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AGRI Rapport du Comité

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(A) Définition d’un jeune agriculteur

Malgré l’existence d’un organisme fédéral regroupant les jeunes agriculteurs, soit la Table pancanadienne de la relève agricole qui a des membres un peu partout au pays, il n’existe pas de définition unique de ce qu’est un jeune agriculteur. D’après les données, la définition varie selon les provinces et selon les perceptions des intervenants. Lors de leurs témoignages, les représentants de la table ont défini un jeune agriculteur comme ayant moins de 40 ans (soit entre 18 et 40 ans[15]), tandis que pour la Fédération de la relève agricole du Québec (FRAQ), un jeune agriculteur a entre 16 et 35 ans[16]. Selon la Young Farmers’ Association de l’Île-du-Prince-Édouard, ses membres sont des jeunes agriculteurs de 17 à 30 ans. Certains intervenants avaient aussi leur propre idée sur la question.

[...] je dis que les agriculteurs de moins de 35 ans devraient être considérés comme de jeunes agriculteurs. C’est la limite que l’on devrait fixer[17].

En plus de la difficulté de cerner la fourchette d’âge des jeunes agriculteurs, la Table et la FRAQ conviennent qu’il manque d’information sur le nombre, l’emplacement, la superficie, l’ampleur et le type des fermes exploitées par les jeunes agriculteurs. D’après ces organismes, il importe de connaître la structure et les caractéristiques de ces fermes avant de concevoir des outils, des mesures ou des programmes visant les jeunes agriculteurs[18]. Par conséquent :

Recommandation 2.1

Le Comité recommande que Statistique Canada ajoute le plus rapidement possible des questions dans le questionnaire pour le recensement de l’agriculture qui lui permettront d’établir le profil des jeunes agriculteurs au Canada.

Plusieurs témoins ont souligné l’importance des jeunes agriculteurs pour le développement de l’agriculture et de la ruralité. En effet, ils sont la garantie de l’avenir de l’agriculture puisqu’ils sont essentiels pour remplacer le nombre croissant d’agriculteurs qui prennent leur retraite. Ils contribuent également à la vitalité économique des collectivités rurales puisque de nombreuses activités et services sont liés au secteur agricole. Il importe par conséquent qu’ils restent engagés dans les activités agricoles.

À l’heure actuelle, l’âge moyen des agriculteurs est de 60 ans. S’il n’y a pas de jeunes pour prendre leur place, la population générale devra payer plus cher pour son alimentation, et cela se traduira par des pertes d’emplois dans d’autres secteurs liés à l’agriculture[19].

Excepté pour certains secteurs agricoles, les jeunes agriculteurs ont informé le Comité que la profession d’agriculteur n’offre pas un niveau de vie acceptable puisque l’agriculture n’est pas toujours rentable.

D’après moi, s’il y avait un retour sur l’investissement, beaucoup se diraient probablement que c’est une bonne occupation qui peut être intéressante, et ils pourraient alors la choisir. D’après moi, c’est probable[20].
En conclusion, la meilleure façon de garder les jeunes agriculteurs dans le secteur de l’agriculture est d’en faire une activité rentable. L’agriculture est un mode de vie, pas juste une occupation, mais en fin de compte, il faut quand même en retirer quelque chose financièrement. On n’attendrait pas de nos professionnels de la santé qu’ils travaillent gratuitement et on ne peut l’attendre de ceux qui produisent notre nourriture non plus[21].
Les jeunes agriculteurs ne vont pas investir des millions de dollars dans quelque chose s’ils ne sont pas certains du rendement. La gestion de l’offre leur donne cette assurance et cette stabilité[22].

Au cours de leurs témoignages, les jeunes agriculteurs ont manifesté leur amour de l’agriculture, ils aiment ce mode de vie. Néanmoins, la passion seule ne suffit pas pour les convaincre de rester dans cette profession. Ils la considèrent d’abord et avant tout comme une entreprise qui doit être rentable. Ils sont prêts par conséquent à tirer profit des possibilités du marché, même s’il y a des difficultés à surmonter.

(B) Défis et possibilités pour les jeunes agriculteurs

a. Accès au financement et transfert de la ferme

La plupart des témoins ont révélé qu’il leur faut des prêts pour améliorer la viabilité économique de leurs fermes et investir dans le soutien technique, les terres et l’infrastructure. Des prêts sont aussi nécessaires pour acheter une ferme afin de s’établir en agriculture. Toutefois, les jeunes agriculteurs ont de la difficulté à obtenir du financement de la part des institutions financières parce qu’ils n’ont pas d’actifs à offrir en garantie.

Financement agricole Canada existe depuis des années pour aider les agriculteurs. Quand je lui ai demandé ses taux d’intérêt et ses taux hypothécaires, on m’a dit que les jeunes agriculteurs ne pouvaient pas avoir de l’aide, parce que les jeunes n’ont pas les antécédents ou les biens en caution nécessaires. Mais la nature même de Financement
agricole devrait l’inciter à aider les jeunes agriculteurs, parce que les agriculteurs âgés ne seront pas là encore longtemps[23].

Il existe un programme fédéral conçu pour faciliter l’accès au crédit aux jeunes agriculteurs, soit le programme de la Loi canadienne sur les prêts agricoles (LCPA). Ce programme sert à offrir une garantie pour le crédit financier. Les agriculteurs, y compris les « agriculteurs débutants » peuvent utiliser ces prêts en vue de construire, de rénover et d’agrandir leurs exploitations agricoles. D’après certains témoignages, les prêts consentis en vertu du programme ne sont pas très accessibles puisque ce dernier n’est pas suffisamment souple. De plus, certains jeunes agriculteurs trouvent difficile de satisfaire à certains critères du programme.

En vertu du programme de la LCPA, un agriculteur débutant est défini comme étant un agriculteur qui a l’intention de se lancer en agriculture ou qui est agriculteur au Canada depuis moins de six ans. Certains jeunes agriculteurs qui ont plus que six ans d’expérience ne sont plus jugés admissibles au programme, même s’ils sont considérés comme de jeunes agriculteurs.

Selon Financement agricole Canada ou la Loi canadienne sur les prêts agricoles, pour être reconnu comme agriculteur débutant, il faut avoir moins de six ans d’expérience dans le domaine de l’agriculture. Donc, d’après les normes des établissements de crédit et du gouvernement, je serais considéré comme un agriculteur chevronné à l’âge de 25 ans[24]!

L’application de cette limite de six ans pourrait pénaliser financièrement les jeunes agriculteurs qui veulent s’établir mais qui comptent plus de six années d’exploitation. Il a été suggéré d’établir une fourchette d’âges, au lieu d’une limite de six années d’expérience, afin que les jeunes agriculteurs puissent aussi être pris en considération pour le programme. Par conséquent :

Recommandation 2.2

Le Comité recommande qu’Agriculture et Agroalimentaire Canada revoie les critères d’admissibilité de la Loi canadienne sur les prêts agricoles, dont la limite de six années d’expérience, afin que l’âge des demandeurs soient pris en considération.

Une autre limite du programme mentionnée par les jeunes agriculteurs est le critère de la garantie de prêt. La LCPA exige que l’institution financière obtienne une garantie comme le veulent les pratiques normales de crédit[25]. Il est difficile pour les jeunes agriculteurs qui commencent, qui n’ont donc pas d’actifs et qui ont des dettes d’études (dans le cas de ceux qui ont suivi des études postsecondaires) de fournir cette garantie. En outre, certains d’entre eux doivent louer des terres puisque celles-ci sont trop coûteuses pour qu’ils les achètent, mais la pratique de la location leur nuit. En effet, les établissements de crédit ne considèrent pas une terre louée comme un actif valable.

[Accès au financement] il m’a fallu trouver les capitaux pour payer les infrastructures et les frais de démarrage. Comme je ne possédais pas la terre, même si j’avais un bail de 99 ans renouvelable sur celle-ci, ce qui offre les mêmes garanties que la propriété, aucun établissement financier et aucun programme du gouvernement ne voulait reconnaître que c’était un capital propre pour garantir le prêt[26].

Étant donné les défis financiers que présente la LCPA pour les jeunes agriculteurs, certains d’entre eux considèrent que le programme a été conçu pour des exploitations importantes qui ont suffisamment de capital pour être admissibles. Ils aimeraient que soient adoptés des programmes de financement à l’intention des petites exploitations. À cet égard, ils ont mentionné des programmes offerts par les provinces qui pourraient être mis en œuvre à l’échelon fédéral.

Le programme Livestock Loan Guarantee (LLG), en Saskatchewan, offre aux producteurs d’autres options de financement leur permettant d’acheter du bétail ou de construire ou d’agrandir les parcs d’engraissement. Certains producteurs utilisent également le programme comme outil de gestion afin de générer des liquidités. L’accès au crédit est offert à des taux d’intérêt concurrentiels, et le bétail et un dépôt de fonds d’assurance de l’association de producteurs peuvent servir de garantie de prêt. Les demandeurs admissibles doivent avoir au moins 18 ans, et le gouvernement de la Saskatchewan garantit 25 % du montant non réglé d’un prêt au premier défaut de paiement. S’il y a défaillance après que le bétail en inventaire ait été donné, l’association rembourse les prêts à même le fonds d’assurance avant qu’un paiement ne soit versé en vertu de la garantie du gouvernement[27].

Un programme structuré de façon semblable au Livestock Loan Guarantee Program de la Saskatchewan [offrant une garantie] pourrait permettre aux jeunes agriculteurs d’acheter des terres ou de l’équipement à des taux d’intérêt plus faibles et nécessitant un versement initial moins élevé. C’est grâce au Livestock Loan Guarantee Program de la Saskatchewan que j’ai pu augmenter le nombre de vaches de mon troupeau. Il m’a permis de le faire alors que les banques du pays ne prenaient même pas la peine d’examiner mes demandes[28].

Au Québec, la Financière agricole du Québec est une société d’État qui gère le Programme d’appui financier à la relève. Le but de ce programme est d’aider les jeunes agriculteurs à s’établir et de les encourager à obtenir une formation suffisante. Plus précisément, le programme subventionne le démarrage et l’établissement d’entreprises agricoles. Il protège également les jeunes agriculteurs contre la montée des taux d’intérêt. Les critères d’admissibilité sont notamment fondés sur l’âge (entre 18 et 40 ans), la reconnaissance de la formation et la propriété d’au moins 20 % de la valeur de l’entreprise[29].

Il pourrait être question de rabais sur les taux d’intérêt pour la relève. Actuellement, il y a une implication de la Financière agricole du Québec, mais ne pourrait-on pas voir des rabais de taux d’intérêt soutenus par Agriculture et Agroalimentaire Canada? Cela pourrait constituer un apport important, car l’implantation d’une ferme agricole, qu’elle soit laitière ou autre, nécessite des sommes très importantes. Un rabattement du taux d’intérêt serait donc important[30].

D’autres provinces comme l’Alberta, le Manitoba et la Nouvelle-Écosse offrent aussi des programmes qui prévoient notamment des réductions des taux d’intérêt, que le gouvernement fédéral pourrait utiliser comme modèles pour créer des programmes semblables.

Il existe différents modèles de soutien financier au Canada pour les nouveaux producteurs du secteur agricole. L’Alberta, le Manitoba et la Nouvelle-Écosse ont leurs propres organismes d’État de crédit financier, qui relèvent du ministère de l’Agriculture de la province, pour prêter de l’argent aux agriculteurs à un taux réduit[31].

Étant donné que les programmes mentionnés par les intervenants ont donné des résultats favorables :

Recommandation 2.3

Le Comité recommande qu’Agriculture et Agroalimentaire Canada améliore la Loi canadienne sur les prêts agricoles ou crée des nouveaux programmes et y ajoute des outils semblables à ceux qui sont offerts dans le cadre des programmes provinciaux, comme la réduction des taux d’intérêt, afin de faciliter l’accès au crédit des nouveaux agriculteurs.

Il convient de souligner qu’il existe, outre les programmes gouvernementaux, des initiatives réalisées par l’industrie conçues pour encourager les jeunes agriculteurs à obtenir des prêts pour faire l’acquisition d’actifs. Ces programmes ont été mis en œuvre principalement à l’égard des produits soumis à la gestion de l’offre afin de faciliter l’achat de quotas. Par exemple, au Québec en 2006, la Fédération des producteurs d’œufs de consommation du Québec a lancé le Programme d’aide au démarrage de nouveaux producteurs d’œufs de consommation. Ce programme vise la relève non apparentée, c’est-à-dire les nouveaux agriculteurs qui ne sont pas issus d’une famille d’agriculteur. Ils doivent détenir au moins 60 % de la valeur d’une entreprise et posséder un diplôme en agriculture ou en gestion. Pour être admissibles, les demandeurs doivent avoir entre 18 et 40 ans.

Les producteurs issus du programme sont installés dans diverses régions au Québec — Chaudière-Appalaches, Saguenay-Lac-Saint-Jean, Pontiac, Lanaudière et Estrie[32].

La Fédération des producteurs de lait du Québec, grâce au Programme d’aide à la relève en production laitière, offre un quota de 5 kilogrammes par jour de matières grasses au moyen d’un prêt étalé sur 10 ans. L’agriculteur doit posséder au moins la moitié des parts de l’entreprise pour être admissible. De plus, il doit avoir entre 18 et 35 ans et détenir un diplôme en agriculture.

Au Québec et en Ontario, les associations de producteurs laitiers prêtent un quota de 12 kilogrammes de matières grasses par jour, prêt qui permet aux jeunes agriculteurs d’établir une ferme laitière de 25 à 30 vaches. Ce programme devrait être offert en Nouvelle-Écosse dès août 2010.

Lorsque les jeunes agriculteurs ont de la difficulté à avoir accès aux programmes de financement du gouvernement ou de l’industrie, bon nombre comptent sur leurs familles pour financer leur établissement, particulièrement dans le cas des entreprises familiales.

[...] les actifs nécessaires en agriculture sont très importants par rapport à leur rendement. C’est donc, dans presque tous les cas, la génération actuelle qui finance le transfert des fermes à la génération suivante. Qu’il s’agisse du secteur céréalier, de la gestion de l’offre ou d’un autre secteur, le prix des terres, des quotas, des actifs ne permet pas à l’acquéreur de financer entièrement l’acquisition par l’entremise de la banque. C’est donc la génération actuelle qui finance la génération suivante[33].

Toutefois, ce mode de financement présente aussi des difficultés pour les jeunes agriculteurs. En effet, la majorité des producteurs qui partent à la retraite dépendent du revenu, provenant de la vente de la ferme et de la terre, qui constitue leur pension de retraite.

La vente d’une ferme doit éteindre les dettes de l’entreprise et subvenir à la retraite du vendeur[34].

L’actif agricole ayant une grande valeur, un agriculteur qui se retire ne peut se permettre de vendre sa ferme à un prix sous ceux du marché, et un jeune agriculteur n’a pas suffisamment de capitaux pour faire l’achat de cet actif. Dans ce contexte, les parents préfèrent souvent démanteler leur ferme pour en vendre des parties à leurs enfants ou à d’autres.

Nous n’avons jamais pu conclure de marché, parce qu’à vrai dire, la valeur de liquidation d’une ferme est supérieure au flux de trésorerie possible de l’entreprise[35].

Le démantèlement est un obstacle à l’établissement de la relève en agriculture, mais il est compréhensible que l’agriculteur à la retraite doive obtenir le meilleur revenu possible de la vente de sa ferme. Pour éviter un tel dilemme, la Fédération de la relève agricole du Québec a suggéré un régime d’épargne transfert. Les agriculteurs seraient encouragés à investir dans un régime de pension de concert avec les gouvernements, et une pension de retraite serait versée aux producteurs s’ils acceptaient de transférer leurs fermes à la prochaine génération.

Étant donné que le régime suggéré pourrait non seulement faciliter l’établissement des jeunes agriculteurs, mais pourrait aussi offrir une pension raisonnable aux producteurs qui se retirent :

Recommandation 2.4

Le Comité recommande qu’Agriculture et Agroalimentaire Canada mène une analyse du projet de régime d’épargne transfert proposé par la Fédération de la relève agricole du Québec afin de voir comment ce régime pourrait être conçu et mis en œuvre et que le Ministère fasse rapport, dans un délai de trois mois, du résultat de l’analyse au Comité.

Certains témoins ont également souligné l’importance de la planification de la succession de ferme et de la communication intergénérationnelle comme un élément essentiel de ce processus.

La génération actuelle d’agriculteurs veut prendre sa retraite. Nous devons donc trouver des moyens d’encourager la prochaine génération à prendre la relève, et la planification de la relève est essentielle[36].
Nous cherchons […] à inculquer à nos jeunes agriculteurs la faculté d’aller consulter maman ou papa ou grand-papa ou grand-maman au sujet des défis que présentent la relève et la gestion au quotidien[37].

Certains jeunes agriculteurs ont avoué que leur participation à des ateliers ou des séances de formation les avaient aidés à apprendre à communiquer avec les membres de leur parenté. Ils ont pu mettre en commun leur expérience et apprendre des techniques visant à faciliter la discussion avec les générations vieillissantes sur la planification de la succession. Ils aimeraient aussi que les agriculteurs qui partent à la retraite assistent à ces séances afin qu’ils soient mieux informés sur la planification de la succession de ferme.

Il existe des incitatifs fiscaux à l’échelon fédéral qui facilitent le transfert de ferme entre générations. Des dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu, telle que l’Exonération des gains en capital, rendent possible le transfert entre générations que ce soit avant ou lors du décès du propriétaire de la ferme, et ce, à des taux d’imposition bas. Selon certains témoins, le montant soumis à l’Exonération des gains en capital pourrait être augmenté alors que d’autres ont encouragé le renforcement de modèles alternatifs visant à faciliter le transfert de la ferme à la prochaine génération de producteurs. De plus, étant donné que les transferts intergénérationnels n’impliquent pas seulement les enfants de producteurs, il a été vivement recommandé que le Comité considère la possibilité de faciliter le transfert de la ferme à d’autres membres de la famille ou à des personnes qui ne sont pas issues de famille de producteurs.

Certains critiquent le fait que la valeur marchande soit prise en considération dans le calcul des gains en capital, plutôt que la valeur économique du bien agricole.

[Transfert de la ferme] mais il y a aussi un problème qui porte sur la valeur économique de l’entreprise par opposition à sa valeur marchande. Les gens sont imposés en vertu de sa valeur marchande, mais le prix réel de l’entreprise devrait être plus axé sur sa capacité à générer de l’argent. C’est là que survient le problème de transfert d’entreprise[38].

Certains voudraient que la limite de la déduction pour gain en capital soit rehaussée, tandis que d’autres estiment que ce n’est pas nécessaire.

[…] l’augmentation du plafond d’exemption de gains en capital lors de la vente de l’entreprise à des jeunes pourrait être un atout significatif[39].
L’exemption pour les gains en capital est extrêmement utile dans les transferts intergénérationnels. Je crois que des pressions sont exercées à l’occasion en faveur d’une augmentation de cette exemption. Je ne pense pas qu’une augmentation soit nécessaire. Pour un couple, l’exemption totalise 1,5 million de dollars; de mon point de vue personnel, elle ne devrait pas servir d’abri fiscal, et j’estime qu’elle est tout à fait adéquate[40].

La plupart des programmes visent les jeunes agriculteurs provenant de familles agricoles. Cependant, il importe aussi de prendre en considération la relève qui ne provient pas du secteur agricole et qui veut faire l’acquisition d’une ferme. À cet égard, le gouvernement du Québec a récemment conçu un programme visant à faciliter le transfert de ferme à de jeunes agriculteurs qui ne sont pas membres d’une famille d’agriculteurs. Selon certains témoins, ce programme devrait être mis en œuvre à l’échelon fédéral.

Je vous encourage fortement, en tant que comité permanent, à garder un œil sur le programme « capital patient » qui est lancé au Québec grâce au travail de la FRAQ. Si le programme fonctionne comme prévu, il faut envisager de le mettre en application à l’échelle nationale[41].

b. Les jeunes agriculteurs et l’éducation

Bien que certains témoins aient mentionné que la nouvelle génération est plus instruite que celles qui l’ont précédée, la majorité a admis que les jeunes agriculteurs ont besoin d’une meilleure éducation. L’acquisition d’outils de planification, de gestion des finances et du risque et des pratiques de gestion pourrait améliorer l’efficacité des fermes, contribuer à réduire la dette de l’agriculteur et offrir des possibilités de créer des produits à valeur ajoutée.

[J]e pense qu’il y a beaucoup trop de producteurs qui ne portent pas suffisamment attention à leurs activités, à leurs coûts et à leurs opérations bancaires. À mon avis, il n’y a pas assez de gens qui connaissent leurs coûts[42].
Il est important que les agriculteurs bénéficient d’une éducation continue et qu’ils soient tenus au courant des processus actuels et des développements d’ordre technologique. C’est ainsi que l’on peut faire des gains d’efficacité et multiplier les possibilités à exploiter à la ferme[43].

Les témoins ont signalé que les producteurs, au lieu de s’isoler, devraient adopter une approche de collaboration. Ils ont besoin de travailler ensemble afin de mettre en commun de l’information, d’apprendre les uns des autres et de travailler vers un objectif commun. Ils ont besoin de comparer leurs données techniques et économiques afin de cerner les problèmes à résoudre.

Le mentorat est aussi vu comme une activité importante permettant aux jeunes agriculteurs ou aux nouveaux d’apprendre auprès d’agriculteurs expérimentés. Ces derniers peuvent ainsi transmettre leur savoir-faire, conseiller les jeunes sur les activités agricoles au jour le jour et donner un soutien moral. Selon un témoin, cette activité est particulièrement utile du fait qu’elle permet aux nouveaux agriculteurs qui n’ont pas grandi sur une ferme d’acquérir suffisamment de connaissances pour exploiter leurs fermes efficacement.

Les acteurs de l’industrie ont pris certaines mesures visant à fournir aux agriculteurs les meilleures pratiques de gestion. Ainsi, la Table pancanadienne de la relève agricole offre des séances pratiques de gestion où les participants peuvent mettre en commun des renseignements et effectuer des analyses comparatives économiques. En Ontario, FarmStart — un organisme sans but lucratif — offre le New Farms Incubator Program où les jeunes agriculteurs peuvent obtenir du soutien à la planification de l’entreprise, de la formation technique et du mentorat[44]. La Young Farmers’ Association de la Colombie-Britannique organise des activités comme des ateliers de formation en gestion d’entreprise, la planification du développement et le réseautage dans l’industrie. Toutefois, les initiatives de ce genre ne sont pas répandues au pays. C’est pour cette raison que les jeunes agriculteurs aimeraient avoir plus de soutien de la part des gouvernements afin de pouvoir accroître ce genre de service. Ils voudraient également que soient rétablis les programmes fédéraux visant la formation des jeunes agriculteurs.

Dans le passé, il y avait plus de conseillers agricoles dans notre région, et ils me manquent. L’aide de certains d’entre eux était assez utile. Le spécialiste de la nutrition des vaches laitières était tout particulièrement utile[45].
Voici nos recommandations visant à aider les jeunes et futurs agriculteurs : [...] Une aide gouvernementale pour les jeunes agriculteurs afin qu’ils puissent suivre les cours de formation et de perfectionnement dont ils ont besoin pour exploiter une entreprise rentable, comme le programme de Service canadien de développement des compétences en agriculture (SCDCA), qui était aussi disponible en vertu du CSA [Cadre stratégique pour l’agriculture][46].

Des préoccupations ont été exprimées concernant une possible réduction des contributions du gouvernement fédéral. Certains organismes qui participent à ces services de conseil agricole tirent profit de ces contributions.

[J]e suis quelque peu consterné de voir qu’à ce moment-ci, on remette en question le renouvellement du financement du Conseil canadien de la gestion d’entreprise agricole. Le conseil est l’une des ressources clés au Canada en ce qui concerne la formation donnée aux entreprises, sur le plan des documents de vulgarisation. J’espère que le gouvernement fédéral pourra prendre ses responsabilités et faire quelque chose à ce chapitre[47].

c. Conscientisation de la population et initiatives d’« achat local »

Un des obstacles à l’entrée des jeunes agriculteurs dans le secteur agricole qui a été fréquemment mentionné est le fossé qui existe entre la population et les agriculteurs.

[I]l y a encore des citadins qui pensent qu’on ne peut pas produire de lait au chocolat parce que nos vaches sont toutes blanches[48].

Ce fossé peut entrainer une frustration qui affaiblit la cohabitation entre les citoyens et les agriculteurs, en particulier dans les régions rurales. En effet, un nombre croissant de citadins s’établissent dans des zones rurales pour y trouver le repos et la nature, mais ne tolèrent pas les odeurs et les bruits que produisent les pratiques agricoles. Selon certains témoins, il serait possible de corriger la situation si la population était mieux informée de ces pratiques. Il est nécessaire par conséquent d’éduquer les consommateurs et de les sensibiliser davantage aux activités agricoles. Certaines organisations (par exemple, le Conseil des 4-H du Canada) réalisent des activités telles que des conférences ou des activités à la ferme pour encourager les jeunes, tant issus des zones rurales qu’urbaines à choisir leur carrière en agriculture.

Certains jeunes agriculteurs ont suggéré d’introduire des cours sur l’agriculture ou sur la science alimentaire dans les programmes scolaires. Ces cours pourraient être obligatoires, comme le français ou les mathématiques, et seraient appuyés par des visites de fermes.

Il est très important à mon avis que l’on donne suffisamment de visibilité à l’agriculture, de façon à ce que les jeunes comprennent mieux l’industrie [...] l’agriculture doit être un élément clé du programme scolaire. L’enseignement primaire et l’enseignement secondaire doivent sans contredit donner plus de visibilité à l’agriculture[49].
Les agriculteurs devraient aussi ouvrir leurs portes au public, pour leur faire connaître leurs pratiques laitières et les efforts qu’ils déploient pour fabriquer un produit de qualité.
Que ce soit des visites guidées de l’exploitation, des journées portes ouvertes à la ferme une fois l’an ou des sorties scolaires, toutes ces activités sensibiliseraient les adultes présents et futurs[50].

Le Conseil des 4-H du Canada a également suggéré que les intervenants de l’industrie, en partenariat avec le gouvernement fédéral, établissent des nouvelles méthodes de communication en utilisant des plateformes électroniques. Ces méthodes permettraient d’atteindre plus efficacement les jeunes et les conscientiseraient aux activités et métiers agricoles.

Le Comité reconnaît que l’accès à des cours sur l’agriculture dans le programme scolaire permettrait de sensibiliser les jeunes aux activités et pratiques agricoles, en plus de favoriser la participation des jeunes dans ce secteur. Par conséquent :

Recommandation 2.5

Le Comité recommande qu’Agriculture et Agroalimentaire Canada offre de collaborer avec les provinces, notamment par l’intermédiaire du Conseil des ministres de l’Éducation (Canada), afin d’examiner la possibilité d’inclure des cours sur l’agriculture ou d’introduire les questions agricoles dans les cours ou programmes existants.

En plus d’assurer l’éducation du public, il faut également promouvoir une image favorable de l’agriculture. Le secteur agricole produit des aliments de grande qualité et contribue à la croissance économique du pays.

Il faut reconnaître sans ambages la contribution de l’agriculture à l’économie dans son ensemble, au rétablissement des collectivités rurales souffrantes, à la satisfaction des exigences des jeunes électeurs urbains en fait d’alimentation locale, de l’énorme contribution financière de l’agriculture pour les marchés d’exportation et des importantes retombées de l’industrie alimentaire[51].

Une image favorable pourrait non seulement attirer des jeunes dans ce domaine, mais aussi encourager la consommation de produits locaux. L’achat de produits locaux est vu comme une façon d’améliorer la rentabilité du secteur agricole, d’où les initiatives d’« achat local » et d’achat de produits canadiens lancées par les producteurs. Des mouvements comme le 100-mile diet et Moi, je mange local au Nouveau-Brunswick naissent d’un bout à l’autre du pays. Des témoins ont également souligné l’importance de promouvoir les marchés de producteurs agricoles et d’élaborer des campagnes publicitaires et des étiquettes afin d’accroître l’intérêt du public et, par conséquent, augmenter les ventes.

Nous avons besoin de ces campagnes d’achat local pour identifier ce type d’attributs, mais aussi pour pouvoir identifier les produits locaux dans les supermarchés[52].
Nous avons effectué des études de marché et des tests auprès des consommateurs, et nous comprenons qu’il y a actuellement une très grande volonté de la part des consommateurs d’acheter des produits locaux […], mais ils ne savent pas ce qu’ils achètent. C’est un problème quand il y a absence d’étiquetage[53].
Les marchés locaux sont une bonne idée […], mais nous sommes dans le marché de marchandises. Nous faisons de la production de masse. Quelle est la place offerte à ces petits marchés? Jusqu’à ce que nous contrôlions l’étiquetage qui permet de prouver qu’un produit a été élevé, cultivé et produit au Canada, et que nous l’ayons intégré dans les grandes chaînes comme Loblaws, nous ne nous en sortirons jamais[54].

Le gouvernement fédéral pourrait aussi jouer un grand rôle dans la promotion des produits locaux en s’inspirant de campagnes provinciales comme Select Nova Scotia[55], lancée par le ministère de l’Agriculture, des Pêches et de l’Aquaculture de la Nouvelle-Écosse.

Recommandation 2.6

Le Comité recommande qu’Agriculture et Agroalimentaire Canada, en collaboration avec les acteurs de l’industrie et les provinces, encourage les campagnes « achat local — achetons canadien » afin de promouvoir la consommation de produits locaux partout au pays. Le Comité recommande aussi qu’Agriculture et Agroalimentaire Canada lance une campagne nationale de promotion des avantages de l’agriculture pour le Canada et la population canadienne.


[15]           Rod Scarlett, le Comité, Témoignages, réunion no 13, 3e session, 40e législature, Crossfield, Alberta, 27 avril 2010, 1000.

[16]           http://www.fraq.qc.ca/fraq/fraq.html, 21 mai 2010.

[17]           Carter Bezan, le Comité, Témoignages, réunion n14, 3e session, 40e législature, Lanigan, Saskatchewan, 28 avril 2010, 1500.

[18]           Rod Scarlett, Comité, Témoignages, réunion no 13, 3e session, 40e législature, Crossfield, Alberta, 27 avril 2010, 1000, et Frédéric Marcoux, Comité, Témoignages, réunion no 19, 3e session, 40e législature, Québec, Québec, 10 mai 2010, 0855.

[19]           Grant Caswell, le Comité, Témoignages, réunion n17, 3e session, 40e législature, Wiarton, Ontario, 4 mai 2010, 1040.

[20]           Dylan Jackson, le Comité, Témoignages, réunion n17, 3e session, 40e législature, Wiarton, Ontario, 4 mai 2010, 0950.

[21]           Geneve Newcombe, le Comité, Témoignages, réunion n21, 3e session, 40e législature, Wolfville, Nouvelle-Écosse, 12 mai 2010, 1040.

[22]           Kerry Froese, le Comité, Témoignages, réunion n12, 3e session, 40e législature, Kelowna, Colombie-Britannique, 26 avril 2010, 1030.

[23]           Greg Ardiel, le Comité, Témoignages, réunion n17, 3e session, 40e législature, Wiarton, Ontario, 4 mai 2010, 0900.

[24]           Carter Bezan, le Comité, Témoignages, réunion n14, 3e session, 40e législature, Lanigan, Saskatchewan, 28 avril 2010, 1500.

[26]           Cammie Harbottle, le Comité, Témoignages, réunion n21, 3e session, 40e législature, Wolfville, Nouvelle-Écosse, 12 mai 2010, 0945.

[28]           Carter Bezan, le Comité, Témoignages, réunion n14, 3e session, 40e législature, Lanigan, Saskatchewan, 28 avril 2010, 1500.

[29]           http://www.fadq.qc.ca/fr/financement/releve.html, 25 mai 2010.

[30]           Richard Lehoux, le Comité, Témoignages, réunion n19, 3e session, 40e législature, Québec, Québec, 10 mai 2010, 1110.

[31]           Ajay Thakker, le Comité, Témoignages, réunion n14, 3e session, 40e législature, Lanigan, Saskatchewan, 28 avril 2010, 1515.

[32]           Philippe Olivier, le Comité, Témoignages, réunion n19, 3e session, 40e législature, Québec, Québec, 10 mai 2010, 0905.

[33]           Marcel Groleau, le Comité, Témoignages, réunion n19, 3e session, 40e législature, Québec, Québec, 10 mai 2010, 1000.

[34]           Erica Versteeg, le Comité, Témoignages, réunion n21, 3e session, 40e législature, Wolfville, Nouvelle-Écosse, 0920.

[35]           Ibid.

[36]           Michael Latimer, le Comité, Témoignages, réunion n13, 3e session, 40e législature, Crossfield, Alberta, 27 avril 2010, 0930.

[37]           Cedric MacLeod, le Comité, Témoignages, réunion n20, 3e session, 40e législature, Sussex, Nouveau-Brunswick, 11 mai 2010, 0920.

[38]           Frédéric Marcoux, le Comité, Témoignages, réunion n19, 3e session, 40e législature, Québec, Québec, 10 mai 2010, 0950.

[39]           Richard Lehoux, le Comité, Témoignages, réunion n19, 3e session, 40e législature, Québec, Québec, 10 mai 2010, 1110.

[40]           Wayne Ferris, le Comité, Témoignages, réunion n17, 3e session, 40e législature, Wiarton, Ontario, 4 mai 2010, 0915.

[41]           Joe Dickenson, le Comité, Témoignages, réunion n16, 3e session, 40e législature, Ilderton, Ontario, 3 mai 2010, 1345.

[42]           Corey MacQuarrie, le Comité, Témoignages, réunion n20, 3e session, 40e législature, Sussex, Nouveau-Brunswick, 11 mai 2010, 1145.

[43]           Becky Perry, le Comité, Témoignages, réunion n20, 3e session, 40e législature, Sussex, Nouveau-Brunswick, 11 mai 2010, 0910.

[45]           Bob Woods, le Comité, Témoignages, réunion n20, 3e session, 40e législature, Sussex, Nouveau-Brunswick, 11 mai 2010, 1050.

[46]           Alberta Ag Business Consultants, mémoire présenté au Comité, 20 mai 2010.

[47]           Keith Duhaime, le Comité, Témoignages, réunion n12, 3e session, 40e législature, Kelowna, Colombie-Britannique, 26 avril 2010, 1055.

[48]           Becky Perry, le Comité, Témoignages, réunion n20, 3e session, 40e législature, Sussex, Nouveau-Brunswick, 11 mai 2010, 0955.

[49]           Chan Wiseman, le Comité, Témoignages, réunion n23, 3e session, 40e législature, Ottawa, 26 mai 2010, 1615.

[50]           Karl Von Waldow, le Comité, Témoignages, réunion n20, 3e session, 40e législature, Sussex, Nouveau-Brunswick, 11 mai 2010, 0900.

[51]           Margo Staniforth, le Comité, Témoignages, réunion n13, 3e session, 40e législature, Crossfield, Alberta, 27 avril 2010, 0825.

[52]           Madeleine Van Roechoudt, le Comité, Témoignages, réunion n12, 3e session, 40e législature, Kelowna, Colombie-Britannique, 26 avril 2010, 0805.

[53]           Christine Dendy, le Comité, Témoignages, réunion n12, 3e session, 40e législature, Kelowna, Colombie-Britannique, 26 avril 2010, 1125.

[54]           Nathan Phinney, le Comité, Témoignages, réunion n20, 3e session, 40e législature, Sussex, Nouveau-Brunswick, 11 mai 2010, 1040.

[55]           http://www.selectnovascotia.ca/, 27 mai 2010.