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HESA Rapport du Comité

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CHAPITRE 4 : LE TRAITEMENT DE MALADIES RARES

Le présent chapitre présente le cadre de travail sur les médicaments orphelins proposé par Santé Canada, certaines innovations dans le traitement des maladies rares, ainsi que les forces et les défis de la recherche sur les maladies rares au Canada. Il se conclut par les observations et recommandations du Comité pour soutenir l’innovation dans les domaines de la recherche et du traitement des maladies rares.

A. Les maladies rares au Canada[142]

Une maladie rare est une affection qui touche moins de 1 personne sur 2 000 dans le monde[143], et moins de 12 personnes au Canada. Malgré leur faible prévalence, près 7 000 maladies rares ont été recensées; elles touchent donc de nombreux Canadiens. On estime que 1 Canadien sur 12 a reçu un diagnostic de maladie rare. Souvent, il s’agit d’affections chroniques graves dégénératives, qui peuvent même entraîner la mort. La plupart apparaissent tôt dans la vie et peuvent être diagnostiquées dans l’enfance. Environ 80 % des maladies rares sont d’origine génétique[144].

Pour les patients, les cliniciens et les chercheurs, les maladies rares présentent des difficultés distinctes par rapport aux maladies courantes. Ainsi, les patients n’ont habituellement pas accès aux ressources des organismes de charité, des associations et des groupes de soutien qui s’offrent aux personnes atteintes de maladies courantes. Ils peuvent vivre des années avec un diagnostic erroné et dans l’isolement social[145]. Les cliniciens, y compris les médecins de famille et les pédiatres, ne connaissent pas suffisamment les maladies rares pour être en mesure de les diagnostiquer[146]. Quant aux chercheurs, la population restreinte de malades rend les essais cliniques de traitements potentiels très difficiles.

Les médicaments utilisés pour traiter les maladies rares sont appelés « médicaments orphelins ». Actuellement, aucun processus d’homologation n’existe pour ces médicaments au Canada, et les médecins ont donc de la difficulté à les obtenir pour traiter leurs patients. Le 3 octobre 2012, Santé Canada a toutefois annoncé la création d’un cadre moderne pour les médicaments orphelins au Canada.

B. Cadre proposé pour les médicaments orphelins au Canada

En qualité de porte-parole du Bureau de la modernisation des lois et des règlements, Direction des politiques, de la planification et des affaires internationales, David Lee a expliqué au Comité en quoi consiste le futur cadre pour les médicaments orphelins de Santé Canada[147]. Il est conçu spécifiquement dans l’optique que les maladies rares touchent « une population vulnérable restreinte ». Grâce à ce cadre, Santé Canada disposera d’une plus grande latitude pour homologuer les médicaments orphelins, compte tenu des défis qui se posent devant la recherche sur les maladies rares.

Premièrement, le cadre permettra d’harmoniser la réglementation des médicaments au Canada avec les États-Unis et l’Europe et aidera les scientifiques à partager les ressources qui leur sont allouées pour la recherche sur les maladies rares et les traitements. L’atténuation des obstacles réglementaires devrait aussi faciliter la collaboration internationale et stimuler l’innovation. Deuxièmement, il devrait permettre d’assurer un suivi plus rigoureux des médicaments orphelins après leur mise en marché et de garantir leur innocuité et leur efficacité. Troisièmement, les patients pourront se faire entendre dans le processus décisionnel. Mais plus important encore, le cadre élargira l’accès aux traitements médicamenteux des maladies rares. M. Lee a expliqué que le Ministère entamera sous peu une consultation publique sur le cadre de travail et que la proposition finale tiendra compte de la rétroaction obtenue.

Tous les témoins pour discuter des maladies rares ont dit appuyer le cadre de travail proposé pour les maladies orphelines.

C. Innovations dans le traitement des maladies rares

Parallèlement à l’annonce du cadre de travail proposé pour les médicaments orphelins, Santé Canada a fait savoir que les IRSC financeraient la participation du Canada à Orphanet, un portail de référence international consacré aux maladies rares[148]. Micheil Innes, coordonnateur national d’Orphanet Canada, a dressé les grandes lignes de l’innovation qu’engendrera l’instauration d’Orphanet dans le milieu des maladies rares au Canada. Orphanet offre des renseignements complets sur les maladies rares; on dénombre plus de 20 000 consultations quotidiennes du site. Le portail canadien présente les renseignements en français et en anglais, en plus de donner accès à un inventaire des médicaments orphelins et des services offerts : cliniques, laboratoires, projets de recherche, registres et groupes de soutien des familles. Selon M. Innes, Orphanet est particulièrement utile pour les médecins de première ligne qui ne sont pas nécessairement au courant des maladies rares.

M. Innes a décrit plus abondamment comment les percées dans les technologies génétiques se traduiront par un meilleur accès et des diagnostics plus rapides pour les personnes atteintes de maladies rares[149]. Par exemple, il a expliqué qu’actuellement, il en coûte entre 1 000 $ et 3 000 $ pour effectuer un test pour l’un des quelque 22 000 gènes du génome humain. Les personnes atteintes de maladies rares doivent toutefois subir de nombreux tests génétiques pour déterminer de quel gène elles sont porteuses, et ainsi savoir de quelle maladie elles sont atteintes, ce qui peut coûter plus de 10 000 $. À l’heure actuelle, environ 2 500 gènes peuvent faire l’objet de tests génétiques et 150 de ces tests sont disponibles au Canada. Grâce à une nouvelle technologie, le séquençage de prochaine génération (décrit au chapitre 3), le séquençage de tout le code génétique d’une personne est maintenant possible, ce qui équivaut à effectuer des tests sur environ 22 000 gènes d’un seul coup, à un coût variant de 2 000 $-3 000 $ à des fins de recherche[150] à 5 000 $[151].

Jacquie Micallef, porte-parole des Organismes caritatifs neurologiques du Canada, a exposé une innovation grâce à laquelle les personnes non verbales sont capables de communiquer[152]. Elle a cité le cas du syndrome de Rett, qui est associé à certains handicaps physiques et intellectuels, dont l’incapacité de parler. Mme Micallef a décrit le dispositif de communication fondé sur la technologie de commande oculaire, grâce auquel une femme de 25 ans, à qui on attribuait une capacité intellectuelle équivalente à celle d’un bébé de six mois, est en mesure de communiquer ses préférences à sa mère. Pour cette femme et ceux qui présentent une pathologie semblable, cette technologie procure une plus grande autonomie et une meilleure qualité de vie. Elle a indiqué que cette technologie a été validée dans le cadre d’une étude réalisée auprès de 100 personnes et qu’elle est utilisée chez des enfants aussi jeunes que des bambins de trois ans.

Dans un mémoire présenté au Comité, Darren Bidulka, président de l’Association canadienne de Fabry, a exposé les innovations visant les personnes touchées par la maladie de Fabry[153]. Il s’agit d’un trouble rare qui touche environ 362 personnes au Canada. Sans traitement, cette maladie entraîne des défaillances rénales et cardiaques en début d’âge moyen, ainsi que des AVC et d’autres complications. M. Bidulka a expliqué que les dernières innovations dans le traitement de la maladie de Fabry ont mené à l’enzymothérapie de substitution, qui cible bon nombre des complications de la maladie. Toutefois, il a laissé entendre que d’autres innovations sont nécessaires, car le traitement, qui ne semble pas remédier au risque d’AVC, nécessite des injections par intraveineuse toutes les deux semaines.

D. Forces et défis de la recherche et du traitement des maladies rares au Canada

Le Comité s’est fait dire par Mme Durhane Wong-Reiger que le Canada est un chef de file en matière de recherche génétique et que, si l’on considère que 80 % des maladies rares sont d’origine génétique, il est bien placé pour faire avancer de façon importante la recherche dans ce domaine[154]. Toutefois, même si le Canada contribue largement à la connaissance des mécanismes à l’origine des maladies rares, notamment par l’intermédiaire des IRSC et de Génome Canada, il tire de l’arrière au chapitre de la mise au point de traitements et de tests de dépistage, en particulier chez les nouveaux- nés.

Le Comité a appris que le milieu des maladies rares a absolument besoin de la collaboration internationale, compte tenu du nombre restreint de patients, mais aussi parce que souvent, les quelques cliniciens spécialisés dans un trouble particulier se connaissent[155]. David Lee a laissé entendre que le cadre de travail sur les médicaments orphelins serait adapté aux développements réalisés ailleurs dans le monde, car les données sur l’innocuité viendraient de sources internationales et la réglementation serait uniformisée à l’échelle internationale. Mme Wong‑Reiger a souligné que la diversité ethnique et l’isolement géographique au Canada font qu’une maladie rare donnée peut être surreprésentée; le Canada est donc un lieu idéal pour les essais cliniques dans ce domaine.

Comme l’a expliqué Micheil Innes, d’Orphanet Canada, l’une des plus grandes difficultés pour les personnes atteintes d’une maladie rare réside dans l’obtention d’un diagnostic; plus de 50 % des personnes atteintes d’une maladie rare seraient mal diagnostiquées. Il a ajouté qu’outre les difficultés associées au diagnostic, il n’existe environ que 200 traitements pour les milliers de maladies rares recensées.

Mme Micallef, des Organismes caritatifs neurologiques du Canada, et M. Innes, d’Orphanet, ont tous deux exprimé des inquiétudes quant aux effets sociaux que peuvent entraîner les progrès dans le domaine des tests génétiques sur les personnes jugées prédisposées génétiquement à une affection rare donnée. En particulier, ils ont dit craindre qu’en raison de l’accessibilité de plus en plus grande aux tests génétiques, les personnes présentant certaines différences génétiques puissent faire l’objet de discrimination.

E. Observations et recommandations du Comité

Le Comité a appris que Santé Canada prend des mesures importantes pour mieux comprendre les maladies rares et élargir l’accès aux traitements chez les personnes qui en sont atteintes. Il s’est fait dire que des chercheurs canadiens agissent comme chefs de file dans certains domaines d’importance, mais qu’il faut stimuler l’innovation au chapitre du dépistage et du traitement. Compte tenu de l’importance que revêt le diagnostic chez les personnes atteintes d’une maladie rare, le Comité est d’avis qu’il faut promouvoir l’innovation dans ce domaine.

À la lumière de ces constatations, le Comité recommande :

14. Que Santé Canada, en plus de soutenir Orphanet, participe à des inventaires internationaux des maladies rares pour faciliter la collaboration internationale dans le traitement des maladies rares.

15. Que les Instituts de recherche en santé du Canada et l’Agence de la santé publique du Canada, en collaboration avec les Réseaux de centres d’excellence, envisagent de former des groupes de recherche sur les maladies rares au Canada et envisage de désigner certains de ces groupes comme des centres d’excellence.

16. Que Santé Canada évalue s’il est nécessaire d’établir un cadre pour les traitements non pharmaceutiques des maladies rares, comme les instruments médicaux, au cadre de travail sur les médicaments orphelins, ou s’il est nécessaire de créer un cadre parallèle pour ces types de traitement.


[142]         Sauf indication contraire, cette section se fonde sur les témoignages suivants : Comité permanent de la santé de la Chambre des communes, Témoignages, 1re session, 41e législature, 2 mai 2013, réunion n85 (David Lee, directeur, Bureau de la modernisation des lois et des règlements, Direction des politiques, de la planification et des affaires internationales, Direction générale des produits de santé et des aliments, Ministère de la santé).

[143]         Santé Canada, Un cadre pour les médicaments orphelins au Canada, communiqué de presse, 3 octobre 2012.

[144]         Comité permanent de la santé de la Chambre des communes, Témoignages, 1re session, 41e législature, 2 mai 2013, réunion n85 (Durhane Wong-Rieger, présidente-directrice générale, Organisation canadienne des maladies rares).

[145]         Darren J. Bidulka, mémoire présenté par l’Association canadienne de Fabry, 10 mai 2013.

[146]         Comité permanent de la santé de la Chambre des communes, Témoignages, 1re session, 41e législature, 2 mai 2013, réunion n85 (Durhane Wong-Rieger, présidente-directrice générale, Organisation canadienne des maladies rares) et Comité permanent de la santé de la Chambre des communes, Témoignages, 1re session, 41e législature, 7 mai 2013, réunion n86 (Jacquie Micallef, administratrice des relations entre membres, politiques et partenariats, Organismes caritatifs neurologiques du Canada).

[147]         Sauf indication contraire, cette section se fonde sur les témoignages suivants : Comité permanent de la santé de la Chambre des communes, Témoignages, 1re session, 41e législature, 2 mai 2013, réunion n85 (David Lee, directeur, Bureau de la modernisation des lois et des règlements, Direction des politiques, de la planification et des affaires internationales, Direction générale des produits de santé et des aliments, ministère de la Santé).

[149]         Comité permanent de la santé de la Chambre des communes Témoignages 1re session, 41e législature, 7 mai 2013, réunion n86, (Allan Micheil Innes, coordonnateur national, Orphanet Canada).

[150]         Ibid.

[151]         Comité permanent de la santé de la Chambre des communes Témoignages 1re session, 41e législature, 4 décembre 2012, réunion n68 (Marco Marra, directeur, Michael Smith Genome Sciences Centre, BC Cancer Agency).

[152]         Comité permanent de la santé de la Chambre des communes, Témoignages, 1re session, 41e législature, 7 mai 2013, réunion n85 (Jacquie Micallef, administratrice des relations entre membres, politiques et partenariats, Organismes caritatifs neurologiques du Canada).

[153]         Darren J. Bidulka, mémoire présenté par l’Association canadienne de Fabry, 10 mai 2013.

[154]         Comité permanent de la santé de la Chambre des communes, Témoignages, 1re session, 41e législature, 2 mai 2013, réunion n85 (Durhane Wong-Rieger, présidente-directrice générale, Organisation canadienne des maladies rares).

[155]         Ibid.