83.18 du Code criminel, inclut le fait de mettre des compétences ou une expertise à la disposition d’un terroriste ou d’un groupe terroriste, à son profit, ou d’offrir de le faire. Elle a expliqué que les avocats représentant les personnes accusées d’infractions de terrorisme pouvaient être perçus comme des personnes ayant mis leurs compétences ou leur expertise au service d’un groupe terroriste. L’Association a aussi souligné que le tribunal saisi de l’affaire se doit, aux termes du paragraphe 83.18 (4) du Code, de considérer la fréquentation d’un groupe terroriste comme une infraction de participation ou de facilitation. Elle craint que les avocats des personnes ou des groupes accusés d’une infraction de terrorisme ne soient eux-mêmes visés par la loi.
Compte tenu de ces observations, l’Association du Barreau canadien a recommandé que le Code criminel soit modifié de manière à ce que les avocats offrant des services juridiques aux personnes accusées d’infractions de terrorisme échappent entièrement à la portée de l’article 83.18. La Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada a aussi fait une recommandation en ce sens.
Toute personne reconnue coupable d’une infraction criminelle doit faire face à de graves conséquences, la pire étant la privation de liberté pour une durée déterminée ou indéterminée. Les accusations pour infractions de terrorisme sont graves, évidemment, mais d’après le peu que nous avons appris à leur sujet au Canada, elles soulèvent des questions juridiques complexes, notamment en ce qui a trait à la procédure et à la divulgation. Il est donc essentiel que les personnes visées par de telles accusations puissent recourir à des conseillers juridiques pour avoir droit à un procès juste ainsi qu’une réponse et une défense complètes. Suivant le principe de primauté du droit, le représentant d’un accusé doit pouvoir exercer ses fonctions sans crainte de conséquences, conformément aux codes de déontologie régissant la profession juridique.
Le Sous-comité souscrit aux observations rapportées dans le paragraphe précédent et est d’accord avec les raisons invoquées à l’appui de la recommandation faite par l’Association du Barreau canadien et la Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada.
RECOMMANDATION 3
Le Sous-comité recommande que le paragraphe 83.18 du Code criminel soit modifié de manière à ce que les avocats offrant des services juridiques à des personnes accusées d’infractions de terrorisme puissent représenter convenablement leurs clients sans crainte de se voir accuser eux-mêmes d’infractions de terrorisme.
AUTRES MODIFICATIONS RECOMMANDÉES
Renvois au gouvernement
Le Sous-comité remarque que certaines des dispositions modifiées ou instituées par la Loi antiterroriste mentionnent les gouvernements du Canada d’une manière qui manque d’uniformité. On emploie parfois l’expression « le gouvernement du Canada ou d’une province » comme aux paragraphes 7(3.71), (3.72), (3.73) et (3.75) du Code criminel qui traite des actes ou omissions commis avec l’intention de contraindre le gouvernement du Canada ou d’une province à accomplir un acte quelconque ou à s’en abstenir. On trouve une mention similaire aux alinéas 3(1)e) et f) de la Loi sur la protection de l’information qui porte sur les desseins préjudiciables à la sécurité ou aux intérêts de l’État, et précisément sur le fait de mettre en danger une personne ou d’endommager des biens en raison des relations d’affaires que la personne ou le propriétaire des biens entretient avec « le gouvernement fédéral ou un gouvernement provincial ». Qui plus est, à l’alinéa 3(1)d) de la même disposition, la Loi parle de façon plus générale d’actes qui nuisent gravement au bon fonctionnement « d’un gouvernement au Canada ».
Le Sous-comité estime que les termes « le gouvernement du Canada ou d’une province » employés dans la Loi antiterroriste ont une portée étroite qui fait abstraction des autres formes de gouvernement, à savoir les gouvernements territoriaux et municipaux, y compris les administrations régionales et urbaines. À moins qu’on ait des raisons d’exclure certains types de gouvernement, ou si le contexte dicte une autre conduite, le Sous-comité recommande que là où l’expression de sens étroit signifie un gouvernement au Canada, elle soit remplacée par les mots « un gouvernement au Canada ». Cette modification n’est pas nécessaire là où la Loi antiterroriste renvoie de façon encore plus générale à « un gouvernement », comme à la division b)(i)(B) de la définition d’activité terroriste figurant à l’article 83.01 du Code criminel, puisque cette expression englobe tout gouvernement au Canada de même que les gouvernements étrangers.
RECOMMANDATION 4
Le Sous-comité recommande que, à moins que le contexte ne dicte une autre conduite, les mots « le gouvernement du Canada ou d’une province » et « le gouvernement fédéral ou un gouvernement provincial » soient remplacés par les mots « un gouvernement au Canada » dans toutes les dispositions modifiées ou instituées par la Loi antiterroriste.
Renvoi à une personne
La Loi antiterroriste a ajouté la définition suivante du terme « entité » à l’article 83.01 du Code criminel : « personne, groupe, fiducie, société de personnes ou fonds, ou organisation ou association non dotée de la personnalité morale ». Cependant, la définition d’activité terroriste renvoie seulement à l’intention « de contraindre une personne, un gouvernement ou une organisation nationale ou internationale à accomplir un acte ou à s’en abstenir ». Le Sous-comité estime qu’il faut remplacer le mot « personne » par le terme plus vaste « entité » de façon que la définition d’activité terroriste englobe clairement les actes destinés à influencer d’autres types d’entités.
RECOMMANDATION 5
Le Sous-comité recommande que les mots « une personne » soient remplacés par les mots « une entité » et les mots « la personne » par les mots « l’entité » à la division b)(i)(B) de la définition d’activité terroriste figurant à l’article 83.01 du Code criminel.
Définition d’« infraction de terrorisme »
Outre la définition du terme « activité terroriste » figurant à l’article 83.01 du Code criminel, la Loi antiterroriste a ajouté une définition du terme « infraction de terrorisme » à l’article 2, lequel englobe, suivant l’alinéa c), un « acte criminel visé par la présente loi ou par une autre loi fédérale et dont l’élément matériel-acte ou omission-constitue également une activité terroriste ». Le Sous-comité se demande pourquoi une activité terroriste ne constitue pas en soi une infraction de terrorisme, que l’acte incriminé constitue ou non un autre acte criminel.
Nous trouvons par exemple curieux qu’il soit possible de procéder à une arrestation sans mandat aux termes de l’article 83.3 du Code criminel pour empêcher l’exécution d’une « activité terroriste », mais que l’activité terroriste ne constitue pas en soi une infraction à moins qu’elle soit liée à la perpétration d’un autre acte criminel. Une autre chose qui nous paraît curieuse, c’est que la facilitation d’une activité terroriste est considérée comme une infraction aux termes du Code criminel, mais que l’engagement dans une activité terroriste n’en est pas nécessairement une, de la façon dont le Code est actuellement formulé. Les Canadiens seraient très étonnés d’apprendre, croyons-nous, que la perpétration d’un acte terroriste pourrait ne pas constituer nécessairement une infraction de terrorisme. La Loi antiterroriste ayant pour objectif de prévenir et de punir les actes terroristes en général, nous estimons que toute activité terroriste doit nécessairement constituer une infraction de terrorisme. Cela permettrait par ailleurs la tenue d’audiences d’investigation, qui sont possibles uniquement aux termes de l’article 83.28 en rapport avec une « infraction de terrorisme », à l’égard d’un plus large éventail d’actes terroristes. Autrement dit, toute modification qui assimilerait une infraction de terrorisme à une activité terroriste permettrait d’assujettir toutes les activités terroristes à certaines mesures de prévention.
En conséquence, il faudrait remplacer l’alinéa c) de la définition d’« infraction de terrorisme » figurant dans le Code criminel par les termes « une activité terroriste ». Il faudrait procéder à une modification analogue de la définition d’infraction de terrorisme figurant au paragraphe 2(1) de la Loi sur la défense nationale2. Le Sous-comité ne croit pas qu’en élargissant ainsi le sens du terme « infraction de terrorisme » on augmentera indûment le nombre de personnes ciblées par la Loi antiterroriste, puisque l’activité terroriste est par définition limitée aux infractions à certaines conventions des Nations Unies, ou un acte ou une omission intentionnel qui, associé au motif requis, cause certains préjudices très graves.
RECOMMANDATION 6
Le Sous-comité recommande que les termes « acte criminel visé par la présente loi ou par une autre loi fédérale et dont l’élément matériel – acte ou omission – constitue également » soient supprimés de l’alinéa c) de la définition d’« infraction de terrorisme » à l’article 2 du Code criminel.
RECOMMANDATION 7
Le Sous-comité
recommande que les mots « infraction visée par la présente loi, passible d’un
emprisonnement maximal de cinq ans ou plus, ou par l’article 130 de cette
loi – constituant un acte criminel visé au Code criminel ou
par une
autre loi fédérale – et dont l’élément matériel – acte ou
omission – constitue également » soient supprimés de l’alinéa c)
de la définition d’« infraction de terrorisme » figurant au
paragraphe 2(1) de la Loi sur la défense nationale.
Participer à une activité terroriste ou la faciliter
Aux termes des alinéas 83.18(3)c) et e) du Code criminel, le fait de participer à une activité terroriste ou d’y contribuer comprend le fait de recruter une personne ou d’être soi-même disponible pour faciliter ou commettre « une infraction de terrorisme » ou « un acte à l’étranger qui, s’il était commis au Canada, constituerait une telle infraction ». Pour des raisons analogues à celles qu’il a invoquées plus haut, le Sous-comité estime que le terme « infraction de terrorisme » est trop étroit dans le contexte et devrait être remplacé par le terme « activité terroriste ». Nous remarquons aussi que les paragraphes 83.18(1) et (2) traitent de manière plus générale du fait de se livrer à une « activité terroriste » ou de la faciliter. Les mots « de faciliter ou de commettre une infraction de terrorisme » figurant aux alinéas (3)c) et e) devraient donc être remplacés par les mots « de se livrer à une activité terroriste ou de la faciliter ». Comme une activité terroriste inclut déjà par définition des actes ou omissions commis à l’étranger, les mots « ou un acte à l’étranger qui, s’il était commis au Canada, constituerait une telle infraction » peuvent aussi être carrément supprimés.
RECOMMANDATION 8
Le Sous-comité recommande que les mots « de commettre une infraction de terrorisme ou un acte à l’étranger qui, s’il était commis au Canada, constituerait une telle infraction » figurant à l’alinéa 83.18(3)c) du Code criminel soient supprimés et remplacés par les mots « de se livrer à une activité terroriste » et que les mots « commettre une infraction de terrorisme ou un acte à l’étranger qui, s’il était commis au Canada, constituerait une telle infraction » figurant à l’alinéa 83.18(3)e) du Code soient supprimés et remplacés par les mots « se livrer à une activité terroriste ».
Donner des instructions
Aux termes des paragraphes 83.21(1) et 83.22(1) du Code criminel, le fait de charger une personne d’effectuer une activité au profit d’un groupe terroriste ou de se livrer à une activité terroriste constitue une infraction. Cependant, contrairement à l’infraction prévue à l’article 83.18, ces dispositions ne font pas une infraction du fait de charger quelqu’un de faciliter une activité terroriste. Comme le fait de se livrer à une activité terroriste et le fait de faciliter une activité terroriste sont interdits ailleurs, le Sous-comité estime que le fait de charger une personne de faciliter une activité terroriste ou une activité pour le compte d’un groupe terroriste devrait aussi constituer une infraction.
RECOMMANDATION 9
Le Sous-comité recommande que les mots « ou de faciliter une telle activité » soient insérés après les mots « ou en association avec lui » au paragraphe 83.21(1) du Code criminel et après les mots « de se livrer à une activité terroriste » au paragraphe 83.22(1) du Code criminel.
Le Sous-comité note en outre que, dans la version anglaise, les articles 83.21 et 83.22 commencent par les mots « Every person who », alors que les articles 83.18, 83.19, 83.2 et 83.23 commencent par les mots « Every one who ». Il y a là un manque d’uniformité qu’il importe de corriger.
RECOMMANDATION 10
Le Sous-comité recommande que, aux paragraphes 83.21(1) et 83.22(1) de la version anglaise du Code criminel, les mots « Every person » soient remplacés par les mots « Every one ».
Enfin, le Sous-comité estime que le fait de charger une « entité », dont la définition inclut une personne, et non seulement une « personne » de faciliter une activité terroriste ou de se livrer à une activité terroriste, ou de faciliter une activité ou de se livrer à une activité pour le compte d’un groupe terroriste, devrait constituer une infraction. Comme mentionné précédemment, le mot « entité » est plus vaste et désigne aussi un groupe, une société de personnes, une organisation ou une association, qui peuvent tous être chargés de faire quelque chose, même si personne en particulier n’est chargé de se livrer à l’activité en question ou se livre à l’activité en question. Nous proposons donc de remplacer le mot « personne » par le mot « entité » dans les articles 83.21 et 83.22 à moins que le contexte ne dicte autre chose. Par exemple, les alinéas 2b) de ces articles doivent continuer de porter qu’il y a infraction, que l’accusé ait ou non chargé une « personne » en particulier de se livrer à l’activité incriminée, comme le dicte le contexte.
Le Sous-comité s’est demandé s’il fallait substituer le mot « entité » au mot « personne » dans les diverses dispositions de l’article 83.18, qui fait mention du fait de « recruter une personne » et d’« une personne faisant partie du groupe terroriste ». Le contexte montre en fait que l’emploi du mot « personne » n’est pas sous-inclusif puisqu’il faut nécessairement qu’au moins une personne ait été recrutée ou fasse partie du groupe terroriste.
RECOMMANDATION 11
Le Sous-comité recommande que les mots « une personne » soient remplacés par les mots « une entité » aux paragraphes 83.21(1) et 83.22(1) du Code criminel et que les mots « la personne » soient remplacés par les mots « l’entité » aux alinéas 83.21(2)c) et d) et 83.22(2)c) et d) du Code.
Héberger ou cacher
La Loi antiterroriste a créé une nouvelle infraction pour le fait d’héberger ou de cacher une personne qui s’est livrée à une activité terroriste ou va vraisemblablement se livrer à une activité terroriste. Dans l’un cas ou l’autre, selon la version actuelle de la disposition, le fait de cacher ou d’héberger une telle personne ne constitue une infraction que si c’est dans le but de permettre à cette personne de se livrer à une activité terroriste ou de la faciliter. Le Sous-comité estime cependant que le fait d’héberger ou de cacher une personne qui s’est déjà livrée à une activité terroriste devrait en soi constituer une infraction, que la personne ainsi hébergée ou cachée ait l’intention ou non de se livrer à d’autres activités terroristes. Autrement dit, l’élément « objet » ne devrait s’appliquer qu’à une personne accusée d’héberger ou de cacher une personne susceptible de se livrer éventuellement à une activité terroriste. En ce qui concerne la question d’un événement futur éventuel dont l’accusé ne peut pas être certain qu’il se produira, nous pensons que le libellé de l’article 83.23 ne devrait peut-être pas parler d’une personne dont l’accusé « sait », mais plutôt « dont il a des raisons de penser et pense effectivement » qu’elle est susceptible de se livrer à une activité terroriste, mais nous ne formulons pas de recommandation en ce sens.
Le Sous-comité ne croit pas que le fait de supprimer la mention d’un motif relativement à des activités terroristes passées risque d’élargir indûment la portée de la disposition, car l’accusé doit sciemment héberger ou cacher une personne et savoir qu’elle s’est déjà livrée à des activités terroristes. Nous notons par ailleurs qu’une disposition similaire figurant à l’article 54 du Code criminel, lequel porte sur le fait d’héberger ou de cacher un déserteur ou un absent sans permission des Forces canadiennes, ne contient pas d’élément limitatif sous la forme d’un objet. Nous pensons aussi que le risque d’un élargissement indu de l’infraction prévue à l’article 83.23 peut être atténué en partie par la substitution du mot « recèle » au mot « héberge » dans la version française. Le mot « héberger » peut signifier simplement accueillir ou loger, tandis que le mot « receler » correspond davantage au mot anglais « harbour ». Cette modification de l’article 83.23 du Code criminel rapprocherait celui-ci de la terminologie utilisée à l’article 54.
RECOMMANDATION 12
Le Sous-comité recommande que l’article 83.23 du Code criminel soit remplacé par ce qui suit :
« Est coupable d’un acte criminel passible d’un emprisonnement maximal de dix ans quiconque recèle ou cache sciemment une personne dont il sait s’est livrée à une activité terroriste ou une personne dont il sait est susceptible de le faire et qu’il recèle ou cache afin de lui permettre de se livrer à une activité terroriste ou de la faciliter ».
Peine pour participation à une activité terroriste
L’article 83.18 du Code criminel fixe la peine dont est passible quiconque participe sciemment à une activité d’un groupe terroriste. L’article 83.19 fixe celle qui frappe quiconque facilite sciemment une activité terroriste. En revanche, il n’y a pas de peine prévue pour la participation à une activité terroriste, ce qui n’est pas la même chose que de participer à une activité d’un groupe terroriste et a des conséquences différentes pour d’autres objets du Code criminel (par exemple l’inscription d’une entité aux termes de l’article 83.05). Le Sous-comité estime qu’il doit exister une peine pour participation à une activité terroriste et que celle-ci doit aller jusqu’à l’emprisonnement à perpétuité.
RECOMMANDATION 13
Le Sous-comité recommande que le Code criminel soit modifié de manière que quiconque participe sciemment à une activité terroriste soit coupable d’un acte criminel passible d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à la réclusion à perpétuité.
Peine pour perpétration d’une infraction pour le compte d’un groupe terroriste
Aux termes de l’article 83.2 du Code criminel, quiconque commet un acte criminel au profit ou sous la direction d’un groupe terroriste, ou en association avec le groupe, est passible d’un emprisonnement à perpétuité. L’article 83.26 porte que certaines peines doivent être purgées consécutivement aux autres peines imposées pour des infractions associées aux mêmes faits, mais il ne nous apparaît pas évident en l’occurrence que la peine prévue à l’article 83.2 s’ajoute à la peine qui sanctionne l’acte criminel sous-jacent. Nous pensons qu’une modification est nécessaire pour supprimer toute ambiguïté.
RECOMMANDATION 14
Le Sous-comité recommande que les mots « s’ajoutant à toute peine imposée à l’égard de l’acte criminel originel » soient ajoutés à l’article 83.2 du Code criminel entre les mots « perpétuité » et « quiconque ».
Lieu où sont engagées les poursuites
La Loi antiterroriste a promulgué l’article 83.25 du Code criminel, lequel autorise le procureur général du Canada à engager des poursuites n’importe où au Canada contre une personne accusée d’une infraction de terrorisme, que l’inculpé soit présent au Canada ou non, que des poursuites aient été engagées antérieurement ou non ailleurs au Canada et quel que soit l’endroit où l’infraction a été commise. Le Sous-comité comprend que, pour traduire en justice un terroriste présumé, on doit pouvoir mener un procès au Canada si l’inculpé ne réside pas ici ou si l’infraction a été commise à l’étranger. Nous comprenons aussi que, même lorsque l’accusé réside au Canada, il peut se trouver des raisons légitimes de choisir une province ou un territoire plutôt qu’un autre ou de déplacer le procès d’un endroit à un autre. Le cas peut se présenter par exemple si l’on apprend l’existence de liens plus étroits entre l’infraction, les coaccusés ou les témoins et une autre circonscription territoriale, ou si le procès est à ce point complexe qu’il doive se tenir dans une ville disposant d’installations judiciaires spéciales pouvant accueillir un grand nombre de personnes, offrir des services d’interprétation ou répondre à des besoins particuliers en matière de sécurité.
Le Sous-comité n’a pas de grande inquiétude au sujet de la possibilité donnée au procureur général de choisir la section judiciaire appropriée où entamer des poursuites contre une personne qui ne se trouve pas au Canada, encore que nous pensions que cela devrait être là où l’inculpé réside normalement au Canada, le cas échéant, ou là où l’infraction a été commise, si elle a été commise au Canada. Nous croyons aussi que si la personne se trouve déjà au Canada, les règles habituelles pour le choix de l’endroit du procès devraient presque toujours s’appliquer. Par conséquent, le Sous-comité estime que l’article 83.25 est trop vaste. Il confère au procureur général une trop grande latitude dans la mesure où on n’y précise pas les raisons acceptables ou les facteurs à prendre en considération pour choisir un lieu en particulier ou changer de lieu. Il ne s’agit pas d’une décision sans conséquence, car le changement du lieu d’un procès peut avoir des conséquences fâcheuses sur l’inculpé s’il réside dans un endroit différent ou s’il avait déjà retenu les services d’un avocat dans cet endroit. En conséquence, nous estimons que, pour tenir un procès dans une circonscription territoriale autre que celle qui aurait dû être choisie suivant les règles de procédure criminelle habituelles, ou pour le déplacer quand il a été amorcé ailleurs au Canada, le procureur général devrait être tenu de soumettre une demande en ce sens à un tribunal en précisant les raisons qui motivent sa demande. Le tribunal fonderait sa décision d’accepter ou non la demande sur les motifs invoqués et les conséquences pour l’inculpé.
RECOMMANDATION 15
Le Sous-comité recommande que l’article 83.25 du Code criminel soit modifié de manière que le procureur général du Canada soit tenu de déposer une requête pour amorcer un procès dans une circonscription territoriale autre que celle qui serait normalement choisie, ou pour le poursuivre dans une autre circonscription territoriale quand il a été amorcé ailleurs au Canada. La modification doit énoncer les motifs acceptables d’avoir choisi un autre lieu et les facteurs dont le tribunal doit tenir compte.