LANG Rapport du Comité
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
À l’automne de 2006, le Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes a entrepris une étude de grande envergure sur la vitalité des communautés de langue officielle en situation minoritaire. En tout, 39 recommandations, portant sur une grande variété de sujets, ont été adoptées.
Cette étude sur la vitalité des communautés de langue officielle en situation minoritaire visait trois objectifs principaux :
- Évaluer les résultats du Plan d’action pour les langues officielles;
- Se faire l’écho des communautés en faisant des recommandations au gouvernement du Canada sur les suites à donner au Plan d’action à partir du 1er avril 2008, de même que sur toute autre question susceptible de favoriser la vitalité des communautés;
- Initier un rapprochement auprès des communautés de manière à alimenter un dialogue fructueux qui sera la condition primordiale de la réussite des nouvelles initiatives qui seront mises de l’avant à partir de 2008.
Pour réaliser cette étude, le Comité s’est rendu dans les provinces atlantiques, au Québec et en Ontario entre le 6 et le 10 novembre 2006, puis dans l’Ouest canadien entre le 4 et le 7 décembre 2006. D’autres témoignages ont été recueillis à Ottawa depuis le printemps de 2006. En tout, 121 témoignages ont été recueillis provenant de 85 organisations différentes.
Il s’agissait d’une première pour le Comité qui, depuis ses tout débuts il y a 26 ans, n’avait jamais eu l’occasion de se déplacer afin de rencontrer sur place les communautés francophones et anglophones en situation minoritaire.
Le rapport est divisé en quatre chapitres :
- Le premier chapitre présente les éléments d’information nécessaires à l’analyse subséquente des différentes thématiques. On y trouvera un sommaire des principales données démographiques sur les communautés, une description de l’encadrement constitutionnel et législatif des langues officielles au Canada, une présentation des programmes du ministère du Patrimoine canadien servant à concrétiser l’engagement du gouvernement fédéral à soutenir le développement des communautés et à promouvoir la dualité linguistique, et finalement un sommaire des principaux éléments du Plan d’action pour les langues officielles.
- Les deux chapitres suivants, sur la santé et l’immigration, ont fait l’objet d’une étude plus approfondie de la part du Comité, car ces deux thèmes devaient initialement former des études distinctes. La différence principale entre ces deux chapitres et le chapitre 4 est qu’ils intègrent les témoignages de spécialistes et de représentants du gouvernement du Canada, en plus de présenter en détail les points de vue des communautés;
- Le quatrième chapitre présente les principaux thèmes, autres que la santé et l’immigration, abordés dans le cadre de la tournée pancanadienne. Onze thèmes ont été identifiés : l’éducation — de la petite enfance au postsecondaire — la vie communautaire, les infrastructures, la gestion des transferts entre les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, les compressions budgétaires de septembre 2006 — en particulier l’abolition du Programme de contestation judiciaire et des programmes d’alphabétisation — la promotion du français, les médias, les arts et la culture, la justice, le développement économique et la recherche.
Le Comité en est arrivé aux conclusions suivantes :
Sur les investissements initiaux de 751,3 millions de dollars sur cinq ans prévus au Plan d’action pour les langues officielles à partir de l’exercice financier 2003-2004, plus de la moitié, soit 381,5 millions de dollars, devaient être consacrés à l’éducation, dont 209 millions de dollars pour les ententes fédérales-provinciales-territoriales pour l’enseignement dans la langue de la minorité, 137 millions de dollars pour les ententes fédérales-provinciales-territoriales pour l’enseignement de la langue seconde, et 35,5 millions de dollars pour les programmes de bourses d’été et de moniteurs de langue seconde. Ces investissements devaient s’ajouter à ceux déjà prévus pour les programmes réguliers.
Pour l’enseignement dans la langue de la minorité, c’est-à-dire le financement de la maternelle à la 12ème année des écoles anglophones du Québec et des écoles francophones ailleurs au pays, les progrès ont été continus, mais ils ne sont pas attribuables aux investissements du Plan d’action. En effet, ces investissements importants ont été compensés par une diminution presque équivalente des investissements dans les programmes réguliers. Les progrès sont donc essentiellement ceux qui se seraient produits de toute façon s’il n’y avait pas eu de plan d’action.
La situation est très différente pour l’enseignement de la langue seconde, car, dans ce cas, les investissements dans les programmes réguliers ont été maintenus et ceux du Plan d’action s’y sont rajoutés comme prévu, ce qui a fait doubler la somme totale de ce volet du programme entre 2002-2003 et 2006-2007.
Ce secteur était le deuxième en importance en termes d’investissements, avec 119 millions de dollars, et le Comité l’a analysé en détail. Les résultats pour les volets du réseautage et de l’accès aux soins de santé primaires sont convaincants à tous les points de vue. Le Comité est d’avis que le gouvernement du Canada devrait soutenir énergiquement la mise en œuvre des projets identifiés dans le cadre des initiatives « Préparer le terrain ». Sous le volet « Formation et rétention des professionnels de la santé » — qui accaparait les deux tiers des investissements de ce secteur du Plan d’action — les résultats sont également au-delà des attentes, mais certaines questions demeurent en suspens, comme l’implication des provinces et territoires, l’ambiguïté du rôle du gouvernement fédéral et l’absence d’analyse financière. Pour les trois volets, la Société Santé en français, le Quebec Health and Social Services Network et le Consortium national de formation en santé se sont montrés très inquiets de la possibilité que les investissements en santé ne soient pas renouvelés à l’échéance du Plan d’action. Pour les volets « réseautage » et « Formation et rétention des professionnels de la santé », les investissements sont financés sur une base continue au-delà de 2007-2008, en vertu du Programme de contribution pour l'amélioration de l'accès aux services de santé pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire. Si l’allocation prévue au Rapport sur les plans et priorités du ministère de la Santé se matérialise pour l’exercice financier 2007-2008, les sommes totales dépensées en vertu de ce programme devraient dépenser les engagements initiaux d’environ $3 millions à l’échéance du Plan d’action. Le ministre de la Santé, Tony Clement, a par ailleurs annoncé que le volet portant sur l’amélioration des soins de santé primaire ne serait pas renouvelé en 2007-2008, après avoir été reconduit pour une année supplémentaire en 2006-2007. L’annonce, en octobre 2007, d’investissements de $4,5 millions porte sur les volets « réseautage » et « formation » mais n’indique pas s’il s’agit de nouveaux fonds, ni à quelle période ils s’appliquent.
Dans le secteur de la justice, les investissements de 45,5 millions de dollars ont évidemment peu de résultats directs sur le quotidien des membres des communautés, mais les représentants des organisations qui en ont bénéficié ont salué leur bien-fondé et leur efficacité.
Dans le secteur du développement économique, le Plan d’action prévoyait 33 millions de dollars d’investissements dont Industrie Canada serait responsable. Les intervenants n’ont pas abordé directement cet élément du Plan d’action, et il serait intéressant que le Comité se penche sur cette question dans le cadre d’une étude particulière. C’est surtout la création du Fonds d’habilitation en 2005, dont les 36 millions de dollars sur trois ans se sont ajoutés au Plan d’action, qui a fait l’objet de remarques élogieuses. Les réseaux de développement économique et d’employabilité et les CEDEC au Québec ont grandement bénéficié de ce fonds, et ils se sont montrés inquiets de la possibilité que le financement ne soit pas renouvelé à partir de 2008-2009.
Le volet « Appui aux communautés » du Plan d’action a été souvent abordé lors des réunions. Ce volet était assorti d’investissements de 33,5 millions de dollars, dont 19 millions de dollars en support à des projets susceptibles de soutenir le développement des communautés. Les 13,5 millions de dollars de plus étaient destinés à bonifier les ententes par lesquelles le gouvernement fédéral aide les provinces et les territoires à améliorer leur offre de services dans la langue de la minorité. Dans l’ensemble, ce volet du Plan d’action n’a pas eu de résultats sur le développement des communautés, essentiellement parce que les investissements attendus ne se sont pas concrétisés. Le volet « Vie communautaire » du Programme d’appui aux langues officielles de Patrimoine canadien est le seul à avoir subi une diminution depuis 2002-2003. Les investissements du Plan d’action ont été presque entièrement annulés par une diminution des dépenses du Fonds stratégique ainsi que par une diminution des dépenses du programme régulier des ententes fédérales-provinciales-territoriales pour l’amélioration des services.
De plus, le fait que les anciennes ententes Canada-communautés n’aient pas été renouvelées a souvent été évoqué comme un frein pour les organisations communautaires qui ne peuvent plus faire de planification à moyen terme. En effet, en l’absence de telles ententes, les montants versés aux organismes le sont sur une base annuelle. En 2005-2006, la somme totale de ces montants versés aux organismes est remontée aux niveaux de 2002-2003, après une baisse durant les deux années suivantes. Autrement dit, les organismes communautaires, qui sont les maîtres d’œuvre d’un grand nombre d’initiatives prévues au Plan d’action, ont dû gérer un plus grand nombre de projets tout en subissant une diminution réelle de leurs revenus.
Il est apparu de manière tout à fait claire aux membres du Comité que le soutien à la vitalité des communautés de langue officielle en situation minoritaire passait par le soutien aux organismes communautaires. Ces derniers agissent en mandataires plus qu’efficaces dans l’identification et la mise en œuvre des mesures positives les plus susceptibles de permettre au gouvernement fédéral de remplir les obligations qui lui incombent désormais en vertu de la Loi sur les langues officielles.
Une autre dimension de l’appui aux communautés dans le Plan d’action concernait les programmes d’alphabétisation et les services de garde. La réorganisation en profondeur de ces programmes fut l’objet de nombreuses critiques de la part des représentants des communautés. L’inquiétude la plus profonde touche les services à la petite enfance qui constituent la priorité numéro un des communautés selon le point de vue de l’amélioration de leur vitalité. De nombreux témoignages ont laissé entendre que les services à la petite enfance étaient la principale clé du développement futur des communautés et devraient constituer la pierre angulaire du renouvellement du Plan d’action pour les langues officielles.
Le dernier volet du Plan d’action qu’a examiné le Comité est celui de l’immigration. Malgré un investissement modeste de 9 millions de dollars, il a semblé aux membres que ce secteur devrait faire l’objet d’efforts particuliers lors du renouvellement du Plan d’action. Les mesures annoncées ont été accueillies avec beaucoup d’enthousiasme, mais les résultats ne se sont fait sentir qu’au Manitoba, surtout en raison de l’implication soutenue du gouvernement provincial. Par ailleurs, le Plan stratégique pour favoriser l’immigration au sein des communautés francophones, dévoilé en septembre 2006, poursuit des objectifs dont personne ne remet en question la pertinence. Ce Plan stratégique s’appuie toutefois sur des données beaucoup trop fragmentaires et des cibles de résultats beaucoup trop confuses pour permettre une amélioration de la situation. Les investissements de 307 millions de dollars, annoncés pour l’accueil et l’établissement de l’ensemble des nouveaux arrivants, sont certes bien accueillis par les communautés, mais il est impossible de savoir pour le moment quelle portion de ces sommes sera affectée aux communautés en situation minoritaire.
D. Suites à donner au Plan d’action
Le rapport conclut que le Plan d’action pour les langues officielles a été un atout pour le développement des communautés, mais que ses résultats sont demeurés bien en deçà des attentes initiales, sauf dans les secteurs de la santé et, à un moindre degré, de la justice et du développement économique.
Outre ce bilan mitigé des résultats du Plan d’action, plusieurs autres aspects importants du développement des communautés ont été abordés dans le cadre d’une réflexion sur les suites à donner au Plan d’action à partir de 2008-2009.
Le premier élément de cette réflexion concerne le renouvellement du Plan d’action lui-même. De nombreux témoignages ont révélé une inquiétude liée au fait que rien n’avait été mis en place à ce jour pour assurer ce renouvellement, alors qu’il arrive à échéance. De plus, plusieurs des cibles du Plan, particulièrement en éducation, supposaient qu’il se poursuivrait jusqu’en 2012-2013. Pour ces raisons, le Comité a également recommandé que le gouvernement du Canada mette sur pied dès maintenant un Comité de haut niveau, formé de représentants du gouvernement, des communautés, des provinces et des territoires, chargé de préparer la seconde phase du Plan d’action pour les langues officielles de manière à permettre son intégration au budget 2008-2009. L’annonce de la tenue de consultations dirigées par l’ancien premier ministre du Nouveau-Brunswick, M. Bernard Lord, constitue certes une réponse favorable à cette recommandation du Comité, mais des réserves ont été exprimées par des membres actuels du Comité quant à la manière dont les consultations ont été menées.
Un autre élément de réflexion apporté par les communautés porte sur la manière de réorganiser les efforts du gouvernement fédéral en vue de remplir son obligation de soutenir le développement des communautés et de promouvoir la dualité linguistique. Pour les communautés francophones, la clé réside dans la décision des parents d’inscrire leurs enfants à l’école française. Cette décision sera de beaucoup facilitée par la disponibilité de services préscolaires, intégrés par exemple à un centre scolaire communautaire. L’existence de ces infrastructures doit s’accompagner d’une campagne de sensibilisation des parents francophones aux avantages d’inscrire leur enfant dans une institution francophone, qu’il s’agit de la meilleure garantie de bilinguisme, de loin supérieure à l’immersion, et que cette décision favorisera l’épanouissement professionnel de leur enfant.
Dans le cas des anglophones, il faut poursuivre les efforts de promotion du français par une campagne de promotion qui leur serait destinée, en portant une attention particulière aux anglophones du Québec qui ont besoin d’un meilleur appui pour favoriser l’apprentissage du français. Les institutions postsecondaires, ainsi que le Commissariat aux langues officielles, pourraient être mis à contribution dans cet effort de promotion de la dualité linguistique.
Pour des raisons administratives liées à la division constitutionnelle des champs de compétence, il est souvent difficile d’identifier la source appropriée du financement des infrastructures susceptibles de favoriser la vitalité des communautés. La création d’un fonds d’infrastructures auquel les provinces et territoires pourraient participer a rallié les membres du Comité et les communautés.
Dans un ordre d’idée assez proche, il est apparu évident que l’une des meilleures façons de vérifier l’engagement du gouvernement fédéral envers les communautés consisterait à intégrer une clause sur les communautés linguistiques dans chacune des ententes par lesquelles le gouvernement fédéral transfère des sommes aux gouvernements provinciaux et territoriaux.
Certains secteurs essentiels à la vitalité des communautés étaient absents du Plan d’action, en particulier ceux des médias, des arts et de la culture. Ces secteurs nourrissent la vitalité et en sont le reflet. À cet égard, les médias communautaires sont apparus comme un partenaire potentiel du gouvernement fédéral qui avait été sous-utilisé. Quant aux arts et à la culture, ils sont directement liés à la santé des réseaux communautaires qui soutiennent la plupart des initiatives dans ce domaine.
Finalement, l’analyse plus élaborée qu’a faite le Comité dans les secteurs de la santé et de l’immigration a révélé des lacunes très importantes dans les connaissances sur lesquelles devrait s’appuyer le Plan d’action. Certaines de ces lacunes ont été comblées par la publication récente de l’Enquête post-censitaire de Statistique Canada sur la vitalité des communautés de langue officielle en situation minoritaire1. Cependant, il faut s’assurer de poursuivre les pistes ouvertes par la compilation de ces données par l’ajout d’un volet « recherche » au Plan d’action.
Ce bilan du Plan d’action pour les langues officielles, et la réflexion sur les suites à lui donner, ont permis d’identifier la principale condition de succès de son renouvellement. Cette condition consiste à favoriser une approche globale dans le soutien à la vitalité des communautés. Cette approche comprendrait notamment :
- l’implication active des communautés, des provinces et territoires et du gouvernement fédéral dans les phases d’élaboration, de mise en œuvre et d’évaluation;
- l’identification souple de secteurs clés d’intervention pour lesquels l’importance du financement pourrait être modulée en fonction des priorités établies par les communautés.
Certains éléments importants contenus dans le Plan d’action pour les langues officielles n’avaient pas été abordés dans le cadre de l’étude du Comité sur la vitalité des communautés. La suite du présent rapport vise donc à combler cette lacune, et ainsi permettre de combiner en un seul document la synthèse des positions du Comité sur l’ensemble des domaines touchés par le plan d’action initial. La section suivante porte donc sur la fonction publique, qui constitue un élément clé de la responsabilité du gouvernement fédéral dans la promotion de la dualité linguistique; sur l’industrie de la langue, à laquelle le Plan d’action a donné un élan vigoureux; et finalement sur l’accès à la justice pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire, élément essentiel de la vitalité de ces communautés, mais que l’étude précédente du Comité n’avait pas abordé directement.
[1] Statistique Canada, Jean-Pierre Corbeil et al., Les minorités prennent la parole : résultats de l’Enquête sur la vitalité des minorités de langue officielle, 2007.