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HESA Rapport du Comité

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Opinion supplémentaire du NPD à l’examen du Comité permanent de la santé portant sur le Plan décennal pour consolider les soins de santé, juin 2008, par
Judy Wasylycia-Leis, députée

À titre d’élément moteur du régime de santé public du Canada, le NPD a toujours préconisé, depuis ses débuts, un régime de santé public exhaustif, universel et sans but lucratif où l’accès aux services serait basé sur les besoins et non sur le portefeuille. À l’instar des Canadiens ordinaires, nous sommes fiers de ce que nous avons accompli ensemble jusqu’à maintenant et sommes résolus à conserver et à améliorer nos acquis. Nous en sommes aujourd’hui à ce que Tommy Douglas, fondateur de l’assurance-maladie, appelait la « deuxième étape » du régime de santé public : l’élargir de façon à y inclure d’autres éléments essentiels, comme les soins à domicile, la couverture des médicaments, les soins à long terme et les soins dentaires, et le remanier de fond en comble pour optimiser la prestation des soins primaires et des programmes de prévention des maladies. 

Le Plan décennal de 2004 et l’Accord de 2003 des premiers ministres sur le renouvellement des soins de santé, qui l’a engendré, sont arrivés à point nommé. Les Canadiens accordaient la plus haute importance au régime de santé, qui, victime de sous-financement et de négligence, n’a pu que s’éroder. La menace de la privatisation grandissait et, vu l’absence d’opposition de la part du gouvernement fédéral, elle est subrepticement devenue une réalité : des cliniques à but lucratif sont apparues ici et là dans plusieurs provinces, entraînant avec elles un cortège de frais supplémentaires. L’Alberta et d’autres provinces s’en sont prises à la Loi canadienne sur la santé, et les compressions budgétaires unilatérales des libéraux, en 1995 – les plus fortes compressions jamais imposées à notre budget de santé – ont entraîné la diminution des services et la pénurie de main-d’œuvre ayant à leur tour augmenté les temps d’attente pour les procédures médicales. 

La Commission Romanow venait juste de déposer son rapport sur son étude approfondie de deux ans sur l’avenir des soins de santé. Sans l’aval du gouvernement, on a craint que cette vaste entreprise nationale visant à élaborer un plan directeur pour sauver l’assurance-maladie reste vaine. On s’attendait à ce que le gouvernement y réponde consciencieusement.

Le Plan décennal se voulait une invitation au renouvellement. Il y engageait de nouveau les gouvernements de tous les niveaux à respecter les principes de la Loi canadienne sur la santé et à apporter des améliorations stratégiques à dix domaines clés en vue de consolider les soins de santé. Dans la mesure où ses objectifs coïncidaient avec notre vision d’un régime de santé public élargi et rajeuni, nous avons salué l’arrivée du Plan décennal.

Le Plan décennal a-t-il tenu ses promesses? À peine, si l’on en croit le Conseil de la santé du Canada, organe chargé de surveiller les progrès du Plan. En effet, le Conseil de la santé a déclaré au Comité que « les accords avaient des buts louables, incontournables et ambitieux, mais ont-ils eu, à l'échelle nationale, le large impact que souhaitaient les gouvernants? En bref, il nous reste du chemin à faire ». Qu’est-ce qui ne va pas et que pouvons-nous faire pour améliorer les domaines les plus critiques?

Stratégie nationale relative aux produits pharmaceutiques (SNPP)

Vu le recours croissant à la pharmacothérapie, devenue le principal facteur de coût dans les soins de santé, appliquer le coût des médicaments au régime de santé public se veut aujourd’hui une priorité pour le NPD. La Stratégie nationale relative aux produits pharmaceutiques (SNPP), qui fait partie du Plan décennal, propose à cet égard une démarche prometteuse, axée sur la couverture de type catastrophique des médicaments d'ordonnance, les médicaments coûteux pour les maladies rares, un formulaire pharmaceutique national, des stratégies pour l’établissement des prix et l’achat des médicaments ainsi que l’évaluation de la sécurité et de l’efficacité des médicaments déjà sur le marché. Un rapport intérimaire proposant une démarche concrète a été publié en 2006. Il a bien reçu l’aval des provinces et des territoires, mais on s’est immédiatement rendu compte que le gouvernement fédéral se désintéressait de la SNPP lorsque le ministre fédéral de la Santé a omis de se présenter à la réunion intergouvernementale de suivi. Depuis, le fédéral n’a pas cru bon de s’y intéresser davantage, à tel point que le rapport a été relégué aux oubliettes, ce qui a fait dire au Conseil de la santé que « les gouvernements n'avaient pas fait de progrès significatifs » dans ce domaine. En fait, a-t-on dit au Comité, les conservateurs travaillent même à l’encontre du Plan, car il prolonge la période d’exclusivité des médicaments de marque déposée et augmente, au lieu de réduire, les coûts provinciaux des médicaments – sans parler de l’animosité qui s’ensuit. Résultat de cette absence d’autorité : une facture de médicaments de 27 milliards de dollars pour l’année 2007, acquittée à environ 60 p. 100 par les patients eux-mêmes ou leur assurance privée.

Soins à domicile

Les soins à domicile constituent une autre priorité du NPD que nous espérions voir progresser grâce au Plan. En effet, le Plan réitérait le consensus des premiers ministres quant à la place prépondérante qu’occupent les soins à domicile dans les soins de santé (la Commission Romanow avait consacré un chapitre entier à ce « prochain service essentiel »). Le Plan vise plutôt bas en accordant seulement deux semaines de couverture pour les soins intensifs et les soins de santé mentale, de même que pour les soins en fin de vie. Pourtant, selon le Conseil de la santé, « il existe encore des disparités évidentes dans l'accessibilité à des soins à domicile financés par les pouvoirs publics d'un bout à l'autre du pays », et « très peu d’administrations ont considéré une forme quelconque d’évaluation de leurs efforts de renouvellement des soins à domicile, ou ont l’intention d’en surveiller l’accessibilité et la qualité ».

Une fois de plus, l’absence d’autorité du fédéral y est pour quelque chose. Le ministre de la Santé, faisant fi de l’opinion de 80 p. 100 des Canadiens qui souhaitent une couverture accrue des soins à domicile et des soins communautaires au titre du régime public, a carrément annoncé qu’il « n'interviendrait pas » dans les soins à domicile parce que la question relève, dit-il, des provinces. Comme pour confirmer ses dires, le gouvernement a ensuite démantelé le Secrétariat mis sur pied en 2001 pour coordonner l’élaboration d’une stratégie nationale sur les soins en fin de vie. Entre-temps, le quart des Canadiens – des femmes pour la plupart – ont dû donner des soins à un parent ou un proche l’an dernier. De ce nombre, plus de 40 p. 100 ont dû retirer une partie de leurs économies et 22 p. 100 s’absenter du travail pendant au moins un mois.

Temps d’attente

Le NPD avait espéré, après sa longue lutte pour contrer les ravages des compressions imposées par les libéraux en 1995, que le Plan décennal aiderait les Canadiens à accéder aux services de santé en temps opportun. Nous voulons bien admettre qu’il y a eu, ici et là au Canada, des améliorations notables au sein du régime public et à cause du régime public, là où la réorganisation des ressources publiques avait joué en notre faveur. Toutefois, le Conseil de la santé rapporte qu’il n’y a toujours aucune donnée sur des comparaisons et des évaluations pancanadiennes et que les gouvernements n’ont toujours pas établi de cibles pour le temps d’attente dans le domaine de l’imagerie diagnostique. Une fois plus, même si les conservateurs avaient mis les temps d’attente au menu de leur plateforme électorale, le gouvernement fédéral n’a fait preuve d’aucun leadership et son inaction coûte cher. Devant l’incapacité à atteindre nos objectifs nationaux, les conservateurs se sont contentés de déplacer les cibles en se fixant de moindres objectifs. Qui plus est, depuis qu’il l’a reçu il y au moins deux ans, le gouvernement n’a jamais donné suite au rapport du conseiller fédéral sur les temps d’attente. De bonnes recommandations (approche multidisciplinaire, analyse comparative entre les sexes) ont ainsi été mises au rancart.

L’inaction et le silence du gouvernement ne sont pas sans réjouir les entreprises à but lucratif, qui exploitent l’inquiétude de la population face aux temps d’attente en lui donnant l’illusion que le salut passe par la privatisation. Or, ce ne sont pas les ressources qui vont augmenter avec la privatisation; ce sont les coûts. Ce n’est ni un bon calcul ni une bonne politique stratégique. La privatisation fait néanmoins ressortir la pénurie croissante de personnel dans le domaine de la santé – un mal qui s’étend bien au-delà des temps d’attente. 

Ressources humaines en santé

Pour le NPD, les ressources humaines sont la pierre angulaire du régime de santé public; c’est pourquoi juguler la crise de personnel est indispensable à la consolidation des soins de santé. La pénurie de main-d’œuvre qui sévit dans le secteur canadien des soins de santé s’aggrave de jour en jour. Aucun domaine en particulier ni aucune région ne sont épargnés :

  • on forme chaque année seulement 8 000 nouvelles infirmières, alors qu’il en faudrait 12 000 pour compenser l’usure des effectifs et la croissance démographique
  • le nombre de médecin par habitant est le plus faible des pays du G8 (environ 5 millions de Canadiens n’ont pas de médecin de famille)
  • la moitié de nos techniciens de laboratoire pourraient prendre leur retraite d’ici 2016
  • il nous manque déjà une centaine de radiologistes à temps plein, et l’on prévoit en manquer 400 de plus d’ici 2016.

Le Plan décennal tenait compte de ces éléments, mais après l’élaboration du Cadre de planification pancanadienne des ressources humaines du secteur de la santé, le Plan dont on avait un si criant besoin est tombé dans l’oubli, juste au moment où le gouvernement fédéral aurait dû lui donner un second souffle. Le Conseil de la santé a qualifié la planification de « fragmentée », car les provinces et les territoires font leur propre planification sans disposer des données pancanadiennes dont ils auraient besoin pour prendre des décisions éclairées. Les provinces doivent par ailleurs se faire concurrence pour obtenir des ressources, tandis que les petites villes tentent désespérément d’attirer les fournisseurs de soins de santé de base dont elles ont besoin. L’ampleur de la pénurie est considérable et exige l’application immédiate d’une stratégie de ressources humaines.

Santé des Autochtones

La vision qu’entretient le NPD du régime de santé a toujours reconnu qu’il fallait combler le déficit dans la santé des Autochtones en améliorant à la fois les services et les déterminants de la santé. Comme l’ont affirmé la Commission royale sur les peuples autochtones ainsi que de nombreux rapports émanant du Bureau du vérificateur général et d’ailleurs, le gouvernement fédéral doit immédiatement entreprendre des mesures - d’autant plus que la santé des Inuits et des Premières nations vivant dans les réserves relève de sa responsabilité directe. Bien que le Plan décennal couvre les soins de santé dans les collectivités nordiques et qu’il ait intégré le Plan directeur de la santé des Autochtones (2004), le Conseil de la santé a remarqué que « l'importance des problèmes de santé évitables… continuait de faire l'objet de préoccupations majeures à travers le pays », et que « l'apport de fonds… était resté relativement modeste ». Pendant ce temps, le fossé entre la santé des Autochtones et celle de la population générale continue de s’élargir, en raison de la très forte incidence de diabète et d’autres maladies évitables. De toute évidence, il conviendrait de mobiliser sans plus tarder l’action gouvernementale fédérale qui, jusqu’à maintenant, a fait défaut.

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Conclusion et recommandations

Les soins de santé publics tiennent à cœur aux Canadiens, qui comptent sur leurs gouvernements pour maintenir et améliorer ce système. La réussite de cet effort de renouvellement est très importante pour l’ensemble des Canadiens. Au cours de l’examen par le comité, nous avons identifié les inquiétudes clés que voici, et formulé des recommandations dans le but d’y remédier.

Il faut du leadership fédéral dans le cadre d’une approche pancanadienne et complète

Nous craignons que l’approche décentralisée du gouvernement fédéral en ce qui a trait aux priorités nationales dans le domaine des soins de santé n’ait provoqué une perte de vision nationale, ainsi qu’un processus de renouvellement sans direction et sans leadership au niveau national.

Par conséquent, nous recommandons que le gouvernement fédéral adopte une approche nationale, pancanadienne et complète dans le dossier des soins de santé publics, fondée sur les principes et l’application de la Loi canadienne sur la santé, dotée de flexibilité juridictionnelle et axée sur le fédéralisme asymétrique, comme le propose le Plan décennal pour consolider les soins de santé.

Un besoin urgent de raviver les efforts de renouvellement

Le Plan décennal pour consolider les soins de santé est presque à mi-chemin, et pourtant des témoins nous ont dit que les progrès sont insuffisants pour atteindre les objectifs du plan dans les délais prévus.

Par conséquent, nous recommandons que le gouvernement prenne des mesures urgentes pour remettre le plan sur la bonne voie dans chacun des domaines identifiés aussi rapidement que possible, notamment en :

  • Mettant en œuvre les recommandations du rapport intérimaire de 2006 sur une stratégie nationale des médicaments et les recommandations du rapport du conseiller fédéral sur les temps d’attente;
  • Faisant avancer le plan d’action en vertu du cadre de planification concertée des ressources humaines de la santé à l’échelle pancanadienne;
  • Poursuivant vigoureusement les objectifs du Plan directeur pour la santé des Autochtones de 2004 (surtout lorsque cela a trait aux mesures relevant directement de la compétence fédérale);
  • Travaillant en collaboration avec les provinces et les territoires afin de rétablir le Conseil consultatif sur la gouvernance et l’imputabilité dans le cadre du processus de renouvellement; et
  • Convoquant une réunion des ministres de la Santé afin d’identifier les obstacles qui entravent les progrès et pour élaborer des stratégies afin de surmonter ces obstacles.

Renforcer la Loi canadienne sur la santé

Nous craignons que la Loi canadienne sur la santé, notre outil principal pour protéger les soins de santé publics et la loi sur laquelle est fondé le Plan décennal pour consolider les soins de santé, ne soit ébranlée par des mesures d’application et de surveillance insuffisantes. L’industrie des soins à santé à but lucratif ne cesse de croître, ébranlant ainsi les soins de santé publics et créant sournoisement un système de santé à deux vitesses. Les rapports annuels au Parlement sur la Loi canadienne sur la santé ne reflètent pas cette réalité en raison de leur portée limitée et du refus du gouvernement d’effectuer les améliorations recommandées par la vérificatrice générale en 2002.

Par conséquent, nous recommandons que le ministre de la Santé applique la Loi canadienne sur la santé dans son intégralité, en :

  • Établissant des normes pour la collecte de données relatives aux rapports et à l’application qui comprennent toutes les activités à but lucratif qui risquent d’influer sur la prestation des soins de santé publics;
  • Travaillant en collaboration avec les provinces et les territoires afin de combler les lacunes dans les rapports;
  • Exigeant que les transferts fédéraux soient utilisés uniquement pour la prestation des soins de santé sans but lucratif; et
  • Supprimant toute exigence voulant que les infrastructures de santé s’évertuent à considérer des options à but lucratif, entre autres les partenariats publics-privés.