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HESA Rapport du Comité

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CHAPITRE 6 : GESTION DES COÛTS INHÉRENTS À L’ADOPTION DES INNOVATIONS TECHNOLOGIQUES EN MATIÈRE DE SOINS DE SANTÉ

L’étude du Comité montre que les innovations technologiques ont amélioré de bien des manières la prestation de soins de santé en aidant à mieux comprendre les maladies et en offrant de nouvelles méthodes de diagnostic et de traitement. Par ailleurs, les innovations technologiques liées à la cybersanté et à la télésanté élargissent l’accès aux soins pour de nombreux Canadiens tout en réduisant les coûts. Pour les témoins, les investissements dans les innovations technologiques contribuent de manière générale à améliorer les soins, mais le Comité a également été informé des coûts liés à l’adoption de ces innovations. Le présent chapitre porte donc sur les coûts inhérents à l’adoption des innovations technologiques en matière de soins de santé et présente des façons de limiter ces coûts, tels que proposés par les témoins.

A. Aperçu des coûts associés à l’adoption des innovations technologiques en matière de soins de santé[179]

Des témoins ont donné au Comité un aperçu des coûts directs inhérents à l’adoption de différentes technologies en matière de santé par leur organisme de soins de santé respectif. Par exemple, Andrew Williams, président et chef de la direction de la Huron Perth Healthcare Alliance, a indiqué que des appareils d’IRM, une technologie courante, ont coûté 3,4 millions de dollars et occasionnent des coûts d’exploitation annuels de 800 000 $. Il a expliqué que l’enveloppe annuelle pour les TI est de 2,8 millions de dollars, ce qui représente 2,2 % du budget total de l’organisme. Il a indiqué que les autres hôpitaux de la région allouent de 1,8 à 5,8 % de leur budget total aux TI. Il a également précisé que, pour adopter pleinement un système de dossiers de santé électroniques, son groupe rural d’hôpitaux devait investir 2 millions de dollars et prévoir trois années de planification.

D’autres témoins ont souligné qu’il y a aussi des coûts indirects liés à l’adoption de technologies. Branden Shepitka, chef du projet des dossiers médicaux électroniques de la salle des urgences d’Horizon Santé-Nord, a expliqué que son organisme avait dû assumer des coûts importants d’infrastructure pour la mise en œuvre de projets de TI. Par exemple, la salle des urgences n’avait pas de connexion Ethernet, ni de prises de courant pour des postes de travail informatiques. On est donc en train d’en installer à des coûts plus élevés que pendant la construction initiale, puisque les travaux doivent avoir lieu la nuit pour ne pas nuire aux soins des patients. Il a expliqué qu’un investissement additionnel de 2 ou 3 millions de dollars serait nécessaire pour installer un réseau sans fil permettant l’utilisation d’appareils portatifs par le personnel médical. Carolyn McGregor, titulaire de la chaire de recherche du Canada en informatique de la santé à l’Institut universitaire de technologie de l’Ontario, a également expliqué que les budgets de TI doivent comprendre des fonds pour appuyer les cliniciens et les informaticiens et leur permettre d’intégrer de nouvelles technologies dans leurs pratiques professionnelles.

Le Comité a également appris de Steven Morgan, professeur agrégé du Centre de services en santé et de recherches en politiques de l’Université de la Colombie-Britannique, que les produits pharmaceutiques coûtent plus cher que l’ensemble des soins offerts par les médecins et figurent parmi les coûts les plus importants pesant sur les régimes de santé[180]. Selon les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), les dépenses en médicaments représentaient 15,9 % des coûts totaux des soins de santé en 2012, soit 33 milliards de dollars au total ou 947 $ par personne[181]. M. Morgan a également expliqué que, selon les données des IRSC, les dépenses en médicaments étaient de loin l’élément de coût ayant connu la croissance la plus rapide et augmenté par un facteur de 11 de 1980 à 2005[182]. Pour terminer, il a indiqué qu’en 2010, les dépenses par personne en produits pharmaceutiques au Canada avaient dépassé de 280 $ la médiane pour sept pays utilisée par le Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés[183].

B. Comment gérer les coûts liés à l’adoption des technologies en matière de santé

1. Déterminer les solutions les plus rentables

Des témoins ont insisté sur l’importance des ETS pour fournir aux responsables l’information dont ils ont besoin pour décider quelles technologies choisir en fonction de leur rentabilité. Des témoins ont vanté les travaux de l’ACMTS, en particulier du Programme commun d’évaluation des médicaments. Cet organisme examine l’efficacité clinique et la rentabilité des produits pharmaceutiques et formule des recommandations quant à savoir si ces produits devraient être couverts par les régimes d’assurance-médicaments publics ou non[184].

Selon un témoin, il serait utile de mettre en place un régime strict de réglementation des appareils médicaux pour en déterminer la rentabilité et éliminer les coûts inutiles liés à leur utilisation[185]. Le Dr Pascal-A Vendittoli, de l’Université de Montréal, chercheur spécialisé dans l’évaluation clinique des nouvelles technologies de prothèses de hanche, a exposé qu’il avait découvert, dans le cadre de ses travaux, que certaines nouvelles prothèses approuvées par Santé Canada étaient beaucoup plus coûteuses que les prothèses traditionnelles, mais qu’elles connaissaient un taux d’échec beaucoup plus élevé, occasionnant des problèmes aux patients et des coûts plus lourds pour les systèmes de santé. Selon lui, Santé Canada pourrait régler le problème en imposant une réglementation plus stricte, qui limiterait le marché aux prothèses les plus efficaces. Toujours selon lui, le processus d’approbation des appareils médicaux devrait ressembler au processus d’approbation des produits pharmaceutiques. Les exigences devraient être semblables et prévoir, par exemple, des évaluations précliniques, des tests et études supplémentaires, des tests de haute précision auprès de petits groupes de patients et des essais cliniques randomisés. Il a également proposé que Santé Canada crée un registre national pour approuver la surveillance de ces dispositifs après leur mise en marché.

Il a expliqué que cette approche pour la mise en marché de nouvelles technologies, appelée « Stepwise Introduction of Innovation into Orthopedic Surgery », avait été élaborée et mise en œuvre en Suède et avait permis de réduire le taux de révision ou de réopération chez les patients ayant une prothèse de la hanche et du genou, par rapport à d’autres pays où cette stratégie n’a pas été adoptée :

Dans cette première diapositive, si vous comparez le fardeau de la révision ou le taux de réopération de patients aux États-Unis par rapport à la Suède, vous pouvez voir qu'en Suède, l'introduction de nouvelles technologies a été très efficace. Je dirais qu'en Europe, il y a un changement général orienté vers l'évolution de nouvelles technologies, notamment la technologie de précision[186].

Le Comité constate que le témoignage de ce témoin va à l’encontre de témoignages antérieurs, qui mettaient l’accent sur les difficultés qu’ont les petites entreprises à s’y retrouver dans les règlements actuels de Santé Canada sur les instruments médicaux, de même que sur les coûts associés à ces règlements.

Pour terminer, Doug Coyle, professeur à l’Université d’Ottawa, a également expliqué que pour déterminer le rapport coût-efficacité des technologies de la santé, il faut tenir compte des autres services de soins de santé qui pourraient s’avérer plus rentables et plus efficaces sur le plan clinique que ce que propose l’industrie, comme la physiothérapie, les soins chiropratiques, les programmes d’exercices, les visites à domicile par les infirmières de la santé publique, les services de répit et les services de santé mentale[187].

2. Gérer les coûts des produits pharmaceutiques

Des témoins ont mentionné des moyens précis de gérer les coûts des produits pharmaceutiques. Le Comité a appris qu’il est possible de réaliser des économies en adoptant des stratégies nationales d’achats de médicaments en grandes quantités. Par exemple, la Coalition canadienne de la santé a informé le Comité qu’en effectuant un achat massif de produits de plasma sanguin, la Société canadienne du sang avait économisé 160 millions de dollars sur trois ans[188]. M. Steven Morgan a expliqué qu’il faudrait mettre en place une stratégie nationale d’achat massif de produits pharmaceutiques pour négocier de meilleurs prix pour les nouveaux médicaments spécialisés qui risquent de coûter des centaines de milliers de dollars par patient[189]. Selon Marc-André Gagnon, de l’Université Carleton, on pourrait adopter différentes politiques d’établissement des prix des médicaments, par exemple le modèle des prix de référence, qui fixe un prix de base pour certaines catégories de médicaments en fonction de leur valeur thérapeutique, ou encore le modèle de prix fondé sur la valeur, qui met l’accent sur l’atteinte de résultats précis chez les patients[190]. Enfin, certains témoins ont laissé entendre qu’on pourrait réduire les coûts des médicaments en étudiant les pratiques de prescription des médecins[191]. Deux témoins ont toutefois affirmé que plusieurs de ces stratégies seront inefficaces, à moins que le gouvernement fédéral joue un rôle de premier plan dans la gestion des produits pharmaceutiques, notamment en mettant en place un cadre national de gestion de ces produits ou un régime universel d’assurance-médicaments applicable à l’ensemble du pays[192].

3. Utilisation de la modélisation du cheminement du patient pour mettre en œuvre les innovations technologiques[193]

Carolyn McGregor a expliqué que les organismes de soins de santé pourraient se servir de la modélisation du cheminement du patient pour mettre en place de manière efficace des systèmes informatiques de données sur la santé et d’autres technologies. Elle a expliqué que la modélisation consiste à utiliser des processus opérationnels pour créer des diagrammes qui montrent le cheminement d’un patient dans le système de soins de santé : quels travailleurs de la santé il voit, quelles étapes et procédures sont utilisées, quelles technologies sont requises ou utilisées pour appuyer les soins. La modélisation permet aux organismes de soins de santé d’étudier la façon d’intégrer les nouvelles technologies à celles en place ainsi que de trouver des moyens d’accroître l’efficacité et de simplifier les processus dans le but d’améliorer les résultats pour les patients. Le Comité a appris que ce genre de modélisation a facilité d’adoption de DME dans deux centres de soins de santé mentale en Ontario, soit Ontario Shores à Whitby et Providence Care à Kingston.

C. Observations et recommandations du Comité

Les témoins considèrent les coûts liés aux innovations technologiques dans le domaine des soins de santé comme des investissements qui contribuent à améliorer la prestation de soins, mais ils estiment qu’il est important de déterminer la rentabilité des différentes technologies pour garantir une utilisation optimale des fonds publics. Les ETS sont jugées très utiles à cet égard, surtout en ce qui concerne les produits pharmaceutiques. Par ailleurs, le Comité a entendu d’un témoin qu’il faudrait que Santé Canada évalue et réglemente mieux les appareils médicaux, en particulier les prothèses de la hanche, ce qui permettrait de réduire les coûts de ces appareils. En conséquence, le Comité recommande :

19. Que Santé Canada examine les exigences en matière de réglementation des appareils médicaux afin de s’assurer de recevoir suffisamment de données sur les résultats en santé à court et à long terme des patients.


[179]         Sauf indication contraire, cette section se fonde sur les témoignages suivants : Comité permanent de la santé de la Chambre des communes, Témoignages, 1re session, 41e législature, 16 avril 2013, réunion n 80.

[180]         Comité permanent de la santé de la Chambre des communes, Témoignages, 1re session, 41e législature, 19 mars 2013, réunion n79 (Steve Morgan, professeur agrégé, Université de la Colombie-Britannique).

[181]         Institut canadien d’information sur la santé (ICIS), La croissance des dépenses en médicaments continue de ralentir, 11 avril 2013.

[182]         Ibid.

[183]         Ibid.

[184]         Comité permanent de la santé de la Chambre des communes, Témoignages, 1re session, 41e législature, 19 mars 2013, réunion n79 (Steve Morgan, professeur agrégé, Université de la Colombie-Britannique, et Marc-André Gagnon, professeur adjoint, École d’administration et de politiques publiques, Université Carleton, à titre personnel).

[185]         Comité permanent de la santé de la Chambre des communes, Témoignages, 1re session, 41e législature, 16 avril 2013, réunion n80 (Pascal-A Vendittoli, professeur de chirurgie, Université de Montréal, à titre personnel).

[186]         Ibid.

[187]         Ibid. (Doug Coyle, professeur, Université d’Ottawa, à titre personnel).

[188]         Comité permanent de la santé de la Chambre des communes, Témoignages, 1re session, 41législature, 1er novembre 2012, réunion n62 (Michael McBain, Coalition canadienne de la santé).

[189]         Comité permanent de la santé de la Chambre des communes, Témoignages, 1re session, 41e législature, 19 mars 2013, réunion n79 (Steve Morgan, professeur agrégé, Université de la Colombie-Britannique).

[190]         Ibid. (Marc-André Gagnon, professeur adjoint, École d’administration et de politiques publiques, Université Carleton, à titre personnel).

[191]         Ibid. (Marc-André Gagnon, professeur adjoint, École d’administration et de politiques publiques, Université Carleton, à titre personnel) et Comité permanent de la santé de la Chambre des communes, Témoignages, 1re session, 41e législature,1 novembre 2012, 062 (Michael McBain, Coalition canadienne de la santé).

[192]         Comité permanent de la santé de la Chambre des communes, Témoignages, 1re session, 41e législature, 19 mars 2013, réunion n79 (Steve Morgan, professeur agrégé, Université de la Colombie-Britannique) et Comité permanent de la santé de la Chambre des communes, Témoignages, 1re session, 41e législature, 1 novembre 2012, réunion n62 (Michael McBain, Coalition canadienne de la santé).

[193]         Comité permanent de la santé de la Chambre des communes, Témoignages, 1re session, 41e législature, 16 avril 2013, réunion n80 (Carolyn McGregor, professeure, Institut universitaire de technologie de l’Ontario).