Passer au contenu

FINA Rapport du Comité

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

PDF

OPINION DISSIDENTE DU PARTI LIBÉRAL DU
CANADA

Opinion dissidente du Parti libéral du Canada
Partie 3 du projet de loi C‑38

Kirsty Duncan, députée

Introduction

Nous tenons tout d’abord à remercier tous les témoins qui se sont exprimés dans le cadre de l’examen par le Sous‑comité de la partie 3 d’un projet de loi omnibus d’exécution du budget qui compte plus de 400 pages et qui, étonnamment, en consacre 150 à la destruction de 50 années de surveillance environnementale. Nous remercions les témoins de leur bonne foi et de leur bonne volonté.

Malheureusement, le rapport du Sous-comité ne rend pas compte de tous les points de vue, puisque sont surtout les voix en accord avec le point de vue idéologique étroit du gouvernement qui y sont relatées, de même que des extraits choisis de longs témoignages pouvant être interprétés comme favorables au programme du gouvernement : détruire les mécanismes de protection environnementale dans le but d’accélérer le développement plutôt que de promouvoir le développement durable qui répond aux besoins d’aujourd’hui sans compromettre ceux des générations à venir.

Il est extrêmement regrettable que le rapport du Sous‑comité n’établisse pas l’équilibre nécessaire entre économie et développement et se concentre plutôt essentiellement sur le développement. Notre rapport portera donc sur l’environnement pour redonner vigueur à une perspective largement absente du rapport du Sous‑comité.

Le gouvernement soutient avoir atteint un juste équilibre entre la protection de l’environnement et la promotion de la croissance économique, mais les mesures concrètes qu’il prend disent tout le contraire. Il devrait a) reconnaître qu’il n’a pas à choisir entre la sauvegarde de notre économie et la sauvegarde de notre environnement, mais à décider s’il veut agir comme producteur et consommateur, selon l’ancien système économique, ou comme chef de file de la nouvelle économie, b) entamer des discussions avec les provinces, les territoires, les municipalités, les organisations syndicales, les secteurs d’activité, les Premières nations et d’autres parties pour élaborer une stratégie sur l’économie verte pour le Canada, échelonnée en fonction d’objectifs fixés pour 2015, 2020, 2025 et 2030, et c) veiller à ce que, à sa stratégie de développement, s’arriment des programmes de perfectionnement des compétences, des programmes de formation, des cours de certification et des politiques transitoires pour les travailleurs et les collectivités.

Dans une réelle démocratie, ce projet de loi « fourre‑tout » aurait été largement débattu, le Sous‑comité aurait invité les trois ministres compétents (ceux qui ont pris la décision de convoquer les ministres pour une heure n’ont pas reçu de directives du Sous‑comité à cet égard), et les articles du projet de loi traitant de l’environnement auraient été séparés du reste et confiés au Comité de l’environnement, qui les aurait examinés un à un, au lieu d’être enfouis dans le projet de loi et confiés au Sous‑comité des finances.

Si le ministre de l’Environnement, qui a pour mandat de promouvoir la protection de l’environnement et la conservation du patrimoine naturel de notre pays, croit vraiment que le projet de loi C‑38 est bon pour l’environnement, il devrait avoir le courage de mettre fin à cet affront pour notre démocratie et veiller à ce que les changements proposés fassent l’objet d’un examen public attentif.

Recommandation 1 : Que les dispositions du projet de loi C‑38 relatives à l’environnement soient supprimées, proposées dans un projet de loi distinct et confiées à un comité législatif chargé de les étudier une par une.

Le chef national Shawn Atleo a rappelé que, en novembre 2010, le Canada avait entériné la déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, qui traduit la norme du droit international coutumier de consentement libre, préalable et éclairé. Le principe du consentement libre, préalable et éclairé, a‑t‑il fait remarquer, n’est mentionné nulle part dans le projet de loi C‑38.

Le chef national a déclaré ceci : « Jusqu’ici, les Premières nations n’ont pas été invitées à participer et n’ont pas été consultées dans le cadre de l’élaboration des modifications apportées au système de protection de l’environnement et d’exploitation des ressources, qui sont proposées dans le projet de loi C‑38 […] Dans sa forme actuelle, le projet de loi déroge sans équivoque une aux droits reconnus et confirmés des Premières nations. S’il est adopté, il fera perdre du temps, de l’argent et de l’énergie à toutes les parties et aux gouvernements, car les Premières nations profiteront de toutes les occasions possibles d’en contester les dispositions. » [traduction]

L’Union of BC Indian Chiefs a écrit ceci dans une lettre ouverte intitulée Unacceptable Request for Comments on Proposed Regulations to Implement CEAA 2012 : « Le point de vue unilatéral et draconien du gouvernement fédéral à l’égard de la modification du processus d’évaluation environnementale suscite de vives réactions parmi les Premières nations et les organismes voués à la défense de l’environnement, et dans la population canadienne en général. » [traduction]

Recommandation 2 : Que le gouvernement entame une refonte des lois environnementales dans le respect des droits ancestraux, titres et droits issus de traités des Autochtones dûment reconnus par la Constitution, en faisant participer tous les intéressés au pays.

Au terme d’à peine 16 heures d’examen de ce que le commissaire à l’environnement considère comme l’un des changements stratégiques les plus importants des 30 à 40 dernières années, le Sous-comité n’a pas obtenu de réponse à bien des questions, par exemple : Quelle proportion des évaluations actuelles ne fera plus l’objet de surveillance fédérale étant donné l’abrogation de la Loi canadienne d’évaluation environnementale (LCEE)? De quel ordre seront les coûts que devront assumer les provinces et les territoires en raison de cette modification? Quel examen a‑t‑on fait du processus d’évaluation environnementale appliqué dans chaque province et territoire? Comment fera‑t‑on, dans le cadre d’un projet fédéral, pour déterminer si le processus d’évaluation environnementale de la province est équivalent au processus fédéral?

Recommandation 3 : Que le gouvernement présente à la Chambre des communes les types de projets qui seront inclus ou exclus en vertu des changements apportés à la LCEE, notamment la proportion et les types d’évaluations qui ne feront plus l’objet d’une surveillance fédérale.

Recommandation 4 : Que le gouvernement dépose à la Chambre des communes une évaluation des processus d’évaluation de chaque province et territoire et précise comment il décidera si tel processus est équivalent ou non au processus fédéral et comment l’évaluation des effets cumulatifs sera effectuée.

Recommandation 5 : Que le gouvernement dépose à la Chambre des communes les projections des coûts associés aux modifications apportées à la LCEE pour chaque province et territoire.

Le Sous‑comité a notamment entendu l’honorable Thomas Siddon, qui aurait déjà déclaré : « Ils sont en train de noyer et d’émasculer la Loi sur les pêches […] Ils sont vraiment en train d’évider la Loi, et par des moyens détournés si vous lisez attentivement […] ils sont en train d’en faire du gruyère […] Ce qui fait vraiment peur, c’est que le seul ministre du Canada qui a l’obligation constitutionnelle de protéger les ressources halieutiques et, par conséquent, leur habitat, est le ministre des Pêches, et il se trouve que les modifications dispersent et évacuent sa responsabilité fiduciaire au point que […] il peut déléguer sa responsabilité à des intérêts privés et des particuliers. » [traduction]

Au Sous‑comité, l’honorable Thomas Siddon a dit ce qui suit : « Je vous invite à lire l’article 147, appelé ‘ comment s’en tirer à bon compte ’ […] ou l’article 150, appelé ‘ Le ministre se défile’. Je pense qu’une des plus graves lacunes de ce projet de loi est le fait que le ministre puisse se décharger de ses responsabilités sur les gouvernements provinciaux en vertu d’une disposition antérieure, mais même sur le secteur privé, voire lui confier le soin de faire appliquer la loi […] Je serais heureux que M. Ashfield, comme l’ont fait tous les ex‑ministres des Pêches dont je me souviens, prenne la parole et dise : ‘ Je comprends ce que suppose ma tâche. Mon rôle est de protéger nos ressources halieutiques, point final. C’est la raison pour laquelle le premier ministre m’a nommé, un point c’est tout ’ […] L’essentiel – et je m’en tiendrai là, Monsieur le président, c’est qu’il faut prendre son temps et faire les choses comme il faut. Entasser tout cela dans un projet de loi d’exécution du budget comportant toutes sortes d’autres aspects n’est tout simplement pas digne d’un gouvernement conservateur. » [traduction]

Recommandation 6 : Que le gouvernement protège le poisson et son habitat et ne compromette pas 144 années d’histoire, et que le Ministère élabore de nouvelles règles et politiques en matière de pêche de concert avec toutes les parties intéressées.

Recommandation 7 : Que le gouvernement définisse les ressources halieutiques qui relèvent de la pêche autochtone, commerciale et récréative, et précise les critères applicables.

Recommandation 8 : Que le gouvernement dépose à la Chambre des communes un document sur les projections des coûts associés, pour chaque province et territoire, à la décharge des responsabilités du ministère des Pêches et des Océans.

Recommandation 9 : Que le gouvernement dépose à la Chambre des communes un document sur les projections des coûts associés, pour les pêcheurs canadiens, à la capacité du ministre des Pêches et des Océans de les priver de quotas de poisson, de matériel de pêche ou d’équipement pour financer des activités scientifiques et de gestion des pêches, et qu’il fournisse une analyse complète des raisons pour lesquelles ces mesures seraient prises, en précisant quand elles seraient prises.  

Il est malheureusement impossible de relever tous les problèmes que soulève le rapport du Sous‑comité dans une opinion dissidente.

Pour résumer, donc, nous recommandons les mesures fondamentales suivantes :

Recommandation 10 : Que le gouvernement dépose toutes les analyses utiles qui permettraient de justifier ou d’étayer chacune des mesures proposées.

Recommandation 11 : Que le gouvernement dépose un document sur toutes les consultations effectuées.

Recommandation 12 : Que le gouvernement prenne le temps de consulter les parties intéressées, de procéder à l’examen nécessaire du projet de loi article par article et, finalement, de faire les choses « comme il faut ».

M. Stephen Hazell, avocat principal chez Ecovision Law, a déclaré ceci : « Avec moins de hâte, on irait plus vite et mieux. Je recommande au Sous‑comité de retirer la LCEE 2012 proposée du projet de loi C‑38 et propose au Comité des finances de la confier au Comité de l’environnement et du développement durable pour examen. Je crois par ailleurs que cet examen devrait se faire en collaboration avec un groupe composé de protagonistes multiples. J’aurais suggéré une table ronde nationale sur l’économie de l’environnement, mais ce n’est manifestement pas possible. » [traduction]

Malheureusement, les « bleus » de la réunion du jeudi 31 mai ne sont pas encore disponibles, car j’aurais vraiment aimé citer directement Rachel Forbes, avocate‑conseil à l’interne chez West Coast Environmental Law. Je vais donc paraphraser son témoignage d’hier. Les quatre piliers sur lesquels s’appuie le plan du gouvernement sont les suivants : des examens plus prévisibles et opportuns, moins de doubles examens des projets, solide protection de l’environnement et meilleure qualité de concertation avec les Autochtones. Selon Mme Forbes, les modifications et la nouvelle loi proposées dans la partie 3 du projet de loi C‑38, du moins tel qu’il est rédigé, ne sont pas propres à concrétiser ces objectifs et, en fait, ils risquent de les entraver.

Les gouvernements du monde entier s’efforcent de prendre le tournant de l’économie verte, pour stimuler la croissance, créer de nouveaux emplois, éliminer la pauvreté et limiter l’empreinte écologique de l’humanité. L’une des réformes dont le Canada a besoin est un recentrage sur l’économie verte. Il est donc très malheureux que ce projet de loi oppose économie et environnement et suscite un débat si polarisé : les Canadiens méritent une vraie discussion.

Conclusion

Le fond de la question est que notre patrimoine naturel, de renommée internationale, est menacé et qu’il l’est encore plus en raison des mesures prises par un gouvernement qui détruit 50 années d’efforts de protection, par le projet de loi C‑38 et le Plan d’action économique de 2012, c’est‑à‑dire en affaiblissant la loi environnementale, en mettant fin à la table ronde nationale sur l’environnement et l’économie, en muselant les organisations non gouvernementales vouées à la protection de l’environnement et en continuant de faire taire les scientifiques du gouvernement – et tout cela aura des conséquences sur l’économie d’aujourd’hui et de demain.

Enfin, il est absolument lamentable que le gouvernement, qui a hérité d’une tradition d’équilibre budgétaire, sacrifie l’environnement et la santé et la sécurité des Canada sur l’autel d’intérêts financiers privés à court terme et dissimule ainsi sa propre incurie.