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NDDN Rapport du Comité

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Processus d'acquisition et processus associés

Points à examiner

Une des questions soulevées en rapport avec ce processus était de savoir si on ne devrait pas confier au ministère de la Défense nationale les fonctions contractuelles assumées par TPSGC. À première vue, il semble y avoir des aspects positifs et négatifs à une telle mesure.  Le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, l’honorable Michael Fortier, a indiqué que « le Canada est l’un des rares pays où une telle séparation des rôles existe […] Aux États-Unis et au Royaume-Uni, l’armée s’occupe elle-même de ses achats. »  Il a ajouté que cette séparation des rôles, qui remonte à plus de 70 ans, est fondamentale pour veiller à ce que le processus soit équitable et perçu comme tel. En séparant les fonctions de détermination des besoins et de conclusion des contrats, on permet à la société civile d’exercer son droit de regard tout au long du processus d’achat[3].  Toutefois, le fait de regrouper l’approvisionnement militaire sous la même égide pourrait simplifier le processus et clarifier la responsabilité ministérielle.

Notons également que le Canada n’est pas le seul pays à s’intéresser depuis longtemps à la question de la réforme du processus d’approvisionnement militaire. Les États-Unis, l’Australie, le Royaume-Uni et d’autres pays se sont livrés à des exercices de réforme. Comme ici, il y a là des partisans d’une réforme en profondeur du système. À cet égard, le Comité est d’accord avec M. Pierre Lagueux, ancien sous-ministre adjoint (Matériel), qui invitait à la prudence quand on envisage de tels projets. Selon M. Lagueux, le système n’est pas complètement mauvais, et il n’y a pas lieu de créer une toute nouvelle structure. Ce témoin s’est dit ensuite en désaccord avec la recommandation mise de l’avant par M. Alan Williams, lui aussi un ancien sous-ministre adjoint (Matériel). M. Williams préconisait la création d’« Approvisionnement militaire Canada », un organisme regroupant du personnel d’approvisionnement du MDN et du personnel spécialisé dans la passation de marchés de TPSGC. Ce nouvel organisme serait devenu le seul responsable de l’approvisionnement militaire. Il aurait relevé du ministre de la Défense nationale, lequel aurait été responsable de tous les éléments du cycle d’approvisionnement, « depuis la préparation de l’énoncé des besoins jusqu’à la signature et à l’administration du contrat, en passant par l’élaboration de la demande de proposition. »

Rejetant l’idée d’une restructuration en profondeur, M. Lagueux a proposé au Comité un ensemble de solutions à la fois très pratiques et pleines de bon sens que nous recommandons à l’attention du gouvernement. Les voici:

  • Aucune acquisition ne devrait être entreprise sans un énoncé clair, compris et accepté de l’insuffisance des capacités à corriger, et chacune devrait être strictement limitée à ce pour quoi elle est prévue. La « déformation  de l’énoncé des besoins » contribue énormément à la prolongation et à la complication de l’acquisition.
  • Le secteur industriel doit participer aux premières phases de la détermination des solutions éventuelles à l’insuffisance des capacités, étant donné que dans certains cas, la solution à l’insuffisance des capacités peut ne pas résider dans l’achat d’équipement.
  • Dès que le besoin est bien défini, on doit faire appel à des équipes de projet interministérielles intégrées, bien formées, averties et expérimentées.
  • Les stratégies d’approvisionnement adoptées ne doivent pas se contenter d’identifier le risque, elles doivent aussi le minimiser.
  • Il faut encourager le recours à des processus de passation de marchés qui font beaucoup plus usage de spécifications fonctionnelles que de spécifications trop détaillées, bien que l’on ait souvent besoin de fournir des spécifications techniques détaillées.
  • Au moment de l’attribution des marchés, le rendement passé des fournisseurs éventuels doit être pris en considération.
  • Les stratégies d’acquisition varieront d’un projet à l’autre, mais le motif justifiant l’adoption d’une stratégie particulière, qu’elle soit concurrentielle, de source unique ou axée sur le recours à un préavis d’adjudication de contrat, doit être conséquent et clairement compris. Le processus doit en outre reconnaître le secteur industriel à titre de partenaire et prendre en considération le fait que celui-ci a des attentes et des coûts légitimes. Trop souvent, ce secteur est perçu comme un adversaire.
  • Il est primordial que le gouvernement se dote d’une infrastructure industrielle de défense semblable à celles que le Royaume-Uni et l’Australie ont dévoilées dernièrement.
  • Il faut offrir plus d’incitatifs aux fournisseurs, pas seulement leur imposer des pénalités.
  • Le MDN doit se doter d’une marge réelle de financement stable pour le futur. Avant d’être autorisé, un projet doit présenter un profil des dépenses et des recettes réaliste. Les projets doivent être assujettis à des cibles financières et des échéances précises et être annulés advenant le non-respect de ces cibles et échéances.

Des éléments de ces solutions sont aussi apparus dans d’autres témoignages. Nous trouvons qu’ils reposent sur des arguments solides et que, de par leur pragmatisme, ils pourraient aisément être intégrés à la réforme du système d’approvisionnement militaire. Les bureaucraties sont de lourdes institutions ancrées dans leurs vieilles habitudes qui se méfient des nouvelles pratiques. Leur force réside dans la prévisibilité et les méthodes éprouvées au fil du temps. C’est la raison pour laquelle on peut se fier à elles pour nous fournir les biens et services que nous leur demandons, quand nous en avons besoin. Une réforme est certes possible, voire même nécessaire, mais pour qu’elle produise un effet durable, il faut qu’elle soit pragmatique, et non un pur produit de l’esprit. Cinq objectifs de base sont au cœur de toute stratégie d’acquisition militaire :

  • La stratégie doit permettre aux Forces canadiennes de recevoir l’équipement répondant aux besoins opérationnels qu’elles ont définis et qui ont été approuvés.
  • Elle doit le faire en temps opportun.
  • Elle doit assurer un bon rapport qualité-prix, et être perçue comme telle.
  • Le risque doit être géré de concert avec l’industrie.
  • La stratégie doit permettre au gouvernement de se servir de l’approvisionnement militaire comme un moyen d’atteindre des objectifs plus vastes (retombées industrielles, transfert de technologie, développement régional, etc.) [4].

Nous sommes fermement convaincus que le système d’approvisionnement du MDN pourrait atteindre ces objectifs si les dix points exposés précédemment étaient intégrés au processus de réforme. Le Comité recommande donc : 

  1. Que ces dix points servent également de principes directeurs au gouvernement dans la réforme du système d’approvisionnement militaire.

Le système d’approvisionnement est fortement sollicité à l’heure actuelle par les diverses missions dont doivent s’acquitter les Forces canadiennes, surtout celle en Afghanistan. Nos troupes en Afghanistan œuvrent dans des conditions difficiles et il importe de leur fournir le plus vite possible l’équipement dont elles ont besoin. Cela exige parfois une certaine souplesse du processus d’approvisionnement qui ne serait pas de mise en d’autres circonstances. Il faut bien faire attention, cependant, que l’exception ne devienne la règle. Il arrive qu’il faille recourir à un fournisseur unique, plutôt qu’au processus concurrentiel beaucoup plus long, parce que le bien-être de nos militaires est en jeu.

Il est important ici de se rappeler cette mise en garde faite par la vérificatrice générale lors de sa comparution devant le Comité : « Le ministère de la Défense cherche à mettre très rapidement en service de nouvelles plateformes, beaucoup plus rapidement qu’il n’est parvenu à le faire par le passé. Néanmoins, les règles du gouvernement obligent le ministère à suivre un processus d’appel d’offres équitable et ouvert, et à sélectionner des entrepreneurs de manière transparente. Il faut du temps pour respecter les règles, et le ministère ne peut pas sauter d’étapes pour arriver plus rapidement à ses fins. La haute direction de tous les ministères concernés par l’approvisionnement dans le domaine de la défense doit être tenue responsable du respect du processus et doit pouvoir démontrer que toutes les mesures ont été prises pour garantir l’optimisation des ressources[5]. »

Il faut recourir autant que possible à un processus concurrentiel ouvert. Les exceptions ne devraient pas être dictées par des raisons de commodité, mais par des règles et des principes clairs.  Par conséquent, le Comité recommande :

  1. Que le ministère de la Défense nationale examine des moyens de rendre l’attribution de contrats à des fournisseurs exclusifs plus transparente et responsable, avec l’objectif de réduire substantiellement les temps d’attente pour les grands projets d’immobilisations nécessaires à la sécurité nationale du pays.

Les préoccupations qui subsistent

Pour toutes ces raisons, il est évident que notre Comité a une opinion généralement favorable du processus d’approvisionnement. Nous estimons cependant qu’il reste des questions à aborder. Ce que nous désirons, finalement, c’est faire en sorte que le processus d’approvisionnement soit transparent, équitable et efficace. Pour être en mesure de déterminer si ces normes sont en vigueur ou non, nous devons avoir une vision claire des motifs à court et à long terme pour lesquels certains équipements sont achetés. Nous sommes parfaitement conscients de la nécessité de prendre des décisions rapides en ce qui concerne le matériel acquis pour nos troupes qui se battent en Afghanistan. Il ne faut pas compromettre leur sécurité et leur efficacité au combat. À ce moment-là, le matériel doit être fourni le plus rapidement possible. Nous nous rendons compte qu’il est parfois tout simplement nécessaire de déroger aux principes privilégiés de l’appel d’offres concurrentiel en faveur d’un contrat à fournisseur exclusif.

Le Plan de capacités de défense

D’autre part, il y a la question de la planification stratégique à long terme. Dans ce cas-ci, les achats de matériel sont fondés sur des évaluations des besoins futurs et ils devraient, par conséquent, faire d’emblée l’objet d’une surveillance par le Comité parlementaire et d’un appel d’offres concurrentiel. La fonction de surveillance constitue le rôle le plus important des comités parlementaires. Néanmoins, même si nous insistons pour avoir le droit et les outils nécessaires afin de remplir cette fonction de manière efficace, notre Comité n’a jamais prétendu être, au fil des ans et des législatures, en position de prescrire le genre d’équipement requis par les Forces Canadiennes. Nous avons toujours estimé que cette question devait être laissée aux professionnels.

Cela étant dit, nous avons également toujours soutenu que notre Comité, c’est-à-dire nous, en notre qualité de parlementaires, doit faire partie intégrante du processus décisionnel. La détermination des capacités est directement liée à la politique. La politique nous dicte la direction que nous devrions ou que nous pourrions prendre. Les capacités sont les éléments requis pour s’y rendre. Pourtant, malgré les milliards de dollars dépensés en vue d’acquérir du matériel, nous attendons encore le Plan de capacités de défense. En l’absence de documents de planification de base de ce genre, notre Comité peut difficilement évaluer la crédibilité de la politique actuelle et des achats d’équipements.

Nous nous rendons parfaitement compte qu’il est difficile de prédire l’avenir par les temps qui courent et que la planification des capacités ne doit pas, par conséquent, être une mince affaire. Cela dit, en tant que comité, nous croyons qu’il est important que nous connaissions à la fois l’état d’avancement et le contenu du document.  Nous recommandons donc :

  1. Que, pour des raisons de transparence et de responsabilité, le Plan de capacités de défense nationale soit rendu public et déposé devant le Comité permanent de la défense nationale avant la fin de l’exercice en cours.
  2. Que le Plan de capacités de défense nationale soit considéré comme le fondement du processus d’approvisionnement, au même titre que les éléments de base de ce dernier.  

Le rôle du Comité

Comme nous l’avons déjà fait remarquer, le Comité considère que le processus d’approvisionnement doit être transparent et responsable. Encore une fois, il nous incombe, à titre de parlementaires, par le biais des travaux de notre Comité, de contribuer à l’observation du principe d’obligation de rendre compte. Par ailleurs, nous avons également un rôle important en matière de politique, que nous sommes tenus d’exercer dans le cadre des travaux du Comité. 

Ainsi, lorsque de grands projets d’immobilisations en matière de défense sont pris en considération, nous estimons qu’il est impératif que le Comité permanent de la défense nationale prenne part à ce processus. Son rôle à cet égard se doit d’être plus significatif  Nous recommandons donc :

  1. Que tous les grands projets de l’État évalués à plus de 100 millions de dollars proposés par le ministère de la Défense nationale soient communiqués au Comité permanent de la défense nationale pour examen avant l’attribution du contrat.

Il est important de noter que nous ne cherchons pas à obtenir un droit de veto sur les projets de l’État qui sont proposés. Et nous ne suggérons en aucune manière que nous sommes les mieux placés pour déterminer le matériel nécessaire pour permettre aux Forces canadiennes de maintenir leurs capacités. Tout en reconnaissant pleinement les principes de confidentialité des entreprises, nous sommes d’avis que le Comité devrait avoir un accès plus large à la documentation pertinente. Nous affirmons simplement que, en tant que partie intégrante et importante du processus des politiques publiques, notre Comité devrait avoir la possibilité d’exprimer son opinion avant plutôt qu’après le fait. Il est donc important, lorsque de grands projets sont étudiés, que le Comité ait l’occasion de se faire entendre avant l’adjudication des marchés. 

C’est la troisième fois que notre Comité fait cette recommandation. La première fois, c’était en juin 2000, dans notre Étude sur les acquisitions. Nous avions récidivé en avril 2005, dans notre étude concernant l’Acquisition des sous-marins de la classe Victoria par le Canada. Dans les deux cas, nous avons trouvé évasifs les arguments avancés en faveur du rejet de la recommandation.

[3]
NDDN, Témoignages, 20 février 2007, p. 2.
[4]
Pierre Lagueux, « Pour une stratégie nationale d’acquisition d’équipement de défense », dans La création d’un modèle d’acquisition qui donne des résultats, Institut de la Conférence des associations de la défense (ICAD), Cahier Vimy 1, avril 2006.
[5]
NDDN, Témoignages, 1er mars 2007, p. 11.