TRAN Rapport du Comité
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Rapport Du Comité Permanent Des Transports, De L’infrastructure Et Des Collectivités Sur La Sécurité Ferroviaire Au Canada
Introduction
À cause du nombre d’accidents ferroviaires survenus au Canada ces dernières années, notamment en Colombie-Britannique, en Alberta, en Ontario et au Québec, on a l’impression inquiétante que le taux d’accidents augmente. Ces accidents ont eu des conséquences graves en termes de décès et de dégâts à l’environnement.
De ce contexte, le Comité permanent des transports, de l’infrastructure et des collectivités de la Chambre des communes a adopté en octobre 2006 une motion visant une étude approfondie de la sécurité ferroviaire au Canada. Cette motion reflète l’inquiétude du Comité face à l’augmentation des déraillements sur voie principale et plus généralement face à la nécessité d’améliorer la sécurité ferroviaire partout au pays.
À la fin de décembre 2006, le ministre des Transports, de l’Infrastructure et des Collectivités, M. Lawrence Cannon, a annoncé la troisième révision de la Loi sur la sécurité ferroviaire (LSF), en vigueur depuis le 1er janvier 1989, afin de la moderniser. Le Comité consultatif sur l’Examen de la Loi sur la sécurité ferroviaire, créé le 20 février 2007, a produit le 30 mars 2007 un document d’orientation afin d’aider les participants aux consultations publiques. Entre avril et la fin d’août, il s’est rendu dans plusieurs villes canadiennes pour consulter les intervenants : le public, les compagnies ferroviaires et leurs associations, les cheminots et leurs syndicats, les clients des chemins de fer (voyageurs et expéditeurs) et leurs associations, les provinces et les territoires, les municipalités, les groupes autochtones et environnementaux, ainsi que les ministères et organismes fédéraux. Le Comité consultatif a fait rapport de ses constatations au ministre des Transports, de l’Infrastructure et des Collectivités, avec plus de 50 recommandations. Le rapport a été déposé le 7 mars 2008 (l’annexe B résume les constats du Comité consultatif).
Durant nos délibérations, nous avons entendu des représentants de Transports Canada, des syndicats et des compagnies de chemin de fer, ainsi que le Comité consultatif. Tout en souscrivant aux constats et aux recommandations du rapport de ce dernier, nous estimons qu’il faut faire davantage et qu’il y a place pour beaucoup de progrès si on veut que la sécurité ferroviaire réponde aux normes les plus élevées possible. Après avoir entendu les témoins et examiné le rapport du Comité consultatif, nous estimons que, dans certains domaines, les recommandations du Comité consultatif peuvent être renforcées. Cela est particulièrement évident dans le cas des systèmes de gestion de la sécurité (SGS) et de leur application.
Durant nos audiences, trois thèmes ont été constamment évoqués : la régie et la réglementation; les SGS; les facteurs humains.
Dans certains cas, il y a chevauchement entre les thèmes de la régie, des facteurs humains et des SGS. Cependant, la question du manque de communication domine dans tous les thèmes. Nous avons été constamment frappés par un constat : la sécurité et l’application des SGS sont considérées par tous comme l’objectif premier des chemins de fer et du gouvernement, mais on accorde peu d’attention au volet le plus essentiel pour l’atteindre - la communication.
Ces thèmes sont abordés dans les sections qui suivent, assortis de recommandations pour améliorer la sécurité ferroviaire au Canada.
Régie et réglementation
Pendant toutes les audiences, on a fait état d’un manque de reddition de comptes au sujet de la sécurité ferroviaire, tant chez Transports Canada que chez les compagnies de chemin de fer. Des témoins ont affirmé que le Ministère ne rend pas assez de comptes sur l’application des règlements de sécurité, sur l’harmonisation des règlements entre les régions, sur la tenue d’audits de sécurité en temps opportun et sur la divulgation des résultats de ces audits. Pour leur part, les compagnies de chemin de fer sont critiquées pour l’absence de consultations valables employeur-employés, pour le manque de formation des équipes et pour les faiblesses dans l’établissement des priorités en matière de sécurité et dans la mise en œuvre et l’exécution des mesures de sécurité.
Nous nous inquiétons particulièrement de ce qui semble être un manque d’uniformité dans l’application des règles et des règlements à l’échelle du pays. Nous reconnaissons que les différences régionales touchant au climat et à la géographie peuvent entraîner des différences dans la façon d’interpréter les règles, mais nous pensons qu’il faut une uniformité générale dans le traitement de la sécurité ferroviaire à l’échelle du pays. Les chemins de fer et leurs employés doivent comprendre clairement comment interpréter et appliquer les règles. Pour y parvenir, la Direction générale de la sécurité ferroviaire de Transports Canada doit collaborer avec les bureaux régionaux à l’établissement d’un cadre national de sécurité comportant bien sûr la souplesse nécessaire pour répondre aux besoins locaux.
Nous souscrivons à la première recommandation du Comité consultatif, qui demande à la Direction générale de la sécurité ferroviaire d’assumer pleinement sa responsabilité de conseiller les bureaux régionaux dans l’application des règles et règlements de sécurité. Cependant, nous souhaitons savoir comment Transports Canada atteindra cet objectif et combien de temps il lui faudra. Par conséquent, le Comité recommande :
Recommandation 1
Que Transports Canada fasse rapport au Comité permanent des transports, de l’infrastructure et des collectivités de ses progrès réalisés au chapitre de son rôle de conseiller des bureaux régionaux en matière d’application des règles et règlements de sécurité, et ce, au plus tard un an après la présentation du présent rapport à la Chambre des communes.
Les cheminots nous ont dit qu’en ce qui concerne l’adoption de nouvelles règles et l’application des procédures de sécurité, ils n’ont participé qu’à des consultations sommaires des compagnies et ne sont pas partie prenante au processus décisionnel. En particulier au CN, ils voient une coupure entre la gestion et les travailleurs de première ligne, en ce qui concerne l’engagement de la direction envers la sécurité. On a souligné que, jusqu’à récemment, le CN n’avait pas de cadre supérieur chargé exclusivement de la sécurité ferroviaire. Ce sujet sera traité plus à fond dans la partie suivante sur les SGS.
On nous a dit également que la structure de régie actuelle manquait d’outils réglementaires pour bien assurer l’observation des règles de sécurité ferroviaire. En fait, Transports Canada nous a dit semble évident que la réglementation actuelle ne fournit peut-être pas tous les outils requis pour bien faire respecter les mesures de sécurité. Le Ministère ajoute que la réglementation aurait besoin d’être modernisée et rapprochée de la réglementation de la sécurité des autres modes de transport. Cet avis est partagé par le Comité consultatif, qui a réclamé des sanctions administratives pécuniaires contre les compagnies qui enfreignent les règles de sécurité. Nous sommes d’accord avec cette recommandation. À l’heure actuelle, la LSF ne prévoit aucune amende.
Nous estimons que l’essentiel des doléances concerne l’absence d’une régie effective, tant chez les chemins de fer qu’au Ministère. Nous nous réjouissons que Transports Canada ait créé le Conseil consultatif sur la sécurité ferroviaire (CCSF) qui offrira une tribune pour l’élaboration et l’évaluation des changements au règlement de la Loi sur la sécurité ferroviaire par des collaborations et des échanges. Cependant, nous ne savons pas quels pouvoirs aura le CCSF, ni comment il contribuera aux décisions prises par Transports Canada.
Des témoins et le Comité consultatif nous ont dit que les intervenants doivent mieux comprendre les règles de sécurité ferroviaire et la façon dont elles sont conçues. Il faut établir une procédure plus structurée et plus inclusive pour l’établissement des règles, afin que tous les intéressés, notamment les cheminots, y participent. Nous estimons que le Conseil pourrait convenir à cette tâche, si son mandat était précisé pour inclure une procédure officielle d’établissement des règles. Par conséquent, le Comité recommande :
Recommandation 2
Que le gouvernement fasse du Conseil consultatif sur la sécurité ferroviaire (CCSF) un rouage essentiel du processus d’établissement des règles où seraient représentées toutes les parties intéressées, et qu’il veille à ce que les décisions du Conseil soient dûment intégrées aux procédures d’approbation des règles de Transports Canada.
Nous constatons également que le ministre des Transports, de l’Infrastructure et des Collectivités a chargé un comité d’orientation mixte Transports Canada – Industrie Canada de rédiger un plan d’action relativement aux recommandations du Comité consultatif. Ce comité d’orientation est formé de cadres de Transports Canada et de l’Association des chemins de fer du Canada (ACFC), mais ne compte aucun représentant des syndicats de cheminots. Comme nous l’avons dit plus tôt, les communications sont un élément clé de l’amélioration de la sécurité ferroviaire, et tous les acteurs du secteur doivent faire partie du processus décisionnel. Sans représentants syndicaux au comité d’orientation, la communication pleine et entière est impossible. Par conséquent, le Comité recommande :
Recommandation 3
Que le gouvernement s’assure d’une représentation suffisante des syndicats de cheminots au comité d’orientation mixte Transports Canada – Industrie Canada chargé de rédiger un plan d’action en réponse aux recommandations du Comité consultatif.
Systèmes de gestion de la sécurité (SGS)
Le sujet le plus préoccupant de nos délibérations concerne la mise en œuvre des SGS. Les systèmes de gestion de la sécurité ne sont pas nouveaux. Ce concept est apparu peu après 1990 comme nouvelle façon de gérer la sécurité. Un règlement sur les SGS a été ajouté à la Loi sur la sécurité ferroviaire en 1999; il est entré en vigueur en 2001. La Loi modifiée exige que les chemins de fer mettent sur pied et maintiennent un SGS, défini comme un cadre officiel d’intégration de la sécurité dans l’exploitation quotidienne du chemin de fer. Le SGS doit comporter une politique de sécurité assortie de cibles annuelles et de mesures permettant de les atteindre. La responsabilité de la sécurité doit être clairement assignée à tous les échelons de la compagnie et il faut prendre des moyens pour faire participer les employés à la gestion de la sécurité.
En outre, comme l’énonce le Comité consultatif, tout SGS doit contenir :
- des systèmes cernant les règles et règlements applicables et démontrant qu’ils sont respectés;
- une procédure pour déceler les dangers, et évaluer et atténuer les risques;
- des méthodes et procédures de rapport et d’enquête sur les accidents;
- des méthodes garantissant que les employés sont bien formés;
- des procédures de cueillette et d’analyse des données et des audits internes périodiques sur la sécurité;
- des moyens de suivre les correctifs entrepris et de regrouper la documentation.
Nous sommes tout à fait d’accord avec le concept de SGS, mais nous ne voudrions pas qu’il remplace la réglementation actuelle. Nous convenons avec le Comité consultatif que le SGS n’a pas pour but de remplacer le règlement, les règles ni les normes actuelles sur la sécurité ferroviaire, mais bien d’être un outil complet pour gérer la sécurité en complétant la réglementation existante.
Nous avons de sérieuses réserves face aux retards du SGS et à la façon dont il a été appliqué par les chemins de fer et le Ministère. Voici ce qu’on nous a dit : il est difficile de créer une « culture de la sécurité »; il faut du temps et de la patience; les communications, en particulier avec les employés, sont difficiles ou inexistantes; le système est « fragile ». Cela fait près de sept ans que les chemins de fer sont tenus d’appliquer le SGS et, selon nous et le Comité consultatif, les chemins de fer et Transports Canada n’ont pas fait assez de progrès vers l’objectif. Comme nous l’a dit le président du Comité consultatif, sur une échelle de 1 à 5, où 5 est le niveau optimal, le CN mérite 1 ou 2, le CP 3 et Via Rail 4 environ. Avec une seule compagnie en haut de l’échelle, le progrès réalisé est inacceptable à notre avis. Quand on sait que, souvent, les cheminots, en première ligne dans l’application du SGS, ne connaissent guère le système et leur rôle à son égard, on peut difficilement concevoir comment le SGS peut être bien appliqué. Encore une fois, nous pensons que le manque de communication est au cœur du problème.
Nous notons également que Transports Canada a un rôle essentiel dans la bonne mise en œuvre du SGS. Des témoins et le Comité consultatif nous ont dit que le Ministère doit changer son approche pour développer une culture de la sécurité. Le Comité consultatif a dit que Transports Canada devrait réorganiser ses activités pour mieux intégrer le SGS, comme pièce maîtresse de son rôle de surveillance.
Nous sommes d’avis que si Transports Canada avait exercé un contrôle plus rigoureux, il y aurait sans doute de meilleurs résultats dans la mise en œuvre du SGS et les chemins de fer seraient plus avancés dans le développement d’une culture de la sécurité. Transports Canada devra intervenir davantage pour que nous puissions voir une application réussie du SGS dans un délai raisonnable. Après sept ans, il est inacceptable que nous en soyons encore là où nous en sommes.
Afin de réaliser la bonne application du SGS, nous recommandons trois mesures. D’abord, Transports Canada et les chemins de fer doivent développer un plan d’action pour appliquer le SGS. Ce plan doit inclure les mesures prises à ce jour et celles qu’il reste encore à prendre pour mettre pleinement en œuvre le SGF, et prévoir une échéance finale. Deuxièmement, Transports Canada et les chemins de fer doivent mettre au point un outil d’évaluation concret pour suivre continuellement les progrès de l’application du SGS. Enfin, Transports Canada et les chemins de fer doivent faire rapport de leur progrès au Comité permanent des transports, de l’infrastructure et des collectivités au plus six mois après la présentation du présent rapport à la Chambre des communes.
En outre, nous convenons avec le Comité consultatif que le maillon le plus faible des plans de SGS semble être la gestion des ressources humaines et des facteurs organisationnels, plutôt que les aspects techniques ou touchant le matériel.
Il va sans dire que nous considérons que les syndicats doivent participer de façon significative à chaque étape du processus et nous recommandons que le Ministère s’en assure. Nous pensons en outre que cela se ferait le mieux par la participation des comités de santé et sécurité des chemins de fer. Sans cela, il ne peut guère y avoir de communication effective entre les cheminots, la direction des chemins de fer et Transports Canada.
Enfin, nous voulons souligner qu’étant donné la lenteur d’application et la mise en œuvre inégale du SGS, nous n’envisageons pas qu’il remplace un rigoureux programme d’inspection de Transports Canada, doté de ressources suffisantes.
Par conséquent, le Comité recommande :
Recommandation 4
Que Transports Canada et les compagnies de chemin de fer élaborent, dans l’année qui suit la présentation du présent rapport à la Chambre des communes, un plan d’action pour la mise en œuvre du SGS, assorti d’un échéancier pour la mise en œuvre complète du système.
Recommandation 5
Que Transports Canada et les compagnies de chemin de fer établissent un outil d’évaluation concret permettant de contrôler en permanence la mise en œuvre du SGS.
Recommandation 6
Que Transports Canada s’assure que les cheminots, syndiqués et non syndiqués, participent à chaque étape de la mise en œuvre du SGS et soient consultés de façon significative.
Recommandation 7
Que Transports Canada et les compagnies de chemin de fer fassent rapport des progrès dans l’adoption de mesures propres à faciliter la mise en œuvre du SGS au Comité permanent des transports, de l’infrastructure et des collectivités dans les six mois suivant la présentation du présent rapport à la Chambre des communes.
Recommandation 8
Que Transports Canada s’assure de la présence d’un processus rigoureux d’inspection de la sécurité ferroviaire, doté de ressources suffisantes pour bien appliquer ce programme.