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PACP Rapport du Comité

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Les grands projets de technologies de l’information

SYSTÈME D’INFORMATION SUR LA GESTION DES DÉPENSES

Le projet le moins bien coté par le Bureau du vérificateur général était le Système d’information sur la gestion des dépenses (SIGD) du Secrétariat du Conseil du Trésor. Ce projet est destiné à faciliter la gestion des dépenses du gouvernement en fournissant des informations sur les coûts requis pour satisfaire aux priorités du gouvernement et atteindre des résultats donnés. Le coût initial du SIGD était estimé à 16,2 millions de dollars mais a été réévalué à 53,7 millions. Lors d’une réunion précédente sur le SIGD, le secrétaire du Conseil du Trésor, Wayne Wouters, a laissé entendre que cette hausse était due à un élargissement de la portée du projet. Il a déclaré : « Nous avons modifié le projet global afin de nous permettre de réunir non seulement des renseignements financiers, mais également des renseignements non financiers et de faire le lien entre tous ces renseignements et les résultats[12]. » Toutefois, la source des problèmes du SIGD est plus profonde que cela.

Le BVG a conclu que le SIGD ne remplissait aucun des critères utilisés pour évaluer les grands projets de TI. Les faiblesses de l’analyse de rentabilisation mentionnées plus haut signifient que l’équipe de projet avait de la difficulté à déterminer si elle atteignait son objectif global. En outre, la vérification a permis de conclure que le Secrétariat ne possédait pas la capacité nécessaire au maintien du nouveau système. Le Secrétariat n’a jamais déterminé les ressources requises pour terminer le projet, présentait un important taux de roulement du personnel dans les postes de direction et ne possédait pas suffisamment de personnel qualifié et expérimenté dans ce projet pour que celui-ci progresse comme prévu. Il s’agit en outre d’un bon exemple de gestion de projet inefficace. En effet, le projet n’était pas doté d’un cadre d’évaluation du rendement, ni de points de repères et de produits livrables précis. La gestion du risque de ce système était menée de piètre façon et de manière incomplète. Les résultats de la vérification interne sur l’élaboration du SIGD étaient tout aussi accablants. On pouvait y lire en conclusion : « Vous remarquerez que la plupart des observations et des recommandations semblent tirées d’un manuel de gestion de projets. Certains facteurs clés revêtent une importance critique pour la réussite de tout projet. Nous avons utilisé ces facteurs comme critères de vérification et, dans la plupart des cas, nous avons constaté qu’ils étaient absents ou étaient encore mis en œuvre de façon incomplète[13]. »

La piètre gestion du SIGD jette un doute sur ses chances de réussite, mais des éléments du SIGD ont été mis en fonction en décembre 2007 et serviront à appuyer la préparation du Budget principal des dépenses en 2008-2009. Si le SIGD ne fonctionne pas comme prévu, le gouvernement aura de la difficulté à réviser le Système d’information sur la gestion des dépenses. Les grands projets de TI ne comportent pas seulement des risques pour les fonds publics, mais apportent aussi des changements considérables dans la manière de fonctionner du gouvernement. Les inquiétudes du Comité quant au SIGD l’incitent à recommander dans son rapport sur le Système de gestion des dépenses que le Secrétariat lui remette un rapport de situation sur la mise en œuvre du SIGD.

Plus important encore, le fait que l’équipe de projet du SIGD n’a pas suivi le propre Cadre amélioré de gestion du Secrétariat du Conseil du Trésor mine la crédibilité de ce dernier quant à la prestation d’une direction, d’une orientation et d’une surveillance des ministères dans les grands projets de TI. Le Secrétariat doit prêcher par l’exemple s’il veut que les ministères prêtent foi à ses conseils et à ses directives. Pour restaurer sa crédibilité, le Secrétariat doit démontrer qu’il a tiré des leçons de son expérience du SIGD et qu’il les applique dans l’orientation qu’il offre aux ministères. Par conséquent, le Comité formule la recommandation suivante :

Recommandation 4
Que le Secrétariat du Conseil du Trésor effectue une évaluation de l’élaboration et de la mise en œuvre du Système d’information sur la gestion des dépenses, y compris les lacunes dans l’analyse de rentabilisation relevées par le Bureau du vérificateur général, et qu’il présente, d’ici le 31 décembre 2008, un rapport au Comité des comptes publics sur la manière dont il appliquera les leçons qu’il a tiré de cette évaluation au Cadre amélioré de gestion.
 

VOIE DE COMMUNICATION PROTÉGÉE

Le projet le plus dispendieux qu’a examiné le BVG était la Voie de communication protégée. Ce projet constitue un volet clé de l’initiative du Gouvernement en direct. Il offre une infrastructure sécurisée qui permettra aux Canadiens d’utiliser un guichet unique pour effectuer des transactions en ligne avec le gouvernement de façon sécuritaire et efficace. Durant la période de planification, de conception et d’essai sur le terrain (de 1999 à 2003), c’est au Secrétariat du Conseil du Trésor qu’a incombé la responsabilité de la surveillance, de l’orientation stratégique et de la prise de décisions pour le projet de la Voie de communication protégée. En septembre 2003, l’utilisation de la technologie a été approuvée et, en décembre 2003, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada a pris la gestion du projet à sa charge. Le coût initial de la Voie de communication protégée était estimé à 96 millions de dollars mais a été réévalué à 400 millions. Son fonctionnement entraîne également des coûts permanents élevés, de l’ordre de 100 millions de dollars par année. En date du 31 mars 2006, 596 millions avaient été investis dans ce projet, dont 196 millions en fonctionnement. 

La vérification a permis de constater que le projet de la Voie de communication protégée présentait un certain nombre de problèmes en matière de gouvernance. Les ministères et organismes ne se sont pas entendus sur la manière de maintenir le projet ou sur les avantages qui en résulteraient. Le budget de programme du projet ne tenait pas compte de l’ensemble des coûts du cycle de vie. En outre, l’analyse de rentabilisation n’indiquait pas de source de financement pour le maintien des activités courantes du projet. Le Conseil du Trésor a demandé à cinq reprises un modèle opérationnel durable indiquant la provenance des fonds pour le fonctionnement de la Voie de communication protégée. Le projet a reçu du financement du Conseil du Trésor à onze reprises et, en 2004, les fonds affectés à une stratégie de rechange ont été utilisés pour maintenir ses activités. Il semblerait que le gouvernement a bâti ce système sans disposer d’un plan à long terme sur la manière de le maintenir. La vérificatrice générale a déclaré au Comité : « Pour un projet de cette taille et de cette complexité, on s’attendrait à ce que les ministères aient mis en évidence les besoins plutôt que de créer quelque chose et de s’attendre à ce qu’ils l’utilisent[14]. » Le Comité est extrêmement déçu que le Secrétariat du Conseil du Trésor et Travaux publics et Services gouvernementaux Canada aient décidé de donner suite à un projet très coûteux sans en avoir clairement établi la nécessité et sans avoir procédé à une analyse coûts-avantages. Les fonctionnaires de ces ministères doivent assumer une part des responsabilités liées aux coûts sans cesse grandissants de ce projet pour le contribuable.

La Voie de communication protégée est maintenant censée suivre un modèle de recouvrement des coûts selon lequel les ministères paient Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC) chaque fois que les Canadiens utilisent la Voie de communication protégée pour accéder à leurs programmes. L’adhésion des ministères est essentielle parce que le gouvernement doit affecter près de 100 millions de dollars chaque année aux activités de la Voie de communication protégée. Si les ministères ne l’utilisent pas, le coût moyen des activités prend alors une ampleur considérable et TPSGC doit absorber les coûts de fonctionnement. Le rapport de rendement de TPSGC signale que « lorsque la Voie de communication protégée fonctionne à pleine capacité, le coût de ses services est conforme à la norme du secteur et, dans certains cas, légèrement inférieur à la moyenne[15] ». Toutefois, la vérification a permis de constater que l’adhésion des ministères est loin d’égaler les attentes et que la Voie de communication protégée fonctionne à moins de 50 p. 100 de sa capacité[16]. La vérificatrice générale a déclaré ceci au Comité : « On nous a appris que Service Canada l’avait temporairement arrêté. Peut-être que le service a été rétabli, mais la dernière fois que nous avons vérifié, Service Canada n’utilisait toujours pas la Voie de communication protégée. L’Agence de revenu du Canada ne s’en sert pas pour les déclarations de revenu[17]. » 

Les rapports publiés indiquent que les ministères hésitent à utiliser la Voie de communication protégée parce qu’elle est plus dispendieuse que les autres solutions à leur portée et qu’elle est difficile à utiliser[18]. Afin de régler le problème de durabilité et d’adhésion des ministères, le Conseil du Trésor a rendu obligatoire l’utilisation de la Voie de communication protégée par les ministères. Le Comité approuve le passage vers les services gouvernementaux en ligne mais ne voit pas l’intérêt d’obliger les ministères à utiliser un système en ligne s’il est trop dispendieux et empêche ainsi les Canadiens d’utiliser ces services. Par conséquent, le Comité formule la recommandation suivante :

Recommandation 5
Que Travaux publics et Services gouvernementaux Canada effectue une analyse coûts-avantages du maintien de la Voie de communication protégée et en communique les résultats au Comité des comptes publics avant le 31 décembre 2008.

Bien que le Comité ait appris qu’une analyse de rentabilisation révisée a dernièrement été approuvée par le Conseil du Trésor, il croit que la diffusion régulière de renseignements sur la Voie de communication protégée est cruciale pour effectuer un suivi des coûts et de la durabilité de ce projet. TPSGC a fourni des renseignements sur la Voie de communication protégée en tant qu’initiative horizontale dans son rapport de rendement, mais comme ce projet ne constitue plus une initiative horizontale, ces renseignements ne sont plus mis à jour. En outre, les informations fournies étaient à peine fondées sur les résultats. Par exemple, le rapport de 2005-2006 indiquait que le résultat prévu était l’adoption par les clients et le résultat atteint était qu’avec 42 applications mises en œuvre dans 26 organisations, le taux d’adoption par les clients avait augmenté. Dans ce domaine, les informations importantes sur le rendement devraient être plus claires que cela. Par conséquent, le Comité formule la recommandation suivante :

           
Recommandation 6
Si la Voie de communication protégée est maintenue, que Travaux publics et Services gouvernementaux Canada fournisse des informations significatives fondées sur les résultats dans son rapport ministériel annuel sur le rendement sur la Voie de communication protégée, notamment des informations sur le nombre de transactions traitées, le nombre de ministères l’utilisant, le pourcentage d’utilisation de sa capacité et son coût par transaction.

ÉTABLISSEMENT DE RAPPORTS

Le Comité n’est pas préoccupé par ces deux projets uniquement. Il importe que tous les grands projets de TI du gouvernement soient bien gérés. Bien que le Secrétariat du Conseil du Trésor se soit engagé à améliorer son processus de révision, le Comité croit fermement que le Parlement doit avoir accès à suffisamment d’informations pour lui permettre de remplir adéquatement son rôle d’institution de responsabilisation et de suivre les investissements, souvent considérables, du gouvernement dans ces projets. Le Comité a noté que c’est seulement grâce à son rapport sur le Programme canadien des armes à feu que le gouvernement a fourni des informations financières détaillées sur le coût total du Système canadien d’information relativement aux armes à feu II, qui a été abandonné après des dépenses de 81 millions de dollars[19]. En outre, le Comité n’aurait jamais appris, sans le rapport de la vérificatrice générale, qu’Agriculture et Agroalimentaire Canada a interrompu son projet AgConnex après y avoir investi 14 millions de dollars. Comme les ministères et organismes semblent peu enclins à fournir de façon proactive de l’information sur le coût de leurs grands projets de TI, le Comité formule la recommandation suivante :

Recommandation 7
Que dans ses directives aux ministères sur la rédaction de rapports au Parlement, le Secrétariat du Conseil du Trésor exige des ministères et des organismes qu’ils fournissent des renseignements sur les coûts et sur le rendement des projets de technologie de l’information évalués à plus de 10 millions de dollars, dont le coût estimatif initial et actuel total, les coûts engagés jusqu’alors, la date d’achèvement prévue et les résultats attendus du projet.

CONCLUSION

Il importe que le gouvernement continue d’investir dans les grands projets de technologie de l’information afin de moderniser sa façon de fonctionner. Toutefois, il est crucial que ces projets soient bien gérés. S’ils ne le sont pas, les conséquences risquent d’être lourdes quant aux sommes considérables tirées des fonds publics et aux changements prévus dans les activités. Pour que les ministères évitent de répéter les mêmes erreurs, il est essentiel qu’ils disposent d’un solide cadre de gouvernance et de gestion, et surtout qu’ils puissent compter sur une analyse de rentabilisation approfondie et convaincante. Malheureusement, la vérificatrice générale a constaté qu’il y avait eu peu de progrès réalisés depuis la dernière vérification des projets de TI effectuée en 1997. Les ministères ne suivent pas toujours la Cadre amélioré de gestion du Secrétariat du Conseil du Trésor et se lancent dans des projets qui présentent de gros risques. Le Comité des comptes publics est troublé par ce manque de progrès et croit que le Secrétariat doit adopter un rôle plus marqué à l’égard de ces projets, en particulier lors de la phase de planification et de la rédaction des analyses de rentabilisation. Bien que deux cas présentés dans la vérification soulèvent une inquiétude particulière, le Comité croit que le gouvernement doit être plus proactif dans la prestation d’information publique, et ce, dans l’ensemble des grands projets de TI, parce que les parlementaires et les Canadiens doivent pouvoir compter sur le fait que les deniers publics sont dépensés de façon judicieuse et avec prudence.

[12]
 Réunion 42, 15 h 40.
[13]
Secrétariat du Conseil du Trésor, Vérification de l'élaboration du Système d'information sur la gestion des dépenses (SIGD), 25 novembre 2005, page 34.
[14]
Réunion 69, 17 h 40.
[15]
Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, Rapport ministériel sur le rendement de 2005-2006, annexe B.
[16]
Chapitre 3, paragraphe 3.75.
[17]
Réunion 69, 17 h 40.
[18]
 Kathryn May, « Clumsy online service forced on PS », Ottawa Citizen, 23 janvier 2007, page A1. Dan Deeby, « Tax Agency says federal system too expensive », Canadian Press, 2 juillet 2007.
[19]
Comité permanent des comptes publics de la Cambres des communes, Dixième rapport, Le chapitre 4, Le Programme canadien des armes à feu du Rapport de mai 2006 du vérificateur général du Canada, 39e législature, décembre 2006.Gouvernement du Canada, Réponse du gouvernement au dixième rapport du Comité permanent des comptes publics, Le chapitre 4, Le Programme canadien des armes à feu du Rapport de mai 2006 du vérificateur général du Canada, mars 2007.