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PACP Rapport du Comité

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Les grands projets de technologies de l’information

INTRODUCTION

Les grands projets de technologie de l’information (TI) impliquent d’intégrer du matériel, des logiciels et des systèmes informatiques nouveaux dans les activités du gouvernement. Ils peuvent ainsi modifier la manière dont les ministères mènent leurs activités en y introduisant de nouveaux processus et en modernisant les méthodes de travail. Le gouvernement fédéral a investi de fortes sommes dans les grands projets de TI. Au cours des trois dernières années, le Conseil du Trésor a approuvé 88 projets de TI, pour un coût total de 7,1 milliards de dollars, auxquels s’ajoutent 1,2 milliard pour l’Inforoute Santé du Canada et 431 millions ’investis par l’Agence du revenu du Canada dans ses systèmes.

Toutefois, les grands projets de TI sont complexes, dispendieux et hasardeux par nature. Ils nécessitent habituellement de longs délais de planification et d’élaboration. Il n’est pas rare que les grands projets de TI affichent un excédent de dépenses, des retards, des problèmes de rendement ou qu’ils soient abandonnés après de lourds investissements. Comprendre pourquoi certains projets réussissent là où d’autres ont échoué aiderait le gouvernement à gérer les projets de TI de manière à assurer leur réussite.

Comme le Comité permanent des comptes publics craint que certains grands projets de TI ne soient pas gérés efficacement, ce qui compromettrait des sommes substantielles tirées des fonds publics, il a tenu une audience le 18 juin 2007 sur le chapitre 3, Les grands projets de technologie de l’information, du rapport de la vérificatrice générale de novembre 2006. Le Comité a entendu, du Bureau du vérificateur général : Sheila Fraser, vérificatrice générale du Canada; Douglas Timmins, vérificateur général adjoint; Richard Brisebois, directeur principal; du Secrétariat du Conseil du Trésor : Ken Cochrane, dirigeant principal de l’information; Jim Alexander, dirigeant principal adjoint de l’information; ainsi qu’un représentant de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada : Steven Poole, président-directeur général de la Direction générale des services d’infotechnologie.

           

CONTEXTE

Les dernières vérifications qu’a effectuées le Bureau du vérificateur général (BVG) sur divers systèmes de TI en voie d’élaboration dans l’ensemble du gouvernement remontent à 1995, 1996 et 1997. Ces vérifications ont permis de constater une analyse inadéquate des questions opérationnelles sous-jacentes, l’inconsistance du soutien de la direction, le manque d’expérience des équipes de projet, une participation et une acceptation inégales de la part des utilisateurs ainsi que le manque de surveillance efficace des systèmes en développement.

En mai 1996, le Comité des comptes publics a publié un rapport sur cette question et a recommandé au gouvernement 

  • d’affecter plus de ressources à la surveillance des grands projets de technologie de l’information;
  • de lui présenter un rapport annuel sur la situation des investissements des ministères dans les systèmes en développement;
  • de demander au Secrétariat du Conseil du Trésor de prendre des mesures pour qu’il y ait pleine appropriation et reddition de comptes pour les grands projets de TI;
  • de diviser les projets, dans la mesure du possible, en composantes plus faciles à gérer.

En 1998, en partie en réponse aux recommandations du BVG, le Secrétariat du Conseil du Trésor a rédigé un document général d’orientation, le Cadre amélioré de la gestion des projets de technologies de l’information — Partie II (CAG). Le Secrétariat entreprend actuellement une révision de ce cadre.

Lors de sa dernière vérification, le BVG s’est penché sur sept grands projets de TI : le Système mondial de gestion des cas, la Voie de communication protégée, le Système d’information sur la gestion des dépenses, le Recouvrement intégré des recettes, le Recensement de 2006 en ligne, AgConnex, et Mon dossier/Mon dossier d’entreprise. La vérification examinait ces projets en fonction de quatre critères : la gouvernance, l’analyse de rentabilisation, la capacité organisationnelle et la gestion du projet. Cette vérification a permis de conclure qu’en général, le gouvernement n’a réalisé que des progrès limités depuis la dernière vérification des projets de TI effectuée en 1997. Cette vérification comportait six recommandations sur la gestion globale des projets de TI, qui ont toutes été acceptées par le gouvernement. 

Le Comité des comptes publics adhère pleinement aux conclusions et aux recommandations de cette vérification. Toutefois, le Comité considère que plusieurs éléments sont problématiques et les a examinés plus en détail dans ce rapport : l’examen du Secrétariat du Conseil du Trésor, la piètre gestion du Système d’information sur la gestion des dépenses et de la Voie de communication protégée, ainsi que la présentation de rapports destinés au public sur les projets de TI.

           

L’EXAMEN DU SECRÉTARIAT DU CONSEIL DU TRÉSOR

Les ministères doivent demander l’approbation du Conseil du Trésor avant d’entreprendre des projets dont la valeur dépasse leurs limites d’autorisation de projet. Il leur faut souvent faire approuver ces projets en deux étapes : l’approbation préliminaire de projet et l’approbation définitive de projet. La vérification souligne que le Secrétariat assiste les ministres du Conseil du Trésor en examinant d’abord les présentations des ministères pour vérifier si elles sont conformes à toutes les politiques pertinentes, en évaluer la validité et déterminer si les projets comportent les éléments de gestion de projets essentiels à leur succès. Le Secrétariat du Conseil du Trésor décrit son rôle comme étant un rôle de surveillance sélective des ministères fondée sur une évaluation des risques, les ressources dont il dispose et sa capacité de superviser et de surveiller les projets.

La vérification avait pour but de déterminer si le Secrétariat du Conseil du Trésor s’était adéquatement acquitté de ses responsabilités d’examen critique et de supervision. Toutefois, le Secrétariat a refusé que le BVG accède à la plupart des informations qu’il a recueillies et des analyses qu’il a préparées, sous le motif qu’il s’agissait de renseignements confidentiels du Cabinet. Par conséquent, la vérification n’a pu permettre d’évaluer la rigueur et la qualité de l’analyse du Secrétariat. Bien que la vérificatrice générale ait affirmé au Comité que ce problème avait été réglé par un nouveau décret, le simple fait qu’il se soit posé préoccupe le Comité, étant donné que la vérificatrice générale aurait dû avoir accès à tous les documents du gouvernement, y compris ceux du Secrétariat du Conseil du Trésor. Maintenant que le BVG a accès à l’information requise, la vérificatrice générale souhaitera peut-être procéder à une vérification de suivi afin d’examiner de près le rôle de surveillance du Secrétariat.

Lors de son audience devant le Comité, le dirigeant principal de l’information (DPI) du Secrétariat du Conseil du Trésor, Ken Cochrane, a expliqué plus en détail le rôle du Secrétariat en le divisant en quatre catégories : la politique, les pratiques, l’analyse critique et la surveillance. Sous la direction du Conseil du Trésor, le Secrétariat formule les politiques qui guident les ministères lorsqu’ils se lancent dans des projets de TI. Dans le deuxième volet, le Secrétariat établit les pratiques exemplaires, telles que leCadre amélioré de la gestion des projets de technologies de l’information. Du côté de l’analyse critique, le Secrétariat formule et révise les recommandations sur les projets ministériels à l’intention des ministres. Les projets à haut risque sont régulièrement surveillés par le DPI de la direction générale.

Selon M. Cochrane, le Secrétariat a l’intention de prendre des mesures correctives pour régler les problèmes décelés par la vérificatrice générale. Le Secrétariat prévoit formuler de nouvelles politiques sur la gestion des projets de TI, mettre en œuvre des modifications au Cadre de gestion amélioré, comme un nouvel outil d’évaluation de la capacité, reformuler et mettre à jour ses processus d’examen des présentations et exiger des ministères qu’ils procèdent à des évaluations par une tierce partie indépendante aux principaux points de repère des projets. Ces activités et bien d’autres ont été décrites dans un bref « plan d’action » présenté au Comité.

Bien que le Comité apprécie les efforts déployés par le Secrétariat pour renforcer son rôle dans la gouvernance et la gestion des projets de TI, il est quelque peu troublé de ce que les problèmes rencontrés avec les grands projets de TI existent depuis des années et que le Secrétariat n’ait pas songé avant aujourd’hui à améliorer ses pratiques. Il est difficile de faire confiance au Secrétariat lorsque le prétendu « plan d’action » fourni au Comité ne comporte rien de plus qu’une énumération en quelques points et un diagramme. Lorsque la vérificatrice générale amorce une vérification, le Comité s’attend à ce que le ministère rédige un plan d’action détaillé et doté de dates limites précises pour la mise en œuvre des recommandations. M. Cochrane a déclaré au Comité qu’il était prêt à donner des détails sur les dates butoirs d’exécution du plan d’action[1]. Cette proposition est loin d’être satisfaisante parce qu’elle oblige le Comité à poser de nombreuses questions pour obtenir des détails sur ce plan. Au lieu de cela, il aurait mieux valu présenter un plan détaillé avant l’audience afin de laisser aux membres le temps de l’étudier et de préparer leurs questions. Le Comité formule la recommandation suivante :

                       
Recommandation 1
Que le Secrétariat du conseil du Trésor fournisse au Comité des comptes publics, d’ici septembre 2008, un plan d’action détaillé doté de dates limites précises concernant la mise en œuvre des recommandations de la vérificatrice générale sur les grands projets de technologie de l’information.

Bien qu’il puisse être difficile pour le Secrétariat du Conseil du Trésor de surveiller tous les grands projets de TI au cours de leur élaboration, le Secrétariat joue un rôle essentiel en décidant de recommander ou non l’approbation d’un projet au Conseil du Trésor. Sans une planification soignée et un examen attentif des diverses options, les projets complexes et difficiles ont peu de chances de réussite. Selon la vérification, l’analyse de rentabilisation constitue la base de toute décision éclairée en matière d’investissement parce qu’elle explique la raison d’être du projet et les résultats attendus[2]. Pourtant, la vérificatrice générale a déclaré au Comité : « Cinq des projets ont reçu le feu vert, même si leur analyse de rentabilisation était incomplète ou dépassée ou même si elle contenait des renseignements pour lesquels aucune preuve à l’appui ne pouvait être fournie[3]. » La vérification fournit de plus amples détails sur des cas particuliers. L’analyse de rentabilisation du Système d’information sur la gestion des dépenses (SIGD) ne comportait pas de plan de projet complet, les buts opérationnels étaient vagues, impossibles à mesurer[4]. Citoyenneté et Immigration Canada a obtenu deux budgets additionnels pour son Système mondial de gestion des cas sans avoir présenté d’analyse de rentabilisation révisée afin de donner une image plus claire du projet ou de redéfinir les objectifs[5]. L’analyse de rentabilisation de la Voie de communication protégée n’indiquait pas la provenance des fonds nécessaires au fonctionnement et à la maintenance du projet[6]. En fait, le Conseil du Trésor a demandé à cinq reprises un modèle opérationnel durable indiquant la provenance des fonds pour le fonctionnement de la Voie de communication protégée. L’analyse de rentabilisation rédigée par Travaux publics et Services gouvernementaux Canada a été approuvée par le Secrétariat, même si elle ne tenait pas compte des préoccupations concernant la viabilité que la vérificatrice avait soulevées dans son rapport de 2003[7]

Ken Cochrane a admis que le gouvernement devait faire mieux du côté des analyses de rentabilisation et a affirmé qu’il mettra sur pied une approche plus cohérente. Il a déclaré au Comité que le Secrétariat surveillera également la conformité au Cadre amélioré de gestion, en particulier des analyses de rentabilisation, au moyen du Cadre de responsabilisation de gestion (CRG). Il a déclaré : « Si vous connaissez ce cadre de responsabilisation de gestion, vous savez qu’il comprend un indicateur axé précisément sur la gestion de projet, et les analyses de rentabilisation sont une composante clé de la gestion de projet[8]. » Cependant, l’évaluation du CGR constitue une évaluation pangouvernementale et ne porte pas sur chacun des projets en particulier. En outre, le Comité est stupéfait que le Secrétariat du Conseil du Trésor puisse même donner le feu vert à des projets qui ne sont pas dotés d’analyses de rentabilisation adéquates. Si des projets sont approuvés à partir d’informations incomplètes ou dépassées, le problème dépasse le simple perfectionnement des exigences relatives aux analyses de rentabilisation.

La vérificatrice générale a recommandé que le Secrétariat resserre ses exigences en matière d’analyse de rentabilisation[9]. Le comité est aussi de cet avis, mais aimerait pousser les choses plus loin, parce que si le Secrétariat recommande au Conseil du Trésor de financer des projets ne possédant pas d’analyses de rentabilisation adéquates, il devrait alors être en partie tenu responsable des échecs dus à une proposition inadéquate. Comme la vérificatrice générale l’a dit : « À moins qu’il y ait des conséquences à ne pas fournir d’analyses de rentabilisation complètes, les gens continueront à fournir des analyses inadéquates[10]. » Par conséquent, le Comité formule la recommandation suivante:

           
Recommandation 2
Que le Secrétariat du Conseil du Trésor s’assure que tous les projets de technologie de l’information ont fait l’objet d’une analyse de rentabilisation détaillée, complète et à jour avant d’être soumis à l’approbation du Conseil du Trésor.

Des études indiquent que les petits projets de TI ont plus de chances de réussir que les grands projets. Cependant, la vérification mentionne que les ministères et les organismes continuent à se lancer dans des grands projets de TI[11]. Le Comité a observé que les projets bien gérés examinés par la vérification, Recensement de 2006 en ligne et Mon dossier/Mon dossier d’entreprise, étaient très précis et ciblés. Dans son rapport de 2006 à ce sujet, le Comité recommandait que, chaque fois que cela est possible, le gouvernement divise les projets de TI en composantes plus petites et plus faciles à gérer. Bien que le Comité reconnaisse que le gouvernement est confronté à des problèmes vastes, complexes et interministériels, il continue de croire que tous les efforts possibles doivent être déployés pour mettre en œuvre des petits projets ciblés lorsque cela est possible. Le Comité formule la recommandation suivante:

Recommandation 3
Que le Secrétariat du Conseil du Trésor exige que toutes les nouvelles présentations de projet de technologie de l’information comprennent une analyse d’options sur la possibilité de diviser les grands projets en de plus petits projets plus faciles à gérer.
           
[1]
Réunion 69, 17 h 05.
[2]
Vérificatrice générale du Canada, rapport de novembre 2006, chapitre 3 : Les grands projets de technologie de l’information, paragraphe 3.62.
[3]
Réunion 69, 17 h 05.
[4]
Chapitre 3, paragraphe 3.78.
[5]
Ibid., paragraphe 3.85.
[6]
Ibid., paragraphe 3.69.
[7]
Ibid., paragraphe 3.70.
[8]
Réunion 69, 17 h 30.
[9]
Chapitre 3, recommandation 3.90.
[10]
Réunion 69, 17 h 30.
[11]
Chapitre 3, paragraphe 3.22.