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AGRI Rapport du Comité

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Revue des programmes

Introduction

Lors de son étude sur les jeunes agriculteurs et l’avenir de l’agriculture, le Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire (appelé ci-après le Comité) a insisté sur la rentabilité du secteur pour attirer la relève. Les difficultés économiques que connaissent, depuis un certain temps, les industries bovines et porcines ont régulièrement servi d’exemple pour illustrer le manque de rentabilité qui peut frapper les exploitations agricoles. Les incertitudes et fluctuations du marché (évolution de la demande, valeur du dollar canadien, étiquetage du pays d’origine aux États-Unis, la grippe H1N1, l’encéphalite spongiforme bovine, la réglementation en particulier sur l’élimination des matières à risque spécifiées, etc.) et l’augmentation du coût des intrants, notamment les prix des céréales fourragères, ont en effet exercé une pression à la baisse sur les bénéfices des producteurs bovins et porcins au cours des dernières années. Toutefois, les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux interviennent dans le cadre de leurs programmes pour aider le secteur agricole. Depuis 2003, ces programmes sont définis dans un cadre stratégique signé par les provinces, territoires et le gouvernement fédéral pour une période de cinq ans. Conclu en juillet 2008 par les ministres de l’agriculture fédéral, provinciaux et territoriaux, le cadre stratégique Cultivons l’avenir  constitue la deuxième mouture de cette entente provinciale/territoriale/fédérale.

Le Comité croit qu’il est essentiel d’améliorer les programmes mis en place par Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC), notamment les programmes de gestion des risques de l’entreprise (GRE) afin de soutenir plus efficacement le secteur agricole. En effet, la capacité de supporter le contexte difficile auquel font face certaines industries, dont récemment les industries bovines et porcines, permet de jauger ces programmes et d’évaluer leur efficacité. Dans le cadre de Cultivons l’avenir , AAC a mis en place plus d’une trentaine de programmes différents (GRE et non liés à la GRE) qui visent à aider le secteur à se développer en un secteur compétitif, innovateur et respectueux de l’environnement, et qui gère les risques de façon proactive. Ces programmes sont exécutés par AAC, mais aussi parfois par les provinces ou des agents d’exécution tiers. Étant donné que l’accord-cadre « Cultivons l’avenir » arrive à échéance le 31 mars 2013, ce travail permettra également de faciliter la définition de la nouvelle série de programmes pour le prochain cadre stratégique.

Le Comité a ainsi tenu trois audiences publiques en novembre 2010. Il a rencontré des hauts fonctionnaires d’AAC et sept producteurs agricoles provenant de différentes régions du Canada et présentant des points de vue issus des diverses industries du secteur agricole. Le rapport présente tout d’abord les différents programmes dont il a été question lors des audiences du Comité, notamment les objectifs qu’ils remplissent. La deuxième partie présente les limites de ces programmes telles qu’elles ont été présentées par les témoins, ainsi que les améliorations suggérées. Les recommandations font l’objet de la troisième et dernière partie.

1. Les programmes étudiés

Lors des audiences publiques, les témoins ont principalement discuté des programmes de GRE. Ces programmes ont pour objectif de protéger les agriculteurs contre divers types de pertes (baisse de revenu, désastre naturel, etc.), et permettent d’accéder à des liquidités. Il existe quatre programmes de GRE en vertu du cadre « Cultivons l’avenir », Agri-stabilité, Agri-investissement, Agri-protection, et Agri-relance, qui sont complétés par un programme entièrement fédéral, le Programme de paiements anticipés (PPA). Cette partie met l’accent sur les objectifs de ces programmes, et la manière dont ils remplissent leur rôle. Leurs limites et améliorations proposées seront abordées dans la prochaine partie.

1.1 Les programmes de GRE sous Cultivons l’avenir

Les programmes actuels de GRE sont une évolution de ceux qui existaient en vertu du précédent cadre stratégique agricole. Ils ne se démarquent donc pas de manière fondamentale de leurs prédécesseurs, mais bien qu’ils aient été améliorés suite à des demandes de l’industrie, il y a encore place à l’amélioration. Ces programmes sont offerts à travers le pays et sont financés à hauteur de 60 % par le gouvernement fédéral et 40 % par les provinces et territoires. D’une manière générale, et bien que l’approche taille unique soit souvent décriée, ces programmes ont été mis en place pour éviter la concurrence interrégionale dévastatrice, selon les mots des représentants d’AAC, qui existait avant le premier cadre stratégique et qui voyait certains groupes de produits ou industries fortement soutenus par rapport à d’autres.

Agri-stabilité est un programme axé sur la marge de référence qui offre un soutien financier lorsque la marge de production diminue de plus de 15 %. La moyenne olympique est employée pour calculer la marge de référence (moyenne des marges de production de trois des cinq années qui précèdent l’année de programme, exclusion faite de la marge la plus élevée et de la marge la plus basse). Lorsque les marges diminuent de moins de 15 %, les producteurs peuvent accéder à leur compte d’épargne Agri-investissement pour combler la différence. Les agriculteurs peuvent déposer jusqu’à concurrence de 1,5 % de leurs ventes nettes admissibles annuelles, tout en étant soumis à un plafond de 1,5 million de dollars, et recevoir une contribution gouvernementale équivalente. À ce titre, il ressemble beaucoup à l’ancien programme du Compte de stabilisation du revenu net (CSRN) terminé en 2002. Les producteurs ont indiqué que le CSRN était un programme fort apprécié et que ses éléments devraient être incorporés dans tout futur programme.

Pour la plupart des témoins, le programme Agri-stabilité n’est que l’ancien Programme canadien de stabilisation du revenu agricole (PCSRA) renommé pour la circonstance. Des changements importants ont cependant été apportés à la demande du secteur lors de l’élaboration du cadre « Cultivons l’avenir » :

Des changements fondamentaux ont été apportés aux programmes Agri-stabilité, notamment : une meilleure méthode d’évaluation des stocks; l’amélioration des mécanismes de versement de paiements provisoires; des critères plus vastes visant la couverture de la marge négative pour autoriser un soutien à ceux qui font face à des pertes consécutives; des avances ciblées pour procéder à des versements rapidement lorsque surviennent des catastrophes; et la rationalisation des procédures administratives[1].

Agri-protection est essentiellement un programme d’assurance géré par les provinces dont les primes sont payées par le gouvernement fédéral, les provinces et les producteurs. Il offre une assurance contre les pertes de production et d’actifs causées par une catastrophe naturelle. Les producteurs peuvent recevoir un paiement lorsqu’ils subissent une perte de production pendant l’année. Agri-relance permet aux gouvernements fédéral et provinciaux de réagir aux catastrophes naturelles qui ne sont pas couvertes par Agri-protection. Toutefois, dans le cadre d’Agri-relance, on ne pourrait pas considérer les événements de nature cyclique, comme la fluctuation des prix, ou qui s’inscrivent dans une tendance à long terme, comme celle de la baisse des prix. Dans le cas d’une catastrophe touchant une seule province, c’est cette dernière qui doit entreprendre des démarches auprès du gouvernement fédéral afin de demander de l’aide dans le cadre d'Agri-relance. Le gouvernement fédéral évalue notamment la façon dont les programmes existants comme Agri-stabilité et Agri-protection peuvent répondre à la situation. S’il y a lieu, des mesures d’intervention ciblées qui correspondent précisément à la situation sont élaborées.

Les représentants du ministère ont indiqué que ces programmes offrent une aide appréciable au secteur agricole. Depuis 2007, cette série de programmes a permis le versement de plus de 6,4 milliards de dollars aux producteurs canadiens. Agri-relance a permis de financer plus d’une vingtaine d’initiatives dont l’initiative de 450 millions de dollars d’aide pour les pertes causées par l’excès d'eau de 2010 en Alberta, Saskatchewan, et Manitoba. Le tableau 1 présente les contributions gouvernementales (fédérales et provinciales) versées aux producteurs agricoles dans le cadre de ces quatre programmes de GRE depuis 2007.

Tableau 1 : Contributions annuelles fédérales et provinciales aux programmes de gestion des risques de l’entreprise (millions de dollars) en date du 6 janvier 2011

Programme

2007

2008

2009

2010

Total (1)

Agri-stabilité

696,3

721,3

576,1

35,0

2 028,7

Agri-investissement (2)

845,8

263,3

120,1

N/A

1 229,2

Agri-protection

582,3

812,9

815,2

790,9

3 001,3

Agri-relance (3)

N/A

N/A

N/A

N/A

784,4

Source : Agriculture et Agroalimentaire Canada

Notes :       (1) Les chiffres ayant été arrondis, leur somme peut ne pas correspondre au total indiqué.

(2) Pour l’année 2007 le chiffre inclut les contributions à Agri-investissement (fédérales et provinciales) et le programme de démarrage (fédéral seulement). Les données de 2010 ne sont pas encore disponibles.

(3) Pour Agri-relance, les données sont disponibles par initiative et non par année.

Les témoins ont indiqué que le transfert de l’administration des programmes vers les régions avait grandement amélioré leur exécution. Les représentants du ministère ont également rapporté qu’avec du personnel sur le terrain, les producteurs comprennent mieux les programmes et en connaissent mieux les détails.

Du point de vue des exploitations agricoles, les témoins reconnaissent que les programmes ne fonctionnent pas toujours pour tous les secteurs et tous les types de fermes, mais qu’ils offrent des outils en matière de planification et de gestion des risques. Par exemple, Agri-stabilité et Agri-investissement sont globalement efficaces pour des entreprises spécialisées qui connaissent des cycles économiques, notamment dans l’industrie des céréales et oléagineux comme l’a indiqué Stuart Person :

Ces programmes offrent d'importants avantages aux producteurs, et fournissent aux céréaliculteurs la capacité de gérer le risque auquel font face les exploitations agricoles d'aujourd'hui. En tant que producteur, j'ai recours à ces programmes chaque année pour m'aider à élaborer les stratégies de gestion du risque de mon exploitation agricole. […] À mon avis, ils procurent une stabilité financière à une époque marquée par la volatilité des marchés des produits agricoles et l'instabilité des conditions météorologiques. Ils réduisent le stress dans l'ensemble de l'exploitation agricole. Ils fournissent une assistance en matière de planification financière et de planification des mouvements de trésorerie. À l'heure actuelle, ils encouragent les agriculteurs à investir davantage dans leur exploitation céréalière et à prendre de l'expansion. Ils fournissent de l'aide en matière de planification de la relève, et ils procurent une certaine stabilité sur le plan de la rentabilité de l'exploitation agricole. Ils fournissent de l'aide aux jeunes et aux nouveaux céréaliculteurs, ce qui contribue actuellement à renforcer l'ensemble de l'industrie de la production céréalière de l'Ouest du Canada[2].

Plusieurs témoins ont également souligné que le programme Agri-protection est très apprécié comme outil de planification, car il est considéré prévisible et axé sur les besoins. En ce qui concerne Agri-relance, tous les témoins s’accordent pour dire que c’est un programme essentiel qui s’est avéré indispensable pour maintenir la capacité de production dans des régions affectées, comme l’a indiqué M. Brian Gilroy, un pomiculteur d’une région touchée par une tornade en août 2009[3] :

J'ai mené des recherches sur ce qui s'était produit dans le passé lorsque des vergers avaient été frappés par une tornade, et j'ai découvert que, pour l'essentiel, les pomiculteurs avaient déclaré faillite. Je suis heureux de vous signaler que, grâce à l'assurance-récolte du programme ontarien d'aide en cas de catastrophe et au programme Agri-relance, aucun des agriculteurs touchés par la tornade ne déclarera faillite.

1.2 Le Programme de paiements anticipés

Le PPA complète la série de programmes de GRE. C’est un programme fédéral seulement qui existe en vertu de la Loi sur les programmes de commercialisation agricole (la Loi). Il s’agit d’un programme de garantie de prêt exécuté par les organisations de producteurs participantes qui facilite l’accès des producteurs au crédit grâce à des avances au comptant. Mis en œuvre en 2006-2007, il combine l’ancien Programme d’avances printanières et le Programme de paiements anticipés, qui datent des années 1980, en un seul programme. Depuis 2007, le gouvernement a avancé un total de 7,76 milliards de dollars dans le cadre du PPA. Annuellement, entre 30 000 et 40 000 producteurs profitent de ce programme.

Les règles du PPA sont définies dans la Loi, mais le gouvernement est capable d’utiliser la souplesse de cette dernière pour les secteurs en situation de crise. Dans l’industrie du bétail, par exemple, le gouvernement a notamment changé les exigences en matière de sûreté pour obtenir une avance, reporter les dates de remboursement, et réduire les coûts de défaut de paiement.

1.3 Les programmes non liés à la gestion des risques de l’entreprise

En plus des programmes de GRE, le cadre Cultivons l’avenir  comporte des programmes liés aux domaines de l’environnement, de la salubrité, de la qualité des aliments ainsi que des sciences et de l’innovation. Bien que les témoins aient peu abordé ces programmes, certains ont souligné l’importance de la recherche et de l’innovation pour être concurrentiel à long terme. À ce titre, les représentants du ministère ont mentionné brièvement quelques programmes qui répondent à ce besoin comme l’Initiative Développement de produits agricoles innovateurs, l’Initiative des grappes agro-scientifiques canadiennes, et le programme Agri-débouchés.

Le fonds de flexibilité pour l’agriculture (Agri-flexibilité) a également été annoncé dans le budget de 2009 pour financer de nouvelles initiatives agricoles en matière de réduction des coûts, de protection de la qualité du sol, de l’eau et de l’air, ou de commercialisation de nouveaux produits agroalimentaires, biologiques, ou à valeur ajoutée. Lors du lancement du programme, le gouvernement a indiqué qu’Agri-flexibilité ne serait pas utilisé pour subventionner les programmes provinciaux de gestion du risque, bien que l’industrie ait fait des demandes en ce sens.

D’après les discussions préliminaires sur « Cultivons l’avenir 2 » que le ministère a eues avec l’industrie, les programmes non liés à la GRE seront potentiellement appelés à prendre une place encore plus importante. Lors d’une première phase de consultation avec l’industrie, les discussions ont porté sur les défis et possibilités à long terme pour le secteur : en résumé, avec ses terres arables et sa disponibilité en eau, le Canada occupe une place privilégiée pour répondre à l’accroissement et à l’évolution de la demande en produits agricoles. Le défi sera de faire face à la concurrence de pays comme la Russie et le Brésil et d’être plus productif et plus innovateur pour ce qui est des méthodes de production, des produits, et des modèles d’affaires.

2. Limites et améliorations des programmes agricoles

Bien que les producteurs reconnaissent certains avantages de ces programmes, ils sont également conscients de l’existence de limites liées à leur exécution. Ils aimeraient, à ce titre, que des améliorations soient apportées afin que ces programmes atteignent plus efficacement les objectifs fixés.

2.1 Limites des programmes agricoles

2.1.1 Programmes de gestion des risques de l’entreprise agricole

Lors de leur comparution devant les membres du Comité, les producteurs ont identifié plusieurs limites associées majoritairement aux programmes Agri-Stabilité et de paiements anticipés, et dans une moindre mesure, aux programmes Agri-investissement et Agri-relance.

Dans le cadre du programme Agri-stabilité, les témoins ont eu des commentaires sur le calcul de la marge de référence, le « critère de viabilité » qui assure la couverture de la marge négative et l’exclusion des coûts de production du calcul du soutien du revenu des producteurs. Ils ont également témoigné sur l’augmentation des limites de couverture.

En ce qui a trait au calcul de la marge de référence, les intervenants du secteur ont indiqué la nécessité de revoir la méthodologie de calcul. En effet, M. William Van Tassel[4] expliquait que les producteurs, en situation de baisse prolongée des prix, voyaient leur marge de référence diminuer ce qui avait un impact négatif sur le niveau de soutien qu’ils recevaient. Cette idée a été appuyée par d’autres intervenants.

La moyenne olympique est employée pour calculer la marge de référence, la moyenne des marges de trois des cinq années précédant l'adhésion au programme, exclusion faite de la marge la plus élevée et de la marge la plus basse. Que se passe-t-il si vous avez trois ou quatre mauvaises années de suite, par exemple? Votre marge de référence est nulle[5].

AAC a d’ailleurs reconnu que le calcul actuel de la marge de référence pose des défis dans l’application du programme à long terme.

En effet, les diminutions à long terme de la marge posent problème, mais le programme n’est pas conçu pour aborder cette question; il est conçu pour traiter de la volatilité des revenus à court terme[6].

L’autre problème qui découle du calcul de la marge de référence est l’admissibilité au « critère de viabilité ». En effet, face à une marge de production négative, les producteurs se voient rembourser 60% de leur marge négative seulement s’ils respectent l’une des conditions suivantes :

  1. Avoir une marge de référence positive, ou
  2. Avoir une marge de référence négative en notant que deux des trois marges de production, utilisées pour calculer la marge de référence, sont positives[7].

La dernière condition communément appelée « critère de viabilité » est difficile à respecter pour les producteurs dans la mesure où ils font face à des marges de production négatives sur plusieurs années consécutives.

Un producteur doit enregistrer deux marges positives aux fins de son admissibilité au programme. Je peux comprendre pourquoi le programme fonctionne de cette façon, car un agriculteur qui n'est pas efficient et qui n'arrive jamais à enregistrer les moindres gains devrait être exclu du programme. Cependant, si nous avons enregistré des marges négatives année après année, c'est parce que les prix étaient extrêmement bas, phénomène absolument indépendant de notre volonté[8].

Les producteurs ont également critiqué les limites actuelles de couverture du programme Agri-stabilité que ce soit sur le plan de la couverture de la marge négative (60 %) ou de la compensation maximale de trois millions de dollars que peut recevoir un producteur. En effet, la taille des exploitations des différents secteurs de production étant plus importante, la couverture maximale actuelle ne semble plus être appropriée.

On nous a beaucoup parlé d'élever la limite du programme Agri-stabilité, qui s'élève actuellement à trois millions de dollars […] c’est l'un des dossiers que l'industrie nous a demandé d'examiner par rapport à certaines grandes exploitations horticoles et d'élevage. Je suis heureux d'apprendre qu'aujourd'hui, les exploitations céréalières se heurtent aussi à cette limite[9].

Pour ce qui est du PPA, les témoins ont remis en question la souplesse du programme. En effet, ils estiment que les nouveaux délais de paiement annoncés par le Ministre le 6 août 2010 ne sont pas suffisants pour rembourser l’intégralité des avances reçues.

Les producteurs de l'Île-du-Prince-Édouard nous ont dit qu'ils sont disposés à rembourser les prêts. Lorsque nous avons reçu des prêts dans le cadre du Programme de paiements anticipés, nous avons pris conscience du fait qu'il s'agissait de prêts, et que nous aurions à les rembourser. Toutefois, il n’est pas réaliste de nous demander de le faire dans les délais proposés[10].

Il est toutefois important de garder à l’esprit que le gouvernement bénéficie d’une certaine flexibilité concernant les modalités de paiement et de remboursement des avances consenties.

D’autres critiques ont été soulevées à l’endroit des programmes de GRE, notamment les problèmes liés aux délais de traitement des demandes soumises dans le cadre du programme Agri-investissement et le manque d’uniformité dans la couverture du programme Agri-relance.

En 2008, le traitement des demandes présentées pour le programme Agri-investissement a lui aussi été très lent. Je suis certain que vous avez déjà entendu parler de cela, mais je mentionne tout de même que certains producteurs viennent tout juste de recevoir leurs avis pour l'année 2008. Nous parlons ici d'un processus qui a duré deux ans, ce qui est tout simplement trop long[11].

À ce jour, Agri-relance n'a toujours rien offert aux producteurs pour les aider à régler leurs problèmes économiques comme ceux découlant du virus H1N1 et du circovirus. Pourtant, lorsque les producteurs de grains de l’Ouest du Canada ont eu besoin d'argent, ils l'ont reçu dans les 30 jours[12].

Il est à noter que le délai de traitement des demandes dépend également de la rapidité avec laquelle les provinces entreprennent des démarches auprès du gouvernement pour obtenir de l’aide dans le cadre du programme Agri relance.

2.1.2 Programmes non liés à la gestion des risques

En ce qui a trait aux programmes non liés à la GRE, les interventions ont surtout porté sur le programme Agri-flexibilité. Les producteurs ont regretté que leur recommandation, quant à l’utilisation des fonds Agri-flexibilité à des fins de gestion de risque, n’ait pas été prise en compte durant l’élaboration du programme. Selon eux, la prise en compte de cette recommandation aurait aidé à combler des besoins spécifiques et régionaux qui ne sont pas pris en compte par les programmes nationaux actuels.

Les producteurs canadiens demandaient, notamment par l'entremise de la Fédération canadienne de l'agriculture, un programme Agri-flexibilité pouvant intervenir en matière de gestion des risques. Le programme Agri-flexibilité, dans la version originale proposée, pourrait contribuer à combler des besoins spécifiques en fonction de particularités sectorielles et régionales qui ne peuvent pas être prises en compte dans le cadre de programmes nationaux, d'un océan à l’autre[13].

Toutefois, AAC a rappelé que cette recommandation n’avait pas été prise en compte pour éviter l’imposition de droits compensateurs par les partenaires commerciaux du Canada.

Le ministre a indiqué dès le départ qu'Agri-flexibilité ne serait pas utilisé pour subventionner les programmes provinciaux de gestion du risque, pour les raisons que j'ai déjà invoquées concernant les droits compensateurs[14].

Suite à la présentation de ces différentes limites, les témoins ont tenu à mentionner des améliorations qui pourraient être entreprises afin d’améliorer les programmes existants. À noter que certaines d’entre elles ont déjà été soumises aux gouvernements fédéral, provinciaux et des territoires aux fins de considération. En effet, tout changement apporté aux programmes agricoles requiert l’approbation des différents ordres gouvernementaux (fédéral, provincial et des territoires).

2.2 Suggestions d’amélioration des programmes agricoles

Les suggestions faites devant les membres du Comité ont surtout porté sur les programmes de GRE. Les producteurs avaient une position uniforme sur certaines suggestions tandis que les avis étaient partagés sur d’autres. Ainsi pour le programme Agri-stabilité, par exemple, certains témoins étaient enclins à proposer que la marge de référence repose sur une période de 10 ans.

Nous disposons de renseignements remontant jusqu'à 2002, alors pourquoi ne pas tout simplement en tenir compte? Prenons en considération toutes les années de référence et déterminons ce qui pourrait être considéré comme une période donnant une bonne idée de la rentabilité moyenne de l'exploitation agricole — par exemple une moyenne sur 10 ans, ou une moyenne établie à partir des six meilleures années des 10 années précédentes […][15].

Par contre, d’autres témoins ont recommandé que les producteurs aient le choix entre la moyenne olympique et la moyenne des trois dernières années pour établir leur marge de référence.[16] Une troisième proposition a été que le programme repose sur les coûts moyens de production plutôt que sur les marges de production.

J’estime qu’une bonne solution consisterait à fonder ces moyennes sur les coûts de production[17].

Le problème des marges se pose également dans le cadre des jeunes agriculteurs qui doivent utiliser une moyenne régionale qui tient également compte des producteurs moins efficients. Afin d’améliorer les niveaux de compensation versée, il a également été suggéré que ces moyennes régionales reposent sur les marges des producteurs efficaces qui sont à la tête de 50 % de la production[18].

Les témoins ont été unanimes quant à l’élimination du « critère de viabilité » qui selon eux ne s’applique pas dans un contexte de baisse prolongée des prix du marché. Cette élimination permettrait selon eux de rendre le programme plus fonctionnel. Il a également été recommandé que la couverture des marges négatives passe de 60 à 70 %.

M. Person a, en plus, suggéré d’apporter des améliorations opérationnelles au programme Agri-stabilité. Il a souhaité que les demandes de vérifications de dossiers se fassent sur une période plus courte afin d’éviter que les producteurs encourent des frais de gestion supplémentaires. Il a aussi suggéré que le programme prenne en compte les besoins des groupes particuliers tels que les colonies Huttérites[19].

Un autre témoin a soulevé l’importance que le programme prenne en compte le caractère diversifié de certaines exploitations agricoles. Selon lui, cette diversification contribue à l’amélioration de la rentabilité de ces exploitations[20].

Les témoins ont également émis des suggestions concernant le programme Agri-relance. Ils aimeraient que la couverture du programme soit uniforme de manière à fonctionner aussi pour le secteur animal. Ils estiment que les montants versés dans certains cas auraient pu être plus importants ou être dégagés plus rapidement. Toutefois, AAC a tenu à rappeler que le programme ne vise pas à compenser la perte de revenu survenu suite à une catastrophe, mais plutôt à aider les producteurs à aller de l’avant. À cet effet, le ministère a émis le besoin de mieux communiquer, aux producteurs, les objectifs du programme afin d’éviter ce type de confusion.

Concernant le programme Agri-protection, des témoins ont soulevé l’importance que le programme assure les secteurs du bétail et de la volaille pour les pertes attribuables à la mortalité.

[Le programme Agri-protection] est bien apprécié au cours des années où Dame Nature ne coopère pas. Il fait d'ailleurs l'envie des secteurs du bétail et de la volaille. Ces derniers, bien qu'ils ne soient pas aux prises avec les mêmes problèmes de fluctuation du rendement, réclament depuis longtemps un programme d'assurance qui s'inspirerait de l'assurance-récolte pour les cas peu fréquents mais catastrophiques de pertes attribuables à la mortalité. Ces pertes découlent souvent d'une maladie, connue ou inconnue, qui s'abat soudain sur une étable, un troupeau ou l'ensemble d'une exploitation agricole. Les discussions sur cette question durent depuis des années, et il serait temps de proposer des solutions concrètes en vue d'offrir un programme d'assurance-production efficace et adapté aux secteurs du bétail et de la volaille[21].

Je ne dirais que quelques mots à propos du programme Agri-protection, car il s’agit d’un programme dont nous parlons depuis 2003. Nous n’avons toujours aucune assurance-production, et d'après ce que je peux constater, rien n'indique que le gouvernement se remue le derrière pour que cela se produise — je suis désolé, mais il s’agit d'un véritable problème, et vous autres, membres du comité, devez faire quelque chose pour les producteurs bovins et les producteurs porcins[22].

3. Recommandations

Les membres du Comité tiennent à remercier les témoins qui ont accepté de comparaître devant eux. Le Comité apprécie que les témoins aient attiré leur attention sur les limites des programmes, mais il apprécie surtout les suggestions qui ont été faites pour améliorer ces programmes. C’est donc à la lumière de ces interventions que le Comité fait les recommandations suivantes :

Recommandation 1 :

Étant donné que le programme Agri-stabilité représente le principal programme de soutien de revenu aux producteurs agricoles canadiens, le Comité recommande qu’Agriculture et Agroalimentaire Canada fasse une analyse comparative de l’application des méthodologies de calcul suivantes : calcul des marges de référence qui couvrirait une période de dix ans plutôt que cinq ans, calcul de la marge de référence en utilisant la plus élevée de la moyenne olympique ou de la moyenne des trois dernières années, utilisation de la moyenne des cinq et sept dernières années pour établir la marge de référence et calcul du soutien reposant sur les coûts moyens de production. Les résultats de cette analyse comparative devront être rapportés au Comité dans les plus brefs délais.

Recommandation 2 :

Le Comité recommande que le ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire, avec l’accord des ministres de l’agriculture provinciaux et des territoires, revoie la forme actuelle du « critère de viabilité » afin que celui-ci prenne en compte des baisses prolongées de prix qui affecteraient négativement la marge de production des agriculteurs[23].

Recommandation 3 :

Le Comité recommande que le ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire, avec l’accord des ministres de l’agriculture provinciaux et des territoires, revoie la méthodologie de calcul des moyennes régionales afin que celles-ci répondent aux besoins des agriculteurs qui démarrent dans la production agricole.

Recommandation 4 :

Le Comité recommande qu’Agriculture et Agroalimentaire Canada travaille avec ses homologues provinciaux et territoriaux afin d’améliorer ses délais de traitements pour le versement des compensations aux producteurs, en particulier pour les programmes Agri-investissement, Agri-relance et Agri-stabilité.

Recommandation 5 :

Le Comité recommande que le ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire, avec l’accord des ministres de l’agriculture provinciaux et des territoires, révise le programme Agri-protection afin que les agriculteurs évoluant dans le secteur animal soient assurés contre la mortalité qui survient suite aux maladies animales.

Recommandation 6 :

Étant donné les difficultés financières qui perdurent dans certaines productions agricoles, le Comité recommande que le ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire accorde un délai supplémentaire pour le remboursement des avances perçues pour la campagne 2008-2009; et augmente le montant maximal des avances.

Recommandation 7 :

Étant donné les différents niveaux de soutien octroyé par les provinces et les territoires, le Comité recommande que le ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire et ses homologues des provinces et territoires discutent de la distorsion des échanges qui peut être causée par les différences de programmes agricoles entre les provinces et territoires.

Recommandation 8 :

Étant donné les recommandations faites par les associations de producteurs, le Comité recommande que le ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire envisage la modification du programme Agri-flexibilité afin de faciliter le financement de programmes flexibles régionaux incluant la gestion des risques de l’entreprise.

Conclusion

Bien qu’ils n’aient pas pour rôle de se substituer à la rentabilité du secteur, les programmes agricoles jouent un grand rôle de soutien dans le maintien de la capacité de production agricole au pays. Avec des contributions gouvernementales annuelles variant autour de 2 milliards de dollars, les programmes de GRE fournissent des outils de planification et de gestion non négligeables et sont offerts de façon identique à travers le pays. Alors que les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux amorcent leurs travaux afin de renouveler ces programmes au sein de « Cultivons l’avenir 2 », les audiences du Comité ont apporté des éléments d’amélioration qui assureront une meilleure couverture des exploitations et permettront aux agriculteurs d’affronter les défis qui les attendent sur les marchés domestiques et d’exportation.



[1]              Rita Moritz, sous-ministre adjointe, Direction générale des programmes financiers pour l'agriculture, ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, le Comité, Témoignages, réunion no 39, 3e session, 40 e législature, Ottawa, 25 novembre 2010, 0900.

[2]              Stuart Person, le Comité, Témoignages, réunion no 38, 3e session, 40e législature, Ottawa, 23 novembre 2010, 0905.

[3]              Brian Gilroy, président, Association des fruiticulteurs et des maraîchers de l’Ontario, le Comité, Témoignages, réunion no 40, 3e session, 40e législature, Ottawa, 30 novembre 2010, 0855.

[4]              William Van Tassel, le Comité, Témoignages, réunion no 38, 3e session, 40e législature, Ottawa, 23 Novembre 2010, 0850.

[5]              Stuart Person, le Comité, Témoignages, réunion no 38, 3e session, 40e législature, Ottawa, 23 Novembre 2010, 0920.

[6]              Danny Foster, le Comité, Témoignages, réunion no 39, 3e session, 40e législature, Ottawa, 25 Novembre 2010, 0955.

[7]              Agriculture et Agroalimentaire Canada, Manuel du Programme Agri-Stabilité 2009.

[8]              Linda Oliver, le Comité, Témoignages, réunion no 40, 3e session, 40e législature, Ottawa, 30 Novembre 2010, 0930.

[9]              Danny Foster, le Comité, Témoignages, réunion no 39, 3e session, 40e législature, Ottawa, 25 Novembre 2010, 0955.

[10]           Ernie Mutch, le Comité, Témoignages, réunion no 40, 3e session, 40e législature, Ottawa, 30 Novembre 2010, 0850.

[11]           Stuart Person, le Comité, Témoignages, réunion no 38, 3e session, 40e législature, Ottawa, 23 Novembre 2010, 0910.

[12]           Curtiss G. Littlejohn, le Comité, Témoignages, réunion no 38, 3e session, 40e législature, Ottawa, 23 Novembre 2010, 0900.

[13]           William Van Tassel, le Comité, Témoignages, réunion no 38, 3e session, 40e législature, Ottawa, 23 Novembre 2010, 0850.

[14]           Greg Meredith, le Comité, Témoignages, réunion no 39, 3e session, 40e législature, Ottawa, 25 Novembre 2010, 1005.

[15]           Stuart Person, le Comité, Témoignages, réunion no 38, 3e session, 40e législature, Ottawa, 23 Novembre 2010, 0920.

[16]           William Van Tassel, le Comité, Témoignages, réunion no 38, 3e session, 40e législature, Ottawa, 23 Novembre 2010, 0850.

[17]           Curtiss G. Littlejohn, le Comité, Témoignages, réunion no 38, 3e session, 40e législature, Ottawa, 23 Novembre 2010, 0930.

[18]           Stuart Person, le Comité, Témoignages, réunion no 38, 3e session, 40e législature, Ottawa, 23 Novembre 2010, 1000.

[19]           Ibid., 0905/0910.

[20]           Roger Bailey, le Comité, Témoignages, réunion no 38, 3e session, 40e législature, Ottawa, 23 Novembre 2010, 0845.

[21]           William Van Tassel, le Comité, Témoignages, réunion no 38, 3e session, 40e législature, Ottawa, 23 Novembre 2010, 0850.

[22]           Curtiss G. Littlejohn, le Comité, Témoignages, réunion no 38, 3e session, 40e législature, Ottawa, 23 Novembre 2010, 0900.

[23]           La marge de production est calculée en ôtant les dépenses totales admissibles du revenu total admissible. Étant donné que les prix du marché que reçoivent les producteurs influencent le revenu total admissible, une baisse prolongée des prix entraîne une baisse du revenu total admissible ce qui provoque une baisse de la marge de production.