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FINA Rapport du Comité

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OPINION DISSIDENTE DU NOUVEAU PARTI DÉMOCRATIQUE DU CANADA

Rapport dissident – Sous‑comité des finances
chargé de l’examen de la partie 3 du projet de loi C‑38

Les députés néodémocrates membres du Sous‑comité des finances s’opposent vigoureusement à la décision du gouvernement conservateur d’enfouir dans un projet de loi d’exécution du budget des modifications importantes de la réglementation de l’environnement, de la pêche, des espèces en péril et de l’énergie. Le nombre et la complexité des modifications proposées, les audiences précipitées et souvent interrompues du Comité, les consultations extrêmement limitées et l’impossibilité de s’appuyer sur l’expertise des comités permanents de l’environnement, des pêches et des ressources naturelles ont empêché une évaluation suffisante et solide des propositions contenues dans la partie 3 du projet de loi C‑38. Les néodémocrates rappellent que les témoins ont été convoqués à très brève échéance et que ceux qui ont pu se présenter n’ont guère ou pas eu le temps de se préparer. Le Sous‑comité n’a reçu aucun mémoire écrit, et la population a eu fort peu l’occasion de participer aux audiences. Le principal rapport élaboré par le Sous‑comité est extrêmement sélectif et détourne grossièrement les opinions spécialisées dont de nombreux témoins lui ont fait part. Comme le rapport principal ne rend pas fidèlement compte des nombreuses préoccupations soulevées par les témoins et par les Canadiens en général concernant cette procédure et les changements radicaux proposés dans le projet de loi, les néodémocrates présentent ci‑dessous un rapport dissident sur la partie 3 du projet de loi C‑38.

Le cheval de Troie conservateur qu’est le projet de loi d’exécution du budget se soldera par une moindre protection de l’environnement, une réglementation moins stricte de l’évaluation des projets d’exploitation des ressources, une moindre reddition de comptes et l’élargissement du pouvoir discrétionnaire des ministres en matière d’environnement. Les témoins, l’un après l’autre, se sont dits inquiets de la portée des modifications proposées dans le projet de loi et du fait que le gouvernement n’a pas consulté les parties intéressées. Ils ont invité celui‑ci à diviser le projet de loi pour en permettre un examen valable. Thomas Siddon, ex‑ministre des Pêches progressiste‑conservateur, a estimé quant à lui que « les députés responsables de chaque parti au Parlement devraient examiner les articles 52 à 169 et proposer un projet de loi distinct pour moderniser la réglementation environnementale [traduction] ».

Le projet de loi C‑38 prévoit l’abrogation globale de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale (LCEE) pour la remplacer par une nouvelle loi réduisant le nombre de projets qui seraient évalués et accordant au Ministre une latitude suffisante pour exempter certains projets de toute étude des répercussions environnementales, sociales et économiques. La nouvelle LCEE proposée dans le projet de loi assujettira les évaluations à des échéances artificielles et permettra même au Ministre d’exempter complètement certains projets de toute évaluation.

L’impact réel qu’auraient ces changements a été mis crûment en lumière par Will Amos, du groupe Ecojustice : « Il est possible d’améliorer la LCEE, mais certainement pas en vidant de sa substance le rôle du gouvernement fédéral dans les évaluations environnementales, en déléguant ces évaluations aux gouvernements provinciaux et territoriaux et en imposant des échéances artificielles à un nombre beaucoup plus restreint de projets [traduction]. » Quant au supposé règne du double emploi inutile de la procédure d’évaluation environnementale, comme le prétendent les conservateurs, les néodémocrates rappellent que ce problème a été largement réglé par des modifications antérieures. Dans un exposé présenté le 6 septembre 2011 et obtenu en vertu de la réglementation de l’accès à l’information, Environnement Canada explique ceci : « Selon les modifications apportées en 2010, l’Agence canadienne d’évaluation environnementale est chargée de la plupart des études approfondies. Ce changement donne lieu à des résultats positifs puisque l’Agence a entamé toutes ses études à partir des examens effectués à l’échelle provinciale, évitant ainsi tout double emploi […]. Il existe une procédure d’évaluation environnementale dans toutes les provinces; des ententes d’harmonisation et des dispositions applicables à certains projets permettent également d’éviter tout double emploi [traduction]. »

Des témoins ont également soulevé de graves questions concernant le risque de multiplication des litiges, rappelant qu’une procédure d’évaluation environnementale faible accroît le risque de contestations juridiques coûteuses pour les promoteurs de projets au fil du temps. Le chef Shawn A‑in‑chut Atleo, de l’Assemblée des Premières nations, a souligné le problème dans ces termes : « Dans sa libellé actuel, la partie 3 du projet de loi C‑38 constitue sans équivoque une dérogation aux droits reconnus et confirmés des Premières nations. Si elle est adoptée, elle coûtera temps, argent et énergie à toutes les parties intéressées et aux pouvoirs publics, car les Premières nations profiteront de toutes les occasions possibles de contester ces dispositions [traduction]. » Jamie Kneen, de MiningWatch Canada, a fait remarquer que l’affaiblissement de la réglementation des permis coûtera plus cher aux entreprises privées à long terme : « Les actions en justice et les interventions directes entraîneront également un climat d’incertitude et d’imprévisibilité tel que les gains d’efficacité anticipés en seront très probablement plus qu’annulés [traduction]. »

En plus de réduire les échéances de la procédure d’évaluation et de limiter le nombre de projets assujettis à une évaluation, les dispositions du projet de loi C‑38 écartent beaucoup de Canadiens de la participation aux audiences sur les grands projets d’exploitation des ressources. En effet, pour y participer, les Canadiens devront désormais faire partie des personnes « directement touchées » par un projet ou être réputés posséder « des renseignements pertinents ou une expertise appropriée », autant de termes susceptibles d’interprétations contradictoires et de permettre l’exclusion de beaucoup de gens. Les néodémocrates s’inquiètent tout particulièrement du fait que le Ministre n’a pas été en mesure de définir ce que signifie l’expression « personne directement touchée » dans le projet de loi. 

Le commissaire à l’environnement Scott Vaughn a résumé ainsi l’effet de ces modifications : « Ce qui est clair, c’est qu’il y aura beaucoup moins d’évaluations environnementales. Leur nombre passera probablement de 4 000 à 6 000 par an (chiffre actuel) à 20 à 30 par an sous le régime fédéral [traduction]. »

En plus de diminuer radicalement la participation du gouvernement fédéral aux évaluations environnementales, le budget conservateur prévoit des changements graves et importants à la Loi sur les pêches. À l’heure actuelle, cette loi est la pierre angulaire de la gestion des pêches au Canada et elle fait partie des meilleurs systèmes au monde en matière de protection des ressources halieutiques et de leur habitat pour les générations à venir. Peter Meisenheimer, directeur général de l’Ontario Commercial Fisheries Association, a rappelé le rôle crucial de la protection de l’habitat du poisson à l’article 35 de la Loi actuellement en vigueur : « C’est l’un des piliers de la gestion des pêches dans ce pays [traduction]. » 

De nombreux témoins ont dit craindre que les modifications proposées dans le projet de loi C‑38 ne démantèlent ce système de protection crucial des ressources halieutiques en en limitant l’application à des circonstances très étroites. Cet élément supplémentaire du pouvoir discrétionnaire du Cabinet, qui décidera des projets qui doivent être assujettis à des évaluations et pourra passer outre aux décisions des organismes de réglementation, suscite une vive inquiétude. Selon l’éminent scientifique David Schindler, les règles applicables à cet égard doivent être « expressément formulées dans le texte législatif […] et ne pas être laissées aux caprices d’un ministre sans connaissances scientifiques, un point c’est tout [traduction] ». M. Siddon a déploré le fait que les modifications proposées dans le projet de loi C‑38 balaieront 144 années d’histoire et transformeront en « gruyère » la Loi sur les pêches fédérale, dont la série d’exceptions et d’exemptions laisssera la porte ouverte à des contestations juridiques à n’en plus finir. 

Le chef national Atleo s’est montré très critique à l’égard de l’attitude du gouvernement conservateur qui a très peu consulté et considère que cela enfreint une obligation fédérale fondamentale à l’égard des Premières nations. Il a donné un avertissement : « Les Premières nations s’opposeront vigoureusement à toute tentative de la Couronne de  réduire ses obligations et responsabilités légales ou s’y dérober [traduction]. »

Les néodémocrates regrettent que la procédure imposée par les conservateurs au comité n’ait pas permis que ces aspects et beaucoup d’autres soient étudiés en profondeur. Terry Reese, directeur général de l’Ontario Federation of Cottagers’ Associations, a résumé les inquiétudes de beaucoup de témoins lorsqu’il a déclaré que ce projet de loi « affaiblit la réglementation en vigueur et constitue donc une mauvaise nouvelle pour les Canadiens [traduction] ».

Un très grand nombre de témoins ont massivement recommandé que ces modifications radicales fassent l’objet d’un examen plus approfondi.

  • Le chef national Atleo, de l’Assemblée des Premières nations : « La partie 3 du projet de loi C‑38 doit être retirée pour qu’on ait le temps de travailler avec les Premières nations et de s’assurer que leurs droits et intérêts sont pris en considération et ne seront pas compromis par cette loi. À défaut, je recommande que les modifications législatives proposées dans la partie 3 soient séparées du texte principal du projet de loi pour qu’on puisse en faire une étude suffisante et que des modifications soient adoptées de concert avec les Premières nations [traduction]. »
  • Will Amos, d’EcoJustice : « Nous estimons qu’il s’agit là de l’ensemble de réformes le plus large et le plus rétrograde qu’on ait jamais proposé au Parlement en matière d’environnement. Que je sache, aucune loi n’a jamais aussi largement et profondément transformé le système fédéral de gestion de l’environnement. Notre principal message est donc ici que les Canadiens ne sont pas prêts à cela. Le Parlement n’est pas prêt à cela. L’examen des changements proposés a été insuffisant, et nous invitons instamment le Comité à transmettre au Comité des finances la recommandation que la partie 3 du projet de loi C‑38 soit séparée du reste du texte législatif et proposée de nouveau, si le gouvernement le juge utile, sous forme de projet de loi distinct [traduction]. »
  • Thomas Siddon, ex‑ministre des Pêches fédéral : « Je crois qu’il est extrêmement important de séparer le projet de loi. C’était le message adressé par quatre ministres au premier ministre. [. . .] Ce n’est pas ainsi qu’il faut s’y prendre. Ce comité n’est pas apte à régler ces questions, et les députés responsables de chaque parti au Parlement devraient examiner les articles 52 à 169 et proposer un projet de loi distinct pour moderniser la réglementation environnementale, quel que soit le titre que vous voudrez lui donner [traduction]. »
  • Christian Simard, de Nature Québec : « Avec ce qui nous est présenté, combien de lacs ou de rivières naturels seront utilisés pour le passage de routes sans évaluation, sans examen, sans protection, éventuellement pour d'autres parcs à résidus miniers? Si on a des tourbières dans le nord du Québec et du Canada, il y a des wetlands qui ne sont pas nécessairement propices à la pêche, en anglais « fishable », mais qui sont essentielles pour les écosystèmes. Il est donc absolument important de ne pas créer ce genre de régime discrétionnaire d'exception. C'est pourquoi Nature Québec se prononce pour un changement majeur et un retrait de ces dispositions de la loi sur l'application du budget. »
  • Jamie Kneen, de MiningWatch Canada : « Je suis ici pour vous inviter instamment à prendre des mesures garantissant que les dispositions environnementales du projet de loi C‑38 fassent l’objet de consultations suffisantes et du débat qui convient. La partie 3 du projet de loi, qui est l’objet de nos préoccupations ici, est gravement lacunaire, et nous estimons qu’il serait irresponsable de l’adopter sans la modifier en profondeur. Sauf tout le respect que nous devons au Comité en raison de son expérience et de son savoir, nous pensons qu’il n’y a tout simplement pas moyen de faire quelque chose avec la partie 3 du projet de loi C‑38 : ses dispositions doivent impérativement être séparées et débattues à titre distinct, et, au besoin, supprimées et proposées de nouveau dans le cadre d’un nouveau projet de loi [traduction]. »
  • Terry Rees, de la Federation of Ontario Cottagers' Associations : « Je suis déçu, franchement, de ne pas pouvoir adresser ces commentaires et préoccupations au Comité des pêches. Je suis déçu que ces questions importantes soient abordées dans le cadre d’un projet général d’exécution du budget sans précédent et d’une complexité irréaliste. Le moment et la méthode court‑circuitent le processus démocratique et ne permettent certainement pas le genre d’examen détaillé et l’ampleur d’analyse qui conviennent à une politique gouvernementale fondamentale [traduction]. »
  • Tony Maas, de WWF Canada : « Nous invitons instamment les membres du comité à user de leur influence pour séparer du projet de loi C‑38 les dispositions modifiant la Loi sur les pêches, afin qu’on puisse les analyser en profondeur, consulter les parties intéressées et faire participer des scientifiques et, ainsi, trouver ensemble des solutions pour protéger et rétablir la santé de nos remarquables ressources halieutiques, ainsi que leurs habitats et les écosystèmes qui favorisent leur survie [traduction]. »

En conséquence, les néodémocrates présentent une seule et même recommandation au Comité permanent des finances : que le projet de loi C‑38 soit divisé en deux ou plusieurs textes législatifs et que la partie 3 soit confiée au comité qui convient (ou aux comités, selon le cas) pour un examen approfondi.