propose que le projet de loi , soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
— Madame la Présidente, je suis heureux de prendre la parole aujourd'hui sur le projet de loi .
[Traduction]
Ce projet de loi et des réformes semblables renforceraient la position du Canada, comme pays traditionnellement humanitaire qui accueille les victimes de persécution et de torture, tout en améliorant notre régime de l'asile, lequel doit être équilibré, rapide et équitable. Le projet de loi assure une protection plus rapide des réfugiés véritables, consolide l'équité de la procédure en instaurant une section fiable d'appel des réfugiés à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, la CISR, et garantit que ceux qui cherchent à abuser de la générosité du Canada en présentant des demandes d'asile seront renvoyés plus rapidement.
Le Canada a toujours été un refuge pour les victimes de persécution, de guerre et d'oppression. Le Canada anglais a été fondé par des réfugiés fuyant la révolution américaine, les Loyalistes de l'Empire-Uni. Le Canada fut l'étoile du Nord du chemin de fer clandestin qui transportait les esclaves du Sud des États-Unis vers la liberté.
En 1956, le Canada a accueilli quelque 40 000 réfugiés du communisme soviétique qui fuyaient l'invasion de Budapest. En 1979 et en 1980, les églises et les familles canadiennes ont accueilli quelque 50 000 réfugiés vietnamiens ou indochinois de la mer, créant ainsi les assises extraordinaires de notre programme pour les réfugiés parrainé par le secteur privé.
Ceci étant dit, nous avons, à certaines époques, tourné le dos à ceux qui avaient le plus urgemment besoin de notre aide, par exemple les réfugies juifs d'Europe durant la Seconde Guerre mondiale que le Canada a refusé d'accepter et dont l'histoire est racontée en détail dans le livre intitulé None is Too Many écrit par Harold Troper et Irving Abella.
Il faut tirer des leçons de ses erreurs afin de ne pas les répéter. J'estime que nous avons appris des erreurs commises parce que, depuis la Seconde Guerre mondiale, le Canada a accueilli environ un million de réfugiés, leur a permis de recommencer leur vie au Canada en sécurité et leur a accordé sa protection.
Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés estime qu'il y a à l'heure actuelle 10,5 millions de réfugiés dans le monde. Chaque année, quelque 20 États démocratiques développés permettent à environ 100 000 réfugiés de s'établir sur leur territoire. Le Canada accueille annuellement entre 10 000 et 12 000 de ces réfugiés, soit un dixième du nombre total de réfugiés. Il arrive ainsi au second rang des pays d'accueil, immédiatement après les États-Unis dont la population est 10 fois supérieure à la nôtre.
Le gouvernement collabore également avec nos partenaires internationaux pour aider les populations dans le besoin. Par exemple, le gouvernement s'est engagé à ouvrir nos portes à un maximum de 5 000 réfugiés bhoutanais du Népal sur une période de plusieurs années. Plusieurs collectivités canadiennes ont déjà accueilli plus de 850 de ces réfugiés. Par surcroît, nous avons déjà permis à plus de 3 900 Karens de la Thaïlande de s'établir chez nous.
L'an dernier, c'est avec grande fierté que j'ai annoncé la mise sur pied d'un programme spécial pour recevoir au Canada sur une période de trois ans environ 12 000 réfugiés victimes du conflit qui secoue l'Irak. En mai dernier, j'ai rencontré certaines des familles visées à Damas, en Syrie, et j'avoue que je suis encore profondément ému par les actes de violence et de persécution dont ces gens ont été victimes, souvent pour des motifs religieux.
Partout où je vais au Canada, j'invite les groupes communautaires, les groupes confessionnels et d'autres organisations à participer à notre Programme de parrainage privé des réfugiés pour secourir des gens partout dans le monde qui ont besoin de notre aide, notamment des réfugiés iraquiens.
Qui plus est, nous consentons dorénavant un appui accru à l'UNHCR qui fait un important travail sur le terrain pour aider les gens déplacés. En fait, M. Abraham Abraham, le représentant de l'UNHCR au Canada a dit « Le Canada, un des principaux pays d'accueil et des plus généreux parrains des activités de l'UNHCR à l'échelle mondiale, a atteint un niveau de subvention de plus de 51 millions de dollars, ce qui constitue l'aide annuelle canadienne la plus élevée jamais consentie par le Canada à l'UNHCR. »
Je suis fier que ce niveau de subvention ait été atteint sous la direction de notre gouvernement.
Nous avons à notre actif de nombreuses réalisations, mais je crois que dans le contexte d'une réforme équilibrée de son système de réfugiés, le Canada doit faire davantage pour les gens qui ont besoin de sa protection. Voilà pourquoi, dans le cadre de la réforme globale du système d'attribution du statut de réfugié, notamment du régime de l'asile, j'ai fait part de notre intention d'augmenter le nombre de réfugiés accueillis au Canada de 2 500, pour le porter à 14 000. Nous continuerons à faire figure de chef de file et à donner l'exemple à d'autres pays dans ce domaine.
Dans le contexte de la réforme du système de détermination du statut de réfugié, je propose qu'on augmente de 20 p. 100, soit de 9 millions de dollars, les sommes consacrées au programme d'aide aux réfugiés afin d'assurer l'intégration des réfugiés parrainés par le gouvernement, qui proviennent généralement des camps des Nations Unis, en leur accordant une aide initiale. Dans le cadre de ces augmentations et de ces objectifs, j'ai aussi annoncé qu'environ 2 000 personnes supplémentaires pourront profiter du programme de parrainage privé qui est très efficace.
Étrangement, les énormes augmentations que j'ai annoncées au sujet de l'aide qu'offre le Canada ont été critiquées par une personne prétendant parler au nom des organismes de défense des réfugiés. Cette réaction démontre que certaines personnes qui prennent part à ce débat ne font pas preuve d'objectivité ou d'équilibre dans leur approche. Par contre, je dois dire que j'ai été content de voir la réaction extraordinaire des personnes qui travaillent vraiment avec les réfugiés, des personnes qui ne font pas que publier des communiqués, mais qui aident concrètement les gens qui doivent repartir à neuf.
Par exemple, M. Abraham, du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, a déclaré: « Il s’agit d’un pas dans la bonne direction, une initiative encourageante qui, encore une fois, souligne l’engagement humanitaire du Canada d’offrir une protection aux réfugiés qui en ont besoin, et pour qui le réétablissement est la seule solution qui leur permettra de reconstruire leurs vies démolies dans le respect et la dignité. »
M. Tsehai, du Canadian Lutheran World Relief, a exprimé ses « sincères remerciements » et sa « profonde gratitude » à la suite de l'annonce d'une « hausse du nombre de réfugiés parrainés par le secteur privé, soit 6 500 par année ».
Les membres d'une coalition de signataires de l'entente de parrainage, c'est-à-dire des organismes qui amènent les réfugiés au Canada, ont affirmé avoir « accueilli la nouvelle avec beaucoup d'enthousiasme ».
Il ne fait pas de doute que le gouvernement est déterminé à poursuivre la tradition humanitaire qui fait la fierté des Canadiens en protégeant les personnes qui ont besoin de l'être, mais permettez-moi d'aborder maintenant la question du système d'octroi de l'asile.
Comme les députés le savent, notre système juridique d'examen des demandes d'asile présentées par les demandeurs du statut de réfugié au Canada est très solide, équitable et conforme à la Charte. Malheureusement, ce système comporte depuis longtemps des failles énormes et tout le monde le sait.
Je tiens à féliciter le député de , qui est porte-parole de l'opposition officielle en matière d'immigration, d'avoir soulevé la question il y a 18 mois à peine, et ce, de manière non partisane. Je félicite également le d'avoir mis en relief les problèmes de notre système de traitement des demandes d'asile qu'il est impératif de régler.
Un de ces problèmes est l'immense arriéré dans le traitement des demandes d'asile, qui fait maintenant partie intégrante du système. La taille moyenne de l'arriéré depuis 10 ou 15 ans est de 40 000 personnes qui attendent la tenue d'une audience sur leur demande d'asile au Canada. Cela signifie, habituellement, que ces gens attendent leur audience pendant environ un an. À l’heure actuelle, c'est environ 60 000 personnes qui attendent une décision ou d'être convoquées en audience. Il faut compter en moyenne 19 mois environ avant l’instruction d’une demande d’asile par la commission. C'est inacceptable. Nous devons faire mieux.
Si quelqu'un parvient à s'échapper d'une des prisons d'Ahmadinejad, en Iran, et à débarquer à un de nos aéroports les plaies de la torture pas encore cicatrisées, nous ne lui traçons pas une voie facile vers la sécurité et la protection. Nous lui remettons un formulaire en lui disant que nous le reverrons dans 19 mois.
C'est inadmissible. Ceux qui défendent le statu quo, qui disent que ces arriérés permanents et la quantité énorme de fausses demandes, qui contribuent grandement aux arriérés, sont acceptables adoptent un position qui va à l'encontre de notre devoir moral de protéger sans tarder ceux qui en ont besoin.
En vérité, trop de gens tentent de se servir de notre système d’octroi de l’asile comme d’un raccourci pour entrer au Canada, plutôt que d’attendre patiemment d’être admis dans le cadre du processus d’immigration. Par conséquent, trop de gens abusent de notre système d’asile dans le but d’éviter la file d’attente de l’immigration. Le système d’octroi de l’asile actuel présente un certain nombre de failles qui encouragent les étrangers à soumettre des demandes d’asile non fondées.
Comment puis-je affirmer qu'il y a tant de demandes non fondées? Au cours des deux dernières années, environ 58 p. 100 des demandes d'asile présentées au Canada ont été jugées non fondées ou rejetées parce que le demandeur n'avait pas vraiment besoin de protection. Nombre de ces demandes sont en fait retirées par les demandeurs. Je vais donner un exemple.
Si on se rendait au hasard dans une circonscription pour demander aux gens quel est, selon eux, le pays d'où sont originaires la plupart des demandeurs d'asile qui choisissent le Canada, j'imagine qu'ils répondraient l'Iran, la Corée du Nord, la Somalie ou l'Irak. En fait, il s'agit d'un pays démocratique de l'Union européenne, la Hongrie. L'an dernier, nous avons reçu 2 500 revendications du statut de réfugié. Par la suite, 97 p. 100 des demandeurs de cette démocratie européenne ont retiré ou abandonné leur revendication, nous indiquant qu'ils n'avaient pas besoin de notre protection. Pourquoi alors sont-ils venus au Canada et ont-ils fait appel à notre système d'octroi de l'asile? Voilà une bonne question. Un début de réponse pourrait se trouver dans une enquête criminelle menée au sujet d'allégations mettant en cause bon nombre de ces demandeurs qui auraient vraisemblablement été victimes d'un réseau de traite de personnes.
Cependant, sur les 2 500 demandes en provenance de ce pays démocratique de l'Union européenne, on a conclu que seulement trois personnes avaient besoin de la protection du Canada. Par conséquent, étant donné que six demandeurs d'asile sur dix n'ont pas besoin de la protection de notre pays et que le Canada présente l'un des pourcentages les plus élevés de demandes d'asile au monde — ce nombre ayant augmenté de 60 p. 100 de 2006 à 2008 —, il me semble que, malheureusement, le Canada soit devenu un pays de choix pour ceux qui souhaitent émigrer, non pas par l'entremise du système légal régulier, mais plutôt en présentant de fausses demandes, souvent avec l'aide d'agents et de tiers sans scrupules qui viennent s'immiscer dans l'industrie de l'immigration.
Ces problèmes sont sérieux. Même la vérificatrice générale a montré du doigt les retards causant cet attrait pour les fausses demandes. Dans le cadre des réformes proposées, notre but est d'établir et de renforcer un équilibre conforme à notre obligation d'appliquer à l'égard des demandeurs d'asile la procédure établie en vertu de la Charte et des conventions de l'ONU sur la torture et les réfugiés. Cet équilibre ne doit pas limiter l'accès au régime de l'asile des demandeurs qui croient à juste titre qu'ils ont besoin de notre protection. Il permettra des décisions plus rapides dans le cas des réfugiés légitimes tout en permettant d'écarter plus rapidement ceux qui, en trop grand nombre, entrent au Canada dans l'intention d'abuser de notre générosité.
Quelles mesures proposons-nous pour y arriver? Premièrement, une entrevue initiale de collecte de renseignements permettrait aux demandeurs de rencontrer un fonctionnaire de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada (CISR) plus rapidement que ce n'est le cas actuellement. Ces fonctionnaires n'auraient pas la compétence nécessaire pour prendre une décision au sujet des demandes, mais ils seraient en mesure d'identifier les demandes fondées et de recommander leur traitement accéléré. Par conséquent, les personnes ayant réussi à échapper à la persécution n'auraient plus à attendre 18 mois pour bénéficier de notre protection. Il suffirait dorénavant de quelques semaines.
Je comprends bien que certains demandeurs soient traumatisés au point d'être incapables d'expliquer les motifs de leur demande. Pendant l'entrevue, le fonctionnaire pourrait déterminer que tel est le cas pour un demandeur en particulier et il aurait le pouvoir de reporter l'entrevue pour permettre à celui-ci de recevoir l'orientation et le soutien appropriés.
L'information qui pourrait être recueillie par les fonctionnaires, combinée à des faits solides sur la nature de la demande, permettrait la tenue d'audiences à la Section de la protection des réfugiés, sous la direction d'un fonctionnaire hautement qualifié et indépendant, dans les 60 jours. La procédure serait souple et il serait toujours possible de reporter l'examen de certains dossiers pour des raisons justifiées, mais une entrevue de collecte d'information dans les huit jours et une audience à la CISR dans les 60 jours seraient la norme.
Il est très important de noter que le nouveau système proposé comprendrait également une procédure d'appel complète. Contrairement à la procédure d'appel proposée dans le passé et à celle qui est en veilleuse dans la loi actuelle, cette section d'appel pour les réfugiés permettrait la présentation de nouveaux éléments de preuve et, dans certains cas, la tenue d'une audience.
En passant, cela répond à une exigence de longue date de certains des partis de l'opposition. Je souligne que, lorsque le gouvernement libéral était au pouvoir, trois ministres de l'Immigration et le gouvernement se sont dit d'avis qu'ils ne pouvaient pas mettre en place de section d'appel des réfugiés tant que l'ensemble du régime d'octroi d'asile ne serait pas simplifié. Nous procédons maintenant à cette simplification. Le moment est venu de dire oui à la section d'appel dans le contexte d'un régime plus efficace, mais toujours équitable.
Je vais maintenant parler de l'un des aspects les plus controversés de la mesure législative, qui consisterait à permettre que certains pays soient désignés comme sûrs. En vertu de ces réformes, les ressortissants de ces pays, bénéficieraient encore — je répète: encore — du même accès à notre système d'octroi de l'asile. Ils pourraient toujours interjeter appel auprès de notre instance judiciaire indépendante, la Cour fédérale. Ils bénéficieraient toujours d'un processus entièrement conforme à la Charte, qui, en fait, va au-delà de nos obligations internationales, mais l'examen des demandes non fondées provenant de pays désignés comme sûrs se ferait plus rapidement. Le processus serait écouté d'environ quatre mois, puisqu'il ne serait plus permis à ces demandeurs de faire appel deux fois, le première fois étant auprès de la Section d'appel des réfugiés.
Quelqu'un a dit que c'est injuste ou pas correct. Nul autre que le Haut commissaire des Nations unies pour les réfugiés, Antonio Guterres, a dit ici, à Ottawa, le 24 mars: « Il y a effectivement des pays d’origine sûre. Il y a effectivement des pays où il y a présomption que les demandes de réfugiés ne seront probablement pas aussi valables que celles provenant d’autres pays. »
Il a aussi affirmé que nous ne pourrions pas refuser la tenue d'une audience initiale, ce que nous ne refusons pas d'ailleurs dans les réformes que nous proposons, et qu'il était important de pouvoir compter sur un processus juste et transparent pour désigner ces pays, comme le prévoient la plupart des systèmes d'octroi de l'asile de l'Europe de l'Ouest dont nous suivons l'exemple en proposant ces réformes.
Je tiens à préciser très clairement que nous ne proposons pas ici de mettre au point une liste exhaustive de tous les pays considérés comme sûrs ou dangereux. Bien au contraire. Les critères seraient les suivants. Un pays devrait être désigné comme étant sûr. Nous proposons que ce processus de désignation soit confié à un groupe de haut fonctionnaires qui devraient consulter le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et compter sur l'aide indépendante des ONG en matière de droits de la personne. Il faudrait déterminer si le pays est une source importante de demandes d'asile au Canada dont la majorité ne sont pas fondées, s'il a signé et s'il respecte les ententes internationales relatives aux droits de la personne, s'il détient un très bon bilan en matière de droits de la personne et s'il offre une protection à ses citoyens, y compris ceux qui sont vulnérables.
Pourquoi devons-nous prendre de telles mesures? Parce qu'il arrive périodiquement qu'un grand nombre de demandes non fondées soient transmises par des demandeurs de pays démocratiques. Il y a 25 ans, c'était le Portugal, où il n'y avait pas de dictature, mais plutôt un gouvernement social-démocrate. Des milliers de demandes nous sont parvenues et elles ont presque toutes été jugées fausses. Qu'a fait le Canada alors? Il a imposé un visa.
En 2000, ce fut le tour du Chili, qui est considéré comme la démocratie la plus stable et la plus prospère d'Amérique du Sud, non pas sous la direction de Pinochet, mais bien sous un gouvernement social-démocrate. Nous avons reçu des milliers de demandes et il s'est révélé que la plupart des demandeurs n'avaient pas besoin de la protection du Canada. Qu'avons-nous fait? Nous avons imposé un visa aux visiteurs chiliens. En 2003 et 2004, ce fut le tour du Costa Rica, la démocratie la plus stable et la plus prospère d'Amérique centrale. Là encore, nous avons reçu des milliers de demandes et il s'est révélé que presque tous les demandeurs n'avaient pas besoin de notre protection. Le Canada a imposé un visa. En 1997, ce furent la Hongrie et la Tchécoslovaquie. Nous avons reçu des milliers de demandes et elles se sont presque toutes révélées non fondées. Nous avons donc imposé un visa. Je parle ici du cas de la Hongrie.
Lorsque ces pics surviennent, il est important de comprendre qu'ils ne se produisent pas simplement de façon spontanée. Nous avons de bonnes raisons de croire que derrière ces vagues de demandes non fondées venant de pays démocratiques, il y a souvent des réseaux qui encouragent, entraînent et conseillent les gens. Il s'agit de réseaux commerciaux, de parasites de l'industrie de l'immigration, et il y a parfois même des éléments qui indiquent qu'il s'agit de réseaux criminels.
Nous disons simplement que nous avons besoin d'un autre outil que l'imposition de visas pour faire face à ces pics de demandes non fondées. J'apprécie le soutien et l'assentiment du dans ce dossier. Au mois d'août dernier, à Saint John, au Nouveau-Brunswick, il a affirmé qu'il veut que nous ayons un système de détermination du statut de réfugié légitime et légal qui, au point d'entrée, accueille les véritables réfugiés. Il a poursuivi en disant que nous ne pouvions pas accepter les demandes de statut de réfugié venant d'un certain nombre de pays car elles ne sont pas justifiées et que les demandes venant de ces pays n'ont pas de motifs valables. Puis il a ajouté que c'était peu rudimentaire, mais qu'autrement il y aurait des faux réfugiés, ce dont personne ne veut, y compris les réfugiés authentiques.
Le est peut-être allé un peu trop loin en suggérant qu'on refuse l'accès au système d'octroi de l'asile aux demandeurs provenant de pays jugés sûrs, mais son approche générale est parfaitement valable et bénéficie de l'appui de presque tous les journaux au pays, à en croire leurs éditoriaux.
Comme je l'ai dit, ces réformes bénéficient d'un vaste appui. Quatre-vingt-quatre pour cent des Canadiens sont d'avis que le gouvernement devrait réformer le système de détermination du statut de réfugié, et 81 p. 100 d'entre eux croient qu'il faudrait traiter les demandes d'asile plus vite pour que les véritables réfugiés puissent s'établir au Canada dès que possible et que les faux réfugiés soient renvoyés chez eux plus rapidement. Les Canadiens estiment, dans une proportion de quatre contre un, qu'il faut faire plus pour expulser du Canada ceux dont les demandes d'asile ont été jugées non fondées et rejetées.
Selon le Toronto Star, « le gouvernement mérite des félicitations pour avoir fait preuve de la volonté politique nécessaire pour agir dans un dossier que bien des gouvernements précédents ont évité. » Quant au Globe and Mail, on peut y lire « Il est urgent que le Canada dispose d'un nouveau système de détermination du statut de réfugié. » Selon la Gazette de Montréal, « ces réformes sont solides et constituent une tentative sensée visant à réformer le système. » Peter Showler, ancien président de la CISR et actuellement à la tête du groupe de réflexion sur les réfugiés à l'Université d'Ottawa, a dit que « le gouvernement conservateur a réussi à proposer un système à la fois équitable et rapide, et qui représente un équilibre raisonnable entre les deux. » Selon la revue Canadian Lawyer, « les avocats spécialisés en immigration appuient probablement ces réformes. »
Il s'agit selon moi de réformes équilibrées et raisonnables que tous les députés de la Chambre peuvent appuyer. Je suis ouvert à tout amendement raisonnable à l'étape du comité qui permettrait d'en arriver à un système rapide et équitable. J'espère que nous pourrons dans une certaine mesure mettre la partisanerie de côté dans cet urgent dossier pour que nous puissions améliorer et préserver notre importante tradition humanitaire qui consiste à protéger ceux qui en ont besoin.
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Madame la Présidente, il est essentiel que nous examinions le projet de loi dont nous sommes saisis pour nous assurer que les réformes proposées régleront les problèmes que pose le système de détermination du statut de réfugié dans notre pays. Plaçons d'abord ce système dans son contexte.
Nous avons aujourd'hui un arriéré de 63 000 demandes du statut de réfugié. Les gens qui ont vraiment besoin de protection doivent attendre environ 19 mois avant que leur demande ne soit traitée. Nous avons vu une diminution radicale de 50 p. 100 du nombre de demandes traitées et une augmentation de presque 50 p. 100 du coût de traitement d'une seule demande. On estime que chaque demande coûte environ 29 000 $ aux contribuables.
Le gouvernement conservateur a tardé à combler les postes vacants à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, ce qui a nui au travail de cette dernière. On peut lire dans le rapport du ministre sur les plans et les priorités pour 2009-2010 que le manque de décideurs a contribué à faire augmenter le nombre de cas en instance et à accroître les délais moyens de traitement. En outre, au chapitre 2 de son rapport de mars 2009, la vérificatrice générale du Canada a exprimé sa préoccupation à l'égard de la nécessité de nommer et de renommer en temps opportun et de façon efficace des décideurs à la CISR.
Compte tenu de ces faits, entre autres, la vaste réforme du système de détermination du statut de réfugié est visiblement justifiée et une priorité absolue. Même si une réforme de ce système est nécessaire, nous devons nous assurer qu'elle équitable, efficace et juste. En outre, quoique l'ensemble des réformes proposées comprenne quelques recommandations des libéraux, comme la mise sur pied de la Section d'appel des réfugiés, nous devons faire preuve de diligence raisonnable à l'égard de ce projet de loi. Après tout, les événements des quatre dernières années sont au centre des préoccupations, notamment les longs délais de traitement et les périodes allongées d'attente pour les personnes qui demandent le statut de réfugié. La prudence s'impose donc.
Par conséquent, avant de mettre en oeuvre une mesure législative de réforme concernant les réfugiés, nous veillerons à ce qu'elle respecte nos normes relatives à l'équité de la procédure, qu'elle soit juste, rapide et efficace, et qu'elle n'ébranle pas la confiance que témoignent de nombreuses personnes à l'égard de notre système. Comme le ministre l'a dit, les Canadiens ne peuvent visiblement pas se permettre d'autres solutions temporaires mal exécutées, comme ce fut le cas l'été dernier, lorsque le Canada a imposé un visa aux ressortissants du Mexique et de la République Tchèque. C'est pourquoi nous voulons avoir l'assurance que l'ensemble des réformes répondront aux normes les plus élevées en matière d'élaboration de politiques publiques.
En 2004, l'ancien gouvernement libéral avait apporté des changements au processus de nomination à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, la CISR. Il a notamment créé un comité consultatif, composé d'avocats, d'universitaires et d'autres intervenants du processus de détermination du statut de réfugié, responsable de présélectionner tous les candidats à la CISR. Lorsque l'actuel gouvernement est arrivé au pouvoir, il a malheureusement retardé les nominations. Tout le monde sait que cela a entraîné un retard record dans le traitement des demandes du statut de réfugié. Le projet de loi tente également de résoudre ce problème.
Outre le retard croissant dans le traitement des demandes, l'intégrité de notre système a été pointée du doigt. Comme je l'ai dit plus tôt, en raison de la hausse fulgurante de demandes de ressortissants de certains pays, le Canada a eu ponctuellement recours à l'imposition d'un visa afin de limiter le nombre de demandes du statut de réfugié. Ce fut notamment le cas l'été passé, lorsque, en réponse à une hausse fulgurante des demandes du statut de réfugié de ressortissants mexicains et tchèques, le a imposé un visa aux citoyens de ces deux pays. Ce genre de décision peut mettre en péril ou à l'épreuve nos relations avec les pays ciblés. N'oublions pas que le Mexique est l'un de nos partenaires économiques en Amérique du Nord. En outre, dans le cas de la République Tchèque, l'imposition d'un visa a créé un malaise dans l'Union Européenne.
Selon le gouvernement, le projet de loi est justifié parce qu'il vise à rationaliser le système, afin de faire face au retard croissant dans le traitement des demandes, et à donner plus de marge de manoeuvre au ministre, afin qu'il puisse répondre aux hausses inhabituelles de revendications du statut de réfugié présentées par des ressortissants de pays démocratiques et rationaliser le processus de renvoi des demandeurs déboutés.
Dans le projet de loi, on propose de modifier pratiquement toutes les étapes du processus qui se déroule au Canada. Actuellement, les personnes dont la demande est accueillie attendent en moyenne 19 mois qu'une décision rendue et il faut en moyenne quatre ou cinq ans pour traiter et expulser un candidat dont la demande a été rejetée.
Les renseignements sont actuellement amassés en 28 jours au moyen d'un formulaire de renseignements personnels. Avec le projet de loi, les renseignements personnels seraient recueillis dans le cadre d'une audition dans les huit jours après la présentation d'une demande. On espère que cela évitera les retards attribuables aux formulaires incomplets et aux formalités administratives en retard. Cependant, ce délai a été jugé irréaliste et empêcherait des demandeurs d'obtenir les conseils nécessaires.
Nous devrions envisager des amendements portant sur les délais et garantissant la possibilité d'obtenir une aide juridique adéquate. Nous ne pouvons pas avoir un système où on refuse le recours à un avocat et où de piètres décisions pourraient entraîner des ajournements qui allongent le processus.
Dans le système actuel, une personne nommée par le gouverneur en conseil rend une première décision en environ 18 mois. Avec le nouveau processus, la décision de première instance serait rendue par un fonctionnaire de la CISR en environ 60 jours. Dans les autres pays où la décision de première instance est rendue par des fonctionnaires, le taux de succès des appels est en général plus élevé qu'ici. Cela peut rendre le processus moins efficace et miner la confiance dans le système de détermination du statut de réfugié.
Par exemple, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés a dit craindre qu'au Royaume-Uni, ceux qui prennent les décisions administratives n'aient pas une formation suffisante et n'effectuent pas des évaluations de crédibilité de qualité lors des audiences. Même si les fonctionnaires de CIC affirment que ceux qui prendraient les décisions dans le nouveau système seraient de niveau élevé et recevraient une excellente formation, rien ne le garantit dans le projet de loi. Le fait que ceux qui prendraient les décisions feraient partie d'une CISR indépendante peut atténuer certaines craintes au sujet de leur indépendance, mais il faudra une évaluation poussée de leurs qualifications, de leur formation et des processus d'embauchage.
Des préoccupations ont aussi été soulevées au sujet du délai de 60 jours: est-ce réaliste et est-ce que cela limiterait la capacité du demandeur de se faire représenter et de préparer un dossier convenable? Il faudra réexaminer ce délai et l'aide juridique qu'il serait possible d'accorder.
Actuellement, la CISR n'a pas de section d'appel et les examens sont laissés à la Cour fédérale. Il convient de souligner qu'une section d'appel était prévue à l'origine dans la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés des libéraux.
Le projet de loi créerait une nouvelle section d'appel des réfugiés dotée par voie de nomination par le gouverneur en conseil. Elle serait chargée d'examiner les décisions de première instance négatives. Avec cette nouvelle section, on prévoit que les appels seraient entendus en moins de quatre mois. La plupart des appels seraient fondés uniquement sur l'examen de la documentation, mais il pourrait y avoir une audition en personne et présentation de nouveaux éléments de preuve qui n'étaient pas disponibles au moment de la première audition.
Au Royaume-Uni, 89 p. 100 des décisions initiales de refus rendues en 2007 ont fait l'objet d'un appel, et 23 p. 100 de ces décisions ont été annulées. Cette situation a entraîné dans les tribunaux, en 2008, un énorme arriéré de 450 000 dossiers et ce retard pourrait prendre entre 10 et 18 ans à rattraper. En comparaison, au Canada, seulement 1 p. 100 des appels en matière d'asile ont gain de cause.
Les lignes directrices sont censées indiquer clairement quand une audience est nécessaire et quand un appel doit être interjeté par écrit. La décision de l'arbitre de procéder ou de ne pas procéder par écrit constituerait une décision administrative supplémentaire pouvant faire l'objet d'un appel devant la Cour fédérale.
Le plus important, en ce qui concerne la Section d'appel des réfugiés, serait de s'assurer que le processus décisionnel de premier niveau respecte suffisamment l'équité procédurale et la justice fondamentale pour éviter que cette section ne devienne un autre point de congestion dans le processus.
Actuellement, le système n'utilise aucune liste de pays d'origine désignés. Ce projet de loi donnerait au ministre le pouvoir discrétionnaire de créer une telle liste. Il s'agit d'un des changements proposés les plus controversés.
Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés a déjà rappelé qu'un tel processus doit tenir compte des problèmes de persécution axée sur le sexe et l'orientation sexuelle que l'on retrouve dans de nombreux pays démocratiques. Cela pourrait également créer des problèmes sur le plan diplomatique, car des pays pourraient faire des pressions pour être inscrits sur la liste ou être insultés de ne pas s'y retrouver.
La Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés a déjà dit que la désignation de pays d'origine sûrs constitue un outil procédural acceptable, pourvu qu'il y ait des garanties en place. Aux termes du projet de loi, les demandeurs provenant de pays d'origine désignés ne pourraient plus se tourner vers la Section d'appel des réfugiés. Toutefois, ils pourraient interjeter appel d'un refus devant la Cour fédérale.
Il reste des questions sans réponse en ce qui concerne le processus d'inscription sur la liste des pays d'origine désignés. Même si on nous assure que ce processus ne sera utilisé qu'en dernier recours afin d'éviter l'imposition de visas dans des pays qui présentent un bon dossier en matière de droits de la personne, il faudra quand même examiner la question de l'équité et de la justice fondamentale.
Les juristes signalent une différence importante entre la mesure législative proposée au Canada et la législation européenne. Le mot « sûr » n'apparaît nulle part dans la section pertinente du projet de loi . Selon les juristes, cette omission donne trop de pouvoirs discrétionnaires au ministre et soulève de sérieuses questions quant à l'utilisation que l'on pourrait faire de la loi. Il serait peut-être approprié d'examiner le processus qui permet de désigner un pays et d'y apporter des modifications pour assurer une certaine indépendance dans la sélection des pays ou une certaine surveillance parlementaire.
Après chaque rejet, un demandeur peut actuellement avoir recours à de nombreux processus d'appel, dont celui de la Cour fédérale. Or, le projet de loi viendrait restreindre l'accès aux autres possibilités d'appel pendant l'année suivant la dernière décision négative. Par conséquent, une fois que la CISR ou la SAR a rendu sa décision, il sera interdit au demandeur d'avoir recours aux processus postdécisionnels pendant un an afin que les autorités puissent l'expulser du pays. Les demandeurs auraient encore la possibilité d'interjeter appel devant la Cour fédérale. Pour la gouverne des députés, les demandeurs n'auront pas le droit de faire l'objet d'un examen des risques avant renvoi, de présenter une demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire en vertu de l'article 25 de la loi et de demander le statut de résident temporaire et un sursis de renvoi administratif.
Il serait également interdit de présenter des demandes simultanément en vertu du système de protection des réfugiés et de l'article 25 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés pour des motifs d'ordre humanitaire. Avant qu'une décision soit prise au premier palier, les demandeurs d'asile seraient tenus de choisir entre les deux recours possibles. Les demandeurs d'asile déboutés n'auraient pas le droit de présenter de demande en vertu de l'article 25 pendant un an, à partir de la date de la décision finale de la CISR. À l'expiration de ce délai, le demandeur serait autorisé à avoir recours à l'article 25 de la loi. Toute interdiction d'avoir accès à l'examen des risques avant renvoi ou de présenter une demande pour des motifs d'ordre humanitaire devrait continuer d'être raisonnable et conforme à la procédure, car la vie, la liberté et la sécurité du demandeur pourraient être en péril au cours de la période précédant la décision le concernant.
Le processus d'examen des considérations humanitaires sert, aux personnes qui ne cadrent pas dans les catégories prévues dans la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, de mesure de dernier recours leur permettant de s'adresser directement au ministre. Le fait de réduire l'accès à l'examen des motifs humanitaires pourrait entraîner la déportation de personnes victimes d'injustices d'ordre humanitaire. Cette question exigera une étude approfondie visant à évaluer les aspects pratiques de l'élimination des mesures de dernier recours.
Les mesures de la réforme consacrent 540,7 millions de dollars sur cinq ans et 85,4 millions en financement permanent. Ces 540 millions de dollars sont décomposés en 324 millions sur cinq ans consacrés à la mise en oeuvre du nouveau système de détermination du statut de réfugié, en 126 millions visant à éliminer l'arriéré des demandes et en 90 millions sur cinq ans visant à accroître le nombre de réfugiés accueillis au pays.
Ce qui nous préoccupe, comme j'en ai fait part au ministre, c'est que ces fonds n'ont pas été énoncés dans le budget de 2010 et que les conservateurs nous ont affirmé que les dépenses consacrées aux programmes avaient été gelées pour les années à venir. Le ministre a déclaré que ces fonds font partie du cadre financier. Il faudra donc, pour tenir compte de ces nouvelles dépenses, déterminer ce qui fera l'objet de compressions. Par exemple, dans le budget de 2010, on considère que les mesures de rationalisation et les compressions touchant l'ASFC entraîneront des économies de 54 millions en 2011 et de 58,4 millions en 2012-2013. Par contre, ce plan consacre à l'organisme une nouvelle somme de 142 millions, ce qui soulève des questions de transparence et de responsabilisation. Nous voulons nous assurer que l'argent qu'investissent les contribuables canadiens se rend vraiment là où il est censé aller.
La présentation du projet de loi a suscité des réactions très variées. Il y a même eu des réactions avant qu'il soit présenté. Par exemple, avant la présentation du projet de loi, le haut-commissaire aux Nations Unies avait des préoccupations relativement à l'idée de pays d'origine. Il a dit que les nouvelles mesures devaient reconnaître que des motifs tels que la « préférence sexuelle », constituent « des motifs de persécution même au sein des démocraties » . Il a aussi signalé d'autres problèmes potentiels relativement au sexe.
Le professeur Peter Showler, quant à lui, signale que l'obligation de tenir la première audience dans les 60 jours suivant une très brève entrevue précipite les choses et n'est pas réaliste. En effet, cela ne donne pas suffisamment de temps aux réfugiés pour se trouver un avocat et pas suffisamment de temps aux avocats pour prendre connaissance des dossiers et rassembler les éléments de preuve pertinents en vue de l'audience. Si la première audience comporte des lacunes, l'ensemble du système déraillera rapidement. Selon lui, une période de 120 jours serait plus réaliste.
Enfin, le Conseil canadien pour les réfugiés ne souscrit à aucune des grandes modifications proposées dans le projet de loi. Le conseil est d'avis que l'introduction d'une liste de « pays d'origine sûrs » est une mauvaise idée. Il critique par ailleurs l'approche dans son intégralité.
Le Parti libéral et la vérificatrice générale du Canada invoquent depuis un certain temps la nécessité de réformer le système de détermination du statut de réfugié. Nous devons nous pencher sur certaines des lacunes que j'ai énoncées. Néanmoins, le projet de loi propose des mesures positives dans la perspective d'une réforme nécessaire du système.
Nous devons examiner l'efficacité et l'équité des délais dans lesquels les décisions de première instance sont rendues, de manière à ce qu'ils soient réalistes et que les réfugiés puissent être représentés de façon adéquate. Il est possible que des réfugiés aient de la difficulté à se procurer les pièces nécessaires à l'appui de leur dossier en raison de l'état de l'infrastructure dans leur pays d'origine ou d'impératifs de traduction. Nous devons veiller à ce que les personnes vulnérables soient traitées conformément aux principes de justice fondamentale et faire en sorte que le processus de première instance ne donne pas lieu à des arriérés à la cour d'appel, comme c'est le cas dans des pays tels que le Royaume-Uni. Nous devons faire en sorte que tous les demandeurs aient un accès égal et équitable aux représentants juridiques compétents.
Pour ce qui est de la qualité des décisions de première instance, il est essentiel que le gouvernement fournisse des détails plus précis concernant l'indépendance et la compétence des décideurs de première ligne proposés.
L'article 12 du projet de loi donnerait au ministre le pouvoir de désigner tout ou partie d’un pays, ou toute catégorie de ses ressortissants, d'après les critères prévus par les règlements. Les personnes provenant de régions ou de catégories désignées ne peuvent pas porter en appel les décisions négatives devant la Section d’appel des réfugiés. Le ministre ne peut pas non plus porter en appel des affaires mettant en cause ces personnes. Les demandeurs et le ministre doivent plutôt demander l'autorisation de porter en appel les décisions de première instance devant la Cour fédérale. Il est possible que la disposition sur l'autorité d'origine soit mal conçue parce qu'elle pourrait entraîner des problèmes de transparence et de reddition de comptes.
Plusieurs avocats et universitaires ont exprimé des préoccupations au sujet du libellé de la disposition du projet de loi , qui fait référence à la « désignation de pays d’origine » plutôt qu'aux « pays d’origine sûrs ». Ils soutiennent que le libellé actuel accorde au ministre un trop grand pouvoir discrétionnaire en ce qui a trait à la désignation des pays et qu'il pourrait être utilisé à des fins politiques.
Le projet de loi apporterait plusieurs changements concernant les considérations d’ordre humanitaire relatives aux étrangers se trouvant au Canada. Par exemple, selon le paragraphe 4(1), le ministre ne peut pas examiner les demandes des résidents permanents qui restent au Canada pour des motifs humanitaires si moins de douze mois se sont écoulés depuis que la CISR a rejeté leur dernière demande d'asile.
Il est évident que nous avons présenté des arguments crédibles en faveur de la modification de certains éléments du projet de loi . En tant que Canadiens, nous sommes fiers du fait que notre pays offre un refuge sûr à beaucoup de personnes qui vivent dans la peur et qui sont victimes de discrimination ou de persécution dans leur pays d'origine. Dans le cadre de ce débat parlementaire, nous devons mettre l'accent sur la création d'un système de détermination du statut de réfugié qui soit le meilleur possible.
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Madame la Présidente, il me fait plaisir de me lever aujourd'hui pour discuter du projet de loi .
De prime abord, j'aimerais dire que le Bloc québécois appuiera le renvoi de ce projet de loi au comité afin qu'il soit étudié plus à fond, ainsi que toutes les questions touchant les immigrants et les réfugiés.
Ce projet de loi fait remonter plusieurs inquiétudes à la surface. Par le passé, nous avons relevé plusieurs incohérences en ce qui a trait au statut de réfugié.
Je vais parler de deux personnes de ma circonscription que je connais personnellement. Un homme et une femme, aujourd'hui mariés, sont des réfugiés de la Tanzanie et ils attendent toujours leurs enfants. Ils se battent depuis cinq ans pour pouvoir accueillir leurs enfants au Canada. On leur a demandé de passer des tests d'ADN. L'ONU a même dû intervenir pour qu'on fasse une étude comparative et s'assurer que les enfants étaient bien ceux de ce couple réfugié au Canada. Maintenant que nous avons obtenu les réponses, nous espérons que les choses s'accéléreront, mais il y a encore des embûches.
Quand des enfants de véritables réfugiés au Canada sont dans des camps de réfugiés depuis cinq ans, on est en droit de se demander si les mesures proposées par le ministre sont suffisamment fortes pour que les demandes du statut de réfugié visant la réunification des familles soient considérées correctement.
Plusieurs pays sont jugés comme étant sûrs. Pour nous, c'est une disposition du projet de loi qui pose un assez grand problème. En effet, qui peut déterminer en toute certitude ce qu'est un pays sûr? On semble dire que le Mexique est un pays sûr. Cependant, sur le site d'Affaires étrangères et Commerce international Canada, on dissuade les voyageurs canadiens à visiter certaines régions de ce pays parce que cela mettrait leur vie en danger.
Si c'est trop dangereux pour la vie des Canadiens et des Québécois, n'est-ce pas aussi dangereux pour les Mexicains qui y habitent? Pourquoi les Mexicains qui veulent sortir du carcan des guerres de drogue et de pouvoir qui ont lieu partout dans leur pays ne peuvent-ils pas revendiquer le statut de réfugié? N'est-ce pas prendre un peu à la légère le caractère sûr d'un pays?
Hier, en Hongrie, un nouveau gouvernement a été élu. Au premier abord, ce pays semble sûr. Ce gouvernement de droite détient les deux tiers des sièges. Avec un tel nombre de sièges, il peut mettre en place des mesures pour faire avancer son programme sans avoir à consulter d'autres partis politiques. Si hier ou aujourd'hui la Hongrie était considérée comme un pays sûr, peut-être que demain, les droits humains n'y seront pas respectés de la même manière et que la situation sera différente.
La Chambre a adopté un projet de loi sur le libre-échange avec la Colombie. Pourtant, on nous dit qu'on veut que les droits de la personne y soient davantage respectés. Un citoyen de la Colombie, s'il en faisait la demande, pourrait-il être considéré comme un réfugié au Canada si nous avons un traité de libre-échange avec son pays? Il faut se poser des questions.
En Colombie, l'avortement est illégal et passible de prison. Plus de 70 pays dans le monde considèrent l'homosexualité comme illégale, voire passible d'une peine de mort dans certains pays. Qu'arriverait-il si des gens de ces pays venaient ici? On connaît l'opinion de nos collègues conservateurs sur les homosexuels. Dans un pays où l'homosexualité est légale et fait partie de notre vie quotidienne, une ministre qui avait offert une subvention à Toronto pour son défilé gai s'est fait rabrouer et remettre à sa place uniquement pour cette cela.
On est donc en droit de se demander si la latitude qu'aurait le ministre de nommer des pays sûrs sans passer par la Chambre est une mesure acceptable.
D'autre part, nous saluons le fait que le ministre veuille accélérer le processus de demandes pour les réfugiés, mais il ne faut tout de même pas aller trop vite et il faut faire attention. Nous savons tous et toutes qu'être réfugié signifie bien souvent partir de chez soi avec rien, à la sauvette, sans document et sans argent, partir de chez soi en étant vraiment démuni. Or, quand on part de chez soi en étant vraiment démuni, il faut un petit peu plus de huit jours pour obtenir les documents dont on a besoin.
Il y aurait peut-être moyen de faire quelques chose, de proposer des amendements au projet de loi pour que la première comparution de cette personne survienne après un peu plus de huit jours. Cela permettrait à la personne de se procurer des documents, et d'étudier à fond ce qu'elle veut faire, comment elle veut le faire et de mieux comprendre ce qui va se passer. Cette personne aura donc la chance de consulter autour d'elle les différents organismes du milieu qui pourront l'aider.
On a également noté que le projet de loi comportait quelques différences en ce qui a trait à la Section d'appel des réfugiés. Nous sommes heureux que la Section d'appel des réfugiés soit finalement mise en place. En effet, le Bloc québécois a tout de même déposé deux projets de loi pour obtenir la viabilité de la Section d'appel des réfugiés et pour s'assurer qu'elle sera mise en place, même si elle a été votée ici même à la Chambre dans le cadre de la Loi sur l'immigration. D'ailleurs, à deux reprises, le projet de loi a été débouté. Une fois, il l'a même été après avoir été adopté par le Sénat. En effet, à son retour, ici à la Chambre, le projet de loi a été débouté parce que, si je me souviens bien, la Chambre était fermée pour cause d'élection.
C'est malheureux parce que, depuis 2005, le nombre de personnes demandant un statut de réfugié a plus que doublé. C'était 20 000 personnes, et c'est maintenant 60 000 personnes. Soixante mille personnes qui demandent le statut de réfugié, c'est vraiment beaucoup de personnes.
En fin de semaine, j'ai reçu l'appel d'une psychologue qui soutient les victimes de viols, d'inceste et d'agressions sexuelles. Elle me faisait état de la situation d'une femme qui a été emprisonnée la semaine dernière parce qu'elle avait demandé le statut de réfugiée et qu'on ne la croyait pas. Cette femme provient de la Guinée, et dans ce pays, il y a encore des mariages coutumiers. Elle avait été mariée alors qu'elle était très jeune à un homme beaucoup plus vieux, qui l'assaillait, et qui l'agressait sexuellement et physiquement. Elle avait des marques de torture très évidente sur son corps et même une marque de fer à repasser inscrite sur son sein. On était donc à même de déterminer à l'hôpital, ici au Canada, que cette femme avait été véritablement agressée.
Cette femme a demandé le statut de réfugiée et, après avoir habité au Canada pendant quelque temps, elle a rencontré un autre de ses concitoyens duquel elle est tombée amoureuse, et ils se sont mariés. Après s'être mariée, elle a continué sa demande de statut de réfugiée, mais on ne croyait pas que son mariage avec cet homme était véritable et on l'a accusée de fraude. On lui a dit que c'était seulement pour obtenir le statut de réfugiée et un parrainage qu'elle avait épousé cet homme, alors qu'ils se sont mariés en bonne et due forme devant toute la communauté. Ils sont ensemble, ils sont mariés et attendent maintenant un enfant.
L'année dernière, la a dit, au début de la crise, que s'il n'y avait pas de travail au Québec et dans les provinces de l'Atlantique, les travailleurs devraient aller dans l'Ouest, où il y avait du travail. Or le mari de cette femme a écouté la ministre et est allé travailler dans l'Ouest pour faire vivre sa famille. Ce qu'on a trouvé à dire à cela, c'est qu'ils n'étaient pas véritablement mariés parce qu'il est allé travailler dans l'Ouest pour faire vivre sa famille. C'est incroyable!
La semaine dernière, cette femme de 42 ans, qui souffre de diabète de type 2, a été emprisonnée. Elle est actuellement au Centre de prévention de l'immigration de Laval. On la renverra dans son pays le 28 avril, un pays où on ne pourra pas s'occuper d'elle et de son enfant à naître, alors qu'aujourd'hui même, les ministres du G8 discutent à Halifax de santé maternelle et infantile, et alors que le veut mettre en avant une initiative pour la santé maternelle et infantile.
On n'est même pas capable de s'occuper des gens ici qui souffrent et qui, s'ils sont retournés dans leur pays, risquent de mourir parce qu'ils n'auront pas les soins adéquats. Ils risquent de mourir. En Guinée, il n'y a pas de médecin qui puisse donner les soins nécessaires, par exemple, pour traiter cette femme jusqu'à son accouchement, parce qu'elle souffre de diabète de type 2 et qu'elle est obèse.
Quand on revoit le système d'immigration, on doit premièrement s'assurer que les fonctionnaires ou les juges sont certains des raisons pour lesquelles ils refusent les demandes de tous les citoyens et toutes les citoyennes ayant fait des demandes légitimes.
Je n'ai jamais entendu de raison plus incroyable que le fait qu'un homme veuille faire vivre sa famille ou le fait qu'une femme dise qu'elle a été mariée de force et que si elle retourne dans son pays, elle sera probablement considérée coupable par la famille de son ex-mari. En effet, dans ces pays, les femmes sont considérées coupables de la mort de leur conjoint. Elle sera poursuivie et peut-être mise à mal encore.
Comment peut-on se permettre de renvoyer une personne dans un pays comme celui-là qui n'a aucun sens des valeurs qui sont les nôtres? Pourquoi voudrait-on appuyer, soutenir et sauver la vie des femmes dans les pays en développement, quand on ne veut pas appuyer, soutenir et sauver la vie des femmes qui viennent demander notre aide ici? Je me pose la question. Cela m'embête grandement et j'aimerais beaucoup obtenir une réponse, bientôt je l'espère.
Je souhaite que cette femme puisse rester ici et que son départ soit retardé, au moins jusqu'à ce qu'elle ait son bébé. Ce n'est pas humain de renvoyer dans son pays une femme comme celle-là dont la situation est à risque.
Il aurait fallu que la Section d'appel des réfugiés ait été instaurée plus tôt pour que cette femme puisse véritablement faire appel de la décision prise contre elle. Malheureusement, on nous dit que la Section d'appel des réfugiés entrera en vigueur d'ici 2013 ou 2014. C'est encore dans trois ans, trois longues années pour les personnes qui souffrent, qui se posent des questions et qui se demandent si leur requête sera entendue. À l'heure actuelle, j'ai très peu d'espoir que cela se fasse.
J'ai souvent entendu le ministre parler devant des groupes de réfugiés, des groupes d'immigrants et des groupes de personnes, et je crois qu'il est honnête quand il leur parle. J'aimerais toutefois que cette honnêteté se traduise également dans les mesures qu'il mettra en avant.
Je sais qu'en étant au gouvernement, on n'est pas dans l'opposition et ce n'est pas aussi facile, car on doit tenir compte des budgets et de plusieurs facteurs. Ma foi, on doit aussi tenir compte de ce que nos collègues nous disent et nous demandent.
J'espère que ce ministre fera ce qu'il faut pour s'assurer que toutes les personnes qui sont honnêtement demandeurs et demandeuses du statut de réfugié pourront le recevoir. Trop de gens, partout dans l'univers, souffrent. En outre, nous avons signé la Convention outre-frontières pour les réfugiés. Si nous l'avons signée, cela veut dire que nous ne devons tenir compte ni de leur orientation sexuelle, ni de leur pays d'origine ni de ce qu'ils sont ou de ce qu'ils font.
Nous devons simplement tenir compte de ce qu'ils ont besoin.
Nous appuierons le projet de loi C-11 afin qu'il puisse être renvoyé en comité. Nous pourrons alors proposer des amendements et apporter des corrections aux mesures qui nous semblent un peu aléatoires, injustifiées ou injustifiables. J'espère que toutes les personnes qui nous écoutent aujourd'hui soutiendront les efforts du Bloc québécois, afin que toutes les personnes demandant le statut de réfugié puissent l'obtenir.
En terminant, les hommes et les femmes qui siègent à la Chambre ont des idéaux et des valeurs qui sont semblables aux nôtres dans certains domaines. Je suis convaincue que nous prendrons les bonnes décisions. Nous ferons tout en notre pouvoir pour que les éléments du projet de loi qui ne nous plaisent pas soient modifiés. Autrement, le projet de loi ne répondra pas à nos ententes et aux besoins des personnes qui demandent le statut de réfugié.
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Madame la Présidente, je suis heureux de participer à ce débat sur le projet de loi .
Les conservateurs, qui aiment bien donner des surnoms aux projets de loi, parlent de Loi sur des mesures de réforme équitables concernant les réfugiés. J'espère de tout coeur que ce sera vraiment le cas, mais d'importantes préoccupations ont déjà été soulevées à l'égard de ce projet de loi et je compte bien en souligner quelques-unes.
Le Canada a toujours été une terre d'accueil pour les réfugiés. Les réfugiés qui se sont établis au Canada ont enrichi notre pays. Qu'il s'agisse des loyalistes de l'Empire-Uni au moment de la révolution américaine, des Hongrois en 1956, des Américains qui s'opposaient à la guerre du Vietnam, des réfugiés de la mer qui ont quitté le Vietnam à la fin de la guerre ou des gens de la République populaire de Chine après les événements tragiques qui sont survenus sur la place Tiananmen, le Canada a beaucoup bénéficié de ces importants mouvements de réfugiés. Et ce ne sont là que quelques-uns des mouvements de réfugiés politiques qui ont poussé des gens à venir s'installer au Canada.
D'importants groupes de réfugiés ont aussi fui des problèmes économiques et autres problèmes sociaux dans leur pays d'origine. Il y a eu les Irlandais au XIXe siècle, au moment de la grande famine. Puis, il y a eu l'émigration en provenance de l'Écosse, de l'Europe de l'Est, de l'Asie et de l'Italie. D'ailleurs, ma propre famille, comme celle de bon nombre de députés probablement, est venue s'installer au Canada en tant que migrants économiques. Tous ces groupes, et bon nombre d'autres, ont grandement contribué à l'édification de notre pays et y contribuent toujours.
L'hon. Jason Kenney: Bravo!
M. Bill Siksay: J'apprécie les applaudissements du ministre. Il a d'ailleurs parlé de tout cela dans son allocution. Toutefois, il y a aussi eu des lacunes dans notre politique en matière d'immigration et de réfugiés qui ont laissé des gens sans protection. L'une des plus extrêmes de ces affaires concernait les réfugiés juifs qui sont venus au Canada au cours de la Deuxième Guerre mondiale et qui ont été refusés et repoussés. Il y a aussi eu les passagers du Komagata Maru qui sont arrivés à Vancouver au début du siècle dernier et qui ont été renvoyés en Inde.
Notre refus d'accueillir ces réfugiés a également eu de terribles conséquences pour ces personnes. Lorsque nous refusons l'accès au pays à des gens dont la vie est en danger, ce qui les attend n'est pas très positif, et c'est peu dire.
Toutefois, de façon générale, le Canada a toujours été reconnu comme un pays qui accueille les réfugiés comme très peu d'autres pays le font, ce qui est très important. Les Nations Unis ont reconnu nos efforts dans le domaine la réinstallation des réfugiés en nous remettant la médaille Nansen en 1986. Le Canada est le seul pays à avoir reçu cette décoration. D'autres personnes et services ont été reconnus de diverses façons, mais le Canada est le seul pays à s'être vu décerner la médaille Nansen.
L'importante participation de la population et des communautés au chapitre de la réinstallation des réfugiés est l'une des réussites de la politique canadienne concernant les réfugiés. Nous l'avons constaté dans la plupart de nos collectivités. Il y a des personnes qui ont déjà participé à la réinstallation d'un réfugié et travaillé avec une famille. Beaucoup d'agences et d'organisations communautaires interviennent. Bon nombre d'entre elles profitent du Programme de parrainage privé, qui fait à juste titre partie de la législation canadienne en matière de réfugiés. En vertu de ce programme, des groupes de Canadiens peuvent participer directement à la réinstallation de réfugiés et de familles de réfugiés au Canada. Il s'agit là d'une brillante décision stratégique, qui continue à former un élément clé de notre politique sur les réfugiés.
Les Églises canadiennes participent activement au parrainage et à la réinstallation des réfugiés au pays et continuent de jouer un rôle clé dans notre politique sur les réfugiés.
Tout cela a eu pour effet que les Canadiens se sont approprié la politique sur les réfugiés. Ils sont si nombreux à avoir directement participé au processus de détermination du statut de réfugié qu'ils estiment avoir leur mot à dire en ce qui concerne le genre de politiques et de mesures législatives dont nous débattons aujourd'hui.
Les Canadiens reconnaissent que le travail est loin d'être terminé. Des millions de personnes continuent de dépérir dans des camps de réfugiés situés près de zones de conflit partout dans le monde. Leur nombre ne diminue pas vraiment et la situation demeure très préoccupante. En outre, les conditions dans ces camps restent très difficiles.
Partout dans le monde, beaucoup trop de gens sont encore persécutés, parfois jusqu'à la mort, pour leurs opinions politiques, leur race, leur religion, leur ethnicité, ou encore leur orientation ou leur identité sexuelle. De diverses façons, nous avons fait en sorte qu'il soit plus difficile pour ces gens de quitter leur pays afin de trouver refuge ici, au Canada.
Nous avons fait des choses comme conclure avec les États-Unis l'Entente sur les tiers pays sûrs selon laquelle une personne qui est passée par les États-Unis avant de présenter une demande de statut de réfugié au Canada pourrait être renvoyée aux États-Unis. En faisant cela, je pense que nous nous dérobions à la responsabilité du Canada à l'égard de ces gens parce que la politique du Canada était différente de celle des États-Unis en matière de protection des gens.
Nous avons imposé des conditions, notamment en exigeant que les personnes aient en leur possession des pièces d'identité avant même de monter à bord d'un avion à destination du Canada alors que, très souvent, les réfugiés et les personnes qui fuient la persécution ne disposent pas des pièces d'identité requises.
Au cours des dernières années, franchement, c'est la pagaille dans notre système de détermination du statut de réfugié parce que nous nous en sommes servis comme enjeu politique. Il a fait l'objet de nombreuses manoeuvres politiques, notamment de nominations politiques à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, et ce, au détriment de la protection des gens. Cela a occasionné un énorme arriéré dans notre processus de détermination du statut de réfugié.
Nos gouvernements précédents, tant libéraux que conservateurs, ont laissé cet arriéré grossir. Vers la fin de son dernier mandat, le gouvernement libéral avait pris d'importantes mesures en vue d'améliorer la situation. L'arriéré a été réduit, et la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, la CISR, était en quelque sorte presque à jour quand les conservateurs sont arrivés au pouvoir en 2006. Il y avait encore un arriéré, mais ces organismes en auront toujours. Quoi qu'il en soit, la CISR en était au point de croire qu'elle allait réussir à gérer l'arriéré et que ce dernier n'occasionnerait plus de graves délais.
Malheureusement, lorsque les conservateurs sont arrivés au pouvoir, ils se sont servis de la CISR à des fins politiques. Ils ont refusé de reconduire la nomination de membres de la commission qui avaient été nommés par les libéraux et ils ont également refusé de nommer de nouveaux membres à la commission. Par conséquent, l'arriéré a grossi et a retrouvé la taille qu'il avait quelques années auparavant. Le nouvel arriéré a aussi créé plus d'injustice. Au cours de cette période, de nombreux gens d'expérience ont quitté la CISR, ce qui a miné sa capacité d'agir efficacement et équitablement.
La vérificatrice générale s'en est même mêlée lorsqu'elle a signalé que le système était en train de s'écrouler sous l'énorme arriéré. Voilà un autre cas où la CISR et le processus de détermination du statut de réfugié ont servi de ballon politique. À mon avis, la crise actuelle est attribuable aux conservateurs, au gouvernement actuel, et ceux-ci proposent maintenant une solution au problème qu'ils ont causé. Ce n'est pas sans rappeler le syndrome de la porte tournante, et cela m'inquiète.
Les gouvernements conservateurs et libéraux se sont en outre montrés très peu respectueux des lois en vigueur concernant l'immigration et le statut de réfugié, et ce, surtout en refusant de mettre sur pied la Section d'appel des réfugiés que prévoit la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Cette loi, présentée et débattue en 2001, a reçu la sanction royale en 2002, et l'une de ses dispositions prévoit la création d'une section d'appel des réfugiés, disposition dont le ministre a dit qu'elle est en veilleuse. La réalité est que les libéraux et les conservateurs ont refusé de mettre en application cet élément de la mesure législative qui avait été débattue et adoptée à la Chambre des communes et au Sénat. Cette disposition n'a jamais été mise en application. J'estime que la Section d'appel des réfugiés aurait rendu notre système de détermination du statut de réfugié un peu plus juste.
L'idée d'une section d'appel des réfugiés, ou SAR, est née des négociations qui ont été menées lorsque le gouvernement du jour a voulu passer de commissions à deux membres à des commissions à un seul membre aux fins des audiences des réfugiés. La Section d'appel des réfugiés est le compromis auquel on est arrivé afin de garantir l'équité. Ce n'est pas que l'idée coûterait cher à réaliser. Il en aurait coûté entre 8 millions de dollars et 10 millions de dollars pour mettre la section sur pied, et 2 millions de dollars par année pour son fonctionnement, mais l'avantage, c'est qu'elle aurait rendu le processus un peu plus juste.
Il y a eu, dans le passé, un manque évident de respect pour ce processus. Je me demande si la mesure dont nous sommes actuellement saisis contient une disposition prévoyant la mise sur pied d'une section d'appel; je ne le sais pas. Je dois dire que je ne me berce pas trop de l'illusion de voir se matérialiser ce qui répondrait à mes attentes en matière d'équité, compte tenu de notre expérience récente concernant la SAR actuelle et du fait que celle-ci n'a jamais été mise sur pied.
Le NPD a toujours souhaité que le processus de détermination du statut de réfugié soit efficace, juste et rationalisé, et nous avons toujours maintenu qu'il devait reposer sur certains principes bien établis. Nous estimons que chaque cas doit être évalué en fonction de son mérite intrinsèque. Nous estimons qu'il faut investir dans des décisions initiales de grande qualité et qu'il vaut mieux bien faire les choses du premier coup. Le processus en vigueur doit être apolitique, et les décisions doivent être prises par un organisme indépendant. Le système doit être aussi simple que possible et ne pas s'encombrer de règles superflues. Les ressources nécessaires au bon fonctionnement du système doivent être disponibles afin d'éviter les retards. Il ne faut surtout pas oublier qu'à toutes les étapes du processus des vies humaines sont en jeu et que l'ensemble de la démarche doit être conforme aux normes en matière de droits de la personne.
Il y a longtemps que les néo-démocrates proposent des mesures ciblées pour accélérer le processus de détermination du statut de réfugié et pour le rendre plus juste. Nous avons notamment proposé que tous les membres de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié soient nommés par un commissaire indépendant aux nominations et que ces nominations soient fondées sur une série de critères d'expertise. Notre ancien chef, Ed Broadbent, plaidait d'ailleurs en faveur d'un tel processus de nomination fondé sur le mérite. Nous estimons qu'il faut stopper les consultants en immigration sans scrupules, à qui on devrait interdire l'accès aux salles d'audience de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, et que les personnes qui ne peuvent pas se faire représenter adéquatement devraient avoir droit à l'aide juridique. L'absence de disposition concernant la représentation juridique adéquate des demandeurs du statut de réfugié demeure l'un des grands défauts de notre système de détermination du statut de réfugié.
Nous estimons que l'on devrait engager plus d'agents de protection des réfugiés permanents pour rattraper les retards accumulés, ce qui s'est déjà fait par le passé avec un certain succès. Nous estimons également que la section d'appel des réfugiés doit voir le jour afin que les décisions prises soient uniformes et qu'elles s'appuient sur les faits et la loi. Le Parlement en a d'ailleurs ordonné la création en 2001, je le rappelle, mais les libéraux et les conservateurs ont choisi de passer outre à la loi et de ne pas la créer.
Le projet de loi comporte de nombreuses lacunes graves, ce que n'ont pas manqué de souligner certains des organismes intéressés.
Dès que je veux obtenir de l'information sur le processus de détermination du statut de réfugié, je me tourne vers le Conseil canadien pour les réfugiés, qui chapeaute un grand nombre d'organismes oeuvrant auprès des réfugiés du Canada et qui a fait état des réserves suscitées par cette mesure législative, lesquelles réserves méritent selon moi de retenir notre attention. Le conseil s'inquiète notamment de la désignation des pays d'origine. Le projet de loi permettrait en effet au ministre de désigner les pays dont les ressortissants ne pourraient pas interjeter appel. Il s'agit des soi-disant pays d'origine sûrs. Le conseil souligne que le mot « sûr » ne figure nulle part dans le projet de loi , ce qui ne peut manquer d'étonner, vu l'objectif poursuivi par cette mesure législative.
Le conseil croit aussi que c'est une mesure injuste parce qu'il est discriminatoire de traiter les demandeurs différemment selon leur pays d'origine. Il croit que chaque cas doit être évalué séparément. Il pense que certains demandeurs souffriront particulièrement de cette mesure. Il songe notamment aux femmes qui présentent des revendications fondées sur le sexe et aux personnes qui présentent des revendications fondées sur l'orientation sexuelle. Dans un grand nombre de pays qui sont autrement considérés comme des pays pacifiques ou sûrs, ces deux groupes peuvent faire l'objet de persécutions graves.
Les demandeurs des pays désignés seront victimes de parti pris même en première instance parce que les décideurs seront au courant du jugement du gouvernement sur ces pays. Il y aura une présomption générale de sécurité pour certains pays, ce qui entravera le processus.
Les demandes de personnes provenant de pays qui ne produisent généralement pas de réfugiés font partie de celles qui doivent le plus faire l'objet d'un appel en raison de questions complexes de fait et de droit, comme la protection offerte par l'État. Si on refuse à ces demandeurs un processus équitable, ils pourraient être forcés de retourner dans un pays où ils sont persécutés, ce qui serait une violation des droits de la personne.
Le Conseil canadien pour les réfugiés affirme que la disposition concernant la désignation du pays d'origine présente d'autres problèmes. Elle dit:
Créer une liste de « pays d’origine sûrs » politise le système: il y aura de nouvelles pressions diplomatiques de pays insatisfaits de ne pas être considérés comme « sûrs ».
Sous sa forme actuelle, l'amendement donnerait carte blanche au ministre pour désigner tout pays, toute partie d'un pays ou tout groupe à l'intérieur d'un pays sans tenir compte des principes de protection des réfugiés. Ce sont des problèmes graves qui ont été soulevés par le Conseil canadien pour les réfugiés.
Le conseil note ensuite qu'il a des problèmes avec le fait qu'une entrevue est menée huit jours après l'arrivée des demandeurs et une audience, 60 jours après. En effet, le gouvernement a proposé que les demandeurs passent une entrevue avec la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada huit jours après leur arrivée et que leur audience se déroule 60 jours après. Le conseil croit que le délai accordé pour l'entrevue est trop court. Dans le cadre de l'entrevue, le demandeur doit présenter une déclaration détaillée au sujet de sa demande. Cela serait injuste pour les demandeurs les plus vulnérables, par exemple ceux qui ont été victimes de torture ou les femmes qui ne sont pas habituées à parler à des représentants de l'autorité.
Il y a des demandeurs qui sont prêts à se présenter à une audience après 60 jours, mais d'autres ne le sont pas, notamment des réfugiés qui doivent gagner en confiance afin d'être capables de témoigner librement, par exemple, des victimes d'agressions sexuelles. D'autres réfugiés ont besoin de plus de 60 jours pour réunir les documents nécessaires pour étayer leur demande, particulièrement ceux dont la demande découle d'actes de persécution s'inscrivant dans une nouvelle tendance émergente et ceux qui sont en détention.
Il y a de sérieuses préoccupations au sujet de la tenue d'audiences avant que les demandeurs soient prêts à franchir cette étape majeure du processus.
Le Conseil canadien pour les réfugiés a également soulevé des préoccupations au sujet des personnes qui seraient appelées à prendre les décisions dans le nouveau système. Il souligne que les décisions de première instance seraient prises par des fonctionnaires plutôt que par des personnes nommées par le Cabinet. Les membres de la section d'appel des réfugiés seraient nommés par le Cabinet.
Le conseil estime que, si cela peut en un certain sens corriger le problème des nominations politiques, il n'en reste pas moins que l'évaluation des demandes par des fonctionnaires cause un problème de fond parce qu'ils n'ont pas l'indépendance nécessaire.
Le conseil souligne également qu'en limitant les nominations aux fonctionnaires, on exclura certains des décideurs les plus qualifiés provenant de divers horizons dont les universités, les organisations de droits de la personne et les services sociaux. Cela, d'après le conseil, pourrait se répercuter sur la qualité des décisions.
La question des nominations à la section d'appel des réfugiés reste en suspens. Avec le projet de loi, il s'agirait de nominations politiques, ce qui se répercuterait sur la qualité des décisions.
Le Conseil canadien pour les réfugiés fait état de problèmes avec les appels et les examens des risques avant renvoi. Il souligne que ces examens des risques existeraient toujours, mais que le système est inefficace. Le conseil croit aussi que cela restera un problème pour quelques demandeurs parce que le système nécessite une deuxième structure complète pour faire le même travail que la CISR, ce que le projet de loi ne corrige pas.
Le conseil est également préoccupé par les dispositions du projet de loi sur les motifs humanitaires. Le projet de loi interdirait en effet d'invoquer de telles considérations lorsqu'une demande est déjà en cours de traitement et dans les 12 mois suivant une décision.
Les demandeurs invoquant des motifs d'ordre humanitaire ne pourraient pas non plus faire appel à des facteurs liés aux risques ici et dans leur pays d'origine. Le Conseil canadien pour les réfugiés estime que ces considérations sont essentielles dans les cas liés aux droits de la personne, y compris lorsque l'intérêt des enfants est en jeu et qu'il existe un risque pour les personnes. Interdire d'invoquer de telles considérations pourrait bien être contraire à la Charte canadienne des droits et libertés. Ce sont là quelques-unes des préoccupations soulevées par le Conseil canadien pour les réfugiés.
Amnistie internationale, autre organisation très respectée qui s'intéresse de près aux politiques sur les réfugiés, a elle aussi de sérieuses réserves quant à la liste de pays d’origine sûrs. Selon l'organisation, une telle liste est discriminatoire à l'endroit des réfugiés, ce qui est strictement interdit aux termes de l'article 3 de la Convention relative au statut des réfugiés des Nations Unies. L'article 3, qui porte sur la non-discrimination, stipule ce qui suit:
Les États contractants appliqueront les dispositions de cette Convention aux réfugiés sans discrimination quant à la race, la religion ou le pays d'origine.
Amnistie internationale fait également observer ce qui suit dans une déclaration au sujet de la nouvelle mesure législative:
[...] depuis près de 50 ans de recherche sur les droits de la personne dans le monde entier, nous avons toujours souligné qu'il était impossible de catégoriser de façon définitive des pays comme sûrs ou non quand il s’agit des droits de la personne. Nous craignons grandement que les décisions relativement aux pays à inclure sur une liste de « pays d'origine sûrs » dépendent dès lors presque inévitablement de considérations autres que les droits de la personne, notamment les relations commerciales et la coopération en matière de sécurité avec d'autres gouvernements.
L'Association du Barreau canadien est une autre organisation qui s'intéresse elle aussi de très près à cette question. Sa section Droit de l'immigration et de la citoyenneté est fort inquiète au sujet du projet de loi et a réclamé qu'il soit renvoyé à un comité avant la deuxième lecture de sorte que celui-ci puisse examiner les graves préoccupations qu'il soulève.
Hier, j'ai rencontré une militante des droits des réfugiés en Colombie-Britannique qui a, elle aussi, de très grandes inquiétudes à l'égard de cette mesure législative. Elle s'est dite très préoccupée par le fait que la notion de « pays sûrs » ne veut pas nécessairement dire que toute la population de ces pays est en sécurité et a affirmé que la mesure législative doit faire explicitement mention de la sécurité des personnes. Elle s'est également dite inquiète qu’on parle de faux réfugiés et d'abus du système, termes qui, selon elle, ne sont pas particulièrement utiles.
Cette mesure législative soulève de nombreuses préoccupations. J'espère que nous pourrons en débattre à fond, tant ici qu'en comité. J'aurais cependant préféré que le projet de loi soit renvoyé au comité avant la deuxième lecture afin que celui-ci procède à un débat exhaustif.