FEWO Rapport du Comité
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
Chapitre 3 : Le deuxième pilier du système de revenu de retraite — Le Régime de pension du Canada et le Régime des rentes du Québec Le RPC et le RRQ forment le deuxième pilier de notre système de revenu de retraite au Canada. Ces régimes sont des pensions à cotisation obligatoire pour les travailleurs, financés à parts égales par l’employeur et l’employé. Le RPC offre aux cotisants et à leurs familles un remplacement du revenu de base à la retraite en cas d’invalidité ou de décès d’un salarié. Il englobe les travailleurs dans tous les secteurs de l’économie, y compris ceux qui travaillent dans le cadre d’arrangements de travail atypique et les travailleurs autonomes, parmi lesquels on compte un grand nombre de femmes. Le RPC verse une pension de retraite équivalente à 25 % des gains annuels moyens cumulatifs du cotisant, jusqu’à concurrence de 908,75 $ par mois. Le RPC est financé par les cotisations obligatoires que versent presque tous les travailleurs et leurs employeurs y compris les travailleurs autonomes. Le taux de cotisation de 9,9 % s’applique aux gains compris entre le montant de l’exemption de base de l’année (3 500 $) et le maximum des gains annuels ouvrant droit à pension (46 300 $ en 2009). Le taux de cotisation est divisé à parts égales entre les employés et les employeurs, de sorte que le montant maximal des cotisations est de 2 118,60 $ par année (en 2009), tant pour les employés que pour les employeurs. Les travailleurs autonomes versent les cotisations salariales et patronales[23]. Comme nous l’avons vu au chapitre 2, le premier objectif du système de revenu de retraite du Canada est de prévenir et d’atténuer les situations de faible revenu chez les Canadiens de 65 ans et plus. Son deuxième objectif consiste à aider les Canadiens à ne pas subir de diminution importante de leur niveau de vie au moment de prendre leur retraite. Cet objectif est atteint grâce à l’effet combiné des pensions à cotisation obligatoire pour les travailleurs (RPC et RRQ) et à l’épargne-retraite privée assortie d’une aide fiscale dans un RPA ou un REER. Le taux de remplacement renseigne sur le revenu de retraite par rapport au revenu pendant les années actives. Le taux de remplacement net compare le revenu après impôt, tandis que le taux de remplacement brut compare le niveau de revenu avant impôt. C’est un indicateur utile pour mesurer la capacité des aînés de conserver le niveau de vie qu’ils avaient avant la retraite. Ensemble, le RPC et la SV/SRG assurent un taux de remplacement du revenu d’environ 40 %. Dans un rapport datant de 2009, l’économiste canadienne Monica Townson indique que « la SV procure environ 13 % des gains avant la retraite. Les prestations de retraite du RPC procurent un autre 25 % , pour un total de 38 %[24] ». Un récent rapport de l’OCDE intitulé Reforming Retirement Income Systems: Lessons from Recent Experiences of OECD Countries, signale que dans bien des pays de l’OCDE, les régimes de pension obligatoires assurent un taux de remplacement brut supérieur à celui du Canada. Le taux de remplacement brut moyen dans les pays de l’OCDE est de 58,7 %, comparativement à environ 40 % au Canada. En conséquence, les Canadiens doivent tirer une plus grande part de leur revenu de retraite de sources privées, lesquelles forment le troisième pilier du système de revenu de retraite, à savoir les régimes de pension agréés (RPA) ou les régimes enregistrés d’épargne retraite (REER). Même si la prestation maximale du RPC s’élève à 908,75 $ par mois, la majorité des bénéficiaires reçoivent considérablement moins que ce montant. Voici ce que Mme Monica Townson avait à dire au Comité à ce sujet : […] la pension de retraite mensuelle moyenne versée aux hommes qui ont pris leur retraite en mai 2009 était de 564 $, et de seulement 391 $ pour les femmes. En d'autres termes, les femmes touchent moins de 40 % de la prestation maximale. Bien entendu, cet écart traduit le fait que bon nombre de femmes ont passé moins de temps dans la population active pendant leur vie que les hommes, mais il révèle surtout que les femmes ont des gains inférieurs à ceux des hommes[25]. Comme l’indique le tableau 3.1 ci‑dessous, le Bureau de l’actuaire en chef fait une projection de cet écart entre les prestations du RPC touchées par les femmes et celles touchées par les hommes dans un avenir prévisible. Tableau 3.1 Projection du nombre de nouveaux retraités du RPC
Source : Données d’un mémoire préparé par Bob Baldwin à partir des données du 23e Rapport actuariel du RPC, 2007. B. Le RPC et le travail de soins non rémunéré À l’heure actuelle, le RPC prévoit trois mesures pour tenir compte du travail de soins non rémunéré, qui est surtout exercé par les femmes : les dispositions d’exclusion générale et d’exclusion pour élever des enfants, la pension de survivant et le partage des crédits de pension en cas de séparation ou de divorce. Pour le calcul des prestations du RPC, il est permis d’exclure 15 % des mois de toute la période cotisable au cours desquels les gains du bénéficiaire ont été faibles ou nuls. Cette disposition d’exclusion générale empêche les bénéficiaires d’être pénalisés pour les périodes de faible revenu dues au chômage, aux études postsecondaires ou à la maladie. Le projet de loi modifiant le RPC, que le Parlement étudie actuellement, prévoit porter le taux d’exclusion générale à 17 %. Cette mesure a été très bien accueillie par les témoins. Le RPC renferme aussi la disposition d’exclusion pour élever des enfants, qui permet d’exclure les années au cours desquelles le bénéficiaire avait un enfant de moins de sept ans. Comme Monica Townson l’a dit au Comité, cette mesure fait en sorte « que les femmes ne soient pas pénalisées si elles quittent la population active pour avoir des enfants ou pour rester à la maison avec eux, même si elles désirent travailler à temps partiel pendant que leurs enfants sont jeunes[26] ». Il s’agit d’une mesure avantageuse pour les parents qui s’occupent de leurs jeunes enfants. Certains témoins ont indiqué que l’exclusion des années de faible revenu n’était pas suffisante. Ils ont pressé le Comité de recommander que des cotisations de retraite soient versées au nom des personnes qui donnent des soins sans être rémunérées. Un mémoire produit par 14 groupes de femmes du Québec demande au gouvernement de suivre l’exemple de plusieurs pays européens (France, Allemagne, Suède, Autriche) en versant des cotisations de retraite au nom des femmes et des hommes qui se sont retirés de la population active pour s’occuper de jeunes enfants ou d’une personne malade, handicapée ou âgée qui avait besoin de soins. Des témoins ont précisé que cette cotisation pourrait correspondre à 60 % du maximum de la rémunération assurable des personnes qui s’occupent d’enfants de moins de sept ans. M. Jean-Pierre Laporte a suggéré comme autre solution de modifier la Loi de l’impôt sur le revenu, qui […] stipule qu'on ne peut pas avoir un régime de pension à moins qu'il y ait une relation de travail, c'est-à-dire un revenu établi dans un T4. Lorsqu'une personne travaille à la maison, et qu'elle n'est pas rémunérée, eh bien, elle n'a pas accès à tout ce qui s'appelle régime de pension agréé. Une façon rapide de régler le problème serait d'éliminer ce règlement dépassé et de permettre aux femmes au foyer de participer à un régime de retraite[27]. Le Comité exhorte le gouvernement à étudier l’éventail des moyens à prendre afin d’éviter que les aidants naturels ne soient pénalisés par le régime public de pensions. Des témoins ont signalé que les Canadiens seront de plus en plus appelés à s’occuper de membres de la famille vieillissants sans être rémunérés et que le régime de pensions ne devrait pas les pénaliser. Monica Townson a donné un exemple qui illustre les effets de cette situation sur les prestations du RPC : […] supposons qu'une femme âgée de 55 ans soit obligée de se retirer de la population active pour s'occuper de son mari âgé ou d'un parent ayant une incapacité. Lorsqu'elle présente sa demande de pension de retraite […] les cinq années où elle n'avait pas de gains entre l'âge de 55 et de 60 ans doivent être incluses pour les fins du calcul de ses gains moyens, ce qui va nécessairement faire baisser sa moyenne, si bien qu'elle touchera une pension de retraite réduite[28]. Étant donné le vieillissement de la population et la nécessité qui en résulte de prendre soin de membres de la famille âgés, le Comité préconise l’adoption de mesures qui empêcheront l’aidant naturel de recevoir des prestations du RPC réduites pour le reste de sa vie. Par conséquent, le Comité recommande : Recommandation 4 Que le gouvernement envisage d’instaurer une disposition d’exclusion semblable à la clause d’exclusion pour élever des enfants, pour les personnes qui réduisent leur activité professionnelle afin de s’occuper d’une personne malade, handicapée ou âgée qui a besoin de soins. Le RPC accorde aussi une pension de survivant aux
conjoints admissibles en cas de décès du cotisant. L’admissibilité et le
montant de la pension sont déterminés en fonction de critères comme l’âge du
survivant et le fait qu’il ait ou non des enfants à charge et qu’il soit ou non
handicapé. En 2008, 84 % des survivants étaient des femmes. Enfin, le RPC prévoit le partage des crédits de pension, c’est-à-dire la répartition des crédits de cotisation en cas de divorce ou de séparation de personnes mariées ou de rupture d’une union de fait. Cette mesure permet aux anciens époux et conjoints de fait de recevoir en parts égales des crédits du RPC accumulés durant la période de cohabitation. Le RPC reconnaît ainsi la contribution apportée à la famille et à la société par les deux conjoints sous forme de travail rémunéré, de travail non rémunéré au foyer ou les deux. Le partage fait en sorte que les anciens conjoints touchent une part égale des crédits du RPC, qui sont le fruit d'efforts communs. M. Dominique La Salle, sous-ministre adjoint principal intérimaire, Sécurité du revenu et développement social, ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences Canada, a indiqué qu’« [e]n 2005, 95 % de tous les demandeurs de crédits partagés étaient des femmes, dont la grande majorité ont pu profiter de cette disposition ». C. Modifications proposées au RPC par suite de l’examen triennal Le 25 mai 2009, les ministres fédéral, provinciaux et territoriaux des Finances ont recommandé des modifications au RPC dans le cadre de l’examen du régime qu’ils sont tenus d’effectuer tous les trois ans. Le projet de loi prévoyant ces modifications est actuellement à l’étude au Sénat. Il vise à aider les travailleurs âgés à combiner revenu de pension et revenu de travail s’ils le désirent; à permettre aux salariés de plus de 65 ans et à leur employeur de continuer à cotiser au RPC pour que les salariés puissent bonifier leur pension; à appliquer un ajustement actuariel aux dispositions du RPC sur la retraite souple, selon les modalités qui suivent. Les dispositions du RPC sur la retraite souple permettent de toucher des prestations de retraite dès l’âge de 60 ans. Cependant, la pension est réduite de 0,5 % par mois entre le moment de la retraite et le 65e anniversaire de naissance du pensionné. Par ailleurs, le montant de la pension différée est majoré de 0,5 % pour chaque mois suivant le 65e anniversaire de naissance. Le projet de loi qu’étudie actuellement le Parlement prévoit que la pénalité passerait progressivement à 0,6 % par mois et l’incitatif, à 0,7 %. Un mémoire produit par 14 groupes de femmes du Québec fait valoir que la sécurité économique des femmes serait améliorée si elles travaillaient plus longtemps, mais que, pour atteindre cet objectif, il faudrait accroître l’encouragement à retarder la retraite, et non accroître la pénalité pour retraite anticipée. La mesure proposée pour les personnes qui touchent une pension du RPC par anticipation vise à rectifier le facteur d’ajustement actuariel et à encourager les travailleurs à demeurer actifs plus longtemps. Des témoins ont toutefois indiqué que, pour beaucoup d’aidants naturels, le départ à la retraite n’est pas volontaire. Mme Lynn McDonald explique la situation : les femmes sont obligées de prendre leur retraite plus tôt, un départ à la retraite qui peut s'apparenter à un vol, parce qu'elles ne pensent pas qu'elles devront prendre une retraite. Qu'arrive-t-il donc quand la période de dispensation de soins prend fin, ce qui pourrait durer jusqu'à 10 ans, et qu'elles cherchent à retourner sur le marché du travail? Leur capital humain s'est détérioré, elles ont dépensé ou utilisé les économies de toute une vie et elles peuvent à peine se permettre de sortir pour chercher un emploi. Ensuite, elles font face à la discrimination parce qu'elles sont des travailleuses plus âgées. Et qui veut de travailleuses plus âgées[29]? Le renforcement de la pénalité pour retraite anticipée entraînera une réduction à vie du revenu de pension des aidants naturels qui sont forcés de prendre leur retraite. Le Comité insiste à nouveau sur l’importance du travail de soins non rémunéré, contribution invisible de 25 milliards de dollars par année. Le Comité exhorte le gouvernement à trouver des moyens d’éviter que le RPC ne pénalise les travailleurs âgés qui réduisent leur activité professionnelle pour s’occuper de proches malades ou handicapés. [23] Extrait d’un document du ministère des Finances, Document d’information : Modifications proposées du Régime de pension du Canada, mai 2009, http://www.fin.gc.ca/n08/data/09-051_1-fra.asp. [24] Monica Townson, What can we do about pensions? Centre canadien de politiques alternatives, 2009. [Traduction] [25] Témoignages, 2e session, 40e législature, 19 novembre 2009 (Mme Monica Townson, conseillère et associée en recherche, Centre canadien de politiques alternatives). [26] Ibid. [27] Témoignages, 2e session, 40e législature, 17 novembre 2009 (M. Jean-Pierre Laporte, avocat, à titre personnel). [28] Témoignages, 2e session, 40e législature, 19 novembre 2009 (Mme Monica Townson, conseillère et associée en recherche, Centre canadien de politiques alternatives). [29] Témoignages, 2e session, 40e législature, 26novembre 2009 (Mme Lynn McDonald, professeure, faculté de travail social, directrice de l’Institute for Life Course and Aging, Université de Toronto). |