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AANO Rapport du Comité

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7.1       Santé et coût de la vie

[L]e gouvernement fédéral doit reconnaître que les enfants ne peuvent pas apprendre efficacement quand ils sont entassés dans des maisons surpeuplées, quand ils n’ont pas accès à des soins de santé et à des soins dentaires de base, et quand ils n’ont pas accès à des aliments nutritifs à un prix abordable[129].

Mary Lou Cherwaty, Fédération du travail des Territoires du Nord

Selon les témoins, les Autochtones du Nord sont généralement en moins bonne santé et vivent dans de moins bonnes conditions que les Canadiens non autochtones, particulièrement dans les territoires qui comptent une forte population autochtone, comme au Nunavut, un point de vue que confirment nombre d’études et de statistiques. Par exemple, comme le montre le tableau 7.1, les habitants du Nunavut, dont 85 % sont inuits, ont une espérance de vie de 10 ans plus courte que l’ensemble de la population canadienne. De même, l’incidence des maladies infectieuses, dont la tuberculose, de la mortalité adulte et infantile, et du suicide est beaucoup plus marquée au Nunavut.

Tableau 7.1 : Indicateurs de santé choisis

Indicateur

Yukon

T.N.-O.

Nunavut

Canada

Espérance de vie (années)

Hommes

Femmes

75,0

80,5

73,7

78,1

66,6

70,0

77,1

82,1

Tuberculose (par 100 000)

5,2

21,1

108,0

5,2

Mortalité (par 100 000)

Infantile

Adulte

6,6

768,6

7,6

816,3

15,0

1 183,3

5,3

605,2

Suicide (par 100 000)

18,5

20,8

80,2

11,3

Source : T. Kue Young et Peter Bjerregard, dir., Health Transitions in Arctic Populations, 2008, tableau 3.2.

Même si les diverses inégalités en matière de santé des Autochtones du Nord sont probablement attribuables à une multitude de facteurs, nombre de témoins ont souligné que les conditions socioéconomiques jouent un rôle important dans l’état de santé. Par exemple, certains ont mentionné, outre la santé, d’importants écarts au chapitre du revenu personnel et du niveau d’instruction, comme on l’explique à la section 6.

Mary Lou Cherwaty, de la Fédération du travail des Territoires du Nord, a mis en évidence des liens concrets entre la mauvaise santé et la pénurie de logements dans le Nord :

L’une des conséquences les plus désastreuses de la pénurie de logements est la mauvaise santé. À l’échelle nationale, 8 Canadiens sur 10 avaient accès à un médecin en 2008. Dans les Territoires du Nord-Ouest, le pourcentage baissait de moitié, et au Nunavut, seulement 1 résident sur 10 avait accès à un médecin. Dans les deux territoires, le taux de mortalité infantile est beaucoup plus élevé et l’espérance de vie des enfants qui survivent est beaucoup plus bas que les moyennes nationales. Les gens du Nord, en particulier les Autochtones et les Inuits, sont confrontés à des problèmes de santé qui les placent sur un pied d’égalité avec les régions les plus pauvres de la planète[130].

Le surpeuplement des logements dans le Nord peut engendrer un cycle de dépendance en raison des répercussions éventuelles sur la santé et les conditions sociales, et entraver, ainsi, la participation à la vie économique. Comme l’a expliqué Thomas Berger en 2006, dans le Rapport final du conciliateur sur Le projet Nunavut :

Imaginez les difficultés de réussir d’un étudiant qui tente de faire ses devoirs avec 12 ou 13 autres personnes dans la maison (en moyenne, la moitié d’entre eux étant des enfants), ayant une chambre à coucher où deux, trois ou même quatre personnes dorment. Le climat du Nunavut impose que ces minuscules maisons soient fermées étanchement pour les protéger contre le froid pendant peut-être huit mois au cours de l’année. Il y a dans presque toutes les maisons au moins une personne qui fume, le chauffage au mazout peut produire de l’oxyde de carbone et d’autres substances polluantes[131].

Pour les raisons susmentionnées, le Comité estime que la situation du logement dans le Nord, en particulier au Nunavut, mérite qu’on s’y attarde.

7.1.1 Logement

Selon Statistique Canada, les logements comptant plus d’une personne par pièce, une mesure courante du surpeuplement, sont plus nombreux dans les collectivités du Nord plus éloignées, où la population autochtone tend à être plus dense. Comme le montre le tableau 7.2, les régions en périphérie des capitales des territoires du Nord et le Nunavut en entier affichent, de loin, la plus forte incidence de surpeuplement.

Tableau 7.2 : Proportion de logements comptant plus d’une personne par chambre

%

Autochtones

Population générale

Canada

4,2

1,5

Yukon

2,6

1,5

Whitehorse

1,7

1,0

Ross River

9,5

n.d.

T.N.-O.

7,1

4,6

Yellowknife

2,1

2,3

Première nation Gameti

30,8

28,6

Nunavut

22,7

18,0

Iqaluit

11,6

6,7

Kugaaruk

50,0

44,4

Source : Statistique Canada, Recensement de 2006.

La Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) fournit des indicateurs plus exhaustifs des besoins impérieux en matière de logement, établis selon les données du Recensement de 2006 de Statistique Canada. Comme le montre le tableau 7.3, trois facteurs caractérisent les besoins impérieux en matière de logement : abordabilité (coût par rapport au revenu du ménage avant impôt), taille (nombre d’occupants partageant une chambre), et qualité (aucune réparation majeure requise)[132].

Tableau 7.3 : Proportion des ménages ayant des besoins impérieux de logement, Yukon, 2006

%

Yukon

T.N.-O.

Nunavut

Canada

Ménage non autochtone

13,9

9,0

12,9

12,4

Ménage autochtone

24,5

26,2

44,1

20,4

Tous les ménages

16,3

17,4

37,2

12,7

Non conforme à la norme d’abordabilité

8,7

6,1

4,7

9,1

Non conforme à la norme relative à la taille

1,2

3,0

16,2

0,6

Non conforme à la norme relative à la qualité

3,0

4,5

7,3

0,6

Non conforme à plus d’une norme

3,4

3,9

9,0

2,4

Source : SCHL, Conditions de logement et besoins impérieux en matière de logement[133].

De tous les territoires, c’est le Nunavut qui connaît les pires résultats pour ce qui est de l’ensemble des besoins impérieux de logement, mais ces besoins sont essentiellement liés à la taille des logements — surpeuplement — plutôt qu’à l’abordabilité ou à la qualité. En effet, au chapitre de l’abordabilité, le Nunavut fait meilleure figure que le Yukon ou les Territoires du Nord-Ouest, voire l’ensemble du Canada.

Selon les chiffres de la SCHL reproduits au tableau 7.4, plus de la moitié des logements au Nunavut sont subventionnés ou appartiennent à l’État. Par comparaison, seulement 15 % des logements dans les Territoires du Nord-Ouest appartiennent à l’État en moyenne[134]. Étant donné que le revenu médian par habitant au Nunavut, incluant les transferts gouvernementaux, étant inférieur à celui d’autres territoires (voir le tableau 7.4), on peut conclure que l’abordabilité relative du logement dans ce territoire est attribuable au grand nombre de logements sociaux à coûts modiques. Les logements sociaux au Nunavut sont gérés par le gouvernement territorial, par le biais de la Société d’habitation du Nunavut (SHN).

Tableau 7.4 : Revenu brut des ménages et logements sociaux par territoire, 2005

dollars courants

Yukon

T.N.-O.

Nunavut

Revenu médian ($)1

79 137

93 875

63 523

Revenu moyen ($)1

86 970

104 244

79 770

Nbre moyen de personnes1

3,0

3,4

4,4

Nbre moyen de bénéficiaires à revenu1

2,2

2,4

2,5

Incidence du logement social2

n.d.

15 %

54 %

1.     Source : Statistique Canada, Recensement de 2006.

2.     Source : Bureaux de la statistique du Yukon et des Territoires du Nord-Ouest; SCHL, La location au Nunavut, Fiches de renseignements provinciales et territoriales; les logements du personnel gouvernemental sont exclus; « n.d. » signifie non disponible.

En mai 2008, la vérificatrice générale du Canada a publié un rapport sur les activités de la Société d’habitation du Nunavut, plus particulièrement sur le surpeuplement des logements au Nunavut. Voici ce qu’elle a constaté :

  • En 2006, dans le cadre de l’accord sur le logement dans le Nord, le gouvernement fédéral a versé au Nunavut 200 millions de dollars pour construire de nouveaux logements abordables. Le gouvernement du Nunavut prévoit consacrer cet investissement clé à la construction d’environ 725 unités de logement abordables d’ici à 2010. Cet investissement représente environ 10 % du montant de 1,9 milliard de dollars qui a été jugé nécessaire selon le plan d’action en matière de logement[135].

Le gouvernement fédéral a fourni 100 millions de dollars supplémentaires à la Société d’habitation du Nunavut (SHN) en 2009, ce qui, selon Lori Kimball, directrice générale financière de la SHN, servira à construire 285 logements. Elle a ajouté ce qui suit :

  • La SHN a estimé en novembre 2009 que, d’après le taux de croissance de la population, il faudrait construire quelque 300 logements par année uniquement pour faire contrepoids à la croissance; au rythme où avance la construction à l’heure actuelle, nous ne suivons même pas le taux de croissance de la population, et c’est sans parler de la nécessité de combler le manque actuel [des 3 000 logements mentionnés dans le plan d’action de 10 ans pour le logement au Nunavut][136] ».

Le rapport de la vérificatrice générale de mai 2008 considère aussi comme préoccupante la question de l’entretien des logements sociaux existants[137]. Selon la Société d’habitation du Nunavut, quelque 60 % de son budget de base d’environ 180 millions de dollars par an, fourni par le gouvernement du Nunavut, la Fiducie pour le logement dans le Nord et la SCHL, va aux 25 organismes locaux d’habitation pour le fonctionnement et l’entretien du parc de logements sociaux du Nunavut. La représentante de la Société qui a témoigné devant le Comité a dit que ce parc compte quelque 4 200 unités de logement, dont l’entretien coûte annuellement environ 22 000 $ chacun. En raison de ces coûts, et vu l’offre croissante de logements et les fonds annuels limités ou en baisse, il deviendra de plus en plus difficile de garder et d’entretenir des logements publics abordables au Nunavut[138], selon Patsy Owlijoot, présidente par intérim de la Société d’habitation du Nunavut :

[U]n nombre sans précédent de projets de construction sont en cours partout sur le territoire; cependant, peu de fonds ont été consacrés à l’amélioration de l’infrastructure des collectivités au niveau communautaire[139].

Dans son rapport de mai 2008, la vérificatrice générale soulignait entre autres que la SHN ne dispose d’aucun système coordonné qui lui permettrait de veiller à la prestation efficace et opportune du logement social au Nunavut. Pour surmonter cette difficulté, la vérificatrice générale a recommandé ce qui suit :

La Société d’habitation du Nunavut devrait finaliser dans les meilleurs délais sa stratégie globale à l’égard du logement. Dans cette stratégie, elle devrait décrire clairement comment elle prévoit répondre à long terme aux besoins de logement de tous les Nunavummiut dans le cadre des programmes et des services existants. Elle devrait également intégrer ces plans dans son plan d’entreprise[140].

Cette recommandation fait écho aux conclusions d’autres vérifications des sociétés d’habitation des Territoires du Nord-Ouest et du Yukon sur les besoins de logement. Même si la pénurie de logements dans ces deux territoires n’est pas aussi aiguë qu’au Nunavut, le Comité estime qu’elle est préoccupante pour ce qui est de stimuler le développement économique du Nord. En conséquence, le Comité est d’avis qu’une stratégie coordonnée en matière de logement dans le Nord s’impose et recommande ce qui suit :

Recommandation 19

Que le gouvernement du Canada, pour suivre l’évolution des besoins en matière de logement dans le Nord, envisage de fournir de nouveaux fonds aux gouvernements territoriaux et autochtones afin de combler une bonne partie des lacunes au chapitre des besoins impérieux en matière de logement dans le Nord.

7.2       Coût de la vie

[Le coût de la vie force les résidents] à choisir entre un niveau de vie moins élevé dans leur communauté au Nunavut et le mode de vie meilleur qu’ils pourraient avoir en allant s’établir dans le sud du Canada.

Robert Long, gouvernement du Nunavut

Le coût de la vie fait référence à ce qu’il en coûte pour maintenir un niveau de vie donné, à un endroit et à un moment donnés. Il est généralement plus élevé dans les collectivités dispersées et isolées que chez les populations urbaines plus denses — selon la mesure du coût de la vie différentiel[141]. Comme le montre le tableau 7.5, comparativement à Edmonton (une ville généralement utilisée comme base pour les comparaisons du coût de la vie avec d’autres régions du Canada) , le coût de la vie différentiel montre que le panier de produits et services coûte 1,5 fois plus cher au Nunavut, 1,3 fois plus cher au Yukon et 1,2 fois plus cher dans les Territoires du Nord-Ouest. De même, par rapport à la moyenne provinciale, les dépenses par habitant consacrées au transport et aux communications sont de quatre à six fois plus élevées dans les territoires.

Tableau 7.5 : Mesures choisies de dispersion, coûts de transport et revenu médian des ménages après impôt dans les territoires, comparativement à la moyenne provinciale

 

Yukon

Territoires du Nord-Ouest

Nunavut

Moyenne provinciale

Population non influencée par une agglomération de recensement (en %)

25

66

80

15

Dépenses en transport et communications (en $ par habitant)

3 476

2 279

2 647

564

Dépenses publiques générales (en $ par habitant)

2 394

2 207

4 461

270

Coût de la vie différentiel

126

123

146

 

Revenu médian des ménages après impôt

52 812

(97)

67 439

(124)

53 195

(98)

54 448*

Sources : Groupe d’experts sur la péréquation et la formule de financement des territoires, « Annexe 2: Indications des besoins en dépenses et des coûts de prestation des services publics dans les territoires, » dans Améliorer la formule de financement des territoires et renforcer les territoires du Canada, mai 2006; Statistique Canada, recensement de 2006 (remarque : les chiffres entre parenthèses sur la ligne du revenu médian après impôt indiquent le ratio entre le revenu dans les territories et la moyenne provinciale (* c’est-à-dire Edmonton, car le coût de la vie differentiel est fondé sur cette ville).

Si l’on compare le coût de la vie et le revenu médian des ménages après impôt dans chaque territoire, comme le montre le tableau 7.5, on constate que le coût de la vie plus élevé dans le Nord est compensé par un revenu disponible supérieur uniquement dans les Territoires du Nord-Ouest, surtout à Yellowknife[142]; au Yukon et au Nunavut, le revenu après impôt est quelque peu inférieur à ce qu’il est à Edmonton, ville servant de base de comparaison[143].

Les sections qui suivent décrivent quelques-uns des principaux encouragements proposés par le gouvernement du Canada pour stimuler le développement économique du Nord en réduisant le coût de la vie de ses habitants; ces mesures peuvent par ailleurs permettre d’atténuer la pénurie de main-d’œuvre spécialisée dans le Nord en facilitant la mobilité des travailleurs entre les provinces et territoires.

7.2.1   Déduction pour les habitants de régions éloignées

La Déduction pour les habitants de régions éloignées (DHRE), mentionnée à l’article 110.7 de la Loi de l’impôt sur le revenu, vise à attirer les travailleurs spécialisés dans les collectivités isolées du Nord en les indemnisant pour les coûts additionnels occasionnés par la vie dans ces régions. Deux déductions fiscales sont proposées aux personnes qui habitent dans la zone nordique, ce qui comprend les territoires, pendant une période minimale de six mois :

  • Une déduction de base pour la résidence de 8,25 $ par jour, par personne[144];
  • Une déduction supplémentaire pour la résidence de 8,25 $ par jour si la personne a occupé et entretenu une habitation[145], si elle est la seule à demander le montant de base pour cette habitation et pour cette période de résidence;
  • Une déduction pour les avantages relatifs aux voyages tirés d’un emploi pour chaque voyage effectué pour recevoir des services médicaux, et pour un maximum de deux voyages par membre du ménage par année pour d’autres raisons.

Marc‑André Pigeon, du Service d’information et de recherche parlementaires, a avancé un argument de développement économique en faveur des encouragements à l’établissement et au travail dans les régions nordiques et éloignées :

Dans les régions nordiques et les régions éloignées, le travail est généralement concentré dans […] [l]es secteurs [qui] ont une activité soit saisonnière soit conjoncturelle, si bien que la demande de main-d’œuvre est sporadique. S’ils bénéficient d’un traitement fiscal privilégié (c.-à.-d. : d’allègements d’impôt), les employeurs peuvent plus facilement recruter et retenir la main-d’œuvre, dont le gros provient des régions plus peuplées du Sud […] Les encouragements d’ordre fiscal peuvent également inciter les travailleurs moins spécialisés à demeurer dans ces régions pendant la saison creuse ou le cycle de ralentissement économique […][146]

Même si les témoins ont généralement accueilli favorablement les efforts visant à augmenter les indemnités au titre de la DHRE en 2008 — le gouvernement fédéral ayant haussé la déduction pour résidence de 10 %, soit de 7,50 $ à 8,25 $ en 2008 —, la plupart ont indiqué qu’il faut faire davantage pour corriger de manière satisfaisante les problèmes de coût de la vie auxquels font face les habitants qui vivent et travaillent dans le Nord. En particulier, les témoins ont dit au Comité que la déduction pour la résidence devrait être majorée.

Par exemple, Mary Lou Cherwaty, présidente de la Fédération du travail des territoires du Nord, a proposé de hausser d’au moins 50 % la DHRE pour contrebalancer la TPS sur les produits de base, qui coûtent généralement plus cher dans le Nord qu’ailleurs au Canada[147].

Diverses autres organisations ont suggéré des moyens semblables de modifier la DHRE pour qu’elle soit mieux adaptée aux réalités du Nord. Le Forum économique du Nunavut, par exemple, a proposé ce qui suit[148] :

  • Fournir un redressement forfaitaire correspondant à l’inflation cumulative depuis l’instauration de la DHRE, en 1987, et pleine indexation par la suite.
  • Pour le travail dans les régions du Grand Nord canadien, afin de tenir compte du coût de la vie plus élevé, fournir une indemnité supplémentaire à la DHRE équivalant à la prime d’éloignement versée aux employés fédéraux[149].
  • Augmenter l’indemnité de la DHRE pour les travailleurs à faible revenu qui touchent moins que la déduction maximale pour la résidence[150] et indemniser ceux qui n’obtiennent de leur employeur aucun avantage relatif aux voyages[151].
  • Hausser les limites d’admissibilité à certains programmes fédéraux (p. ex. le crédit pour TPS, la prestation fiscale pour enfants) pour les travailleurs du Nord de sorte que les petits salariés, dont le revenu est relativement supérieur à celui d’autres travailleurs au Canada, continuent de toucher ces prestations.
  • Fournir des prestations supplémentaires en vertu de la DHRE afin d’égaliser les revenus nets dans les régions du Nord et du Sud. En effet, le système d’impôt progressif fait en sorte que les travailleurs du Nord paient plus d’impôts, car leurs revenus sont relativement plus élevés qu’ailleurs au Canada.

Le Comité estime qu’il est nécessaire d’améliorer la DHRE pour qu’elle compense de manière plus juste les coûts de la vie et du travail dans le Nord. Par conséquent, le Comité recommande ce qui suit :

Recommandation 20

Que le gouvernement du Canada, dans le but de faciliter le développement de l’économie du Nord en attirant et en conservant une main-d’œuvre spécialisée, envisage d’améliorer la Déduction pour les habitants de régions éloignées de sorte qu’elle compense pleinement les coûts de la vie des habitants du Nord, et d’adopter une politique pour rendre universelle la partie allouée aux voyages de la Déduction pour les habitants de régions éloignées.

7.2.2   Programme Nutrition Nord Canada

Le 21 mai 2010, le gouvernement du Canada a lancé la mise en œuvre graduelle du programme Nutrition Nord Canada, lequel remplacera le programme Aliments-poste dont la fin est prévue pour le 31 mars 2011. Ce nouveau programme a pour but de rendre les aliments sains plus accessibles et abordables pour les Canadiens qui vivent dans les collectivités isolées du Nord. Le nouveau programme, qui se déroulera par phases à compter du 3 octobre 2010, fait suite à la révision du programme Aliments-poste amorcée en novembre 2006.

Comme l’a annoncé le gouvernement fédéral, le nouveau programme passe d’une approche de subvention au transport à un modèle axé sur le commerce de détail et vise à « simplifier la chaîne d’approvisionnement et [à] réduire la manutention des aliments frais destinés au Nord[152] ». La nouvelle structure de livraison du programme repose principalement sur une évaluation des options proposées dans un rapport intérimaire d’AINC, paru en mars 2009[153].

Le gouvernement fédéral envisage de fournir des fonds directement aux détaillants et aux grossistes qui expédient déjà de grandes quantités de nourriture et de produits dans le Nord, d’après le poids des aliments admissibles expédiés à chaque collectivité. Selon AINC, subventionner les détaillants « leur permettra de négocier le meilleur prix possible pour leur clientèle[154] ». Au chapitre de la responsabilisation et de la transparence, AINC précise que le nouveau programme « exiger[a] que les détaillants prouvent qu’une subvention est accordée aux consommateurs » par le biais d’un système de traitement des demandes permettant de vérifier les factures et les documents d’expédition, de vérifications et de contrôles financiers[155].

Selon le témoignage de Patrick Borbey, représentant d’AINC :

Le nouveau modèle […] instaurera une concurrence et des forces de marché qui permettront d’acheminer les aliments vers les collectivités admissibles d’une manière plus efficace et efficiente […] AINC accordera la subvention directement aux détaillants et aux grossistes, qui établiront leur propre chaîne d’approvisionnement pour le transport des aliments vers les collectivités admissibles. Ils pourront ainsi négocier de meilleurs prix pour leurs clients et mieux contrôler la qualité[156].

AINC définit ainsi les principales caractéristiques de Nutrition Nord Canada :

  • Une liste d’admissibilité révisée qui favorise la subvention des denrées périssables les plus nutritives, dont les aliments traditionnels du commerce, et qui fait la promotion de moyens de transport plus rentables;
  • La conservation des commandes personnelles, qui permettra d’établir un certain degré de concurrence chez les détaillants du Nord et d’offrir de la souplesse aux consommateurs ayant des besoins alimentaires spéciaux;
  • Des moyens de transport moins coûteux pour les denrées non périssables et les articles non alimentaires; une plus grande participation de Santé Canada par l’intermédiaire d’initiatives communautaires de promotion de la santé;
  • La création d’un conseil consultatif pour améliorer la gouvernance du programme;
  • Une plus grande transparence en ce qui a trait à la subvention, ce qui se traduira par la responsabilisation des parties concernées[157].

Au cours de la période précédant la création du programme Nutrition Nord Canada, diverses organisations ont fait valoir au Comité leurs préoccupations face aux répercussions de la modification des mécanismes de livraison sur les habitants du Nord. Des détaillants tels qu’Edward Kennedy, de la North West Company, ont déclaré que la création d’une subvention au détail, et les mécanismes de reddition de compte connexes, augmenteront les coûts et la complexité de leurs activités commerciales, en raison des exigences en matière de suivi et de rapports[158].

Peu après l’annonce du nouveau programme, des groupes autochtones ont exprimé les craintes suivantes :

  • Les collectivités isolées du Nord auront accès à moins d’aliments nutritifs abordables en raison de l’élimination de points d’entrée de la nourriture dans les grands centres urbains. Comme l’a expliqué le député de Vuntut Gwitchin, Darius Elias, « il y a un détaillant de produits alimentaires à Old Crow [...] l’accès à des aliments variés envoyés par la capitale est donc la seule option réaliste[159] ».
  • La liste des produits alimentaires admissibles à la nouvelle subvention au détail ne tient pas compte des habitudes alimentaires traditionnelles des Autochtones du Nord, les aliments entrant dans la préparation de mets traditionnels, comme le bannock, qui contient du saindoux, ne seront pas admissibles à la subvention majorée. Comme l’a expliqué Jose Kusugak : « [...] les aliments comme le bannock et le pain de mer font partie du régime alimentaire de nombreux Inuits, en particulier lorsqu’ils vont à la chasse et en camping[160] ».
  • Le fait que les subventions ne s’appliquent qu’aux produits traditionnels produits dans le commerce aura un effet négatif sur les pratiques traditionnelles des Autochtones du Nord, puisqu’elles ne procureront aucun des avantages découlant du troc d’aliments entre familles autochtones. Comme l’a mentionné Paul Kaludjak, président de Nunavut Tunngavik Incorporated : « j’espère que la subvention élargira cette possibilité et nous aidera à procurer de la nourriture traditionnelle à nos familles qui en ont besoin[161] ».

En réponse à ces préoccupations, les responsables d’AINC ont généralement déclaré qu’ils collaboreraient avec les habitants du Nord, principalement par l’intermédiaire du Conseil consultatif du programme Nutrition Nord, pour régler les problèmes découlant du nouveau programme.

Dès que le programme Nutrition Nord Canada se mettra en branle, le Comité est d’avis qu’il est important que le gouvernement du Canada fournisse des rapports d’étape réguliers sur les efforts déployés pour régler les problèmes en suspens exprimés par les différents intervenants. Aussi, le Comité recommande :

Recommandation 21

Que le gouvernement du Canada collabore avec ses partenaires et les intervenants pour tenter de régler promptement les questions en suspens exprimées par les habitants du Nord à propos de la livraison d’aliments nutritifs. En outre, à mesure que le nouveau programme se mettra en branle, le gouvernement du Canada devrait produire un rapport public biennal montrant les répercussions du nouveau programme sur l’accès à des aliments nutritifs pour les habitants du Nord.