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AANO Rapport du Comité

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6. DÉVELOPPEMENT DES COMPÉTENCES ET RÉSULTATS SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL

6.1       Instruction et formation pour les Autochtones du Nord

[...] un système d’éducation équivalant à ce qui existe ailleurs au pays et il doit être offert dans le contexte de la langue et de la culture inuites[87].

Robert Long, gouvernement du Nunavut

Un autre obstacle au développement économique qu’ont mentionné de nombreux témoins est le manque d’instruction et de formation de la population locale des territoires du Nord, surtout chez les Autochtones, qui limite la participation des communautés au développement du Nord.

Comme l’a indiqué Ted Tsetta, chef de la Première nation des Dénés de Yellowknife, au sujet de la nécessité d’augmenter le niveau de scolarité des Autochtones du Nord :

C’est le problème qui se pose dans le Nord. D’autres personnes bénéficient de nos ressources[88].

On considère généralement l’éducation comme essentielle à l’intégration et à la participation fructueuses sur le marché du travail. Des témoins ont toutefois signalé que beaucoup d’Autochtones au Canada n’ont pas l’instruction, la formation et les compétences requises pour trouver et conserver un emploi dans l’économie du Nord.

Des témoins ont indiqué que la participation active de la population autochtone relativement jeune et grandissante du Nord pourrait contribuer à réduire les futures pénuries de main-d’œuvre là-bas. Par exemple, Violet Ford, du Conseil circumpolaire inuit, a dit au Comité :

Au Canada, les jeunes Inuits comptent pour plus de la moitié de la population inuite. Ils seront nos prochains dirigeants, alors ils doivent intervenir plus tôt[89].

On sait fort bien qu’à l’instar des autres Canadiens, les Autochtones qui ont un niveau d’instruction élevé gagnent généralement plus d’argent et ont de meilleures chances de trouver un emploi. Il faut donc déterminer quelles stratégies permettraient d’inciter les jeunes Autochtones du Nord à mener des études supérieures.

Le recensement de 2006 permet de dégager les écarts dans le niveau de scolarité, comme l’illustre la figure 6.1. À l’exception des métiers et des études collégiales, le niveau de scolarité des Autochtones des territoires est de loin inférieur à celui de la population canadienne non autochtone, surtout au Nunavut. Les différences sont le plus marquées dans le cas de ceux qui n’ont pas de diplômes d’études secondaires ou universitaires.

Figure 6.1 : Niveau d’instruction des personnes âgées de 25 à 64 ans : population autochtone par territoire, en comparaison de la population non autochtone du Canada (en proportion de la population âgée de 25 à 64 ans)

figure du Niveau d’instruction des personnes âgées de 25 à 64 ans

Source : Calculs établis à partir de données de Statistique Canada, Recensement de 2006, Profils des communautés.

La proportion d’Autochtones qui fait partie du principal groupe d’âge dans les territoires du Nord et qui n’a pas de diplôme d’études secondaires s’établit à 34 % au Yukon et à 59 % au Nunavut, contre seulement 15 % pour la population non autochtone du Canada. Comme on doit s’y attendre, le faible niveau d’achèvement d’études secondaires chez les habitants autochtones du Nord a des répercussions directes sur la proportion de la population possédant un diplôme universitaire : 7 % au Yukon et seulement 3% au Nunavut, comparativement à 23 % pour la population non autochtone du Canada.

En raison du niveau de scolarité relativement peu élevé des Autochtones dans le Nord, les employeurs adoptent d’autres stratégies pour maintenir leurs activités. Vu le manque de travailleurs qualifiés dans le Nord, maintes entreprises n’ont d’autre choix que de recruter des travailleurs qualifiés dans le Sud du Canada ou ailleurs dans le monde, des travailleurs ayant bénéficié d’un système d’éducation et de formation poussé, dans les grandes villes du Canada ou d’autres pays. Bien des entreprises trouvent cependant avantageux de recruter des travailleurs à l’échelon local pour assurer leur développement. Selon, Greg Missal de la Baffinland Iron Mines Corporation :

[I]l faut différents niveaux de compétences pour répondre à ces besoins. Nous aimerions bien pouvoir recruter des employés à partir des collectivités locales, au lieu d’aller les chercher dans le sud du Canada[90].

6.2       Performance du marché du travail pour les Autochtones du Nord

La majorité de la main-d’œuvre qualifiée provient encore des régions méridionales du Canada. Cette tendance doit être inversée afin que l’économie du Nord devienne durable[91].

Lawrence Connell, Mines Agnico-Eagle limitée

Comme il est mentionné dans la section précédente, si les Autochtones ne tirent pas davantage parti des possibilités d’emploi qu’offre le secteur des ressources naturelles dans les territoires du Nord, ils ne pourront profiter pleinement des activités qui s’y déroulent.

À titre d’indicateur de la performance du marché du travail dans le Nord, la figure 6.2 montre que les Autochtones des territoires représentent environ la moitié de la population globale de plus de 100 000 personnes, mais ils représentent les trois quarts des chômeurs.

Figure 6.2 : Caractéristiques de la population et de la main-d’œuvre chez les personnes âgées de 15 ans et plus : Autochtones et non-Autochtones pour l’ensemble des territoires (en proportion de la population globale des territoires)

figures des Caractéristiques de la population et de la main-d’œuvre chez les personnes âgées de 15 ans et plus

Source : Calculs établis à partir de données de Statistique Canada, recensement de 2006, Profils des communautés.

La figure 6.3 fournit une comparaison entre les Autochtones de chacun des territoires et la population non autochtone du Canada. Bien que les taux d’activité[92] des Autochtones dans chaque territoire soient relativement semblables à la moyenne établie pour la population non autochtone du Canada, leurs taux d’emploi[93] sont beaucoup moins élevés, tandis que leurs taux de chômage[94] sont trois fois supérieurs. En particulier, la situation sur le marché du travail est quelque peu moins reluisante pour les Inuits au Nunavut. En outre, les données du recensement de 2006 indiquent que le revenu médian des Autochtones dans chaque territoire (Yukon : 21 588 $; T.N.-O. : 25 078 $; Nunavut : 17 959 $) est beaucoup moins élevé que celui des non-Autochtones au Canada (27 156 $). Cela exacerbe la pauvreté, déjà accrue par le coût de la vie élevé dans le Nord.

Figure 6.3 : Indicateurs du marché du travail pour les personnes âgées de 15 ans et plus : Autochtones pour chacun des territoires et non-Autochtones au Canada (en pourcentage de la population âgée de 15 ans et plus)

figure des Indicateurs du marché du travail pour les personnes âgées de 15 ans et plus

Source : Calculs établis à partir de données de Statistique Canada, recensement de 2006, Profils des communautés.

D’après ces données, on peut raisonnablement conclure que les Autochtones du Nord ne participent pas à l’économie ou n’en bénéficient pas au même titre que les non-Autochtones, dans chacun des territoires et dans l’ensemble du Canada. Cette conclusion coïncide avec celle que Daniel Vandermeulen, du Collège de l’Arctique du Nunavut, a exposée au Comité au sujet de l’instruction des Inuits et de leur participation au marché du travail[95].

Comme les renseignements disponibles donnent à penser que les Autochtones ont un désavantage concurrentiel dans le Nord, la partie qui suit porte sur l’instruction des Autochtones et sur leur participation au marché du travail dans le Nord, en particulier les Inuits, groupe le plus défavorisé parmi les habitants des territoires.

6.3       Types d’emploi autochtone dans les territoires du Nord

Les mesures à court terme et les solutions provisoires ne suffisent pas. L’acquisition de compétences est une priorité; il faut se concentrer sur le développement des ressources humaines dès aujourd’hui si l’on veut être en mesure de relever des défis à long terme et de saisir les occasions de demain[96].

Nicole Sikma, Arctic Cooperatives limitée

Aujourd’hui, la participation des Autochtones à l’économie se caractérise par un ensemble d’emplois rémunérés et d’activités traditionnelles (chasse, pêche et piégeage).

6.3.1   Économie autochtone basée sur les salaires

L’emploi rémunéré pour les Autochtones du Nord se rattache en général à trois secteurs (voir le diagramme 6.1) :

  • l’administration gouvernementale et les services connexes (p. ex. santé et services sociaux, éducation);
  • l’exploitation des ressources naturelles, principalement les mines (p. ex. diamants, pétrole et gaz, or, argent, plomb et zinc);
  • les services qui appuient l’existence du gouvernement et/ou les activités minières, tels que :
  • construction et transports;
  • petites entreprises, principalement dans le secteur des services (p. ex. tourisme, détail, hébergement et services d’alimentation).

Diagramme 6.1 : Emploi autochtone par secteur d’activité et par occupation

diagramme d'emploi autochtone par secteur d'activitédiagramme d'emploi autochtone par occupation

Source : Statistique Canada, recensement de 2006.

Comme le montre le diagramme 4.2 par occupation, environ la moitié des Autochtones dans le Nord occupent généralement des emplois qui exigent relativement peu d’instruction, notamment le secteur des ventes et des services, ainsi que les métiers et les transports. Bien que les travailleurs non autochtones dans les territoires oeuvrent généralement dans les mêmes secteurs, ils occupent plus souvent des postes qui exigent un niveau de scolarité supérieur et qui sont assortis d’une meilleure rémunération, par exemple des postes de gestion et des postes dans le secteur des affaires, des finances et de l’administration[97].

6.3.2   Activités traditionnelles autochtones

La majorité des témoins a parlé des pénuries de main-d’oeuvre dans le contexte d’une économie basée sur les salaires, mais certains ont parlé de la difficulté de conserver un mode de vie traditionnel dans le Nord. Les statistiques officielles ne tiennent souvent pas compte du rôle des activités de récolte traditionnelles (c’est-à-dire la chasse, la pêche et le piégeage) malgré leur importance pour les communautés autochtones, en particulier dans les régions éloignées. Thomas Berger (ancien conciliateur pour la mise en œuvre de l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut) a indiqué :

[…] l’importance du maintien de l’économie traditionnelle fondée sur la chasse, la pêche et le piégeage. Ces activités étaient, à l’époque — et elles sont toujours, si je ne m’abuse —, une composante essentielle de la culture des gens du Nord, et un important moyen de subsistance pour eux[98]. [On a souvent tendance à l’oublier, emportés par l’enthousiasme que suscitent les projets industriels.]

Bien qu’il soit difficile de déterminer la valeur monétaire exacte de l’économie traditionnelle étant donné que les activités ont lieu principalement dans des régions isolées, des témoins ont affirmé que ces activités ajoutent à la qualité de vie de manière tangible : alimentation nutritive, héritage culturel, sans parler des retombées économiques du commerce avec les marchés du Sud (fourrures, pelleterie et denrées alimentaires).

On s’est toutefois efforcé de comprendre l’influence de ces activités sur la vie des Autochtones du Nord. Par exemple, dans une récente étude sur la santé et les conditions sociales des Inuits, Statistique Canada a établi que les deux tiers de l’alimentation traditionnelle des familles inuites au Nunavut étaient constitués de poisson et de viande[99].

Statistique Canada évalue également que les activités traditionnelles (chasse, pêche, cueillette et piégeage) ont lieu régulièrement tout au long de l’année et dans chaque territoire, comme le montre le tableau 6.1.

Tableau 6.1 : Participation des adultes autochtones
aux activités traditionnelles, 2001

Territoire

Chasse

Pêche

Cueillette

Piégeage

Yukon

42 %

54 %

52 %

8 %

Territoires du Nord-Ouest

39 %

48 %

35 %

13 %

Nunavut

58 %

67 %

51 %

9 %

Source : Statistique Canada, Enquête auprès des peuples autochtones, 2001.

Même si les Autochtones se livrent régulièrement à des activités traditionnelles et que celles-ci procurent des avantages aux collectivités du Nord comme aux marchés du Sud, de nombreux témoins ont signalé que, sans l’appui du gouvernement, ces activités risquaient de se perdre à mesure que les habitants du Nord cherchent à tirer parti de l’économie moderne basée sur les salaires. Charles Pokiak, de Tuktoyaktuk Hunters and Trappers Committee, a indiqué :

À mon avis, les trappeurs sont une espèce en voie d’extinction. [...] Pour vous donner un exemple, le contrôleur animalier reçoit plus d’argent pour un chien qui a été tué que vous pouvez en recevoir pour de la fourrure. En effet, vous obtenez 40 $ pour un animal à fourrure, tandis que si vous tuez un chien errant qui est considéré comme nuisible, vous obtenez 75 $. Que feriez-vous à leur place[100]?

6.4       Moyens d’améliorer la situation des Autochtones sur le marché du travail et d’appuyer les activités traditionnelles

En raison de la culture inuite et du fait d’être loin de la famille, bon nombre d’entre eux finissent par abandonner le programme et rentrer chez eux[101].

Peter Mackey, Qulliq Energy Corporation

Le gouvernement fédéral appuie actuellement l’acquisition de compétences et la formation des Autochtones du Nord à l’aide de programme comme la Stratégie de formation pour les compétences et l’emploi des Autochtones, le Partenariat pour les compétences et l’emploi des Autochtones et le Fonds d’investissement stratégique pour les compétences et la formation des Autochtones. L’objectif principal de ces programmes est d’aider les Autochtones à se préparer au marché du travail, à trouver un emploi gratifiant et permanent et à le conserver (voir le tableau B-4 de l’annexe B pour plus de renseignements). Pour mieux répondre aux besoins des Autochtones du Nord en matière d’éducation, de formation professionnelle et d’emploi, des témoins ont proposé diverses stratégies que le gouvernement du Canada pourrait appliquer. Voici une description des stratégies le plus souvent proposées par les témoins.

6.4.1. Stratégie d’éducation et de formation coordonnée

En général, les témoins estiment que les mesures coordonnées tirent parti de la coopération et du savoir-faire de toutes les parties, en alliant les ressources possibles en main-d’œuvre aux occasions d’affaires et de développement, tout en tenant compte des besoins des habitants du Nord.

Bon nombre de témoins pensent que le secteur privé, les organismes gouvernementaux, le monde de l’enseignement et les collectivités autochtones doivent unir leurs efforts au sein de partenariats pour tirer parti du potentiel des Autochtones sur le marché du travail et satisfaire du même coup aux besoins de main-d’œuvre du secteur privé. C’est ce que pense Paul Thompson (Ressources humaines et Développement des compétences Canada), qui a indiqué au Comité au sujet de la création de partenariats avec les habitants du Nord :

[…] nous examinons [des modèles] qui font jouer un rôle beaucoup plus actif au lieu de travail en tant que lieu de formation […] ces nouvelles méthodes sont vraiment fondées sur les partenariats qui peuvent être établis entre les employeurs, les établissements d’éducation et les fournisseurs de formation, ce qui permet de voir qui est le mieux placé, par rapport à la technologie et à l’infrastructure, pour répondre aux besoins[102].

En ce qui concerne les partenariats, Lawrence Connell (Mines Agnico-Eagle) a proposé que le gouvernement du Canada collabore avec d’autres gouvernements, ainsi qu’avec des entreprises et des collectivités du Nord, pour élaborer une vaste stratégie coordonnée pour la formation professionnelle des adultes autochtones. Pour situer cette question dans son contexte, M. Connell a mentionné :

Les Inuits sont un peuple fier qui a besoin de notre aide pour sortir d’un long cycle de dépendance. Si nous travaillons avec eux, nous verrons une réaction positive qui mènera à l’établissement d’une classe moyenne durable. Les adultes, en devenant indépendants, vont commencer à se respecter eux-mêmes et vont devenir des modèles pour la jeune génération. Le statu quo ne fonctionne tout simplement pas[103].

Malgré les avantages des partenariats, il est difficile d’en établir sans le soutien des gouvernements. Le Comité convient avec les témoins que le gouvernement fédéral a un rôle important à jouer à cet égard.

La Stratégie de formation pour les compétences et l’emploi des Autochtones de RHDCC soutient le concept des partenariats, mais comme il s’agit d’un programme relativement nouveau, rien n’indique à l’heure actuelle comment on pourrait établir des partenariats à l’aide de cette stratégie. Pour cette raison, le Comité recommande :

Recommandation 8

Que le gouvernement du Canada, pour répondre aux besoins en emploi du Nord, continue de faciliter l’établissement de partenariats et d’accorder une aide financière aux gouvernements, aux entreprises et aux collectivités territoriaux et autochtones pour la création de structures d’éducation et de programmes de formation présentant un intérêt pour les étudiants autochtones.

Le rapport publié par la vérificatrice générale du Canada au printemps de 2010[104] portait sur une vérification des programmes fédéraux appuyant la formation professionnelle des Autochtones dans les Territoires du Nord-Ouest. Plus précisément, elle portait sur le Partenariat pour les compétences et l’emploi des Autochtones et sur la Stratégie de développement des ressources humaines autochtones, programmes gérés par Ressources humaines et Développement des compétences Canada (RHDCC); il s’agit de deux programmes nationaux qui appuient les initiatives de formation professionnelle dans les Territoires du Nord-Ouest et dans les territoires du Nord.

La vérificatrice générale a constaté que RHDCC n’avait pas évalué les progrès réalisés en fonction de l’objectif et des résultats à long terme pour ce qui est d’assurer des emplois durables aux populations autochtones. Dans son rapport, la vérificatrice générale indique que « cette évaluation est importante pour déterminer si ces programmes ont des répercussions positives à long terme et si les Autochtones acquièrent les compétences dont ils ont besoin pour obtenir des emplois durables[105] ».

Dans sa réponse au rapport de la vérificatrice générale, RHDCC indique qu’il « continuera à collaborer avec les collectivités autochtones et d’autres partenaires pour évaluer les répercussions à long terme et veiller à ce que les programmes entraînent des améliorations au fil du temps ». Cependant, le Comité ne sait pas vraiment si le Ministère a exercé une surveillance et produit des rapports à cet égard. Il croit que des efforts plus concertés s’imposent et recommande donc :

Recommandation 9

Que Ressources humaines et Développement des compétences Canada collabore avec des groupes autochtones et avec les gouvernements territoriaux pour évaluer les répercussions des programmes de formation professionnelle destinés aux Autochtones, afin de s’assurer qu’ils améliorent les perspectives de formation et d’emploi des Autochtones au fil du temps.

Recommandation 10

Que Ressources humaines et Développement des compétences Canada collabore directement avec les gouvernements territoriaux et les collectivités autochtones à l’élaboration d’un plan stratégique pour la production de rapports annuels sur les résultats à long terme du Partenariat et de la Stratégie de formation pour les compétences et l’emploi des Autochtones, et qu’il en fasse rapport au Comité dans son plan stratégique proposé d’ici à octobre 2011.

6.4.2. Participation des étudiants autochtones

Les Autochtones du Nord ont l’impression que les programmes d’éducation primaire et secondaire ne sont pas pertinents, ce qui constitue un obstacle important à l’amélioration des résultats scolaires dans le Nord. Les engagements familiaux représentent aussi un autre obstacle, car certains jeunes doivent demeurer à la maison au lieu de fréquenter l’école. Selon l’Enquête de 2006 auprès des peuples autochtones[106], les principales raisons invoquées par les hommes inuits pour ne pas terminer des études primaires ou secondaires étaient le désir de travailler (18 %) et l’ennui (18 %). Les raisons les plus courantes chez les femmes étaient la grossesse et la nécessité de prodiguer des soins aux enfants (24 %).

Dans le cas des autochtones qui ne poursuivent pas d’études parce qu’ils considèrent que le système d’éducation formel n’est pas pertinent, des témoins ont indiqué que plusieurs causes profondes en sont à l’origine. Par exemple, le système d’éducation formel est fondé sur un modèle importé du Sud du Canada, qui ne prend pas en compte les perspectives et les besoins des Autochtones, en particulier ceux des Inuits. Belinda Webb, d’Inuit Tapiriit Kanatami, explique :

[L]e système d’éducation tel qu’il existe à l’heure actuelle est un système adapté pour le Sud: par exemple, en biologie, vous pourriez parler des girafes ou des grenouilles ou de quelque chose du genre. Mais pour un Inuit qui vit dans le Nord, non seulement vous devez expliquer ce qu’est la biologie de la girafe, mais vous devez également expliquer ce qu’est une girafe et dire d’où elle vient[107].

Pour accroître la participation des jeunes, il est donc nécessaire d’élaborer des programmes d’études qui les interpellent et qui s’appliquent à leurs expériences, à leur vie et à leur collectivité dans le Nord.

Selon le concept de l’enseignement traditionnel, l’instruction doit être donnée dans la langue et dans le contexte culturel des Autochtones. De l’avis de nombreux témoins, l’une des grandes lacunes du système d’éducation est que les cours aux niveaux primaire et secondaire ne sont pas toujours donnés dans la langue maternelle des Autochtones, et cela vaut tout particulièrement pour les Inuits.

Dans son témoignage devant le Comité, Thomas Berger (ancien conciliateur pour la mise en œuvre de l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut) a signalé qu’au Nunavut, les enfants sont instruits en inuktitut jusqu’à la 4e ou 5e année selon la collectivité, après quoi l’enseignement se fait en anglais. M. Berger a fait observer que ce changement abrupt influe profondément sur la volonté et la capacité des élèves inuits d’apprendre et de participer à l’économie basée sur les salaires; c’est un obstacle qui n’est pas aussi imposant pour les autres Autochtones du Nord. M. Berger a expliqué :

Nous avons eu 30 ans pour planifier l’intégration des Autochtones au Projet gazier Mackenzie. En ce moment, il n’existe aucun processus qui nous permette d’intégrer les Inuits aux projets qui sont déjà à l’étude pour le Nunavut, et il n’en existera pas tant et aussi longtemps que nous n’établirons pas un système d’éducation approprié qui leur permettra d’acquérir les compétences nécessaires pour travailler dans l’Arctique au cours des années à venir[108].

Au dire de M. Berger, le fait que des élèves inuits n’ont pas de diplôme d’études secondaires amoindrit leur capacité de satisfaire aux exigences des postes dans la fonction publique du Nunavut, objectif établi dans l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut de 1993[109]. Pour atteindre cet objectif, M. Berger reprend une recommandation formulée dans le rapport qu’il a présenté en 2006 au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien au sujet du projet Nunavut[110] :

À l’époque de la création du Nunavut, nous avions convenu que les habitants de ce territoire occuperaient 85 p. 100 des emplois gouvernementaux. On a fait cette promesse en 1993 et tout le monde souhaitait la tenir. Mais nous n’étions pas conscients de ce qu’il fallait pour y arriver: un nouveau système d’éducation bilingue. Le Nunavut a sa propre administration, qui compte 3 200 ou 3 300 employés; seulement la moitié environ sont des Inuits et, dans l’ensemble, ils gagnent un salaire parmi les plus faibles. Voilà ce qu’il faut faire pour remplir cette promesse, selon moi[111].

Comme l’ont mentionné M. Berger et d’autres témoins, pour intégrer le plein bilinguisme dans le système scolaire du Nunavut, de la maternelle à la 12e année, il faut accroître la formation et le recrutement d’enseignants inuits. M. Berger a dit à cet effet :

Il nous faudrait former davantage d’enseignants, principalement des enseignants inuits. [...] Au Nunavut, l’inuktitut est la langue maternelle de 75 p. 100 des gens. Ces enfants doivent avoir la possibilité d’être éduqués dans la langue qui est parlée à la maison — qui est aussi la langue autochtone la plus utilisée au Canada. Elle ne va pas disparaître[112].

Le Comité partage le point de vue de M. Berger qu’un système d’éducation bilingue doit être instauré au Nunavut, non seulement pour donner suite à l’engagement de longue date du gouvernement fédéral à créer une main-d’œuvre représentative au sein du gouvernement du Nunavut, mais aussi pour que les Inuits puissent conserver leur langue traditionnelle, pour augmenter leur taux d’obtention de diplômes et pour faciliter leur participation au marché du travail afin de combler les pénuries de main-d’œuvre et de répondre aux besoins des employeurs dans le Nord. Comme il est indiqué dans le rapport de 2006 de M. Berger sur le projet Nunavut[113], le coût d’un tel programme serait tellement élevé qu’il faut l’appui du gouvernement fédéral. C’est pourquoi le Comité recommande :

Recommandation 11

Que le gouvernement du Canada aide le gouvernement du Nunavut à établir un système complet d’éducation bilingue — anglais et inuktitut — pour mieux préparer la population du Nunavut au marché du travail. Il conviendrait également de fixer les modalités de financement nécessaires à la réalisation de cet objectif, grâce à la collaboration et à l’entente entre le gouvernement du Canada, le gouvernement du Nunavut, Nunavut Tunngavik et l’organisme représentant les signataires d’accords sur les revendications territoriales du Nunavut.

Comme indiqué plus haut, les engagements familiaux expliquent en partie pourquoi les jeunes s’intègrent peu au système d’éducation. À cet égard, Tim Zehr, de la Nunasi Corporation, a mentionné :

[B]ien des jeunes filles célibataires ont des enfants à un très jeune âge, et les obstacles créés par le manque de garderies font en sorte que bon nombre de ces jeunes ne peuvent même pas envisager avoir une carrière, et encore moins un emploi à temps plein[114].

Belinda Webb, d’Inuit Tapiriit Kanatami, a également signalé : « L’un des problèmes que nous avons tendance à rencontrer [dans le Nord] est la liste d’attente [pour les programmes de la petite enfance] dans beaucoup de régions[115]. »

Ces témoins et bien d’autres estiment que pour accroître la participation des jeunes femmes autochtones ayant des enfants, le gouvernement fédéral devrait appuyer davantage les programmes d’apprentissage, de garde et de développement de la petite enfance. Les familles établies dans le Nord en retireraient de nombreux avantages, car non seulement ces programmes favoriseraient la participation d’un plus grand nombre d’Autochtones adultes à l’économie basée sur les salaires et ils faciliteraient la préparation des enfants au système d’éducation formel et à la socialisation dans les années qui suivent. Le Comité est d’accord avec les témoins et recommande donc :

Recommandation 12

Que le gouvernement du Canada discute avec les gouvernements territoriaux et autochtones de l’augmentation du financement à long terme qu’il accorde à leurs programmes d’apprentissage et de développement de la petite enfance, de manière à réduire considérablement, voire éliminer, les listes d’attente et à favoriser l’entière participation des familles du Nord au système d’éducation, à la formation professionnelle et à l’économie basée sur les salaires.

Plusieurs témoins ont également parlé de la nécessité d’intégrer des techniques d’éducation et de formation adaptées à la culture pour favoriser l’intégration au système d’éducation primaire et secondaire, de même que pour amener les autochtones du Nord à conserver leurs activités traditionnelles. Par exemple, Dan Curtis, de Compétence Canada Yukon (organisme sans but lucratif qui, de concert avec les employeurs, les enseignants, les groupes ouvriers et les gouvernements, fait la promotion des carrières reliées aux métiers spécialisés et à la technologie auprès des jeunes Canadiens), a mentionné que les programmes établis dans le Nord doivent reposer sur la consultation des collectivités pour qu’on puisse connaître les besoins des résidents et garantir ainsi la viabilité des programmes. Il a ajouté que l’organisme qu’il représente oriente précisément les programmes vers les jeunes autochtones en intégrant une composante culturelle à la formation technique :

Nous avons découvert que la composante culturelle permet de vraiment mobiliser beaucoup de jeunes, favorise la poursuite de leur éducation et, avec un peu de chance, les encourage à continuer dans cette voie et à obtenir une instruction plus formatrice. Au moins, ils ont une meilleure idée de ce dans quoi ils embarquent[116].

En plus des programmes d’éducation formelle du Sud qui pourraient intéresser les jeunes autochtones, des témoins ont exposé les avantages qu’offrent aux habitants du Nord diverses stratégies permettant aux Autochtones de renouer avec l’économie traditionnelle basée sur la terre. Par exemple, Charles Pokiak, membre du Tuktoyaktuk Hunters and Trappers Committee, a mentionné que ce comité a élaboré le programme Take a Kid Trapping, qui est financé par le ministère de l’Environnement et des Ressources naturelles des Territoires du Nord-Ouest. M. Pokiak a expliqué que ce programme a permis à des aînés, ainsi qu’à des jeunes, de renouer avec les pratiques traditionnelles de chasse; les aînés vont passer une ou deux semaines dans la nature avec cinq à dix jeunes pour les initier au piégeage :

Ça fonctionne très bien. Ils attrapent quelques caribous, même si le nombre de caribous diminue. Ils ont le droit d’en prendre deux ou trois, juste pour leur montrer comment on peut dépecer un caribou en entier et prendre tout de l’animal, sans perte. Cela a aidé dans le passé[117].

Doug Ritchie, d’Alternatives North, a fait allusion à ce programme dans sa présentation devant le Comité. Il reconnaît la valeur de ce genre de programmes et a indiqué :

Ce programme a vraiment favorisé la transmission des compétences et a permis de faire la promotion de l’industrie de la fourrure, qui est un secteur de l’économie qu’on ne peut passer sous silence. Il faut faire en sorte que les gens qui souhaitent travailler dans ce domaine puissent obtenir l’aide dont ils ont besoin, par exemple avoir accès à l’équipement ou obtenir une aide financière qui leur permettra de se lancer[118].

Une autre stratégie concernant la formation professionnelle et l’emploi des Autochtones dans l’économie du Nord, en particulier les jeunes à risque, est appliquée dans le cadre du programme Sundog Carvers à Whitehorse, au Yukon. Andrew Finton fait observer à ce sujet :

Comme le programme met l’accent sur l’aspect artistique, les étudiants qui n’ont pas excellé au niveau secondaire ou qui n’ont pas obtenu leur diplôme peuvent de distinguer à l’intérieur du programme Sundog Carvers. M. Finton affirme que plusieurs participants au programme Sundog Carvers ne savent ni lire ni écrire, mais peuvent gagner leur vie de leur art[119].

Comme en témoignent les récents succès de ce programme et les engagements supplémentaires en matière de financement qu’a pris le gouvernement fédéral, ainsi que les gouvernements territoriaux et des organismes autochtones[120], le Comité croit qu’il convient d’appuyer encore de telles initiatives et de les élargir, car elles aident les habitants du Nord défavorisés tout en promouvant le tourisme, secteur clé auquel le gouvernement fédéral s’intéresse pour le développement économique. C’est pourquoi le Comité recommande :

Recommandation 13

Que le gouvernement du Canada se fixe comme priorité de continuer à collaborer avec les gouvernements territoriaux et autochtones et les organismes communautaires pour élaborer et améliorer les programmes essentiels qui favorisent les activités traditionnelles économiquement vitales des Autochtones et des autres habitants du Nord, tels la chasse, le piégeage, la pêche et la cueillette, ainsi que les arts traditionnels, dont le sculptage et la sculpture.

En ce qui concerne la formation des Autochtones du Nord propre à certains secteurs dans les grandes sociétés qui oeuvrent dans le domaine des ressources naturelles, de nombreuses entreprises estiment qu’il faut promouvoir l’utilité de l’éducation formelle. Par exemple, Lawrence Connell, des Mines Agnico-Eagle, a indiqué :

Nous sommes actuellement dans un cycle où, pendant des générations, les gens ont été dépendants, et je crois vraiment que nous devons agir auprès des adultes qui, à leur tour, inculqueront la valeur de l’éducation. Cette valeur doit être transmise, et les élèves doivent ensuite savoir pourquoi ils fréquentent l’école et visualiser un plan de carrière. En ce moment, je ne crois pas qu’ils voient de quelle façon ils peuvent aller de l’avant. En conséquence, ils n’ont pas la motivation pour aller nulle part[121].

Le Comité estime que les mesures qui facilitent la transition de l’école au monde du travail constituent un bon complément des différentes stratégies appliquées pour aider les habitants du Nord à tirer parti des possibilités d’emploi dans leur région. Le Comité recommande donc :

Recommandation 14

Que le gouvernement du Canada continue de collaborer avec les gouvernements territoriaux et les organismes autochtones pour financer des programmes de formation des étudiants autochtones au moyen de partenariats avec des entreprises ou des secteurs d’activité et envisage, avec les gouvernements territoriaux, d’offrir une subvention initiale pour la formation et les salaires qui serait fonction des résultats des stagiaires.

La Chambre de commerce de Whitehorse a proposé une autre stratégie qui permettrait d’offrir aux étudiants autochtones une formation dans certains secteurs. De l’avis de bon nombre d’entreprises établies dans le Nord, le gouvernement fédéral devrait continuer d’appuyer les programmes de transition de l’aide sociale vers le marché du travail dans le Nord, en particulier pour les travailleurs des industries saisonnières. Rick Karp a expliqué :

Les membres de la Chambre croient depuis le début que nous pouvons régler nos problèmes de main-d’oeuvre ici même grâce à l’assurance-emploi, moyennant des mesures incitatives appropriées, la collaboration de l’aide sociale et la formation et le perfectionnement professionnel des Premières nations […] Ce que nous tentons de créer, c’est un programme transitionnel permettant aux bénéficiaires de l’aide sociale de continuer de toucher des prestations pendant une certaine période, tout en travaillant et en mettant de l’argent de côté, puis, lorsqu’ils sont prêts — après six mois ou un an —, ils peuvent graduellement s’affranchir de l’aide sociale et rester sur le marché du travail[122].

Le Comité reconnaît que le gouvernement du Canada a confié la responsabilité des programmes relatifs au marché du travail, conformément aux ententes sur le développement du marché du travail qu’il a conclues avec chacun des territoires et des provinces; or, comme le problème de main-d’œuvre spécialisée est particulièrement prononcé chez les Autochtones du Nord, le Comité estime que le gouvernement du Canada devrait encourager et appuyer les stratégies de transition de l’aide sociale vers le marché du travail. C’est pourquoi il recommande :

Recommandation 15

Que le gouvernement du Canada, pour réduire la dépendance envers l’aide sociale, continue de collaborer avec les gouvernements territoriaux et autochtones afin d’offrir des allocations de formation conditionnelles, en particulier dans les industries saisonnières, qui favorisent la transition vers des emplois durables et tiennent compte du lien entre le revenu et l’éducation.

6.4.3. Faciliter l’accès à l’éducation et à la formation postsecondaires

Une autre stratégie proposée par des employeurs pour favoriser le développement de la main-d’œuvre dans le Nord consiste à faciliter l’accès à l’éducation postsecondaire, directement dans les collectivités ou par l’apprentissage à distance. Le manque de travailleurs qualifiés dans le Nord est en grande partie relié au manque d’accès à l’éducation supérieure. Beaucoup d’entreprises sont contraintes de recruter des travailleurs qualifiés dans le Sud pour combler les pénuries de main-d’œuvre dans les collectivités du Nord, mais ils sont conscients qu’il s’agit d’une mesure à courte vue. À ce sujet, Peter Mackey, de la Qulliq Energy Corporation, a dit au Comité :

Typiquement, les gens venant du Sud constituent une main-d’oeuvre de nature éphémère; ils occupent le poste pendant une courte période de temps, puis s’en vont ailleurs. Ils ne sont pas là à long terme. Lorsqu’ils partent, ils emportent avec eux les connaissances qu’ils ont acquises et laissent un vide, que vous devez combler, encore une fois, par des gens du Sud[123].

Pour combler cette pénurie, M. Mackey propose la création d’écoles de métiers dans les collectivités situées à proximité des projets de développement. Par exemple, une école de métiers récemment créée à Rankin Inlet, au Nunavut, formera sans doute des travailleurs possédant des compétences recherchées. Une autre stratégie est celle qu’a appliquée la Qulliq Energy Corporation, en organisant un camp d’apprentissage :

Nous avons fait venir 50 personnes du Nord et leur avons fait subir une période de formation de deux à trois semaines. Nous avons pris les 18 meilleurs candidats et nous en avons fait des apprentis à temps plein au Nunavut[124].

La création d’établissements d’enseignement postsecondaire dans des collectivités du Nord offre de nombreux avantages, mais le problème de l’accès se pose souvent faute de fonds suffisants. M. Mackey a expliqué :

En raison de la culture inuite et du fait d’être loin de la famille, bon nombre d’entre eux finissent par abandonner le programme [de formation parrainée par l’employeur] et rentrer chez eux, sauf dans les cas où ils comptent déjà des proches dans la nouvelle collectivité. Ils préfèrent être chez eux, avec leur famille, quitte à rester sans emploi[125].

Les trois collèges du Nord (Collège du Yukon (Yukon), Collège Aurora (Territoires du Nord-Ouest) et Collège de l’Arctique (Nunavut)) offrent actuellement plusieurs programmes d’éducation postsecondaire de concert avec des universités du Sud. D’après les mémoires présentés par les collèges, ces programmes portent principalement sur l’éducation, les soins infirmiers et le travail social, et ils bénéficient de fonds permanents des gouvernements territoriaux. Grâce à des modalités de financement à terme, les étudiants peuvent parfois mener des études partielles dans d’autres domaines, dont les affaires, les sciences, l’administration publique et le droit.

En plus des programmes d’éducation courants offerts par les trois collèges, d’autres programmes se sont récemment ajoutés par l’entremise d’une université virtuelle, l’Université de l’Arctique. Comme l’a mentionné le représentant du Collège de l’Arctique dans son témoignage devant le Comité, le financement provenant du gouvernement fédéral, quoique apprécié, est actuellement restreint et d’une durée limitée.

Daniel Vandermeulen, du Collège de l’Arctique au Nunavut, croit que la capacité universitaire dans le Nord pourrait être plus grande si le gouvernement fédéral approuvait le rapport Jago sur l’Université de l’Arctique au Canada et affectait les fonds recommandés. M. Vandermeulen a dit au Comité :

Le rapport Jago a été produit à la demande d’AINC. Le mandat du groupe de travail était de se pencher sur la viabilité de la capacité universitaire dans le Nord et sur la façon de la financer. Le rapport recommandait un investissement de 2,5 millions de dollars par année pendant cinq ans, ce qui permettrait de prévoir pour l’avenir et de compter sur un financement de contrepartie[126].

Par ailleurs, M. Vandermeulen a exposé au Comité des raisons pertinentes qui justifient l’amélioration des programmes universitaires : il a signalé à cet effet l’augmentation progressive du niveau d’achèvement des études secondaires chez les habitants du Nord et l’intérêt accru pour les études supérieures. En ce qui concerne l’éducation universitaire dans le Nord, il a expliqué que la demande est de loin supérieure à l’offre :

Dans une communauté comme Arviat, où le financement ne permet d’avoir qu’un éducateur adulte et au plus 20 étudiants par année, nous recevons souvent de 100 à 150 demandes. Monsieur, nous ne manquons pas de candidats. Nous n’avons pas le financement nécessaire, particulièrement pour préparer les Nunavummiuts à obtenir une certaine équivalence à la réussite d’un diplôme d’études secondaires avant qu’ils ne puissent amorcer leur formation pour une carrière ou leur formation professionnelle dans ces campus[127].

D’autres témoins ont également fait valoir la nécessité d’établir une université bien réelle dans le Nord du Canada. En ce qui concerne la création de l’Université de l’Arctique, Robert Page, de la Table ronde nationale sur l’environnement et l’économie, a dit qu’elle devait être intégrée aux universités du Sud :

C’est un élément extrêmement important, car nous devons apporter des ressources et certaines des connaissances du Sud dans le Nord, et l’intégration est un volet important de ce processus[128].

Le Comité convient avec les témoins que le développement de l’Université de l’Arctique contribuerait véritablement au développement économique en augmentant la capacité d’éducation et d’acquisition de connaissances dans le Nord du Canada. C’est pourquoi il recommande :

Recommandation 16

Que le gouvernement renforce sa collaboration avec les trois gouvernements territoriaux, ainsi qu’avec les trois collèges du Nord, l’Université de l’Arctique et d’autres établissements de formation pertinents du Nord, pour élaborer des options en vue d’accroître la capacité d’éducation et d’acquisition de connaissances dans le Nord.

6.4.4. Formation pour le démarrage d’entreprises

Plusieurs témoins ont expliqué au Comité que de nombreux entrepreneurs dans le Nord, généralement dépourvus d’instruction formelle de niveau postsecondaire, ne savent pas vraiment comment démarrer une entreprise. Cela s’applique en particulier aux personnes qui démarrent des entreprises de petite taille, locales ou autochtones. Outre l’information générale qui se trouve sur divers sites Web du gouvernement du Canada (p. ex. Entreprise autochtone Canada), des témoins sont d’avis qu’une approche plus directe et coordonnée s’impose.

Plus précisément, ils croient que de nombreux produits d’information qui sont généralement utiles partout au Canada ne sont pas suffisamment adaptés aux réalités du Nord de sorte que les habitants du Nord ne s’en servent pas. Pour accroître l’efficacité des programmes de formation et des documents d’information du gouvernement du Canada, des témoins ont proposé des partenariats entre les gouvernements fédéral-territoriaux et des collectivités du Nord.

Par exemple, Colleen Dupuis, de Tourisme Nunavut, a proposé que le gouvernement du Canada conçoive des documents de formation spécialisée pour les entrepreneurs œuvrant dans des secteurs jugés prioritaires pour les programmes nationaux. En ce qui concerne la formation pour la création d’entreprises dans le secteur du tourisme, Mme Dupuis a proposé la formation de pourvoyeurs et de guides spécialisés, ainsi qu’une formation relative à la conduite d’embarcations et à l’accueil de touristes étrangers.

Vu la nécessité d’accroître le niveau de connaissances générales des entrepreneurs dans le Nord au sujet du démarrage d’entreprises et compte tenu du manque d’instruction formelle à cet égard, le Comité recommande les mesures suivantes :

Recommandation 17

Que le gouvernement du Canada continue de collaborer avec les gouvernements territoriaux et les collectivités autochtones du Nord pour faciliter la création de programmes de formation et de documents d’information à l’intention des entrepreneurs désireux de démarrer et d’exploiter une entreprise, en particulier dans les secteurs considérés comme des priorités nationales.

6.4.5. Pratiques de communication efficace

Des témoins ont fait observer que le succès limité de certains programmes, idées et initiatives résulte en grande partie d’une mauvaise communication entre les intéressés. Par exemple, il n’est pas rare que les programmes des différents ordres de gouvernement et les efforts des collectivités se recoupent parce qu’on connaît mal les programmes d’éducation et les programmes relatifs au marché du travail qu’offrent les gouvernements à l’intention des habitants du Nord.

Il est nécessaire que les étudiants autochtones soient au fait des possibilités et des programmes que leur offrent les gouvernements, par exemple les programmes qui leur permettent d’acquérir une expérience de travail et de gagner un revenu pendant qu’ils font des études, ou encore des programmes qui leur offrent des possibilités de financement, notamment des bourses, une aide pour la garde d’enfants ou des allocations de subsistance. Quant aux entreprises, elles doivent savoir s’il existe des projets de partenariat ou des fonds offerts dans le cadre de programmes qui ont pour but de stimuler la participation des Autochtones à des programmes d’apprentissage ou d’encadrement. La communication efficace entre ces parties garantirait la bonne mise en œuvre des programmes d’éducation et de formation professionnelle dans le Nord. Le Comité partage le point de vue des témoins et recommande donc :

Recommandation 18

Que le gouvernement du Canada renforce sa collaboration avec les gouvernements territoriaux, les établissements d’enseignement et les entreprises pour élaborer des plans de communication coordonnés au sujet des programmes et des services d’éducation et de formation professionnelle offerts dans les territoires.