AFGH Rapport du Comité
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Visite à Washington du Comité spécial sur la mission canadienne en Afghanistan Le 23 avril 2009, le Comité spécial de la Chambre des communes sur la mission en Afghanistan est allé rencontrer à Washington des membres de l’administration Obama afin de discuter de la nouvelle politique américaine concernant l’Afghanistan et le Pakistan. Cette politique, qui marque un véritable tournant dans la stratégie américaine à l’égard de cette région, aura un impact considérable sur les efforts de la communauté internationale en Afghanistan. Le 12 avril, le Pr Anthony Cordesman, du Center for Strategic and International Studies, écrivait, à propos de cette nouvelle politique, que le président « avait tracé les grandes lignes d’une nouvelle stratégie pour l’Afghanistan, en précisant que les États-Unis sont maintenant disposés à traiter le conflit dans cette région comme un conflit afghano-pakistanais, ce qu’il n’a jamais cessé d’être en réalité. Il a démontré que les États-Unis travailleront dorénavant de concert avec les Nations Unies et accorderont plus d’attention à leurs partenaires au sein de l’OTAN, tant pour ce qui a trait à l’élaboration d’un nouveau concept stratégique que pour l’établissement d’objectifs concernant leur participation à l’OTAN/FIAS[1] ». Dans son témoignage devant le Congrès américain, Cordesman a ajouté ce qui suit : Mise en œuvre correctement et jouissant de ressources suffisantes, cette nouvelle stratégie de l’administration Obama pourrait conduire à la victoire. Nos ennemis sont encore relativement faibles et ont largement recours à des mercenaires à temps partiel, en essayant de tirer parti du vide au chapitre du pouvoir laissé par les rares représentants de l’OTAN/FIAS sur place, ainsi que par des gouvernements afghan et pakistanais hésitants et plus ou moins qualifiés [...] Les chances sont supérieures à la moyenne, mais on ne peut pas dire qu’elles soient bonnes […] En plus, c’est notre guerre. Nos alliés et nos partenaires dans les pays où se déroule le conflit jouent un rôle important, mais ce sont nos actions et nos ressources qui décideront de la victoire ou de la défaite[2] . Examen stratégique des États-Unis Dans les derniers jours de son mandat, l’administration Bush avait entrepris un certain nombre d’examens de la stratégie américaine en Afghanistan. Le président Obama a commandé pour sa part un examen interorganismes d’une durée de 60 jours dès son entrée en fonction. Alors même que se déroulait cet examen, le président a annoncé la nomination du diplomate de carrière Richard Holbrooke au poste d’envoyé spécial pour l’Afghanistan et le Pakistan, en plus d’ordonner l’envoi de 17 000 soldats américains supplémentaires en Afghanistan. Le rapport de l’examen stratégique de la politique américaine à l’endroit de l’Afghanistan et du Pakistan a été rendu public le 27 mars, quelques jours à peine avant le début de la Conférence internationale sur l’Afghanistan, à La Haye. Parmi les éléments clés de la stratégie, notons : la réaffirmation de l’objectif général des États-Unis, à savoir protéger son territoire en désorganisant, en démantelant et en écrasant Al-Qaïda dans ses derniers retranchements au Pakistan et en les empêchant, lui et ses alliés, de revenir en Afghanistan; la perception de l’Afghanistan et du Pakistan comme deux éléments d’un même problème[3]; une augmentation des ressources, dont une hausse importante des effectifs civils, et une importance accrue accordée à l’entraînement des forces de sécurité nationale afghanes. (Le président Obama a aussi répondu à une demande restée en suspens jusque-là en envoyant 4 000 nouveaux instructeurs américains en Afghanistan.) Le rapport d’examen stratégique, appelé Livre blanc, fait observer que, pour s’acquitter de leurs tâches en Afghanistan et au Pakistan, les États-Unis et leurs alliés vont devoir aborder les défis qui les attendent sous un angle différent, adopter une stratégie diplomatique d’une vaste portée afin de se gagner des appuis, se rapprocher de la population dans la région et au pays et comprendre la nécessité de faire intervenir tous les aspects de la puissance internationale – diplomatie, information, puissance militaire et mesures économiques. Il leur faudra aussi apporter des changements importants aux chapitres de la gestion de l’aide étrangère, de l’orientation de cette aide et des ressources qui y sont consacrées[4]. D’une façon générale, les alliés ont bien accueilli les résultats de cet examen, le ministre canadien des Affaires étrangères, Laurence Cannon, déclarant même : « Comme le gouvernement du Canada l’a constaté, les Canadiens constateront que de nombreux éléments du plan concordent avec la transformation de la mission canadienne au cours de la dernière année […][5] ». Les membres du Comité spécial ont rencontré à Washington des diplomates canadiens qui suivent attentivement la politique américaine, ainsi que des hauts fonctionnaires américains s’intéressant aux questions stratégiques en matière de diplomatie, de développement et de défense relatives à l’Afghanistan et au Pakistan. Ils ont pris connaissance du point de vue de membres du Congrès et tâté le pouls d’observateurs bien informés de l’extérieur. En plus d’interroger leurs interlocuteurs sur les arguments avancés dans le Livre blanc, les membres du Comité ont profité de ces rencontres pour en apprendre davantage sur le processus d’examen même et sur les événements qui ont suivi la publication du rapport. Les personnes rencontrées ont expliqué que la nouvelle administration avait ordonné l’examen stratégique parce qu’elle était convaincue que les efforts américains en Afghanistan étaient mal ciblés, en plus de souffrir d’un manque de ressources. L’envoi immédiat de 17 000 soldats visait à freiner l’élan des talibans, afin de pouvoir mener à bien par la suite les autres volets de la stratégie. Des fonctionnaires ont indiqué au Comité que, vu la situation sur le terrain, le fait que certains des principaux alliés des États-Unis prévoient mettre fin à leur mission en Afghanistan et aussi que la population américaine en a assez de la guerre, les États-Unis ont à peu près deux ans pour prouver que la nouvelle stratégie fonctionne vraiment et pour montrer des progrès sur le terrain. Au cours de l’examen, on a sollicité l’avis des alliés, notamment des Afghans et des Pakistanais, mais aussi du Canada et d’autres pays. Les membres du Comité se sont laissé dire, par exemple, que le National Security Council avait demandé de l’information sur le modèle d’intervention du Canada en Afghanistan. Le défi que représente le Pakistan S’il est une chose qui est clairement ressortie des rencontres faites par le Comité à Washington, c’est que les États-Unis reconnaissent maintenant l’importance capitale de la contribution du Pakistan pour le succès de la mission en Afghanistan, mais surtout pour rétablir la stabilité et assurer une paix durable dans toute la région. À propos de la situation de plus en plus inquiétante dans ce pays, un haut fonctionnaire a expliqué que, lorsque le rapport d’examen a été publié à la fin de mars, on se demandait à Washington ce que le Pakistan pouvait faire pour l’Afghanistan, mais que maintenant, c’est-à-dire au moment de la visite du Comité, à la fin avril, on se demandait plutôt ce qu’on pouvait pour le Pakistan. Si on parle maintenant de la vulnérabilité de l’arsenal nucléaire du Pakistan, c’est peut-être tout simplement en raison de l’attention accrue que l’on porte à cette question dans les médias, puisque cette nation musulmane clé, pourvue d’armements nucléaires, constitue un « pays stratégique tout à fait crucial », au dire d’un haut fonctionnaire. Ce même interlocuteur a ajouté que la situation en Afghanistan, bien que toujours très précaire, est plus facile à rationaliser que le problème pakistanais, puisqu’on sait ce qu’il faut faire dans ce pays et on pense avoir une stratégie réaliste, du moins aux yeux de cette personne, pour y parvenir, pourvu que l’on puisse y consacrer les ressources nécessaires. Un autre participant à l’examen a dit au Comité que le défi pourrait se résumer essentiellement à une question de renforcement des capacités militaires et non militaires de part et d’autre de la frontière afghano-pakistanaise. Une combinaison de facteurs historiques et autres fait que le Pakistan est non seulement le plus important, mais aussi le plus difficile partenaire des États-Unis dans la lutte contre Al-Qaïda. Certaines personnes interrogées par le Comité sont d’avis que le problème, à la base, est que les institutions politiques et militaires au Pakistan n’ont pas encore compris que les talibans et autres extrémistes représentent une bien plus grande menace pour leur pays que l’Inde, leur ennemi juré. De nombreux pays musulmans ont atteint un point où ils ont compris la vraie nature du danger, mais le Pakistan n’est pas encore arrivé là, malgré certains événements graves qui sont survenus, comme l’assassinat de Benazir Bhutto et les attentats à Mumbai, en Inde, à l’automne 2008. Il n’y a malheureusement pas de solution « éclair » à ces problèmes. La stratégie américaine consistera à accroître considérablement l’aide au Pakistan, à faire appel à lui continuellement et à tenter de lui créer de l’espace pour amener les autorités pakistanaises à changer leur approche. Des pays comme le Canada qui n’ont pas les mêmes antécédents historiques que les États-Unis dans la région peuvent se montrer utiles à bien des égards, mais, en fin de compte, il est nécessaire que tous les pays, dont l’Inde, qui est et doit demeurer un partenaire dans cette entreprise, montrent une volonté commune et durable de résoudre les problèmes dans la région. Un haut fonctionnaire américain a expliqué au Comité que maintenant que la nouvelle stratégie concernant l’Afghanistan et le Pakistan est établie, le plus dur reste à faire, c’est-à-dire la mettre en œuvre. Un point important à retenir est que cette stratégie se veut avant tout une feuille de route générale, et non un plan immuable, et une fois qu’on aura établi les points de repère appropriés et entrepris des évaluations permanentes de la situation, on pourra adapter les politiques en conséquence et augmenter ou réduire la quantité de ressources engagées. Un élément clé de la nouvelle stratégie, sur lequel ont insisté les représentants de l’Agence américaine pour le développement international (USAID), est l’augmentation considérable de l’aide civile dans des domaines comme l’agriculture. Les États-Unis ont cependant beaucoup de difficulté à recruter entre 400 et 500 civils désireux de mettre leurs talents à contribution dans cette région, tant et si bien qu’ils songent à consulter les listes des forces de réserve pour trouver des civils qualifiés qui seraient peut-être intéressés à s’enrôler pendant au moins un an dans le service civil dans la région[6]. Le personnel civil et militaire supplémentaire envoyé par les États-Unis sera surtout concentré dans le sud et l’est de l’Afghanistan, où, selon les représentants de l’administration américaine rencontrés par le Comité, il travaillera en étroite collaboration avec les Canada et d’autres alliés. La veille de l’annonce de la stratégie américaine, David Mulroney, sous-ministre responsable du Groupe de travail sur l’Afghanistan, a tenu ces propos devant le Comité spécial : [...] nous consacrons une bonne part de nos efforts diplomatiques à Washington, à Bruxelles, à Londres et ailleurs à accroître l’efficacité de notre partenariat avec les Américains. Les États-Unis ont accepté nos priorités. Ils ont accepté nos plans, qu’ils ont jugés solides, et sont prêts à contribuer à leur mise en œuvre. Nous répartirons le travail par secteur géographique, et les Américains nous feront part sous peu de leur décision. Ils seront dans les secteurs de la promesse de Kandahar où nous n’avons pu être présents et où les talibans ont fait un retour après que nous ayons été forcés de battre en retraite. Le Canada pourra donc se concentrer sur les grands centres plus populeux, soit la ville de Kandahar et ses alentours, précisément là où nous voulons concrétiser nos priorités […] L’équipe de reconstruction provinciale à Kandahar s’occupera des efforts de gouvernance en Afghanistan. Les Américains nous l’ont dit, et les choses ne changeront pas. Cela dit, nous nous associerons aux Américains dans le secteur de la sécurité, et nous aurons un associé fort compétent pour nous aider à lutter contre la sédition[7]. Les fonctionnaires américains à qui les membres du Comité ont fait observer que les Pays-Bas et le Canada allaient retirer leurs troupes d’Afghanistan en 2010 et 2011 respectivement ont eu des réactions qui, sans être contradictoires, variaient quelque peu. L’un d’eux a dit que les États-Unis allaient encourager les nations qui doivent mettre un terme à leur mission de combat à trouver des moyens créatifs de contribuer aux efforts de la communauté internationale, en accentuant par exemple leur implication dans des domaines comme la formation. Un autre, considérant la situation sous un angle plus large, a dit que, même si on avait songé à demander aux alliés de revenir sur leur décision de mettre fin à leur engagement militaire en Afghanistan, on avait résolu de se concentrer plutôt sur la mise en œuvre de la nouvelle stratégie, et si celle-ci devait rapporter des dividendes sur le terrain, alors les alliés pourraient décider ce qu’il convient de faire dans les circonstances. [1] Anthony Cordesman, The Obama Administration and US Strategy: The First Hundred Days, Center for Strategic and International Studies, 12 avril 2009. [2] Anthony Cordesman, « U.S. Strategy for Afghanistan: Achieving Peace and Stability in the Graveyard of Empires », déclaration devant le Sous-comité sur le Moyen-Orient et l’Asie méridionale du Comité des affaires étrangères de la Chambre, le 2 avril 2009. [3] « What’s New in the Strategy for Afghanistan and Pakistan », Service de presse de la Maison-Blanche, 27 mars 2009. [4] Voir le rapport intitulé White Paper of the Interagency Policy Group’s Report on US Policy toward Afghanistan and Pakistan, 27 mars 2009. [5] Déclaration du ministre Cannon au sujet de l’examen stratégique des États-Unis sur l’Afghanistan et le Pakistan, Communiqué no 81 du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, 27 mars 2009. [6] Un article sur le sujet est paru dans le Washington Post le jour même où le Comité tenait ses rencontres à Washington. Voir Karen DeYoung, « Reservists Might be Used in Afghanistan to Fill Civilian Jobs », Washington Post, 23 avril 2009. [7] Comité spécial de la Chambre des communes sur la mission canadienne en Afghanistan, Témoignages, 26 mars 2009. |