Les témoins entendus par le
Comité ont exprimé des points de vue divers sur la « santé » du
système de revenu de retraite actuel du Canada, sur la mesure dans laquelle il
faut réformer les pensions publiques, les instruments d’épargne-retraite volontaire
donnant droit à une aide fiscale et/ou les régimes de pensions professionnels,
et sur le classement international du Canada du point de vue de la suffisance
des pensions.
Divers éléments du système
de revenu de retraite du Canada ont été réformés avec le temps, mais au Canada,
comme dans quelques autres pays, la récente crise financière et économique
mondiale a fait ressortir le besoin de réformer certains éléments du système.
Au Canada, les gouvernements fédéral et provinciaux, ainsi que d’autres
intervenants, se sont demandé s’il faut apporter des réformes pour assurer un
niveau de vie au moins adéquat à la retraite, et dans l’affirmative, en quoi
pourraient consister ces réformes.
Les témoins qui ont comparu
devant le Comité ont exprimé des points de vue variés sur la nécessité d’une
réforme, certains soutenant que le système de revenu de retraite du pays est
fondamentalement solide, même si des réformes limitées s’imposent peut-être
dans certains domaines particuliers. Par exemple, Mme Shirley-Ann
George et Mme Sue Reibel, de la Chambre de commerce du Canada,
ont indiqué que les réformes devraient porter sur des améliorations dans
quelques domaines plutôt que sur des changements en profondeur, ce point de vue
étant partagé par M. Ian Lee, de l’Université Carleton, qui a comparu à
titre personnel et qui a affirmé qu’il n’y a pas de crise des pensions, et par
Mme Tina Di Vito, de BMO Groupe financier. Cette opinion a
aussi été exprimée par M. Malcolm Hamilton de la firme Mercer, qui a
témoigné à titre personnel et qui a qualifié la situation actuelle de crise des
marchés économiques et financiers plutôt que de crise des pensions, ajoutant
qu’il ne connaissait pas de pays ayant moins de problèmes que le Canada en ce
qui concerne l’épargne-retraite.
D’autres témoins croyaient
cependant que des réformes plus larges s’imposent. Selon les représentants
d’Open Access Limited, on s’entend généralement sur la nécessité d’effectuer
des changements. Mme Susan Eng, de l’Association canadienne des
individus retraités, a évoqué un rapport de l’Institut C.D. Howe rédigé par M. Keith Ambachtsheer
et intitulé The Canada Supplementary Pension Plan (CSPP), qui soutenait
que les Canadiens n’épargnent pas suffisamment pour leur retraite. Elle a fait
observer que près de 30 % des familles canadiennes n’ont pas épargné en
vue de leur retraite et que le système des régimes enregistrés
d’épargne-retraite (REER) n’est pas utilisé au maximum. Mme Eng
a aussi fait ressortir des inégalités entre les régimes de pensions privés et
publics, tout comme l’a fait M. James Pierlot, un avocat spécialiste des
pensions qui a témoigné à titre personnel.
De même, M. Scott
Perkin, de l’Association canadienne des administrateurs de régimes de retraite,
a indiqué que l’absence de régimes de retraite professionnels constitue l’un
des principaux obstacles qui empêchent d’obtenir un revenu de retraite
suffisant. À ce sujet, M. Dean Connor, de l’Association canadienne des
compagnies d’assurances de personnes, a expliqué que les coûts administratifs
et la complexité de ces régimes empêchent de nombreux employeurs, en
particulier les petites entreprises, de les établir.
M. Perkin a indiqué
également que l’épargne-retraite volontaire insuffisante constitue un autre
obstacle à un revenu de retraite suffisant. Il a soutenu que les gens
n’épargnent pas assez par eux-mêmes, en partie à cause de la complexité des
mécanismes d’épargne actuels. M. Keith Ambachtsheer, du Rotman International
Centre for Pension Management, qui a témoigné à titre personnel, a évoqué cette
question lui aussi et déclaré que le Canadien moyen ne sait pas combien il doit
épargner pour s’assurer un revenu suffisant à la retraite. Il a ajouté que les
coûts administratifs des fonds communs de placement, qui constituent une part
importante de l’épargne-retraite, sont souvent de 2 % ou plus, ce qui
permet difficilement d’atteindre un taux de remplacement du revenu raisonnable.
De plus, Mme Diane
Urquhart, une analyste financière indépendante qui a témoigné à titre
personnel, a soutenu que le Canada protège relativement moins les participants
à des régimes de pensions professionnels lorsque leur employeur fait faillite.
Ce point de vue était partagé par le Comité de sauvegarde des retraités et
anciens employés de Nortel. M. Hamilton a cependant porté à l’attention du
Comité une publication de Mercer, Melbourne Mercer Global Pension Index.
D’après ce rapport, en 2009, le Canada arrivait au deuxième rang sur
11 pays, derrière le Royaume-Uni, en ce qui concerne la protection des
employés contre la fraude, la mauvaise gestion ou l’insolvabilité, y compris la
protection des avantages accumulés en cas d’insolvabilité de l’employeur. De
plus, le rapport faisait ressortir que — parmi les 11 pays — le Canada,
l’Allemagne, le Royaume-Uni et les États-Unis étaient les seuls pays qui
protégeaient jusqu’à un certain point les avantages accumulés en cas
d’insolvabilité en 2009.
M. Edward Whitehouse, de
l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui a
témoigné à titre personnel, a situé le contexte international de l’examen du
système de revenu de retraite du Canada, en le comparant à 12 autres pays
membres de l’OCDE. Il a conclu que, pour plusieurs raisons, le Canada a un
système de revenu de retraite « très performant ». Par exemple, la
pauvreté des Canadiens âgés est relativement faible, à un taux de 4,4 % au
milieu des années 2000 comparativement à la moyenne de 13,3 % dans l’OCDE.
Il a soutenu que le taux de pauvreté relativement faible s’explique en partie
par les prestations de la Sécurité de la vieillesse (SV) et du Supplément de
revenu garanti (SRG), qui assurent un filet de sécurité efficace et universel aux
retraités canadiens. Mais, tout en reconnaissant que le Canada possède un
système de revenu de retraite très efficace pour réduire la pauvreté pendant la
vieillesse, M. Daniel Béland, de l’Université de la Saskatchewan, qui
a témoigné à titre personnel, a soutenu que le rôle des pensions dans le
remplacement du revenu devrait aller au-delà du seuil de pauvreté. Selon lui,
le système de revenu de retraite canadien ne joue pas bien ce rôle.
Appuyant ce point de vue,
M. Jean-Pierre Laporte, un avocat spécialiste des pensions qui a témoigné
à titre personnel, a fait remarquer qu’en 2006, le Canada se classait au 12e rang parmi 14 pays membres de l’OCDE du point de vue du taux de
remplacement du revenu de retraite, qui se situait à 57,9 % du revenu
avant la retraite. Mais le rapport de l’OCDE présenté par M. Whitehouse
indique que, en moyenne au milieu des années 2000, les Canadiens de plus de
65 ans avaient des revenus égaux à 91 % des revenus moyens de la
population canadienne, ce qui classe le Canada au 3e rang parmi
12 pays membres de l’OCDE.
Graphique 1 : Revenu moyen des personnes de plus de 65 ans
dans divers pays,
en pourcentage des revenus moyens de la population, milieu des années 2000
Source : Whitehouse, Edward L’offre
des revenus de retraite au Canada : perspective internationale, rapport
présenté par M. Whitehouse au Comité permanent des finances, 27 mai 2010.
M. Whitehouse a aussi
signalé la viabilité financière à long terme du système de revenu de retraite
du Canada. Il a fait observer que, même si la population vieillira et que les
dépenses publiques consacrées aux pensions augmenteront, les dépenses publiques
liées au système actuel — qui représentent environ 4,5 % du produit
intérieur brut (PIB) — sont bien inférieures à la moyenne de 7,4 % dans
l’OCDE. De plus, d’ici 2060, les dépenses publiques relatives aux pensions au
Canada devraient monter à 6,2 %, ce qui est encore bien inférieur à la
moyenne actuelle de l’OCDE. M. Whitehouse a également fait remarquer que
la combinaison des sources publiques et privées de revenu de retraite dans le
système du Canada protège le système contre le risque et l’incertitude. Enfin,
il a affirmé qu’une autre caractéristique favorable du système de pensions du Canada
est qu’il n’incite pas à prendre une retraite anticipée.
M. Whitehouse a décrit
les aspects positifs du système de revenu de retraite du Canada, mais il a
aussi indiqué qu’il y aurait place à amélioration dans le cas des régimes de
pensions professionnels, de l’épargne-retraite privée et des pensions
publiques. Ainsi, il a suggéré d’accroître la couverture des régimes de
retraite privés, en particulier pour les personnes à faible et à moyen revenu.
Il a indiqué que l’adhésion à ces régimes privés se fait automatiquement dans
certains pays et que d’autres établissent des encouragements fiscaux ou les
simplifient, en particulier pour les petits salariés.
M. Whitehouse a fait
remarquer également que les cotisations aux régimes enregistrés d’épargne-retraite
sont peu élevées par rapport aux régimes de retraite professionnels, et il a
insisté sur le fait que les frais administratifs sont relativement élevés pour
les REER. Il a soutenu qu’il faudrait réduire ces coûts. Enfin, même si le
système de pensions du Canada n’incite pas à quitter le marché du travail tôt,
il a fourni des statistiques indiquant que le taux de participation des
Canadiens approchant l’âge de la retraite de 65 ans est un peu faible par
rapport à d’autres pays de l’OCDE.
En ce qui concerne les
pensions publiques, M. Whitehouse a suggéré de relever l’âge de la
retraite et d’indexer les prestations de la SV et du SRG afin d’accroître les
revenus moyens et de s’assurer que le niveau de vie des retraités ne décline
pas par rapport à la population moyenne. Enfin, pour assurer une meilleure
protection contre le risque, il a suggéré que les placements dans les régimes
de retraite à cotisations déterminées effectués par ceux qui approchent de la
retraite soient transférés automatiquement dans des actifs moins risqués.
Enfin, M. Hamilton a
parlé au Comité de la publication de Mercer intitulée Melbourne Mercer
Global Pension Index, qui évalue l’état du système de revenu de retraite au
Canada et dans dix autres pays dans trois grands domaines : suffisance des
prestations; viabilité à long terme du système; et intégrité du système privé,
notamment la réglementation prudentielle, la gouvernance, la protection contre
les risques et la communication. Ce rapport a aussi été évoqué par
M. Connor. Le Canada arrivait au 4e rang, sur les
11 pays en 2009, derrière les Pays-Bas, l’Australie et la Suède. D’après
le rapport, le système de revenu de retraite canadien pourrait être amélioré en
s’attaquant aux problèmes de la faible couverture des régimes de retraite professionnels
et du faible taux d’épargne des ménages. Le rapport faisait valoir également
que le Canada devrait aligner l’âge de la retraite sur l’espérance de vie et
s’assurer que l’épargne-retraite volontaire est retirée à la retraite et pas
avant la retraite pour servir à d’autres dépenses.