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LANG Rapport du Comité

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L’obligation de consulter les communautés

            Le Cadre d’imputabilité et de coordination du Plan d’action pour les langues officielles impose de :

Consulter, s’il y a lieu, les publics intéressés, en particulier les représentants des communautés minoritaires de langue officielle, dans le cadre de l’élaboration ou de la mise en œuvre de politiques et de programmes1.

            Cet élément du Plan d’action découle de l’article 43(2) de la Loi sur les langues officielles qui oblige Patrimoine canadien à :

Prendre les mesures qu’il juge aptes à assurer la consultation publique sur l’élaboration des principes d’application et la révision des programmes, favorisant la progression vers l’égalité de statut et d’usage du français et de l’anglais dans la société canadienne.

            Aucun des représentants des communautés rencontrés par le Comité n’a affirmé avoir été consulté préalablement à l’abolition du Programme de contestation judiciaire. Dans son mémoire présenté en Cour fédérale, le gouvernement affirme que la Partie VII n’obligeait d’aucune façon le gouvernement à consulter les communautés avant de prendre la décision en cause ici. Selon lui, la disposition de la LLO citée ci-haut :

Laisse au ministre du Patrimoine le choix des mesures qu’il prendra pour assurer la consultation publique. En d’autres termes, c’est au ministre qu’il revient de déterminer de quelle façon il consultera2.

            Selon le même document,

C’est par le moyen de consultations institutionnelles et régulières que le ministre du Patrimoine a décidé de remplir son obligation3.

            Le Commissaire aux langues officielles prend une position diamétralement opposée :

En l’absence de mesures positives, l’arrêt du financement fédéral au terme de l’examen des dépenses de 2006 est contraire aux engagements et aux obligations du gouvernement du Canada en application de la Partie VII de la Loi sur les langues officielles4.

            Le Comité n’est pas en mesure de se prononcer sur cette question qui constitue un élément central de la cause qui sera entendue en Cour fédérale. Il est cependant tout à fait légitime que le Comité prenne position sur le Cadre d’imputabilité et de coordination qui fait partie du Plan d’action pour les langues officielles qui vient à échéance le 31 mars 2008. Ce Cadre n’est pas une loi, comme le rappelle le mémoire du gouvernement à la Cour fédérale, mais une majorité des membres du Comité s’inquiète du message véhiculé par une telle position qui fait fi, d’une part, des engagements toujours valides du gouvernement dans son Plan d’action, et d’autre part, du traitement respectueux qu’auraient été en droit d’attendre les représentants des communautés de même que les administrateurs du PCJ au lieu d’apprendre par les médias que le programme était aboli.

            Dans sa Réponse d’octobre 2007 au rapport du Comité sur la vitalité des communautés de langues officielles en situation minoritaire, on pouvait lire :

Le gouvernement réitère son engagement à respecter intégralement les engagements pris dans le Plan d’action pour les langues officielles5.

            Le Cadre d’imputabilité et de coordination fait partie intégrante du Plan d’action et, qu’il ait ou non un statut légal, le gouvernement aurait dû en respecter les engagements.

            Le Comité est donc d’avis que le gouvernement, en raison de ses propres engagements, aurait dû faire preuve de beaucoup plus d’empressement à garder les communautés informées de ses intentions d’abolir le PCJ. Le Comité ne peut pas se prononcer sur la légalité de la décision du gouvernement de remplir son obligation en consultant « par le moyen de consultations institutionnelles et régulières », mais il peut certes affirmer que ces consultations seront inutiles si le gouvernement n’informe pas les participants de ses décisions les plus importantes.

            Or, le rapport d’enquête du Commissariat aux langues officielles révèle que, dans le cadre de l’examen des dépenses de septembre 2006,

Les directives du [Secrétariat du Conseil du trésor] n’ont pas seulement limité les discussions au niveau des plus hauts représentants gouvernementaux, elles ont également empêché les ministères de consulter des parties externes, y compris les communautés de langue officielle en situation minoritaire, au sujet des réductions budgétaires proposées6.

            On peut comprendre que le gouvernement désire tester la portée légale de ses engagements en vertu de la Loi sur les langues officielles, mais il semble totalement injustifiable que le gouvernement ait délibérément empêché les consultations.

            L’intensité de la réaction des communautés à la décision du gouvernement d’abolir le PCJ est non seulement liée à l’effet du programme sur les droits linguistiques, mais également à la valeur symbolique très forte qu’il a acquise de ce fait. Le PCJ a accompagné ce que les communautés considèrent comme des victoires historiques majeures dans la reconnaissance de leurs droits. Jugeant que les décisions de la cour n’auraient pas été rendues si le programme n’avait pas permis de poursuivre les démarches, souvent après les appels des gouvernements provinciaux, elles ont crédité le PCJ pour un grand nombre des bienfaits très concrets qui ont découlé de ces jugements. Cela vaut tout particulièrement pour la gestion des écoles et pour l’hôpital Montfort. De nombreux témoignages ont affirmé que ces gains auraient tout simplement été inimaginables sans la contribution du PCJ.

            Par ricochet, le financement somme toute modeste du gouvernement fédéral dans le programme, 525 000 $ par année pour le volet des droits linguistiques, en est venu à incarner de manière très concrète l’engagement du Canada à soutenir l’épanouissement de ses communautés de langue officielle en situation minoritaire. La décision d’abolir le programme, peu importe les motifs qui y ont mené, a été ressentie par les communautés comme la rupture soudaine et sans explication d’un pacte qu’elles avaient cru jusque-là solide.

Le droit du gouvernement de gouverner

            Le commissaire aux langues officielles a fait porter son argumentation sur l’obligation du gouvernement de respecter la Partie VII de la Loi sur les langues officielles, et non sur son obligation de livrer tel ou tel programme en particulier. Il n’a donc pas recommandé le rétablissement pur et simple du PCJ, et certains représentants des communautés ont fait part de leur déception face à cette position7. L’explication offerte par le Commissariat est la suivante :

Le Commissariat reconnaît pleinement la prérogative du gouvernement fédéral d’examiner et de revoir ses priorités, ses politiques et ses programmes. Durant les entrevues et dans leurs déclarations publiques, les représentants des organisations linguistiques minoritaires ont, eux aussi, reconnu le droit du gouvernement de gouverner. Le fait qu’une activité donnée soutienne les communautés de langue officielle en situation minoritaire ne signifie pas qu’elle constitue l’unique option ou qu’elle soit soustraite à toute modification8.

            Ce droit de gouverner fait d’ailleurs partie intégrante de l’Accord de contribution, lequel stipule que le gouvernement du Canada peut résilier le financement de manière pure et simple,

en raison du budget annuel du gouvernement, d’une décision en matière de dépenses de nature parlementaire, gouvernementale ou ministérielle ou d’une restructuration ou d’une réorganisation des responsabilités fédérales ou du mandat fédéral qui ont une incidence sur le Programme relatif à l’accord9.

            Un programme qui atteint son objectif n’a évidemment pas à devenir éternel, en autant que son abolition n’entraîne pas une menace à l’atteinte de l’objectif. Or, dans ce cas-ci, les liens qui existent entre le PCJ, l’accès aux tribunaux pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire, la clarification des droits linguistiques constitutionnels et l’épanouissement des communautés, sont reconnus de manière unanime, même par les opposants au programme. Lorsque les moyens mis en œuvre pour atteindre certains objectifs semblent si clairement adéquats, l’abolition de ces moyens apparaît comme un risque évident pour l’atteinte des objectifs, à moins que d’autres moyens soient mis en œuvre. De plus, l’abolition des moyens qui semblent les plus adéquats, jointe à l’absence de propositions de rechange, crée un soupçon légitime quant à la volonté réelle du gouvernement d’atteindre ces objectifs.

            Ce que conteste le gouvernement dans son mémoire présenté à la Cour fédérale, ce n’est donc pas tant l’existence de ces liens, mais leur importance : 

La décision contestée [l’abolition du PCJ] a un impact bien indirect sur les droits linguistiques de la demanderesse. En fait, aucun droit linguistique n’est directement en cause ici (par exemple, le droit à des services gouvernementaux en français). C’est le droit de se voir accorder du financement pour défrayer le coût des poursuites judiciaires que la demanderesse réclame en l’espèce. Or, la LLO ne garantit pas un tel droit. La Constitution canadienne non plus10.

            Si le gouvernement affirme être en mesure de remplir ses obligations constitutionnelles et légales par d’autres moyens que le PCJ, il faut reconnaître son droit de gouverner et avoir confiance en la sagesse de l’électorat qui a choisi son exécutif. Cependant, il faut également reconnaître le droit des personnes et des groupes à remettre en question la validité de ces décisions, et reconnaître la suprématie des tribunaux lorsqu’il faut trancher entre la compréhension légitime qu’a le gouvernement de ses engagements et la légalité de ses décisions.

            Sur cette question, le gouvernement adopte la position suivante dans son mémoire :

De façon générale, les tribunaux n’ont pas pour mission de dire au gouvernement de quelle manière dépenser les deniers publics. C’est aux responsables politiques que revient ce contrôle et les actions de ceux-ci seront jugées par l’électorat11.

            Les membres du Comité reconnaissent tout à fait les risques liés à un déséquilibre des pouvoirs qui limiterait la souplesse de décision du gouvernement au profit d’une trop grande judiciarisation du processus politique. À de nombreuses reprises, les représentants des communautés nous ont affirmé à cet égard qu’ils ont tout fait pour éviter d’aller à la cour, et que le respect des droits linguistiques devrait idéalement pouvoir se négocier de manière politique. Les membres du Comité partagent évidemment ce vœu, mais l’histoire les force à reconnaître que, en cas de désaccord entre une minorité et le gouvernement, le pouvoir des tribunaux a régulièrement été un incitatif plus puissant pour le gouvernement que le désir sincère de maintenir l’harmonie sociale. Selon la majorité des membres du Comité, l’accès à la justice demeure donc l’élément clé du maintien de cette harmonie sociale. Si une solution autre que le PCJ est envisagée afin de rétablir l’équilibre entre, d’une part, les droits et les ressources limitées des minorités et, d’autre part, les prérogatives légitimes et les ressources importantes du gouvernement, le Comité est ouvert à la considérer. En l’absence d’une telle proposition de rechange, le PCJ a fait ses preuves et demeure le meilleur moyen de préserver cet équilibre.

La neutralité du PCJ

            Cette question est sans doute la plus difficile à résoudre, car elle implique des analyses constitutionnelles subtiles et des principes moraux et philosophiques qui dépassent de loin l’administration d’un programme gouvernemental. Nous nous contenterons ici de quelques remarques d’ordre général. Tout d’abord, les membres du Comité ne croient pas qu’il soit possible ou souhaitable que la Constitution d’un pays soit neutre. Cette loi fondamentale incarne des valeurs particulières qui, de par leur nature même, s’opposent à d’autres valeurs. Toutes les décisions de tous les ordres de gouvernement doivent être prises à l’intérieur du cadre défini par ces valeurs fondamentales, telles qu’elles sont libellées de manière large par la Constitution. La très grande majorité des décisions du gouvernement et des programmes qu’il met en place implique également un parti pris pour certains points de vue et contre d’autres. La seule exigence est que ces décisions et programmes n’entrent pas en contradiction avec les valeurs fondamentales du pays telles qu’incarnées par la Constitution. En cas d’ambiguïté ou de conflit des points de vue, il reviendra aux tribunaux d’interpréter le sens à donner à ces valeurs dans un cas particulier. Cette interprétation se transformera également avec le temps, à mesure que la jurisprudence évoluera et que les valeurs de la société changeront. Un témoin a particulièrement bien exprimé cette idée à propos du droit :

[Je comparerais] le droit un arbre qui croît et étend ses branches constamment. Ainsi, la Charte dont nous célébrons le 25e anniversaire, je crois, a eu des conséquences. Je connais assez bien la bataille qu’on a menée au Canada pour faire respecter les droits linguistiques des anglophones et des francophones, et cette lutte a évolué au fil des ans. Aucune loi, pas même la Charte ou l’une ou l’autre de ses dispositions n’est statique. L’article 15, par exemple, était peut-être interprété d’une certaine façon en 1982 ou en 1985 mais autrement plus tard, selon le juge qui interprétait ce point de droit. Nous avons donc, en effet, un ensemble de précédents sur la Charte, par exemple, sur certaines de ses dispositions mais, comme elle est constamment interprétée et réinterprétée, l’évolution se poursuivra pendant bien des années à venir12.

            La même position a été reprise par Me Doucet :

La Constitution est un arbre vivant qui continue à évoluer13.

            En tant que telle, elle met en œuvre des principes qui ne sont pas neutres. Dans le cas du PCJ, l’objectif est de promouvoir certaines valeurs et de favoriser une interprétation large des droits auxquels s’applique le programme.

De par leur nature et leur libellé, les dispositions constitutionnelles ciblées dans cet accord visent à élargir ces droits fondamentaux. Le but est de faire en sorte que tous soient égaux devant la loi et aient accès aux services dans la langue officielle de leur choix. Le principe qui sous-tend cette disposition est celui de l’inclusion. Les contestations fondées sur cette disposition visent naturellement à accroître le nombre de personnes capables de participer. Ce n’est pas un programme d’exclusion, mais plutôt un programme qui donne accès à la justice. Il serait contraire à cet objectif d’appuyer des causes qui mettent gravement en danger les droits d’un groupe qui est censé être protégé par le droit à l’égalité et les droits linguistiques. Loin d’être simplement une question de vision d’égalité différente, comme nos critiques le prétendent, le programme se refuse de financer des causes qui pourraient vraisemblablement miner le droit à l’égalité et les droits linguistiques des groupes protégés14.

            Le PCJ milite donc pour une interprétation large des droits linguistiques et des droits à l’égalité. En tant que tel, il n’est pas neutre, puisqu’une telle interprétation des droits n’est évidemment pas la seule possible. Cependant, ce qu’ont démontré nombre de décisions des tribunaux, c’est que cette interprétation large est en grande partie conforme à celle qu’ont faite les tribunaux des principes constitutionnels. Il est tout à fait possible que certains aspects des droits linguistiques aient été clarifiés plus facilement et plus vite que d’autres grâce au fait qu’un plus grand nombre de décisions ont été prises avec l’appui du PCJ, mais cela ne signifie pas que ces décisions sont injustes pour autant. Le Programme a pu permettre aux tribunaux d’interpréter les articles constitutionnels visés par le Programme, mais le PCJ ne peut être tenu responsable du fait que ces décisions ont favorisé ou non les organisations ou les individus qui ont obtenu son financement.

            Il est légitime pour le gouvernement de vouloir promouvoir une interprétation différente des droits constitutionnels. Cependant, toute initiative allant dans ce sens devrait d’abord être conforme aux lois existantes. Ce sera à la cour de juger si l’abolition du PCJ contrevenait ou non à certains principes constitutionnels et à certaines dispositions de la Loi sur les langues officielles. Une majorité des membres du Comité favorise une interprétation large des droits constitutionnels. Si la cour juge que l’interprétation plus restrictive des droits qui est mise de l’avant par le gouvernement lui permet de remplir ses obligations légales et constitutionnelles, les parlementaires devront s’y conformer. Dans le cas contraire, le gouvernement devra mettre en place des mesures qui permettront d’atteindre des résultats similaires à ceux que permettait d’atteindre le PCJ.

            Les membres du Comité sont par ailleurs tout à fait sensibles au fait que certaines dispositions de la Constitution peuvent ne pas s’accorder avec certaines valeurs importantes pour certaines personnes ou certains groupes, particulièrement en ce qui touche les droits à l’égalité. Il est également tout à fait possible que ces divergences ne puissent pas toujours s’exprimer librement afin d’assurer un sain débat sur ces questions fondamentales.

            Outre les éléments de droit qui seront précisés par les tribunaux si un jugement est rendu dans la cause entre la FCFA et la Reine du Canada, les éléments précédemment examinés constituent les enjeux principaux du débat entourant la décision du gouvernement d’abolir le PCJ. Un certain nombre d’éléments de moindre importance méritent tout de même d’être précisés.

État de la jurisprudence

            Lorsque le PCJ avait été aboli pour la première fois en février 1992, le président du Conseil du trésor à l’époque, l’honorable Gilles Loiselle, avait fourni les explications suivantes :

Le gouvernement fédéral a grandement contribué au financement du Programme de contestation judiciaire au fil des ans, et ces contributions ont mené à l’établissement d’une vaste jurisprudence.15.

            Quinze ans plus tard, il est légitime de poser la question de ce qui constituerait une jurisprudence suffisante. À cet égard, le document le plus fréquemment invoqué est l’Évaluation sommative du PCJ, réalisée en 2003, et pour laquelle des magistrats et des experts de questions constitutionnelles ont été rencontrés :

Les conclusions de l’évaluation montrent que de nombreuses dimensions des dispositions constitutionnelles visées par le Programme doivent encore être clarifiées. Les données montrent que le processus de clarification est permanent et, selon toute vraisemblance, se poursuivra indéfiniment16.

            Peu importe le nombre de décisions rendues, il y aura toujours des éléments importants qui demeureront impossibles à anticiper. Il n’existe donc pas de critère précis permettant de déterminer si la jurisprudence est suffisante ou non. Cela dépendra davantage de la décision du gouvernement de favoriser ou non la clarification des droits constitutionnels.

            Un autre document fréquemment invoqué est la Réponse du gouvernement du Canada à une question sur le PCJ que lui avait posée le Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies, suite au dépôt de son Cinquième rapport périodique en application du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Cette réponse a été présentée par le Canada en mai 2006 à une séance dudit comité. 

            Dans son Étude sur l’impact de l’abolition du PCJ, le Commissariat aux langues officielles écrit :

En mai 2006, lors de sa comparution devant le Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies, le gouvernement fédéral avait lui-même valorisé le Programme et reconnu la pertinence de son maintien, en raison des questions juridiques qui restaient encore à clarifier17.

            Le texte invoqué en appui à cette affirmation est le suivant :

Le Programme de contestation judiciaire, financé par le gouvernement du Canada, accorde de l’aide financière pour d’importantes causes judiciaires visant à clarifier les droits des communautés de langues officielles et les droits à l’égalité des groupes historiquement désavantagés. Une évaluation du PCJ en 2003 indique que celui-ci a réussi à appuyer des causes judiciaires qui ont un effet direct sur la mise en œuvre des droits et libertés couverts par le Programme. [Les individus et les groupes qui bénéficient du PCJ sont situés dans toutes les régions du pays et proviennent généralement de minorités de langues officielles et de groupes défavorisés, tels que les autochtones, les femmes, les minorités raciales, les gais et lesbiennes, etc.] Le Programme a également contribué au renforcement des réseaux de groupes qui défendent les droits linguistiques et revendiquent l’égalité. Le Programme a été étendu au 31 mars 200918.
(La phrase entre accolades n’est pas citée dans l’Étude du Commissariat.)

            Il aurait effectivement été singulier que le gouvernement actuel ait présenté ce texte à une réunion d’un comité des Nations Unies. Or, ce texte date d’août 2005, donc d’avant l’élection du gouvernement actuel. La confusion vient du fait que, suite au dépôt de ce rapport aux Nations Unies, le Canada a reçu une liste de questions dont la réponse devait être présentée en mai 2006. Cette question demandait pourquoi le Canada n’a pas élargi le volet « droits à l’égalité » du PCJ à la contestation des lois provinciales et territoriales. La réponse du Canada, effectivement présentée à l’ONU en mai 2006, soit après l’élection du gouvernement conservateur, était cependant beaucoup plus neutre que ce qui était écrit dans le rapport d’août 2005 :

Le gouvernement ne peut pas appuyer toutes les contestations judiciaires, mais ce Programme canadien tout à fait unique a permis de soutenir un certain nombre d’affaires importantes présentées devant les tribunaux qui ont eu des incidences directes sur le respect des droits linguistiques et des droits à l’égalité au Canada. Selon une évaluation récente, il y a encore certaines dimensions des dispositions constitutionnelles visées par le PCJ qui doivent être clarifiées, et le Programme actuel a été prolongé jusqu’en mars 200919.

            Ce texte n’est certainement pas assez explicite pour permettre d’affirmer que le gouvernement actuel a « valorisé » le programme sur la scène internationale quelques mois avant de l’abolir.

La transparence du PCJ

            Dans le cadre de l’Évaluation sommative réalisée en 2003, avant le renouvellement de l’Accord de contribution, la seule réserve sérieuse qui avait été émise au sujet du PCJ concernait son application rigide des dispositions relatives à la protection des renseignements personnels. Cette rigidité était de nature à remettre en question la capacité du programme à rendre des comptes de manière optimale sur son processus de sélection des récipiendaires d’un soutien financier :

Les normes établies dans la Loi sur l’accès à l’information, de même que les recommandations de la vérificatrice générale du Canada et ses derniers rapports, indiquent tous que l’Organisme doit faire preuve de plus de transparence20.

            Toutefois, le Rapport d’enquête final d’octobre 2007 du Commissariat aux langues officielles mentionne au sujet de la transparence du PCJ que :

Au cours de l’enquête, les responsables du gouvernement ont confirmé, dans les limites imposées par le secret professionnel, que toutes les questions relevées dans l’évaluation du Programme ont été réglées dans l’accord de contribution subséquent21.

Les solutions de rechange au PCJ

            Aucune solution de rechange au PCJ n’a été présentée par le gouvernement jusqu’à maintenant. La possibilité a parfois été évoquée, notamment dans son mémoire déposé en Cour fédérale22, que le Commissaire aux langues officielles puisse servir d’alternative au PCJ, et que d’autres dispositions existantes de lois provinciales ou fédérales puissent jouer un rôle analogue à celui du PCJ, notamment les programmes d’aide juridique. Dans son Rapport d’enquête final d’octobre 2007, le Commissariat aux langues officielles rejette très clairement ces possibilités :

Le commissaire rappelle au gouvernement que, en vertu de la Loi sur les langues officielles, un plaignant ou le commissaire ne peut présenter une demande à la Cour fédérale du Canada que pour des questions liées à cette Loi. En outre, certains droits linguistiques législatifs ne sont pas couverts par la Loi sur les langues officielles, par exemple les droits à l’instruction dans la langue de la minorité établis dans la Charte canadienne des droits et libertés. En ce qui concerne les programmes provinciaux d’aide juridique, ils visent à offrir des services juridiques à des personnes à faible revenu, notamment dans le cas de litiges en droit criminel, en droit civil et en droit de la famille. L’aide juridique ne serait pas offerte, par exemple, pour financer un recours visant à obtenir une école ou un conseil scolaire pour les minorités linguistiques; le PCJC pouvait appuyer de telles causes et l’a effectivement fait au fil des ans23.

            La recherche de comparables internationaux permettant d’identifier une solution de rechange au PCJ ne s’est pas révélée plus fructueuse :

Selon les consultations et les recherches menées dans le cadre de la présente évaluation, aucun autre pays du monde n’est doté d’un programme similaire24.

            L’examen de l’ensemble des témoignages présentés au Comité montre que cinq options ont été défendues suite à cette décision du gouvernement d’abolir le PCJ :

1.       Le maintien de cette abolition;

2.       Le rétablissement intégral du programme;

3.       Le rétablissement du volet linguistique du programme;

4.       La redéfinition du mandat du PCJ de manière à le rendre plus neutre, tout en maintenant son application aux droits actuellement couverts par le programme, ou en l’élargissant à l’ensemble des droits constitutionnels;

5.       Le soutien par le gouvernement fédéral à la mise sur pied d’une fondation qui garantirait la pérennité du programme et qui, à terme, deviendrait indépendante des politiques gouvernementales.

            Une majorité des membres du Comité rejettent la première option. Le maintien de l’abolition signifierait une négation du principe selon lequel il doit y avoir un équilibre entre la présentation d’un point de vue minoritaire par des organisations ayant peu de ressources et la présentation du point de vue majoritaire par un gouvernement doté d’énormes ressources. De plus, l’accès plus facile aux tribunaux, qu’a permis le PCJ pour la défense des droits linguistiques, a certainement contribué à la clarification de ces droits et a, du même coup, contribué de manière significative à l’épanouissement des communautés. Bien que le PCJ ne soit peut-être pas le seul moyen de parvenir à ce résultat, rien n’a permis pour le moment d’identifier quelque solution que ce soit qui pourrait permettre de soutenir de manière aussi efficace le respect des droits des communautés de langues officielles en situation minoritaire.

            Pour ces mêmes raisons, une majorité des membres du Comité est favorable à la deuxième option, c’est-à-dire le rétablissement intégral du Programme de contestation judiciaire sous la forme où il était avant son abolition le 25 septembre 2006.

            Une majorité des membres du Comité ont également rejeté la troisième option, celle du rétablissement du volet linguistique du PCJ. Certains arguments en faveur de cette option ont cependant été invoqués, par exemple qu’il n’est pas du mandat du Comité d’examiner les questions liées aux droits à l’égalité. Les membres du Comité auraient également pu privilégier cette option pour des raisons stratégiques en reconnaissant le fait que le volet droits linguistiques du PCJ est plus susceptible de mener à un consensus que le volet droits à l’égalité. Bien qu’une majorité des membres du Comité soutienne sans réserves le volet droits à l’égalité du PCJ, ils auraient également pu considérer qu’une recommandation visant le rétablissement de l’ensemble du programme risquerait de s’avérer nuisible pour les communautés. En effet, si le gouvernement rejetait cette recommandation, ce serait vraisemblablement pour des raisons qui ne sont pas liées aux droits linguistiques. Il serait ainsi dommage que le consensus de fond qui existe sur la question des droits linguistiques ne puisse pas se manifester et soit mis en péril par le fait d’être assimilé au débat, beaucoup plus difficile et conflictuel, qui se déroule à propos d’autres droits fondamentaux. Les oppositions sur d’autres questions pourraient ainsi venir contaminer la paix relative qui semble prévaloir sur la question des droits linguistiques, tant au sein de la population canadienne qu’au sein du Comité qui s’en présente comme le reflet. Si le climat linguistique venait à se détériorer suite à la rupture du pacte que représentait le PCJ pour les communautés, la responsabilité en reviendrait en grande partie au refus du gouvernement d’expliquer clairement les motifs de sa décision à la population canadienne.

            La quatrième option vient de témoins qui ont affirmé que le PCJ devrait être modifié de manière à être plus neutre. Le Comité est disposé à examiner toute proposition de programme qui maintiendrait les principes d’accès à la justice et de clarification des droits constitutionnels, mais qui ne défendrait pas une conception particulière du droit.

            De la même manière, la cinquième option recommandant la mise sur pied d’une fondation constitue une avenue tout à fait intéressante qui permettrait d’éviter les déchirements associés à la création et à l’abolition de programmes. Le Comité est également tout à fait disposé à étudier attentivement toute proposition qui pourrait lui être faite en ce sens.

            Toutefois, l’analyse des solutions de rechange ne pourra être envisagée par le Comité qu’une fois que la question de fond concernant l’abolition du Programme de contestation judiciaire aura été résolue. Le Comité ne sera disposé à entreprendre un dialogue constructif sur la question de l’accès à la justice pour les communautés de langues officielles en situation minoritaire et sur la clarification des droits linguistiques constitutionnels qu’une fois que le gouvernement aura réparé l’erreur qu’il a commise en abolissant le PCJ sans consulter les communautés et sans expliquer sa décision à la population canadienne. C’est pourquoi le Comité désire terminer son rapport en recommandant :

Recommandation 2

Que le gouvernement du Canada rétablisse le financement du Programme de contestation judiciaire selon les termes de l’accord de contribution qui était en vigueur avant l’annonce de son abolition le 25 s



[1]               Le prochain acte : un nouvel élan pour la dualité linguistique canadienne. Plan d’action pour les langues officielles, Cadre d’imputabilité, art. 17, p. 70.

[2]               John Sims, Sous-procureur général du Canada, dossier de la partie défenderesse déposé en Cour fédérale dans la cause FCFA c. Sa Majesté la Reine du Canada, par. 74.

[3]               Ibid., par. 77.

[4]               Commissariat aux langues officielles, Enquête sur les plaintes portant sur l’examen des dépenses de 2006 du gouvernement fédéral, Rapport d’enquête final, octobre 2007, p. 15.

[5]               Réponse du gouvernement au septième rapport du Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes, octobre 2007, p. 5.

[6]               Commissariat aux langues officielles, Enquête sur les plaintes portant sur l’examen des dépenses de 2006 du gouvernement fédéral, Rapport d’enquête final, octobre 2007, p. 36.

[7]               Voir par exemple le communiqué de presse de la FCFA, « Des recommandations qui ont un peu plus de mordant, estime la FCFA », 10 octobre 2007, http://www.fcfa.ca/press/pressrel_detail.cfm?id=168

[8]               Commissariat aux langues officielles, Enquête sur les plaintes portant sur l’examen des dépenses de 2006 du gouvernement fédéral, Rapport d’enquête final, octobre 2007, p. 41.

[9]               Accord de contribution, article 20.1.

[10]             John Sims, Sous-procureur général du Canada, dossier de la partie défenderesse déposé en Cour fédérale dans la cause FCFA c. Sa Majesté la Reine du Canada, par. 39.

[11]             Ibid., par. 37.

[12]             M. Christopher Schafer (directeur, Canadian Constitution Foundation), Témoignages, 12 juin 2007, 10 h 20.

[13]             Me Michel Doucet (professeur, expert en droits linguistiques, Faculté de droit, Université de Moncton), Témoignages, 19 juin 2007, 9 h 30.

[14]             M. Noël Badiou (directeur général, Programme de contestation judiciaire du Canada), Témoignages, 5 juin 2007, 9 h 05.

[15]             Cité dans le Rapport 1991-1992 du Programme de contestation judiciaire, p. 13.

[16]             Patrimoine canadien, Évaluation sommative du Programme de contestation judiciaire, février 2003, p. 52. La Partie III de l’Étude concernant l’impact juridique de l’abolition du Programme de contestation judiciaire, réalisée par le Commissariat aux langues officielles, présente une très longue liste de questions non résolues par la jurisprudence actuelle.

[17]             Idem, pp. 5-6.

[18]             Cinquième rapport périodique présenté par le Canada en application du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, Conseil économique et social des Nations Unies, document E/C.12/CAN/5, 30 août 2005, p. 29.

[19]             Cité dans l’Étude concernant l’impact juridique de l’abolition du Programme de contestation judiciaire, réalisée par le Commissariat aux langues officielles, p. 6.

[20]             Patrimoine canadien, Évaluation sommative du Programme de contestation judiciaire, février 2003, p. 53.

[21]             Commissariat aux langues officielles, Enquête sur les plaintes portant sur l’examen des dépenses de 2006 du gouvernement fédéral, Rapport d’enquête final, p. 15.

[22]             Voir plus particulièrement les paragraphes 43 à 45.

[23]             Commissariat aux langues officielles, Enquête sur les plaintes portant sur l’examen des dépenses de 2006 du gouvernement fédéral, Rapport d’enquête final, p. 15.

[24]             Patrimoine canadien, Évaluation sommative du Programme de contestation judiciaire, p. 23.