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HESA Rapport du Comité

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Rapport supplémentaire du NPD à l’examen du Comité permanent de la santé portant sur la surveillance post-commercialisation des produits pharmaceutiques, juin 2008,
par Judy Wasylycia-Leis, députée

Au cours de notre étude de la surveillance post-commercialisation, le Comité a pu noter un rare consensus parmi les nombreux témoins qui ont comparu : notre approche actuelle de l’innocuité des médicaments présente de sérieux problèmes. Les Canadiens partagent ce point de vue. Ils veulent – et méritent – un système de surveillance de l’innocuité qui soit fondé sur les meilleures données scientifiques disponibles et qui garantisse la sécurité des produits thérapeutiques commercialisés. Pourquoi les Canadiens devraient-ils accepter moins? Au lieu d’un tel système, nous sommes constamment assaillis par une avalanche d’avis, d’avertissements et de rappels concernant non des médicaments frelatés ou mal utilisés, mais des produits homologués qui ont compromis la santé des utilisateurs et leur ont parfois coûté la vie. On estime que les médicaments prescrits conformément aux directives données par le fabricant avec l’approbation du gouvernement se classent en quatrième position parmi les plus importantes causes de décès en Amérique du Nord. D’après une étude récente, une visite sur neuf dans les salles d’urgence des hôpitaux canadiens est attribuable à des troubles liés à des médicaments et, dans 39 p. 100 des cas, il s’agit d’effets secondaires tels que des douleurs, des saignements, des éruptions et des hallucinations.

Des médicaments dangereux continuent d’arriver sur le marché. Des témoins nous ont rappelé les cas les plus graves causés, par exemple, par des anti-inflammatoires non stéroïdiens portant des noms de commerce tel que Celebrex et Vioxx, auxquels sont attribués des centaines de milliers de crises cardiaques et des milliers de décès. Prepulsid, timbre contraceptif Evra, Zelnorm, héparine... La liste est longue. D’innombrables autres cas ne font jamais les manchettes, ce qui, en soi, est un autre aspect du problème. Notre système actuel de surveillance post-commercialisation ne permet de prendre en compte que moins de 10 p. 100 des effets indésirables qui se produisent. Et les statistiques ne donnent aucune idée des douleurs et des souffrances que les réactions graves occasionnent pour les victimes et leurs proches. Le simple fait de signaler une longue liste de choses que nous, consommateurs, devons chercher dans les inscriptions en petits caractères d’une étiquette ou d’un prospectus ne constitue pas une solution acceptable.

L’année dernière, les Canadiens ont consacré 27 milliards de dollars à l’achat de médicaments, et les sociétés pharmaceutiques exercent des pressions considérables pour faire augmenter le plus rapidement possible ces dépenses et les bénéfices qu’elles en tirent.

Comment en sommes-nous arrivés là?

Si nous sommes dans cette situation désespérée, ce n’est pas à cause d’une seule erreur catastrophique. Nous en sommes arrivés là par suite d’une évolution de 30 ans au cours de laquelle les gouvernements successifs ont constamment cédé aux pressions des sociétés pharmaceutiques, mettant en danger la santé du public. Cette situation a réduit la capacité de Santé Canada de vérifier de façon indépendante l’innocuité des médicaments et a créé au ministère une culture qui valorise surtout la satisfaction des « clients » pharmaceutiques, même au détriment de la sécurité du public.

La déprofessionnalisation du personnel scientifique du ministère dans les années 1970 et 1980, intensifiée par une prétendue volonté de réduire les « tracasseries administratives », s’est accentuée sous l’effet des énormes compressions budgétaires libérales du milieu des années 1990 et du remplacement des relations réglementaires par un « partenariat » avec l’industrie pharmaceutique. Ces mesures ont été rapidement suivies par le démantèlement des laboratoires de recherche pharmaceutique en 1997, malgré les objections du NPD, et l’introduction, par la suite, de nouveaux échéanciers très stricts pour l’homologation des médicaments afin d’assurer aux sociétés un accès rapide au marché.

Parallèlement aux changements opérationnels survenus à Santé Canada, le gouvernement a multiplié les efforts tendant à « rationaliser » le cadre législatif dans le but de supprimer les obligations et de réduire la responsabilité du ministère à l’égard de la sécurité des Canadiens : L’entreprise de la protection de la santé en 1995-1996, la transition de la Direction générale de la protection de la santé (Responsabilités partagées, vision partagée) en 1998, le projet de loi C-80, Loi sur la salubrité et l’inspection des aliments au Canada, en 1999, La santé et la sécurité d’abord! Proposition en vue du renouvellement de la législation fédérale en matière de protection de la santé (La santé et la sécurité d’abord) en 2003 et le Plan de renouveau : Transformer l’approche de la réglementation des produits de santé et des aliments au Canada (Plan de renouveau) en 2006.

Et nous voilà repartis aujourd’hui avec le projet de loi C-51, qui aborde beaucoup des questions examinées dans notre étude. L’« homologation progressive », élément central de cette dernière proposition, est un sujet d’inquiétude pour beaucoup de témoins qui craignent que l’approche axée sur le cycle de vie envisagée par le gouvernement n’entraîne un relâchement des rigoureuses exigences régissant l’approbation préalable à la commercialisation et un recours accru aux homologations conditionnelles. Pour le ministère, « une telle démarche réorienterait l’étude précédant la mise en marché vers une évaluation continue des risques et avantages du produit, autant avant qu’après son introduction sur le marché » grâce à des homologations assorties de conditions. Encore une fois, on accélérerait les approbations pour permettre aux sociétés de réaliser des bénéfices.

Quel est le problème?

Notre système de surveillance de l’innocuité des médicaments s’inscrit dans un continuum allant des essais préalables à la mise en marché à l’utilisation post-commercialisation. Par conséquent, pour évaluer la surveillance post-commercialisation, nous devons aussi tenir compte des forces et des faiblesses du processus d’approbation préalable.

Les témoins ont attiré notre attention sur un certain nombre de graves faiblesses de notre système actuel d’approbation préalable à la mise en marché, dont le manque de transparence des essais, que le gouvernement explique en quelque sorte par la nécessité de protéger des renseignements commerciaux confidentiels. Même s’il y a plus de transparence ailleurs, au Canada, les intérêts commerciaux l’emportent sur l’intérêt des consommateurs et du public. Voici d’autres faiblesses signalées par les témoins :

  • Manipulation ou déclaration incomplète des résultats des essais cliniques par les sociétés pharmaceutiques, comme en témoignent les révélations publiées en avril dans le Journal of the American Medical Association au sujet du Vioxx.
  • Établissement de calendriers d’essai rigides pouvant mener à des décisions d’approbation prématurées voire dangereuses, comme en témoigne l’accroissement du nombre d’effets indésirables signalés dont fait état la livraison de mars du New England Journal of Medicine.
  • Problèmes d’efficacité attribuables au manque d’essais comparatifs. La Food and Drug Administration des États-Unis estime que 80 p. 100 des « nouveaux médicaments » commercialisés ne sont que des imitations ne présentant aucun avantage par rapport aux produits qui existent déjà.
  • Exclusion des ingrédients non thérapeutiques.
  • Absence d’un registre permettant de suivre les résultats de tous les essais.

Les témoins ont également signalé des faiblesses au stade de la post-commercialisation. L’une des critiques les plus fréquentes est que notre système est passif et n’assure aucune surveillance proactive, attendant que les problèmes se manifestent. On voit une preuve évidente de cette passivité dans le fait que Santé Canada compte beaucoup trop sur la FDA américaine pour lancer des avertissements et déclencher des rappels. L’héparine est un exemple récent de ce phénomène. Parmi les autres faiblesses signalées, il y a lieu de mentionner les suivantes :

  • Besoin de plus de ressources humaines à Santé Canada, aussi bien pour la surveillance préalable à la mise en marché que pour la surveillance post-commercialisation. Cette situation est aggravée par la concurrence interne que suscite la répartition de ces ressources insuffisantes entre les services chargés de ces deux fonctions, sans parler des autres secteurs du ministère.
  • Absence d’un mécanisme destiné à parer au danger de l’emploi non conforme des produits pharmaceutiques (incapacité de Santé Canada d’imposer des approbations supplémentaires pour les nouvelles utilisations d’un médicament, le pouvoir étant réservé à l’entreprise initialement autorisée à commercialiser le produit).
  • Absence de normes post-commercialisation.
  • Au sujet de la déclaration des effets indésirables :
    • Taux de déclaration trop faible (environ 10 p. 100 des incidents graves imprévus).
    • Absence de normes uniformes de qualité.
    • Insuffisance des capacités d’analyse.
    • Aucun délai d’action ni obligation de donner suite aux rapports transmis.
    • Connaissance insuffisante des systèmes de déclaration par le public et les professionnels, manque de formation sur l’établissement des rapports.
    • Mauvaises communications : la présentation de l’information, quelle qu’elle soit, n’est pas facile à comprendre.
  • Besoin d’une plus grande intégration avec le Programme commun d’évaluation des médicaments et le processus de la liste nationale commune.
  • Lenteur des progrès réalisés dans le domaine des dossiers électroniques et besoin urgent d’intégrer les systèmes des différentes administrations canadiennes ainsi que les registres de médicaments, les effets sur la santé et les dossiers des patients.

Conclusions et recommandations
La surveillance post-commercialisation des produits pharmaceutiques est une importante responsabilité du gouvernement. Remédier aux nombreuses faiblesses qui se sont développées dans notre programme de surveillance de l’innocuité des médicaments est aussi complexe que les problèmes eux-mêmes. Les recommandations suivantes proposent une orientation permettant de renforcer la sécurité des médicaments pour tous les Canadiens en fonction des témoignages présentés au Comité. Il y a cependant lieu de noter que le succès de ces recommandations, ou d’autres, dépend d’un changement de la culture à Santé Canada qui rétablirait la prépondérance du principe de précaution et de la sécurité du public ainsi que de l’affectation au ministère des ressources financières et humaines nécessaires à une mise en œuvre complète d’une stratégie proactive de surveillance de l’innocuité des médicaments. Nous recommandons donc au gouvernement de prendre les mesures suivantes :

  • Réaffirmer la prépondérance du principe de précaution comme pilier philosophique et guide pratique de réglementation de l’innocuité des médicaments.
  • Renforcer la transparence dans l’ensemble du régime de surveillance de l’innocuité des médicaments de façon à assurer au public, aux professionnels de la santé et aux responsables de la réglementation l’accès à l’information ayant trait à la santé des Canadiens. Par exemple :
    • Établir un site Web présentant des renseignements sur tous les essais cliniques pré-commercialisation ainsi qu’un résumé de toutes les décisions prises et de leurs motifs.
    • Exiger que tous les protocoles et les résultats d’essais cliniques – y compris ceux des essais interrompus avant leur achèvement – soient transmis à l’organisme officiel de réglementation.
    • Exiger que tous les rapports sur les effets indésirables soupçonnés ainsi que les protocoles et les résultats des évaluations post-commercialisation de l’innocuité soient rendus publics.
  • Mettre fin aux relations de « partenariat » avec l’industrie pharmaceutique et rétablir la mission initiale de protection de la santé. Par exemple, le gouvernement devrait éliminer son système d’échéancier pour l’approbation pré-commercialisation, sauf dans des circonstances clairement définies, comme les médicaments qui représentent une importante innovation thérapeutique ou servent au traitement de maladies en phase terminale.
  • Affecter des ressources budgétaires et humaines suffisantes pour s’acquitter de ses responsabilités de protection de la santé dans le domaine des médicaments, y compris la surveillance post-commercialisation proactive des médicaments homologués. (La surveillance post-commercialisation étant une responsabilité publique, sa conception et sa mise en œuvre ne peuvent pas dépendre des systèmes de gestion des risques des fabricants, qui présentent un conflit d’intérêts inhérent.)
  • Établir une commission indépendante de surveillance de l’innocuité des médicaments, qui serait distincte de l’organisme de réglementation et serait chargée d’enquêter sur les problèmes qui surviennent après l’homologation.
  • Appuyer activement le développement accéléré du Réseau sur l’efficacité et l’innocuité des médicaments prévu dans la Stratégie nationale sur les produits pharmaceutiques, à titre d’outil indépendant de réglementation post-commercialisation des médicaments.
  • Renforcer le soutien de l’Inforoute Santé du Canada et l’intégration des dossiers de santé électroniques dans la surveillance post-commercialisation des médicaments et des effets indésirables, dans le cadre d’un système national de surveillance conçu sur le modèle du système PharmaNet de la Colombie-Britannique.
  • Maintenir un soutien énergique du Programme commun d’évaluation des médicaments et de l’Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé.
  • Resserrer et mettre en vigueur les restrictions imposées sur la publicité directe auprès des consommateurs, comme le recommande le Comité dans son rapport Dans l’armoire à pharmacie.
  • Exiger que l’analyse sexospécifique soit intégrée dans toutes les évaluations pré-commercialisation et post-commercialisation des médicaments.
  • Améliorer la déclaration des effets indésirables des médicaments et la suite donnée aux rapports transmis. Par exemple :
    • Mettre en vigueur l'obligation pour l'industrie pharmaceutique de signaler les réactions graves aux médicaments, comprenant tous les effets indésirables soupçonnés dont elles sont informées, notamment dans le cadre d’essais cliniques et par des rapports provenant de l’étranger.
    • Rendre publics les rapports périodiques faisant le point sur l’innocuité des médicaments.
    • Soutenir financièrement la formation spécialisée d’un plus grand nombre d’analystes des effets indésirables.
    • Mieux sensibiliser le public et les professionnels de la santé à la déclaration des effets indésirables.
    • Adopter le Triangle noir ou un autre symbole facile à reconnaître pour signaler le risque d’effets indésirables.
    • Inclure les rapports sur les effets indésirables des médicaments, provenant notamment des hôpitaux et des coroners, dans les statistiques sur la santé de la population.
    • Évaluer l’efficacité des avis et avertissements.
    • Fixer des délais de réponse aux rapports sur les effets indésirables.
    • Donner suite aux rapports sur les effets indésirables dans un délai raisonnable.

De plus, le gouvernement doit être habilité à exiger des études post-commercialisation et à entreprendre des essais sur les nouvelles utilisations des médicaments homologués.