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Puis-je demander aux députés de regagner leur siège? Je rappelle aux députés et aux témoins que les séances de deux heures de ce matin et de cet après-midi sont télévisées.
Pour votre gouverne et celle du public, j'aimerais vous lire la motion qui a été adoptée :
Que le Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie institue un sous-comité composé des 12 membres du comité permanent, pour qu'il tienne environ trois séances à la fin de l'été ou au début de l'automne afin d'entendre des représentants de l'industrie pétrolière et gazière, des administrateurs de caisse de retraite, des investisseurs institutionnels associés aux bourses électroniques et d'autres témoins afin d'expliquer les raisons de l'escalade des prix du pétrole et du gaz.
C'est la motion officielle qui a été adoptée. C'est la raison pour laquelle le sous-comité tient deux séances aujourd'hui.
De 10 heures à midi, nous entendrons trois témoins. Tout d'abord, nous céderons la parole au président de l'Institut canadien des produits pétroliers. Monsieur Peter Boag, soyez le bienvenu.
Ensuite, nous entendrons M. Warren MacLean à titre personnel. Nous vous souhaitons la bienvenue.
Enfin, de la Canadian Independent Petroleum Marketers Association, accueillons Mme Jane Savage, présidente et chef de direction.
Nous allons commencer par M. Boag. Vous disposez de cinq minutes pour faire une déclaration liminaire, après quoi nous passerons à la période de questions.
Monsieur Boag.
Monsieur le président, merci de me donner cette occasion d'être ici aujourd'hui pour participer à vos délibérations sur un sujet très important et très d'actualité pour les consommateurs canadiens.
Bien trop souvent, lorsque nous considérons les rouages du marché, nous avons tendance à ne pas tenir compte du rôle que joue l'information dans la vie des consommateurs lorsque vient le temps d'investir leur argent durement gagné. Votre travail et celui de l'ICPP est donc important si nous voulons que les Canadiens soient en mesure de faire les meilleurs choix possible pour eux et leur famille.
Comme nombre d'entre vous le savez, l'Institut canadien des produits pétroliers compte parmi ses membres les principaux raffineurs et distributeurs de produits pétroliers du Canada. Collectivement, ils exploitent 16 raffineries et approvisionnent la majorité des points de distribution au Canada. Leur présence, leurs produits et leurs services sont une nécessité de tous les jours pour les Canadiens. À la racine même de leur existence, nos membres sont des entreprises extrêmement compétitives qui s'efforcent de fournir des produits de grande qualité et abordables. Aucun autre secteur ne communique les prix de ses produits au public consommateur de façon aussi directe, sur des enseignes aussi grandes que vous et moi, de façon qu'ils soient clairement visibles de la voie publique.
Trois marchés influent sur le coût des carburants à ces stations-service, marchés qui sont eux-mêmes influencés par les fondamentaux de l'offre et de la demande. Les deux premiers sont les marchés internationaux des marchandises et des finances.
Tout d'abord, il y a le marché international du pétrole brut. Des milliers de transactions sont exécutées quotidiennement par des négociateurs partout dans le monde. Il est bien reconnu que l'augmentation des prix du pétrole brut tient essentiellement à la demande mondiale croissante, surtout en provenance de l'Asie et du Moyen-Orient. On n'a qu'à penser au nombre de personnes qui se sortent de la pauvreté, en Asie en particulier, et la pression haussière sur les prix du pétrole ne devrait avoir rien de surprenant.
On retrouve ensuite les marchés de gros nord-américains pour les carburants. Il n'existe pas de marché des carburants unique au Canada. Les prix de gros au Canada sont donc influencés par l'équilibre entre l'offre et la demande de produits dans l'ensemble du marché nord-américain.
Le troisième marché est le marché de détail local — les décisions prises par les détaillants individuels de chaque collectivité. Au 31 décembre 2006, il y avait 13 772 stations-service de détail en exploitation au Canada. Et puisque à peu près 30 p. 100 de ces établissements appartiennent aux principaux raffineurs, cela veut dire que plus de 9 500 décideurs participent à l'établissement des prix affichés dans les stations-service à l'échelle du Canada.
Dans les provinces de l'Atlantique et au Québec, une législation et une réglementation provinciales qui limitent la concurrence entrent aussi en ligne de compte. Dans les provinces de l'Atlantique, on fixe un prix à la pompe maximal, soit chaque semaine, soit deux fois par mois. Au Québec, la Régie de l'énergie fixe un prix minimal hebdomadaire.
Chacun de ces trois marchés — mondial, nord-américain et local — a connu une volatilité considérable au cours de la dernière année, et les prix à la pompe au Canada ont atteint des niveaux sans précédent en juillet.
Le pétrole brut est, de loin, la plus importante composante des prix à la pompe. Des données compilées par Ressources naturelles Canada montrent que, selon le prix à la pompe moyen actuel au Canada de 1,30 $ le litre pour l'essence ordinaire sans plomb, le brut représente à peu près 82 ¢ — soit un peu moins de 65 p. 100 du prix à la pompe. Les variations des prix à la pompe au Canada au cours des derniers mois ont suivi de près les variations des prix du pétrole brut observées sur le marché mondial.
Les variations du prix de l'essence à la pompe au Canada, ces derniers mois, s'apparentent étroitement à celles des prix du brut fixés par le marché mondial. Dans ma présentation, vous trouverez plusieurs graphiques qui illustrent la ventilation des différentes composantes du prix selon les régions du Canada et comment les prix du pétrole brut et de l'essence ordinaire concordent au cours des derniers mois.
Les mêmes données montrent que les taxes sont la deuxième composante des prix à la pompe en importance — en moyenne au Canada, les taxes représentent 34 ¢ le litre — soit environ 26 p. 100 du prix à la pompe canadien moyen de 1,30 $ le litre pour l'essence ordinaire sans plomb. Enfin, ces données révèlent que les activités de raffinage et de commercialisation représentent la plus petite composante des prix à la pompe — c'est-à-dire environ 14,5 ¢ le litre ou 11 p. 100 du prix à la pompe.
Les marges de raffinage sont considérablement plus faibles aujourd'hui qu'elles ne l'étaient il y a un an. J'insiste sur le fait que marge ne veut pas dire profit. La marge de raffinage est la différence entre le prix du brut qui alimente la raffinerie et le prix de gros des carburants qui en ressortent. Les profits, le cas échéant, sont ce qu'il reste une fois les coûts payés. Les marges de raffinage actuelles sont d'un peu moins de 8 ¢ le litre, soit environ le même niveau que la marge de commercialisation moyenne à l'échelle mondiale — la différence entre le prix de gros à la sortie de la raffinerie et le prix que les consommateurs paient à la pompe.
Les raffineurs ont été touchés par l'escalade des prix du pétrole brut au cours des récents mois. Selon les données de RNCan, et je cite: « Pour la période de quatre semaines se terminant le 12 août, les marges des raffineurs étaient sous la barre des 8 cents le litre à l'échelle nationale et tiraient de l'arrière par plus de 9 cents par rapport au niveau de l'an dernier. »
Le repli de la demande aux États-Unis a exercé une pression à la baisse sur les prix de gros de l'essence en Amérique du Nord. Les plus récentes données disponibles de RNCan — datant du début d'août — révèlent qu'à l'échelle nationale, les prix de gros aux États-Unis et au Canada diffèrent d'au plus un cent le litre.
Bien qu'il s'agisse d'une mince consolation pour les Canadiens, la volatilité dont nous avons été témoins récemment n'est pas unique au Canada. Ce qui est unique, c'est que les Canadiens paient moins cher que les citoyens de tous les pays du monde occidental, sauf un, pour les carburants à base de pétrole. Cela tient à la rigueur du marché et à la grande efficience de son secteur du raffinage.
L'ICPP reconnaît le rôle important que le gouvernement fédéral joue en assurant une concurrence sur le marché et félicite particulièrement ce comité pour l'important travail qu'il a accompli au fil des ans dans le cadre de son examen de la Loi sur la concurrence. Conjointement avec un Bureau de la concurrence très professionnel et compétent, nous soutenons que les Canadiens peuvent avoir confiance dans une structure de marché qui défend réellement les droits des consommateurs. À mesure que le gouvernement fédéral poursuivra ses efforts visant à renforcer la Loi sur la concurrence, l'ICPP sera un partenaire responsable et continuera de trouver de nouveaux moyens de moderniser les lois qui encadrent le marché.
Pour un moment, j'aimerais attirer votre attention et celle des Canadiens sur certains des facteurs qui influent sur le coût des carburants produits et vendus au Canada — des facteurs et des coûts qui ne se traduisent pas par une augmentation du volume de carburant produit. Certains de ces coûts sont justifiés par des considérations environnementales, mais il s'agit néanmoins de coûts. Par exemple, la décision de désulfurer le carburant a occasionné des dépenses de l'ordre de 5 milliards de dollars pour les raffineurs canadiens. En avril dernier, le gouvernement a éliminé l'exemption de taxes d'accise fédérale sur les mélanges de carburants renouvelables.
En conclusion, nous comprenons les inquiétudes et les frustrations des Canadiens au sujet de la volatilité des prix des carburants. En même temps, il s'agit de la meilleure preuve d'un marché qui offre un choix de produits de qualité au plus bas coût possible. Ce sont avant tout les facteurs de l'offre et de la demande à l'échelle mondiale qui influent sur les prix des carburants et, bien que l'ICPP ne se penche pas sur toutes les dimensions internationales, il est clair que la demande de carburant est appelée à augmenter dans les régions comme l'Asie où les gens en sont à acheter leur première voiture.
Les taxes sont la deuxième composante des prix à la pompe. L'ICPP n'émet pas d'opinion sur les niveaux de taxation, mais cette composante représente néanmoins le plus important élément discrétionnaire que les Canadiens paient. Les politiques gouvernementales sont elles aussi responsables de l'augmentation des coûts et, bien que certaines soient fondées sur des raisons scientifiques susceptibles d'améliorer l'environnement, d'autres sont discutables.
Notre industrie s'est engagée à fournir aux Canadiens des carburants de qualité, au plus bas coût possible, à partir d'installations sûres et fiables. Nous pouvons aussi donner aux Canadiens des conseils en matière de conservation afin que leur argent durement gagné aille plus loin. En définitive, les Canadiens sont bien servis par un marché concurrentiel; ils paient aujourd'hui moins cher pour leur carburant que les citoyens de tous les pays du monde occidental sauf un.
Merci.
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J'ai pensé qu'il serait bien de vous exposer brièvement mes antécédents professionnels. J'ai obtenu un baccalauréat en génie chimique et une maîtrise en administration des affaires de l'Université McMaster. J'ai travaillé dans l'industrie pétrolière pendant 32 ans, soit 10 ans chez Gulf Canada et 22 ans au sein de Suncor. J'ai oeuvré autant dans les segments en aval qu'en amont, notamment dans le raffinage, l'approvisionnement, les marchés de gros et de brut, la logistique, la planification stratégique et les activités liées aux fusions et aux acquisitions. J'ai pris ma retraite le 30 juin dernier, et le dernier poste que j'ai occupé était celui de vice-président de l'approvisionnement, de la distribution et des biocarburants.
En ce qui concerne l'objet de cette séance, on soulève beaucoup de questions et de préoccupations relativement aux récentes augmentations du prix du pétrole brut et des produits dérivés, l'essence et le diesel. On se demande si celles-ci sont davantage attribuables à la spéculation qu'aux règles fondamentales de l'offre et de la demande. Je ne saurais vous répondre, mais je peux certainement vous aider à comprendre les divers marchés et les mécanismes de détermination et de fixation des prix et comment ils interagissent entre eux. D'après mon expérience, il serait extrêmement difficile pour les spéculateurs de faire monter les prix en défiant les fondamentaux du marché, compte tenu de l'importance du marché, du nombre de joueurs, de sa liquidité, de sa complexité, notamment des multiples emplacements, des facteurs de qualité, des configurations de raffinage et des effets de substitution.
J'ai donc prévu d'aborder chacun de ces facteurs, en commençant par les marchés.
Le marché du pétrole brut est international alors que celui des produits pétroliers est plutôt régional. Les centres de raffinage sont souvent ceux qui établissent les prix, entre autres le Nord-Ouest de l'Europe, la côte du golfe du Mexique et l'Extrême-Orient, celui-ci étant représenté habituellement par Singapour, mais il se peut très bien qu'il soit remplacé par l'Inde, vu sa capacité de raffinage croissante. Les prix des produits sont établis au coût marginal du raffineur le plus cher. Pour ce qui est du pétrole brut, on réalise facilement un arbitrage entre les trois marchés, alors que les produits sont habituellement limités aux bassins de l'Atlantique et du Pacifique, la logistique étant le principal facteur de la segmentation du marché.
Pour ce qui est de la détermination des prix, on retrouve généralement trois facteurs: les marchés à terme de New York et de Londres, qu'on appelle aussi les marchés de swaps, et ensuite les marchés au comptant.
Les marchés à terme offrent le plus haut niveau de transparence des prix pour des produits liquides assujettis à des conditions normales. Les acheteurs et les vendeurs utilisent une marge et sont protégés contre le défaut de paiement. Les marchés sont réglementés.
Les marchés de swaps sont semblables aux marchés à terme, mais contrairement à ces derniers, ils ne sont pas réglementés et impliquent habituellement des contreparties bien cotées. Le risque de crédit est principalement géré grâce à la solvabilité des contreparties.
Dans les marchés au comptant, la détermination des prix se limite aux principaux centres de raffinage, tels que la côte du golfe du Mexique. Les acheteurs et les vendeurs effectuent des transactions au quotidien et les signalent à diverses agences de presse comme Platts, Reuters, Opus, etc. Ces médias publient ensuite une liste des prix des produits pétroliers en fonction de la qualité et des emplacements de marché. Dans les arrangements contractuels, on se fonde souvent sur ces journaux pour fixer le prix des transactions.
Pour ce qui est de l'établissement des prix, dans n'importe quel marché, le prix est établi en fonction de la structure de l'offre et de la demande locale et des frais de transport par rapport au principal centre de raffinage. Dans un marché rapproché, on prend le prix du centre de raffinage et on y ajoute le coût du transport. Dans un marché éloigné, on fait l'inverse.
D'autres complexités peuvent s'ajouter, notamment les interactions entre les marchés régionaux; les normes en matière de qualité; les carburants spéciaux, dont vous avez probablement entendu parler; les mouvements structurels des produits, par exemple, lorsqu'une entreprise possède un pipeline dans un marché particulier et tient compte du coût irrécupérable de ce pipeline dans le prix de ces produits — j'appellerais cela un mouvement structurel, comme la Voie maritime du Saint-Laurent qui est fermée durant l'hiver. Tout cela mine la transparence des prix. Tous ces facteurs rendent le prix moins transparent dans ce marché particulier.
En terminant, j'insiste de nouveau sur le fait que la taille, la complexité et la diversité du marché font en sorte que les spéculateurs ne pourront pas faire monter les prix en défiant les règles de l'offre et de la demande.
Merci.
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Merci de permettre à la CIPMA de s'adresser au comité concernant les prix du pétrole, du gaz naturel et des autres formes d'énergie.
La CIPMA représente les grands négociants en carburant indépendants au Canada. Dans le secteur aval du pétrole, « négociant indépendant » s'entend d'une société qui achète au lieu de raffiner les produits pétroliers qu'elle vend. Ses profits sur l'essence sont donc étroitement liés à la marge de détail, soit la marge brute officielle qu'offre le marché. C'est simplement la différence entre le prix de détail et le coût au prix de gros de l'essence.
Sur les 13 800 postes d'essence au Canada, quelque 70 p. 100 appartiennent à des indépendants, et le reste, aux raffineurs. Au Canada, les 15 membres de la CIPMA possèdent ou contrôlent quelque 15 p. 100 des points de vente d'essence au détail. Les autres points de vente appartenant à des indépendants ne sont pas représentés par une association commerciale.
L'objet de la réunion d'aujourd'hui est d'en savoir davantage sur la montée du prix et la répartition des profits du pétrole. Il y a deux aspects que j'aimerais particulièrement aborder: tout d'abord, les gens qui profitent de cette hausse des produits pétroliers et, ensuite, la spéculation dans les marchés du pétrole brut.
La CIPMA aimerait éclairer le comité du mieux qu'elle peut, d'abord en traitant des grands secteurs de l'industrie pétrolière canadienne et, plus précisément, de la profitabilité relative du secteur des indépendants, dans le contexte de l'essence. Puis, nous demanderons au comité d'intervenir pour limiter la spéculation sur les marchés à terme du brut, en expliquant pourquoi cela importe pour le secteur des indépendants au Canada et pour les Canadiens en général.
Qui réalise les plus gros profits? La réponse est simple: les producteurs de brut. Si nous examinons les variations à long terme, nous constatons que le prix du pétrole brut a augmenté de 46 cents le litre sur les 47 cents d'augmentation du prix de l'essence au cours des cinq dernières années. Tous les secteurs de l'industrie pétrolière ont vu leurs coûts augmenter, mais nous pouvons affirmer sans nous tromper que les producteurs de brut ont été les plus avantagés, et non pas les indépendants.
Pour simplifier cette industrie complexe — et comme mes collègues l'ont indiqué —, il y a trois grands secteurs dans l'industrie canadienne du pétrole: les producteurs de brut, c'est-à-dire le secteur de l'industrie pétrolière en amont, les raffineurs et négociants ainsi que les distributeurs et négociants d'essence indépendants.
Les trois secteurs fonctionnent à la limite économique d'une marge fondée sur le marché. Comme M. Boag l'a souligné, cela ne reflète pas nécessairement les profits, mais plutôt la marge disponible pour chacun des secteurs. La marge des raffineurs est l'écart entre le coût d'achat du brut et le prix du gros de leurs produits pétroliers et celle des distributeurs et négociants indépendants est l'écart entre les prix de gros et le prix de détail du carburant — ce que paie le consommateur.
Encore une fois, au cours des cinq dernières années et demie, nous avons enregistré une hausse de 47 cents le litre à la pompe, et celle-ci est en grande partie attribuable à la production de pétrole brut.
Contrairement à ce que la plupart des Canadiens pensent, la marge disponible de près de 10 000 des 14 000 postes d'essence appartenant à des indépendants a augmenté de façon minime, et cette hausse a été érodée par des frais de carte de crédit grandissants, de sorte que les profits nets de notre secteur ont diminué. Cela signifie que 70 p. 100 des stations d'essence au Canada ont vu leurs profits diminuer malgré une hausse des prix. Comme le consommateur, le secteur des indépendants se porte mieux lorsque le prix de l'essence est bas. Contrairement à la croyance populaire, nous ne sommes après tout que de gros consommateurs et ce ne sont pas nous qui faisons de l'argent sur le dos des Canadiens.
J'aimerais maintenant parler de la spéculation sur les marchés à terme du pétrole brut. Quelles que soient les causes profondes de la montée du prix du brut, il est évident que la spéculation s'intensifie sur les marchés à terme du brut et, par conséquent, sur tous les marchés des produits énergétiques. Un récent article publié dans le Washington Post a révélé que 81 p. 100 des contrats pétroliers de la Bourse des valeurs commerciales de New York découlaient d'intérêts spéculatifs, soit beaucoup plus que l'a déjà rapporté la Commodity Futures Trading Commission.
Avant d'aller plus loin, j'aimerais définir l'expression « intérêt spéculatif » parce que je pense qu'elle prête à confusion. Au fond, un intérêt spéculatif dans les marchés du pétrole brut est un intérêt qui n'a aucun produit pétrolier ou produit de pétrole brut physique à vendre ou à acheter. Ce sont des gens qui veulent simplement investir et gagner de l'argent.
Jusqu'à récemment, les spéculateurs sur les marchés instables des produits du pétrole se sont naturellement limités aux risques élevés associés à ces marchés. Or, dernièrement, à cause de la diminution de l'offre et de l'augmentation de la demande dans le monde, ajoutées au fait que les banques d'investissement prévoient de plus en plus que les prix vont monter, on croit partout dans le monde que le prix du brut ne peut faire autrement qu'augmenter, ce qui a poussé de plus en plus les investisseurs à ignorer les risques traditionnels et grandissants qui sont inhérents au marché des produits du pétrole. Ce qui préoccupe beaucoup le comité et le Canada, c'est le pourcentage croissant du revenu de retraite des Canadiens qui est à risque dans un marché du brut qui n'a jamais été aussi instable depuis des décennies.
Les autorités américaines envisagent plusieurs interventions possibles sur les marchés à terme du brut, allant de mesures sans conséquence à l'élimination de la spéculation sur ces marchés. Nous demandons respectueusement aux dirigeants politiques du Canada de reconnaître ce risque et d'aider les autorités américaines à surveiller davantage les marchés et à limiter la spéculation. On pourrait prendre exemple sur les marchés boursiers — où se trouvent la plupart de nos investissements de retraite — qui sont extrêmement bien réglementés.
En conclusion, j'insiste pour dire qu'au moins 70 p. 100 des stations d'essence du Canada n'ont tiré aucun avantage de cette hausse des prix. Ils ont plutôt vu leurs profits diminuer par des frais de carte de crédit grandissants. Nous demandons également au comité de se pencher sérieusement sur l'aspect de la spéculation dans les marchés du pétrole brut.
Merci.
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Merci, monsieur le président, et merci également à tous les membres du comité d'avoir rendu cette séance possible. Je pense que c'est extrêmement important pour les Canadiens.
Le comité s'est engagé à examiner l'incidence des marchés sur la hausse sans précédent du coût des produits énergétiques, de même que les répercussions sur le marché à terme de marchandises. Nous supposons que les prix continueront d'augmenter. Cela est une préoccupation en soi, mais nous reconnaissons également que la récente diminution du prix des produits de base, en particulier du brut, ne signifie pas nécessairement des prix plus bas pour les consommateurs, comme on l'aurait espéré, étant donné ce qu'on a connu dans le passé.
J'aimerais poser trois questions, dont une à chaque témoin, si vous me le permettez, monsieur le président.
Mme Savage a fait référence à un article du Washington Post.
[Français]
Malheureusement, même si je n'ai pas eu l'occasion de faire traduire cet article dont j'ai pris connaissance sur le site Bloomberg.com, je demande au comité la permission de le distribuer. Il serait peut-être difficile de le faire traduire, en raison des droits d'auteur.
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Merci, monsieur le président. Merci aux membres du comité.
Cela illustre un peu la situation et c'est sur quoi porte la première question que je vais adresser à M. MacLean.
Merci beaucoup, monsieur, d'être ici aujourd'hui. Je vous en suis très reconnaissant. Nous pourrons certainement tirer parti de vos nombreuses années d'expérience dans le milieu.
Cet article révèle qu'une entreprise suisse, Vitol, détenait 11 p. 100 des intérêts pétroliers le 6 juin dernier et que les cours du pétrole brut ont enregistré un bond de 11 dollars, soit la hausse la plus importante jamais vue, pour terminer à 138,54 dollars le baril.
Monsieur MacLean, vous n'avez pas abordé la question du report. Ce n'est peut-être pas tout le monde qui connaît cette notion, mais cela concerne le fait que les règles de l'offre et de la demande peuvent être mises de côté si l'on croit que les prix vont augmenter, évidemment d'après ce qu'on observe dans les pays BRIC, le Brésil, la Russie, l'Inde et la Chine.
Je me demande, étant donné les récents changements aux règles selon lesquelles les gens font des transactions sur NYMEX — essentiellement le marché hors cote — et les changements qui sont autorisés à la demande des entreprises, comme Enron par le passé, n'êtes-vous pas d'avis, monsieur, qu'une importante activité jamais vue auparavant a exercé une influence indue sur la flambée des prix, à laquelle nous assistons aujourd'hui?
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Merci, monsieur MacLean.
Monsieur Boag, j'ai une question simple. J'ai toujours pensé que l'industrie fonctionnait selon le principe du premier arrivé, dernier sorti; c'est-à-dire que lorsque le prix du pétrole augmente, cela se reflète immédiatement le lendemain à la pompe. Et grâce à vous, je peux être informé de ces prix pratiquement en même temps que vous et les consommateurs.
Fait intéressant, dans ma région, le marché de Toronto, j'ai remarqué, au cours du mois dernier, lorsque le prix du brut a baissé, que le prix de gros était de 2,5 ¢ à 4,5 ¢ plus cher qu'à Kingston, Ottawa et Montréal. En tenant compte des frais de transport dans un marché rapproché ou éloigné et du fait que vous êtes une entreprise intégrée qui fait beaucoup d'argent avec le pétrole brut, malgré tout ce qui justifie la spéculation, et en sachant qu'il ne s'agit pas du seul marché, comment m'expliquez-vous, par exemple, qu'à Calgary et Edmonton, l'essence se vende 15 ¢ le litre au-dessus du prix de référence de NYMEX? Comment justifiez-vous ces 2,5 ¢ quand votre industrie vend quelque 65 milliards de litres d'essence chaque année?
Il n’y a pas de doute que la concentration des raffineries ou des raffineurs est très élevée au Canada; autrement dit, il y en a très peu au Canada, seulement quelques-uns, neuf, si je ne me trompe pas.
Cela dit, si l’on se fonde sur la croyance selon laquelle plus il y a de concurrents, plus le prix est bas, on pourrait supposer qu’en raison de la forte concentration de raffineurs au Canada, nous payons notre carburant plus cher sur le marché de gros. Et nous avons des preuves à l’appui.
Je ne crois pas qu’il y ait de collusion ni quoi que ce soit du genre entre les raffineurs, mais je dirais qu’à cause de cette grande concentration, nous assistons à un oligopole qui permet le parallélisme des prix. Les prix sont établis en parallèle. Par exemple, à Toronto, les prix à la rampe ou les prix de gros fluctuent chaque jour, et tous les raffineurs suivent le mouvement de concert.
On retrouve un peu plus de concurrence dans la province du Québec au niveau des prix, et ce, en partie à cause des terminaux indépendants exploités à Québec — qui livrent concurrence à la raffinerie Ultramar située à Québec et Saint-Romuald — et à Montréal, où Norcan possède aussi un terminal. Ces installations contribuent à maintenir la concurrence.
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Merci, monsieur le président.
Je tiens avant tout à remercier mes collègues d'avoir appuyé ma motion et accepté que le comité se réunisse ici à Ottawa, avant que la Chambre ne reprenne ses travaux, pour discuter de cette question importante qu'est le prix du pétrole et du gaz naturel. Il va sans dire que c'est quelque chose dont nous avons tous entendu parler dans nos circonscriptions respectives au cours des derniers mois. Je crois que ces audiences revêtent une grande importance pour tout le monde.
C'est un sujet complexe. J'aimerais remercier nos témoins de nous aider à mieux comprendre ce qui entre dans le prix de l'essence à la pompe et les divers facteurs à l'origine de la hausse des prix.
J'ai été renversée par un article publié plus tôt cet été, fondé sur le rapport d'un économiste de la Banque de Montréal, qui disait — avant qu'il y ait une certaine modération — que le prix du pétrole avait atteint un point critique et ralentissait l'économie. On y indiquait que la flambée des prix ébranlait la confiance des consommateurs et entraînerait une augmentation de l'inflation. De plus, il semblerait que les Canadiens consacrent maintenant 7 p. 100 de leur revenu disponible à l'achat d'essence, soit un montant record. Évidemment, nous l'avons tous entendu au sein de nos communautés.
Ce qui est choquant pour beaucoup de gens, c'est que nous sommes le deuxième fournisseur de pétrole en importance dans le monde. Les consommateurs, à mon avis, sont frustrés de ne pas comprendre pourquoi nous payons aussi cher le pétrole et le gaz naturel.
Monsieur Boag, vous avez parlé de l'offre et de la demande. Ce qui est aussi désolant pour les gens, c'est de voir les prix augmenter, notamment à l'approche de l'été ou d'un long week-end. Les prix fluctuent même durant la journée — il semble qu'on les baisse le soir et les monte le jour.
Si cela reflète les cours mondiaux et l'offre et la demande, comment les prix peuvent-ils fluctuer au cours d'une même journée?
Monsieur MacLean, vous avez parlé de l'augmentation des coûts du pétrole; Mme Savage en a également fait mention.
Dans les documents que j'ai lus en préparation à la réunion d'aujourd'hui, notamment le rapport provisoire qu'a publié au début juillet le groupe de travail interorganisation, on mentionnait que seulement 2 p. 100 des commandes de pétrole — et je crois que l'on fait ici référence aux transactions financières, c'est-à-dire 2 p. 100 des contrats — se soldent par une livraison physique du produit. Dans une telle situation, j'essaie d'imaginer quel genre de conditions...
Je crois que je vais d'abord poser la question à M. MacLean. Quelle situation pourrait confirmer que ce genre de spéculations ont bel et bien lieu? Autrement dit, si le commerce est responsable de l'augmentation des prix, comme on l'a laissé entendre, quelles circonstances pourraient donner du poids à cet argument? Par exemple, on a avancé que si les choses se passaient réellement ainsi, les stocks de pétrole seraient plus élevés. Mais en fait, les stocks n'ont pas du tout augmenté à la suite de cette récente recrudescence des échanges commerciaux.
Pouvez-vous commenter la chose? Je soulève ce point particulièrement parce que je sais que les gens seraient intéressés de savoir que le prix de l'essence n'est pas gonflé artificiellement par une surabondance d'échanges commerciaux.
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Merci, monsieur le président.
Quand on parle de la hausse des prix, on nous dit que le prix de l'essence au Canada est relativement bas. Certains vont même jusqu'à dire qu'on ne la paie pas assez cher. Je crois que plutôt que de faire augmenter les prix, comme on le fait dans certains pays, pour investir les profits dans des solutions écologiques — des sources d'énergie nouvelles, entre autres choses, pour offrir des solutions de rechange à la population —, ici, le prix est établi par des intérêts privés et les profits vont à des intérêts privés. Nous sommes le deuxième fournisseur en importance au monde, et l'impact est énorme sur tous les aspects de notre économie.
J'ai été abasourdie d'apprendre qu'une compagnie aérienne, la compagnie Jazz, n'allait plus fournir de gilets de sauvetage à bord de ses appareils en raison de la hausse du prix de l'essence. Alors, en cas d'urgence, on dirait que les passagers devront s'accrocher à leur siège.
Il y a lieu de se poser des questions à propos de l'impact global de ces prix sur l'économie, et les consommateurs ont peur d'être en train de se faire escroquer.
Les prix de l'essence suivent généralement les prix du brut, les coûts normaux de raffinage, les marges commerciales, les taxes, etc. Mais il arrive que les prix montent en flèche. Dans une étude que j'ai lue, on indiquait qu'un cent par litre facturé au-dessus des coûts réguliers, notamment pour le marketing, génère 1 million de dollars en profits pour l'industrie, des ventes de l'essence seulement. Parfois, les profits des ventes d'essence se comptent en dizaines de millions de dollars par jour.
Monsieur Boag, est-ce que les compagnies pétrolières escroquent les Canadiens en augmentant les prix de l'essence, c'est-à-dire en les établissant à un niveau plus élevé que ce qui serait attribuable au prix du brut, aux coûts de raffinage, aux taxes, aux coûts de commercialisation et aux marges de profit normales?
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Merci, monsieur le président.
D'après les exposés que l'on a entendus jusqu'à maintenant ce matin, il me semble que ceux qui récoltent tous les profits, ce sont les producteurs de pétrole qui font le forage et les pays producteurs de pétrole. Les raffineries et tous ceux qui suivent dans la chaîne commerciale ne font pas d'argent, et la capacité de raffinage n'augmentera pas de sitôt, parce que cela nécessite d'importantes mises de fonds, et celles-ci ne rapportent pas suffisamment. En tout cas, c'est ainsi que je comprends la situation.
J'aimerais parler des inventaires, et des inventaires en région. Nous vivons dans un grand pays, nous avons des régions éloignées, et très peu de joueurs dans ce domaine.
Je vais vous raconter ce qui est arrivé dans notre région l'an dernier. Nous avons manqué d'huile à chauffage pendant quelques semaines. Nous habitons sur une île. Il n'y a qu'un centre de stockage sur place. Différents détaillants vont s'y approvisionner, mais, au bout du compte, il n'y a qu'une seule installation pour stocker l'huile.
Vous dites qu'il faudrait réduire les niveaux d'inventaire ou même les vendre à d'autres intérêts. Donc, une grande compagnie qui s'aperçoit qu'elle pourrait faire de meilleures affaires ailleurs pourrait bien décider de liquider ses inventaires. Si ça arrivait, on aurait une région qui se retrouverait sans huile à chauffage, et, s'il y a présence de glaces dans la voie maritime ou aucun bateau disponible...
Maintenant, les gouvernements provinciaux se demandent comment ils peuvent éviter ce genre de situation. Comment croyez-vous que nous puissions prendre la situation en main? Pouvons-nous pénaliser les compagnies qui n'ont plus d'huile à chauffage à offrir, parce que techniquement elles sont en situation de monopole, ou devrions-nous plutôt les encourager en les aidant avec leurs inventaires? Comment croyez-vous que nous puissions surmonter ce défi, dans un grand pays comme le nôtre, qui compte peu de joueurs dans ce domaine et qui doit soutenir des régions éloignées, qui pourraient se retrouver sans huile à chauffage si les grandes compagnies décidaient de vendre leurs produits ailleurs?
Ma question s'adresse à M. MacLean ou à quiconque veut bien y répondre.
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Monsieur MacLean, vous avez mentionné plus tôt que le Canada était un preneur de prix. Je crois d'ailleurs que vous abondez tous dans le même sens. Je me demande, toutefois, étant donné que les États-Unis publient chaque semaine, par l'entremise de leur organisme appelé Energy Information Administration, un rapport hebdomadaire sur l'état des stocks de pétrole, qui ressemble beaucoup à celui que les libéraux avaient proposé et qui a été mis au rancart lorsque le gouvernement Harper a pris le pouvoir. Comment qualifieriez-vous la situation actuelle aux États-Unis, pays dans lequel le Canada joue un rôle très important, que ce soit pour le pétrole brut ou le gaz naturel?
Ici, on publie à la même heure chaque semaine, et ça devrait se faire autour de 13 heures — en fait, le rapport est probablement déjà publié — un rapport d'inventaires contenant des données bien précises. Il montre que pour les cinq dernières années, nos chiffres, que ce soit pour les distillats, le diesel, l'essence ou les résidus, à vous de choisir, se ressemblent beaucoup. Autrement dit, les inventaires sont le reflet de l'offre et de la demande, ainsi que de l'ampleur des inventaires réels.
Comment est-il possible, si vos activités sont les mêmes depuis cinq ans, que les prix aient doublé, si l'on applique votre théorie que tout revient essentiellement à l'offre et à la demande? Comment pouvez-vous affirmer une telle chose quand vous savez que les niveaux d'inventaires n'ont pas vraiment changé? L'offre est là où elle devrait être, et la demande aussi; néanmoins, les prix ont presque doublé depuis deux ans.
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Je viens de recevoir de l'information du ministère de l'Énergie des États-Unis — c'est dommage que nous ne puissions pas la consulter d'ici. On nous dit que la consommation de pétrole brut est à son plus bas niveau depuis 1998; pourtant, nous pourrions bel et bien assister à une hausse du prix du brut aujourd'hui. Encore là, on voit l'effet opposé: la demande est en baisse, les prix augmentent, et les consommateurs sont très frustrés.
Monsieur Boag, j'aimerais vous poser une question à propos du marché de Toronto, mais cela peut aussi s'appliquer à d'autres marchés.
Madame Savage, vous pouvez aussi répondre à la question du mieux que vous pouvez.
En mai, les marges de détail à Toronto — et ça inclut Clarington, Oshawa, Ajax, Pickering, Mississauga, Etobicoke, et jusqu'à Burlington — se situaient en moyenne à 5 ¢ le litre, presque partout. Au cours des 10 dernières semaines, ces marges sont passées de 5 ¢ à 6,5 ¢, et tous les détaillants ont suivi le pas de façon simultanée. Et c'est sans mentionner que les marges pour le diesel par rapport à l'essence ordinaire et celles du super par rapport à l'essence s'élèvent à 4 ¢ ou 5 ¢ le litre sur le marché de gros; des données que votre association et ses membres ont eu la gentillesse de nous faire parvenir à 3 heures du matin et qui parlent d'elles-mêmes.
Monsieur Boag, pouvez-vous m'expliquer pourquoi vos membres, qui occupent une si grande place dans le marché de la région du Grand Toronto, desservant quelque 4 ou 5 millions d'automobilistes canadiens, sont capables d'arriver exactement au même prix, un prix certainement plus élevé que ceux enregistrés au cours des six dernières semaines qui plus est? Comment expliquez-vous cet écart de 4 ¢ ou 5 ¢ par rapport aux marges appliquées il y a quelques mois seulement?
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Merci, monsieur McTeague.
En tant que président, je vais prendre la parole.
Chers témoins, je sais que nous vous avons demandé de rester jusqu'à midi, mais puisque nous avons commencé vers 10 h 10, nous pourrions peut-être vous imposer quelques minutes supplémentaires, si vous n'y voyez pas d'inconvénient. Si vous devez partir, allez-y.
Je voudrais simplement examiner certains éléments de plus près, monsieur MacLean, en particulier en ce qui concerne le prix du brut. Il semble qu'il s'agisse de la principale préoccupation. Comme vous l'avez tous mentionné, le prix du pétrole brut est un élément déterminant pour fixer le prix de l'essence. On a des inquiétudes, et M. McTeague nous a présenté un très bon article sur la spéculation.
Pour ce qui est du prix du brut, il y a le marché physique ou marché au comptant, où interagissent les acteurs commerciaux. Puis, il y a le marché à terme, et on dit que c'est là où les spéculateurs interviennent.
Pouvez-vous préciser au comité quel pourcentage...? Y a-t-il une façon de déterminer, à partir du prix du brut aujourd'hui, quelle proportion va au marché au comptant, à ce qu'on pourrait appeler un commerce plus légitime, par rapport à ce qui va au marché à terme, c'est-à-dire à des gens qui n'achètent pas réellement le produit, mais des gains futurs? Y a-t-il une manière d'établir combien va au marché à terme et combien va au marché au comptant réel?
Personne ne consomme de pétrole brut — personne. Les consommateurs achètent de l'essence, du diesel et divers autres produits, mais parfois, le marché est dominé par divers éléments. S'il y a une pénurie de brut et que le prix du brut augmente, si le marché est réellement dominé par le brut, la marge de raffinage va diminuer, car les raffineurs tentent toujours de surenchérir sur leurs concurrents pour un pétrole brut qui se fait rare.
Je crois que l'on a vu, dans les dernières années, une pénurie de diesel principalement en Chine, mais également en Inde. Si vous voulez analyser une marge de raffinage, prenez celle du diesel. Elle s'est accrue considérablement. Il y a eu une augmentation rapide après 2005, puis de nouveau vers la fin de 2007-2008. Si vous examinez cette période, vous pourrez voir que la demande de diesel en Chine était énorme. En 2005, je crois que les Chinois ont été aux prises avec des problèmes hydroélectriques; leur réseau électrique était très instable, ce qui fait que les gens avaient leur propre groupe électrogène diesel et achetaient énormément de diesel sur le marché.
Encore une fois, cela s'est produit après les tremblements de terre en Chine, lorsque les Chinois ont fermé une trentaine de mines de charbon. Ils n'avaient plus de charbon pour faire fonctionner les centrales électriques, et les consommateurs achetaient du diesel pour produire leur propre électricité.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je sais, et je crois que les Canadiens le savent aussi, qu'il y a beaucoup de choses que nous ne pouvons pas faire en ce qui concerne les prix du pétrole brut, sur lesquels nous n'avons aucune influence.
Je ne vous poserai pas une foule de questions à propos des spéculateurs aujourd'hui, car nous recevrons tout à l'heure un groupe d'experts à ce sujet. Je crois que ce que nous essayons de faire, c'est de trouver une façon, étant donné le caractère restrictif de la concurrence dans le marché du raffinage et le marché de gros, de veiller à ce qu'il y ait une certaine équité dans ce marché. Il est vrai que nous ne pouvons influer sur les prix du pétrole brut et qu'il y a des problèmes sur le marché financier, mais il s'agit là des stocks et de la surveillance des prix.
En ce qui concerne la question qui a été soulevée tout à l'heure à propos des fluctuations de 5 ¢ que l'on voit souvent à la pompe, je serais curieux de savoir si elles sont une conséquence directe de... ce qui, soit dit en passant, n'est habituellement pas lié à la hausse ni à la baisse des prix du pétrole brut. Généralement, le brut est stable et son prix pourrait même baisser, mais on voit tout de même chaque semaine les prix de l'essence fluctuer d'environ 5 ¢. Ces fluctuations n'ont rien à voir avec le prix du brut, mais sont-elles attribuables aux fournisseurs, aux grossistes ou bien aux détaillants? Le cas échéant, si le marché est si concurrentiel dans la vente au détail, pourquoi la station-service voisine ne serait-elle pas prête à accepter de réduire un peu sa marge de profit en ne suivant pas l'augmentation de 5 ¢, afin de vendre un volume plus élevé à une marge inférieure?
Je crois que c'est ce que beaucoup de Canadiens se demandent, car ils ne comprennent pas pourquoi le prix de l'essence augmente et diminue de 5 ¢ constamment.
Je crois que ce qui dérange surtout les Canadiens, ce n'est pas que les prix soient instables, mais qu'ils soient élevés. Je parle beaucoup avec les personnes âgées, par exemple, qui s'inquiètent de ne pas pouvoir conserver leur maison durant l'hiver à cause des coûts du chauffage. Chacun de vous affirme que la responsabilité incombe à quelqu'un d'autre, mais ce que nous savons, c'est que lorsque les prix du brut augmentent — souvent sans aucune raison liée à la production — l'industrie fait des bénéfices mirobolants. C'est facile de pointer les autres du doigt, et l'industrie pétrolière peut bien dire qu'elle n'a aucun pouvoir sur cela, mais comme par hasard, elle réalise d'énormes profits lorsque les consommateurs paient le gros prix à la pompe.
Voici donc ma question: pourquoi les pétrolières font-elles autant de profits, si elles ne sont pas responsables des prix élevés? Franchement, les consommateurs ne sont pas dupes. Ils considèrent qu'ils se font escroquer. Il y a visiblement là une question de spéculation. Nous accueillerons un groupe d'experts à ce sujet cet après-midi. Les gens croient qu'ils se font avoir par les pétrolières, et c'est plus qu'un problème de relations publiques: c'est une vraie préoccupation pour les Canadiens. Nous possédons d'énormes réserves de pétrole dans ce pays, mais en même temps, nous avons le plus grand projet polluant du Canada, les sables bitumineux, qui nous procureront encore plus de pétrole. Cela préoccupe énormément les Canadiens. La façon dont l'industrie fixe les prix des produits du pétrole et les conséquences environnementales qui en découlent pour tous les Canadiens nous posent problème.
C'est principalement une affirmation, mais si vous avez des commentaires à faire à ce sujet, je serai heureuse de les entendre.
Il ne fait aucun doute qu'il existe une corrélation très étroite entre le prix à la pompe et les profits de l'industrie pétrolière. Ces profits concernent essentiellement l'industrie pétrolière que nous appelons « en amont ». Vous pouvez appeler cela pointer du doigt, mais ce n'est pas les gens qui livrent le carburant dans toutes les régions rurales du Canada qui réalisent des profits — bien que faire des profits ne soit pas nécessairement mauvais. En fait, ça ne l'est pas du tout; c'est probablement une très bonne chose que les gens réalisent des profits. Cela dit, c'est sans contredit l'industrie du pétrole brut, en amont, qui s'enrichit. Si vous voulez savoir qui s'enrichit, sachez que c'est la partie en amont de l'industrie, celle de la production de pétrole brut.
Pourquoi? J'espère que nous avons bien expliqué les divers secteurs, dont celui du pétrole brut. Il s'agit essentiellement des profits, du prix de l'essence, par exemple, et de celui du mazout. Nous aussi, nous entrevoyons avec inquiétude l'approche de la saison de chauffage, où les prix seront beaucoup plus élevés que l'année dernière. Ce sera un hiver très difficile pour nos clients. Nous sommes aussi inquiets que les consommateurs, car en tant que négociants indépendants, nous sommes aussi de grands consommateurs. Nous sommes extrêmement préoccupés.