HESA Rapport du Comité
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Opinion complémentaire du Bloc
Québécois
Plan décennal pour
consolider les soins de santé
Rappel des faits : Le Québec et l’entente du 15 septembre 2004
L’entente de septembre 2004 donnant effet au Plan décennal pour consolider les soins de santé comprenait un communiqué distinct pour le Québec en annexe nommé communément la « clause Québec ».
Cette clause confirmait la pleine capacité de décision et d’intervention du Québec en matière de santé, une compétence qui lui revient entièrement. Qui plus est, cette entente, reconnaissant une asymétrie dans les arrangements du gouvernement fédéral avec le Québec, spécifiait que le « financement rendu disponible par le gouvernement du Canada sera utilisé par le gouvernement du Québec pour mettre en œuvre son propre plan de renouvellement du système de santé québécois ».
La seule contrainte pour le Québec que prévoit cette entente spécifique est de souscrire « globalement aux objectifs et principes généraux énoncés par les premiers ministres fédéral, provinciaux et territoriaux » dans ladite entente, dont l’objectif concerne « l’accès en temps opportun à des soins de qualité et celui visant à réduire les délais d’attente ». Or, la réduction des délais d’attente constituait déjà une priorité pour le gouvernement du Québec bien avant septembre 2004. Néanmoins, il importe de réitérer que le système de santé du Québec est différent des autres provinces et que le gouvernement du Québec doit être en mesure de prendre ses propres décisions et non de se les faire imposer par le reste du Canada.
D’ailleurs, à ce sujet, l’entente précise que « Québec applique son propre plan de réduction des temps d’attente, en fonction des objectifs, des normes et des critères établis par les autorités québécoises compétentes ».
En dernier lieu, à la toute fin du communiqué, on spécifie que « rien dans le présent communiqué ne doit être interprété d’une façon qui dérogerait aux compétences du Québec ». Ainsi, en matière de santé, le Québec demeure le seul décideur.
Position du Bloc Québécois face au Plan décennal pour consolider les soins de santé
Dès l’annonce de cette entente, le Bloc Québécois a dénoncé les contraintes sous-jacentes à l’entente spécifique avec le Québec : en établissant des points de repères fondés sur la preuve scientifique, le Québec sera de facto comparé aux autres provinces qui publieront des données similaires. Ainsi, malgré l’absence d’obligations spécifiques quant à la gestion de son système de santé, il aura une obligation politique de résultat. Il doit rester dans la moyenne des provinces en matière de temps d’attente, d’investissements et de développement sous peine d’être critiqué par sa propre population et ce, sans tenir compte de la spécificité de la nature des soins au Québec et de la diversité des services sociaux qui la complète.
Aussi, lors de la conclusion de cette entente, le Bloc Québécois était d’avis que le Québec aurait dû obtenir la « clause Québec » de facto et qu’en réalité, en matière de santé, il est tout à fait normal que le Québec puisse obtenir un financement inconditionnel de la part du fédéral, étant donné qu’il s’agit là d’une compétence provinciale.
Il importe d’ailleurs de rappeler que si le Québec et les autres provinces ont aujourd’hui tant de difficulté à garantir des soins de santé à l’intérieur de délais d’attente respectables et raisonnables, c’est en raison des coupures assénées par les Libéraux en 1994 afin d’atteindre le « déficit zéro », notamment au Transfert canadien en santé et pour les programmes sociaux. Or, le Québec et les autres provinces ont dû prendre rapidement des décisions afin de pallier à ces manques et leurs systèmes de santé respectifs ont très certainement soufferts de ce désengagement du gouvernement libéral de l’époque. Encore aujourd’hui, les sommes investies ne réussissent pas à elles seules à colmater ces trous béants générés par ces coupures à même les budgets du Québec et des autres provinces.
Ainsi, le Bloc Québécois persiste et signe en la matière, se positionnant contre l’ingérence du gouvernement fédéral dans les compétences du Québec et des autres provinces en prétextant diverses stratégies pancanadiennes, y compris le Plan décennal pour consolider les soins de santé.
Examen prévu par la loi du Plan décennal pour consolider les soins de santé —Pour un véritable respect des compétences
- Le rapport doit rappeler que le Québec et les autres provinces ne sont redevables qu’à leur population quant aux progrès accomplis en matière de temps d’attente.
Bien que le rapport fasse état à son paragraphe 3 du statut particulier de l’entente de 2004 avec le Québec, entente dans laquelle le gouvernement fédéral reconnaissait un fédéralisme asymétrique et convenait de ce fait d’arrangements distincts avec le Québec, le Bloc Québécois déplore que le rapport ne fasse pas davantage état de cet accord distinct avec le Québec. À nos yeux, il est primordial d’en rappeler les paramètres chaque fois qu’il se doit dans le présent rapport.
Ainsi, à la recommandation 1 :
« Que le gouvernement fédéral fasse rapport, comme il l’est exigé, sur les progrès accomplis en fonction de chacun des éléments du Plan décennal, et ce, d’ici la fin de l’exercice financier 2008-2009; et qu’il encourage toutes les provinces et tous les territoires à publier les rapports exigés en respectant les échéances fixées dans le Plan. »
Il faut à nos yeux que soit pris en compte le fait que le Québec et les autres provinces ne sont redevables qu’à leur population en ce qui a trait aux progrès accomplis en vue de l’atteinte de leurs objectifs, mais qu’elles n’ont pas cette obligation envers le gouvernement fédéral.
Toujours dans l’optique d’être fidèle à l’entente particulière survenue entre le Québec et le gouvernement fédéral en septembre 2004 en marge du Plan décennal pour consolider les soins de santé, le Bloc Québécois est d’avis que la recommandation 3 doit être précisée davantage afin de refléter ce statut particulier.
Ainsi, à la recommandation 3 :
« Que le gouvernement fédéral fasse rapport sur les dispositions de financement qui s’appliquent aux populations envers lesquelles il a une responsabilité directe ».
Nous sommes d’avis que cette recommandation doit être modifiée afin qu’elle fasse référence à ce qui est avancé au paragraphe 59, à savoir que le Québec et les autres provinces sont libres de rendre des comptes aux citoyens, mais qu’elles n’ont pas cette même obligation envers le gouvernement fédéral. Qui plus est, aucune obligation en ce sens ne peut être imposée au Québec et aux autres provinces, étant donné que la santé est une compétence provinciale et qu’elles n’ont pas de comptes à rendre quant aux dépenses engagées dans leurs propres champs de compétence. En ce sens, le versement des transferts fédéraux en matière de santé ne peut être assujetti à des conditions ou à des objectifs.
- Toute collaboration pancanadienne en matière de santé doit se faire dans le respect des compétences du Québec et des autres provinces.
Nous exprimons aussi des réserves face à la recommandation 2 telle que rédigée dans le rapport :
« Qu’avec la collaboration des provinces et des territoires et de concert avec le Conseil canadien de la santé et l’Institut canadien d’information sur la santé, le gouvernement fédéral convienne d’un ensemble de données et d’indicateurs comparables pour garantir l’évaluation adéquate des progrès accomplis à l’égard du Plan décennal; que le gouvernement fédéral veille à ce que cet ensemble d’indicateurs s’applique à ses groupes de clients; et que ce travail soit terminé d’ici la fin de l’Exercice 2008-2009. »
Cette recommandation fait référence à l’établissement d’indicateurs et d’un ensemble de données comparables établis suite à une collaboration avec les provinces, les territoires et le gouvernement fédéral afin de garantir l’évaluation adéquate des progrès accomplis à l’égard du Plan décennal. Or, on ne fait pas référence à l’entente avec le Québec qui abordait cette question précise dans la perspective d’un fédéralisme asymétrique. Pour être acceptable aux yeux du Bloc Québécois, il faut :
- que soit pris en compte la « clause Québec », spécifiant que le Québec a son propre plan de réduction des temps d’attente établi en fonction de ses normes, ses critères et ses objectifs;
- que les autorités québécoises entendent collaborer étroitement avec les gouvernements provinciaux et territoriaux et avec le gouvernement fédéral, en partageant l’information et les meilleures pratiques;
- que les autorités québécoises favoriseront l’utilisation d’indicateurs comparables, mutuellement convenus avec les autres gouvernements;
- que le Québec continuera de collaborer avec les autres gouvernements au développement de nouveaux indicateurs comparables.
Finalement, la recommandation 4 fait référence à la nécessité « de remettre à l’ordre du jour une même vision pancanadienne des soins de santé afin de renforcer le système et de mettre en place des mécanismes pour concrétiser cette vision », suggérant du même coup « que les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux s’engagent à nouveau publiquement à conjuguer leurs efforts, comme le prévoit le Plan décennal,… ». Or, bien qu’il puisse y avoir des avantages à « collaborer » au niveau pancanadien, il n’en demeure pas moins que la santé demeure un champ d’intervention du Québec et des provinces. À ce titre, elles ont le pouvoir décisionnel de collaborer ensemble ou non, et qu’une collaboration ne doit pas servir de prétexte à une ingérence du fédéral.
Il importe donc à nos yeux de refléter l’entente avec le Québec de 2004 dans les recommandations du comité. À cet effet, il importe que soit réaffirmée la « clause Québec », voulant qu’en matière de santé, le Québec exerce lui-même ses responsabilités à l’égard de la planification, de l’organisation et de la gestion des services de santé sur son territoire. Le Québec applique son propre plan de réduction des temps d’attente, en fonction des objectifs, des normes et des critères établis par les autorités québécoises compétentes.
- Le gouvernement fédéral doit prendre en charge ses propres clientèles en matière de santé
Le Bloc Québécois profite de l’occasion qui lui est donnée dans ce rapport pour déplorer le fait que trop souvent, le gouvernement fédéral tente de s’ingérer dans les compétences du Québec et des provinces, la santé dans le cas qui nous concerne, prétextant des stratégies nationales. Or, comment le fédéral peut-il justifier ces intrusions, trop nombreuses, en matière de santé alors que les Premières nations, qui constituent l’une de ses clientèles, ne bénéficient que de médiocres services?
À cet effet, il suffit de rappeler les statistiques accablantes quant à l’état de santé des Autochtones :
- Le taux de mortalité infantile est de 2 à 3 fois plus élevé au sein des collectivités des Premières Nations que dans l’ensemble de la population;
- L’espérance de vie des Autochtones inscrits s’avère inférieure de 5 à 7 ans à celle de l’ensemble de la population;
- Le taux de suicide est de 2 à 7 fois plus élevé que celui de toute la population;
- Au moins 33 % des Premières nations et des Inuits vivent dans des maisons qui ne répondent pas aux normes de qualité, de taille et d’abordabilité selon les données de la Société canadienne d’hypothèques et de logement. Or, on sait qu’un logement inadéquat est associé à une panoplie de problèmes de santé;
- Au cours des années 1990, le taux de tuberculose chez les Premières nations était au moins sept fois supérieur à celui de l’ensemble du Canada;
- Il y a beaucoup plus de fumeurs chez les Premières Nations (plus de 50% : 56% chez les Autochtones et 71% chez les Inuit en 2004) que dans la population canadienne. Malgré ce fait, le gouvernement conservateur a coupé de dix millions de dollars le programme anti-tabac qui visait à sensibiliser les femmes enceintes et les jeunes Inuits et amérindiens aux effets nocifs du tabac;
- Les Autochtones continuent d’être surreprésentés dans l’épidémie de l’infection au VIH au Canada. Ils constituent 3,3 % de la population canadienne, mais on estime qu’ils représentent environ 7,5 % de toutes les infections au VIH existantes;
- 9% des nouvelles infections au VIH signalées en 2005 ont été signalées chez des Autochtones, dont 53% par injection de drogues comparativement à 14% pour l’ensemble de la population.
À la lumière de ces chiffres qui démontrent hors de tout doute l’ampleur de la tâche à accomplir en matière de santé des Autochtones, le Bloc Québécois est d’avis qu’au lieu de demander des comptes aux provinces quant aux délais d’attente et quant à la façon dont les transferts fédéraux en santé sont dépensés, le gouvernement fédéral devrait s’attaquer à l’alarmante question que représente l’état de santé des Premières nations et leur rendre des comptes à elles quant aux progrès accomplis.