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CIIT Rapport du Comité

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L’Accord entre le Canada et les états-Unis en matière de marchés publics (AMP)

Opinion supplémentaire du NPD

Peter Julian, député

Mai 2010

Les Néo-démocrates ont accueilli favorablement l’idée d’avoir une discussion ouverte pour évaluer les retombées de l’Accord entre le Canada et les états-Unis en matière de marchés publics, et ils tiennent à remercier les membres du comité d’avoir appuyé leur motion réclamant la tenue d’audiences sur cette question.

Le NDP déplore que le gouvernement conservateur ait signé cet accord à la hâte, sans consulter bon nombre d’intervenants, y compris le Parlement. Malheureusement, l’accord a été signé précipitamment et le gouvernement ne s’est pas soucié de mener des consultations sérieuses.

Le NPD est heureux que le comité ait tenu des audiences vastes et approfondies sur les marchés publics canado-américains. Le rapport du Comité permanent du commerce international contient une analyse et un compte-rendu juste et pertinent des questions clés mises de l’avant par une gamme étendue de témoins. Nous présentons quand même une opinion supplémentaire pour mettre en lumière les lacunes majeures de l’accord et faire valoir la perspective du NPD sur la politique en matière de marchés publics « Acheter canadien », laquelle va à l’encontre de la politique qu’endossent le gouvernement conservateur et le Parti libéral.

Les principales objections du NPD à l’égard de l’AMP

« En résumé, les engagements au titre de l’AMP vont entraver la capacité des gouvernements des provinces du Canada à accorder la préférence à des biens ou fournisseurs canadiens ou encore à utiliser les marchés publics comme outil de développement économique, tout en laissant quasiment intactes les politiques préférentielles des dispositions législatives privilégiant l’achat de biens américains. »

Scott Sinclair (chercheur principal, Centre canadien de politiques alternatives)

L’AMP équivaut à une concession unilatérale. L’accord donne gratuitement accès à tous les marchés publics, à tous les paliers de gouvernement, sans prescrire de limite ou de période déterminée à l’accès, sans garantie substantielle d’accès au marché américain et sans mécanisme clair et précis de règlement des différends. L’accord, négocié en position de subalterne, a été conclu après que 98 % des fonds fournis aux termes de l’American Recovery and Reinvestment Act (la Recovery Act) de 2009 aient été engagés.

L’importance de préserver des options politiques larges pour les marchés publics en vue de créer des emplois à l’interne et de favoriser le développement régional ne doit pas être sous-estimée et devrait être au cœur même de la politique canadienne en matière d’approvisionnement.

En 2006-2007, les marchés d’approvisionnement fédéraux, provinciaux et territoriaux pour les entreprises canadiennes totalisaient environ 22 milliards de dollars, et ce, sans compter les municipalités, les agences gouvernementales, les établissements de santé et les sociétés de la couronne. Le Centre canadien de politiques alternatives (CCPA) estime qu’au Canada, les achats de produits et de services, par tous les paliers gouvernementaux et les institutions du secteur public, dépassent les 100 milliards de dollars par année.

Or, ni le gouvernement Harper ni les représentants des ministères qui ont comparu devant le comité n’ont parlé des hypothèses sur lesquelles ils se sont fondés pour donner leur consentement. Nous ne voyons aucune évaluation d’impact, à peine quelques chiffres, aucune incidence réelle sur les emplois et aucune explication quant aux suppositions sur lesquelles repose l’accord. Les questions cruciales mentionnées ci‑dessous demeurent sans réponse :

- Quelle part des dépenses de relance le gouvernement pensait-il que nous obtiendrions?

- À quelle part des dépenses (par état) les provinces auront-elles accès, d’après le gouvernement?

- À combien les entreprises américaines évaluent-elles le marché canadien? Quelles sont les incidences nettes sur l’emploi et sur l’économie?

Les états américains opèrent dans un marché 11 fois plus gros que l’ensemble du marché canadien. Les entreprises américaines qui présenteraient des offres pour des marchés provinciaux et municipaux utiliseraient leurs économies d’échelle pour l’emporter sur les petites et moyennes entreprises canadiennes qui sont établies en permanence dans la collectivité et qui appuient la création d’emplois et les produits locaux.

De plus, l’accord risque de libérer la concurrence sur les marchés interprovinciaux, ce qui réduirait encore plus la capacité des provinces et des municipalités de stimuler le développement économique local et nuirait à la création d’emplois dans certaines des régions les plus défavorisées du Canada.

« Il s’agit, malheureusement, du deuxième accord le plus désastreux signé par le Canada, le premier étant celui sur le bois d’œuvre. […] Le Canada a dit aux états-Unis, il nous faut à tout prix une entente. Quand vous dites cela à quelqu’un, vous êtes certain d’en avoir une. Nous avons obtenu une entente, mais à quel prix. »

Carl Grenier, expert réputé en matière de commerce, professeur et ancien négociateur commercial

Le NPD réaffirme son appui à la politique gouvernementale d’approvisionnement « Acheter canadien »

Lorsque nous tentons de vendre nos produits en Ontario ou au Québec, à 15 minutes de chez nous, nous découvrons que nous sommes victimes des manipulations des concurrents américains qui exercent des pressions sur nous aux états-Unis. Ils mettent nos ressources à rude épreuve et réduisent notre marge de manœuvre à peu de chose sur le plan du financement. Ensuite, ils arrivent ici, nous livrent concurrence dans notre propre cour et l’emportent contre nous. Donc, nous souffrons de part et d’autre. […] Nous avions été amenés à croire qu'il n'y avait pas de restrictions entre les économies canadienne et américaine. Ce n'est pas vrai. Nous connaissons la situation. »

Omar Hammoud (président et directeur général, APG-Neuros inc.)

Les Néo-démocrates déplorent que les membres libéraux et conservateurs du comité aient rejeté leur recommandation d’appui à une politique « Acheter canadien » pour les dépenses du secteur public. Ils partagent tout à fait l’avis de Wayne Peppard, directeur exécutif du British Columbia and Yukon Territory Building Construction Trades Council, qui dit en termes très concis qu’« une telle politique pourrait être gagnante pour toutes les parties si elle devait donner lieu à la mise au point de dispositions visant à appuyer le secteur manufacturier canadien tout en demeurant un élément d’un marché nord-américain intégré et coopératif ».

Ce principe devrait faire partie d’une stratégie nationale d’approvisionnement plus vaste et du programme de relance économique. Le NPD réclame une politique libre, juste et équitable « Acheter nord-américain » pour les marchés publics fédéraux, étatiques, provinciaux et locaux. Le partage de ces marchés permettrait aux gouvernements de mieux cibler leurs efforts de relance économique pour s’assurer que des produits comme les automobiles et les produits de l’acier, dont les pièces peuvent traverser la frontière quatre ou cing fois pendant le processus de fabrication, ne sont pas exclus. Ces exemptions pourraient être négociées au cas par cas, en établissant des quotas, ou en instaurant des politiques individuelles qui tiendraient compte des réalités de certains secteurs de l’économie. Bien gérées, ces politiques permettraient de partager le marché nord-américain d’approvisionnement public et garantiraient que l’argent destiné à la relance économique serait dépensé efficacement sur tout le territoire, sans compromettre la création d’emplois chez nous.

Et n’oublions pas que les états américains ont toujours eu le pouvoir d’acheter des produits locaux pour les contrats d’approvisionnement, ce qu’ils font d’ailleurs bien souvent. Les autorités canadiennes devraient se réserver le même pouvoir dans leurs propres politiques « Acheter canadien », en les assortissant de dispositions d’exemptions réciproques pour les états-Unis.

Le gouvernement conservateur et les libéraux ont fait l’erreur de considérer les politiques « Buy American » comme un prolongement de politiques protectionnistes croissantes, et ont de ce fait sous-estimé leur légitimité. Tel que mentionné par le Dr Teresa Healy, « l’accord freinera certainement les engagements pris par les gouvernements de recourir à leur pouvoir d’achat public afin d’appuyer le développement économique ».

En négociant d’une position de subalterne, le gouvernement a raté une occasion unique de promouvoir un partage équitable et durable des profits découlant de l’investissement public et de rendre les règles du jeu plus équitables sur l’échiquier fortement concurrentiel et inégal que sont les marchés publics.

Carl Grenier a fait remarquer que « dans ce cas-ci, les états-Unis ont réussi à protéger leurs intérêts, mais pas le Canada. Il s’agit là d’une modalité permanente de l’accord, chose que je déplore ».

Le Canada devrait mener de robustes négociations sur les marchés publics, fondées sur le principe du commerce équitable, conformément à la politique d’achat de produits faits au Canada, que préconise le NPD (projets de loi C-435 et C-392).

Pour aider à élaborer des politiques d’approvisionnement « Fabriqué au Canada », le NPD a présenté le projet de loi C-435 à la Chambre des communes, afin que le gouvernement accorde la préférence aux produits fabriqués au Canada pour toute nouvelle dépense d’approvisionnement. Ce projet de loi sera conforme à toutes les obligations prévues dans nos traités OMC-ALéNA, mais il garantira que chaque dollar des recettes fiscales fédérales dépensé ailleurs qu’au Canada sera dirigé uniquement vers les pays qui accordent au Canada un accès d’approvisionnement réciproque et qui respectent certaines normes de base en matière d’emploi énoncées par l’Organisation internationale du Travail.

Même si le projet de loi C-435 (Loi sur les marchés publics des produits canadiens) préconise une entente réciproque avec les états-Unis, il veillerait également à ce que les entreprises et les industries canadiennes aient la priorité pour tous les marchés publics d’approvisionnement et de services. Un « commerce équitable » dans les marchés publics pourrait être atteint si 50 % du produit était fabriqué au Canada, et si des exemptions et des seuils étaient prévus. Ces mesures favoriseraient l’implantation d’un cadre transparent et solide, destiné à faciliter les négociations entre les gouvernements fédéral et provinciaux, canadiens et américains. Le projet de loi C-435 (Loi sur les marchés publics et des produits canadiens) est également conforme aux traités OMC et à ALéNA.

Opinion du NPD sur l’approvisionnement

Le gouvernement conservateur et l’opposition libérale perçoivent les dispositions « Buy American » et les programmes locaux de relance économique de nos voisins du Sud comme une menace au commerce nord-américain, et la preuve d’un protectionnisme rampant, ce qui est contraire à l’esprit de libre-échange. Ce genre de rhétorique n’est qu’une tentative pour confondre les Canadiens et les inciter à suivre un programme d’intégration profonde avec les états-Unis. Or, la question de savoir si les lois américaines qui accordent des fonds pour stimuler l’économie et qui ciblent les politiques d’approvisionnement, mettent en danger le libre marché ou sont protectionnistes, n’est pas en cause ici, parce que la question des marchés publics n’a qu’un lien marginal avec le commerce.

Les états-Unis sont assurément notre partenaire commercial le plus important, et en règle générale, un accroissement des échanges commerciaux est bénéfique pour nos deux pays. Toutefois, l’AMC ne porte pas sur les échanges commerciaux ou les investissements privés, de sorte que les questions de « protectionnisme » ou de « libre-échange » ne s’appliquent pas.

Les règles et les accords d’approvisionnement devraient promouvoir la création d’emplois à l’interne et des pratiques durables; l’accent doit être mis sur les entreprises et les coopératives qui investissent dans leurs collectivités.

Les recettes fiscales ne doivent pas servir à un commerce privé; l’argent des contribuables doit être dépensé pour le bien de la collectivité. Au moment où le Canada et les états-Unis tentent de sortir de la récession économique mondiale, il est normal que nos divers paliers de gouvernement tentent d’offrir des programmes de relance dans leur propre pays et collectivités.

Si le but du stimulus de Keynes est essentiellement de verser plus d’argent dans l’économie, alors pourquoi les gouvernements démocratiquement élus n’ont-ils pas le droit et la responsabilité de s’assurer que les deniers publics sont dépensés pour le bénéfice de ces contribuables?

L’objectif derrière une politique d’approvisionnement réciproque fondée sur le libre-échange n’est-il pas de créer des emplois pour les Canadiens en augmentant les exportations du secteur privé? Si oui, alors pourquoi adopter une politique qui ne tient compte que des emplois qui, ironiquement, dépendent de ce que le gouvernement d’un autre pays voudra bien dépenser?

Il est faux de penser que nous avons besoin des dépenses publiques d’un autre pays (et non du nôtre) pour créer des emplois au Canada. Pourquoi les gouvernements canadiens (fédéral, provinciaux et municipaux) n’accordent-ils pas la priorité à la création d’emplois ici au Canada plutôt que d’avoir les yeux rivés sur la pitance qui vient des gouvernements d’autres sous-états?

C’est pourquoi le NPD se prononce en faveur d’une stratégie « Acheter canadien » pour ce qui est de nos propres programmes de relance économique. Une telle stratégie donnerait aux juridictions canadiennes plus de contrôle sur leurs dépenses de relance économique, une position de négociation plus forte pour réclamer des exemptions aux dispositions « Buy American ».

Une politique « Acheter canadien » permettrait aux provinces et aux municipalités canadiennes de décider, comme le font les états américains, d’investir dans leur propre relance économique et de donner aux entreprises canadiennes plus d’occasion de faire des affaires à l’interne.

« L’idée de réciprocité commerciale signifiait uniformiser les règles du jeu du commerce international au moyen de politiques d’encadrement intelligentes. Elle ne voulait pas dire forcer aveuglément et inutilement les pays à détruire leurs politiques socio-économiques ni à adhérer coûte que coûte aux doctrines les plus rigides du libre-échange. […]. Beaucoup de nos principaux partenaires commerciaux, notamment les états-Unis, l’Union européenne, la Chine et le Japon, qui représentent jusqu’à 90 p. 100 de notre commerce de biens et de services, assortissent sans cesse les contrats d’achat public d’obligations d’achat local. Ils favorisent ainsi leur développement économique tout en encourageant l’investissement étranger. Ces politiques ne sont pas des réactions automatiques à la crise économique. »

Jenny J.H. Ahn (directrice, Relations gouvernementales, CAW)

Il est important que le gouvernement fédéral donne l’exemple, les provinces et les municipalités doivent aussi faire leur part et s’assurer que leurs propres fonds de relance économique atteignent les cibles visées, en adoptant leurs propres dispositions « Acheter canadien ». Ces dispositions sont énoncées de façon plutôt inégale dans les seuils aux exemptions provinciales et les exemptions prévues dans l’Accord entre le Canada et les états-Unis en matière de marchés publics, conclu en février 2010.

Le NPD recommande de donc

« que le gouvernement du Canada élabore une politique « Acheter canadien » pour les dépenses de marchés publics qui accorderait la priorité à une approche coopérative à la création d’emplois à l’interne et qu’il sollicite des exemptions aux dispositions « Acheter américain » dans les secteurs de l’acier et autres secteurs fortement intégrés aux économies canado-américaines. »

Le gouvernement conservateur devrait apprendre de ses erreurs et de perdre l’habitude de conclure des  accords sur le commerce ou en matière de marchés publics en pensant qu’il doit conclure une entente à tout prix, souvent sans consultations adéquates et sans mener d’étude d’impact de durabilité. Il devrait avoir le courage de fournir des renseignements transparents à tous les intervenants et s’assurer que les représentants de tous les secteurs canadiens touchés par ces négociations font partie du processus.

Peter Julian, député (Burnaby-New Westminster)

Porte-parole néo-démocrate en matière de commerce international