PACP Rapport du Comité
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La Loi sur l’accès à l’information autorise les Canadiens à demander qu’on leur communique des documents conservés par des ministères et organismes fédéraux. Le gouvernement a 30 jours pour dire au demandeur si on accédera à sa demande et, le cas échéant, pour lui communiquer l’information demandée1. Le gouvernement peut solliciter une prorogation de ce délai en raison du grand nombre de documents demandés ou si les consultations nécessaires pour donner suite à la demande rendent pratiquement impossible l’observation du délai. Le gouvernement doit alors aviser le demandeur du temps supplémentaire requis, en l’informant de son droit de déposer une plainte à ce sujet auprès du commissaire à l’information2.
En juillet 2005, la GRC a reçu du sergent d’état-major André Girard, un représentant des relations fonctionnelles de la GRC, une demande d’accès à tous les renseignements relatifs à la vérification des régimes de retraite de la GRC effectuée en 2004, ainsi qu’à l’enquête menée par le Service de police d’Ottawa. Une demande similaire a été présentée en octobre de la même année. L’information n’a été communiquée qu’en mai 2006, soit près de dix mois après la demande originale.
L’officier responsable de la Sous-direction de l’accès à l’information, le surintendant Pierre Lavoie, a attendu au 13 octobre 2005 pour écrire à Louis Alberti des Services juridiques afin d’obtenir un avis concernant la réponse proposée aux demandes d’accès à l’information, dont la première avait été reçue, rappelons-le, en juillet 2005.
Le 9 mars 2006, cinq mois plus tard donc, M. Alberti écrivait au surint. Lavoie pour dire que l’information pouvait être communiquée, pourvu que l’on prélève certaines parties devant faire l’objet d’une exception. M. Alberti a invoqué devant le Comité une lourde charge de travail pour justifier tout le temps qu’il a mis à étudier le dossier. « À l’époque, a-t-il indiqué, le bureau d’accès à l’information traitait de 60 à 80 dossiers concernant exclusivement des demandes d’accès. On doit établir des priorités3. » Malheureusement, la demande d’accès qui nous intéresse ne semblait pas faire partie de ces priorités.
Peu de temps après, la documentation qu’on se proposait de communiquer a été soumise aux officiers responsables des Ressources humaines et de la Gestion générale, la commissaire adjointe Barbara George et le sous-commissaire Paul Gauvin. Ce dernier a écrit au surint. Lavoie le 21 mars 2006 pour lui faire part de ses préoccupations. Voici un extrait de sa note de service :
Je suis d’accord avec la communication du rapport de vérification sur l’administration du régime de retraite dans sa forme actuelle. Je suis carrément contre la divulgation du rapport sommaire sur le Projet Probité du Service de police d’Ottawa. Ce document est rempli de renseignements personnels que nous ne pouvons pas divulguer aux termes de la Loi sur la protection des renseignements personnels. La divulgation du document, tel quel, aura vraisemblablement comme conséquence de déboucher sur des poursuites au civil contre la GRC et mettra inutilement l’organisation dans l’embarras4.
Le Comité est d’avis qu’il importe de souligner que le surint. Lavoie avait déjà travaillé avec le s.-comm. Gauvin. Cela nous amène à nous interroger sur les raisons pour lesquelles le surint. Lavoie a ressenti le besoin de donner le feu vert au s.-comm. Gauvin au sujet de cette demande d’accès à l’information.
En réponse à cette note, le surint. Lavoie a appelé l’adjoint du s.-comm. Gauvin, l’inspecteur Paul McConnell, pour l’informer que le rapport serait communiqué, mais que le s.‑comm. Gauvin pourrait se prononcer sur les exceptions permises sous le régime de la loi. Ces propos ont été repris dans une note de service expédiée à l’insp. McConnell. Le jour suivant, le supérieur du surint. Lavoie, le commissaire adjoint Bernie Corrigan, a renvoyé les documents aux Services juridiques afin d’obtenir un second avis.
Exaspéré par la situation, le sergent Keith Estabrooks, un des examinateurs des demandes d’accès à l’information, a écrit à son supérieur, le surint. Lavoie : « J’estime que M. Gauvin est en situation de conflit d’intérêts en ayant quoi que ce soit à faire avec la préparation de la documentation demandée étant donné qu’il est un acteur clé dans le dossier. Le simple fait qu’il ait accès aux documents constitue un conflit d’intérêts et est contraire à l’éthique5. »
Le serg. Estabrooks a aussi exprimé sa frustration devant le Comité à propos du temps que l’on avait mis à communiquer les documents :
Je ne sais pas si je parlerais d’ingérence, mais de nombreux avis ont été envoyés. On a sollicité un avis juridique et le document est resté aux services juridiques pendant environ six mois. Puis il nous a été retourné et il est resté dans notre bureau environ une semaine avant d’être renvoyé pour un deuxième avis juridique. Il me semble qu’un avis juridique aurait dû suffire pour un document de 50 pages. Mais dès le début du processus, tout semble avoir été fait pour ralentir les choses6.
Il a indiqué en outre qu’il était inhabituel de demander l’avis des gens nommés dans les documents. Pour reprendre ses paroles : « C’était tout à fait inhabituel qu’une personne dont le nom figurait dans un rapport puisse lire ce que nous allions envoyer et puisse s’exprimer sur la question7. » Le surint. Lavoie a tenu des propos discordants lorsqu’il a comparu devant le Comité :
Selon moi, bien que cela ne soit pas fréquent, rien n’empêche un cadre de prendre part au processus de traitement d’une demande d’accès à l’information appartenant à l’institution et de faire des recommandations.
Les membres de la gestion de la GRC ont un droit, sinon un devoir légitime de faire valoir leur point de vue pour s’assurer que les intérêts du public et ceux de l’institution sont pris en considération dans l’élaboration de la décision finale du coordonnateur de donner un accès ou non, complet ou partiel, aux renseignements demandés. Il n’y a donc rien d’illégal ou de contraire à l’éthique dans une telle consultation8.
Il n’était peut-être pas illégal de transmettre le rapport au s.-comm. Gauvin pour lui demander son avis sur sa divulgation, mais le Comité trouve qu’il était très inopportun d’agir ainsi9. Le s.-comm. Gauvin étant mentionné dans le rapport sommaire du Service de police d’Ottawa, il aurait pu avoir intérêt à ce que ce document ne soit pas communiqué. Vu la nature délicate du rapport et le fait qu’il avait été demandé par un représentant des relations fonctionnelles de la GRC, celle-ci aurait dû apporter un plus grand soin à son traitement et veiller à ce qu’il soit communiqué dans les meilleurs délais. Il est essentiel d’éviter tout conflit d’intérêts ou obstruction dans la communication de l’information.
Malheureusement, il n’y a pas que la façon dont la GRC a traité cette demande d’accès à l’information qui soit inquiétante. Il semble en effet que, de façon générale, la GRC ne prend pas au sérieux les demandes de cette nature qui lui sont soumises. Dans son dernier rapport annuel, le commissaire à l’information a attribué à la GRC la note « F », en raison d’un taux de présomptions de refus des demandes d’accès de 67 p. 10010. Le commissaire a écrit : « La GRC n’a pas de plan cohérent assorti de produits livrables et d’échéances. Elle a du mal à recruter, former et garder des analystes11. » Dans la fiche de rendement de la GRC pour 2006‑2007, le commissaire fait observer que la GRC a alloué 20 postes supplémentaires à la Sous-direction de l’accès à l’information, sauf qu’en décembre 2006, aucun de ces postes n’avait encore été comblé. La fiche de rendement précédente établie pour la GRC renfermait 19 recommandations, mais la GRC n’en a suivi que trois. Le commissaire a expliqué ce piètre rendement chronique de la part de la GRC par un manque de leadership ce qui concerne la haute direction.
D’ailleurs, le surint. Lavoie a lui-même indiqué au Comité qu’il avait eu du mal à répondre aux demandes d’information faute de ressources suffisantes. Voici ce qu’il a déclaré :
[D]urant mon stage comme coordonnateur, j’ai été aux prises avec un mandat très difficile à accomplir, car le volume de travail dépassait largement les capacités d’accomplir la besogne. À cause d’une pénurie aiguë de personnel, on ne suffisait tout simplement pas à la tâche. Chaque mois, on accumulait de plus en plus de retard dans le traitement des demandes d’accès à l’information et de protection des renseignements personnels. Seules ces lacunes en termes de ressources humaines sont responsables des retards dans le traitement des demandes. Cela m’a causé énormément de frustration, car je ne pouvais satisfaire aux obligations en vertu des deux lois12.
Le droit d’avoir accès en temps opportun à l’information détenue par les ministères fédéraux est un droit important dans une société libre et démocratique. La GRC ne semble cependant pas juger nécessaire de fournir à sa Sous-direction de l’accès à l’information les ressources et le soutien dont elle a besoin pour s’acquitter de son mandat. Estimant que le commissaire à l’information est le mieux placé pour recommander à la GRC des moyens d’améliorer ses pratiques et ses politiques d’accès à l’information, le Comité recommande :
Recommandation 27
Que, le 31 mai 2008 au plus tard, la Gendarmerie royale du Canada soumette au Comité des comptes publics un plan d’action décrivant comment elle entend mettre en pratique les recommandations du commissaire à l’information.
Recommandation 28
Que la Gendarmerie royale du Canada accorde les ressources supplémentaires voulues à la Direction de l’accès à l’information pour lui permettre de remplir son mandat.
[1]Voir l’article 7 de la Loi sur l’accès à l’information.
[2]Voir l’article 9 de la Loi sur l’accès à l’information.
[3]Réunion 65, 15 h 55.
[4]Note de service du s.-comm. Paul Gauvin, ayant pour objet la Loi sur l’accès à l’information, adressée à l’officier responsable de la Sous-direction de l’accès à l’information le 21 mars 2006. [traduction]
[5]Note de service du serg. Keith Estabrooks, ayant pour objet le Rapport du Service de police d’Ottawa sur le régime de retraite de la GRC, adressée au surint. Pierre Lavoie le 23 mars 2006. [traduction]
[6]Réunion 53, 17 h 15.
[7]Ibid, 17 h 20.
[8]Réunion 57, 16 h 00.
[9]Le Comité a également entendu des témoignages au sujet d’autres irrégularités dont se serait rendu coupable M. Gauvin relativement aux demandes d’accès à l’information. Il a été question durant la réunion 57 du fait qu’il a été demandé à M. Gauvin de donner des détails sur un verre de Cognac à 80 $ qui n’a pas été inclus dans la réponse à la demande d’accès à l’information.
[10]Des délais de réponse obligatoires sont fixés dans la Loi sur l’accès à l’information et une demande est présumée refusée si on a trop tardé à y répondre. Commissariat à l’information, Rapport annuel 2006-2007, p 27.
[11]Ibid., p. 30.
[12]Réunion 57, 16h 00.