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LANG Rapport du Comité

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Rapport dissident du Parti libéral du Canada, dénonçant comme une fraude intellectuelle le rapport majoritaire intitulé : « La dualité linguistique lors des célébrations du cent cinquantenaire de la Confédération du Canada en 2017 »

Stéphane Dion

Porte-parole libéral pour les langues officielles

Mars 2013

Le rapport majoritaire est une fraude intellectuelle, un outrage à la démocratie parlementaire, une gifle à tous les organismes, individus, fonctionnaires qui ont participé de bonne foi à cette fausse consultation, à ce gaspillage effronté de l’argent des contribuables.

La vérité est que les quatre recommandations sur lesquelles se termine ce rapport n'ont rien à voir avec le contenu des consultations ni avec le texte du rapport lui-même.

Trois de ces recommandations sont risibles, de la poudre aux yeux:

1.  Que Patrimoine canadien s’assure que la dualité linguistique soit intégrée dans la planification des célébrations du 150e anniversaire de la Confédération du Canada en 2017.    

C’est de toute façon le mandat de Patrimoine canadien de veiller sur la dualité linguistique. Le ministre a-t-il vraiment besoin d’une consultation pour se le faire rappeler?

2.  Que Patrimoine canadien entreprenne des consultations avec les communautés de langue officielle en situation minoritaire pour assurer la participation appropriée pour la dualité linguistique lors des célébrations du 150e anniversaire de la Confédération du Canada en 2017.

Donc, le Comité a mené une consultation pour dire à Patrimoine canadien de mener… une consultation! 

4.  Que le ministre du Patrimoine canadien et des Langues officielles informe le Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes lorsqu'un plan officiel sera en place pour les célébrations du 150e anniversaire de la Confédération du Canada en 2017.     

Celle-ci, c’est la meilleure : si Patrimoine canadien met en place un plan officiel, le Comité en sera forcément averti, comme tout le monde, puisque le plan sera… officiel !

Par contre, l’autre recommandation, la recommandation 3, n’est pas drôle du tout. Elle est carrément dangereuse. Elle invite les ministères à piger allègrement dans le budget de la Feuille de route pour financer la dualité linguistique du 150e anniversaire :

3.  Que Patrimoine canadien encourage tous les ministères et les groupes impliqués dans le cadre de la prochaine version de la Feuille de route pour la dualité linguistique de recentrer et planifier leurs projets en vue de la préparation des célébrations du 150e anniversaire de la Confédération du Canada en 2017.

Cette recommandation est contraire à ce que les membres du Comité, y compris les Conservateurs, ont entendu tout au long des consultations : non seulement celles portant sur le 150e anniversaire, mais aussi celles qui portaient sur le renouvellement de la Feuille de route. Le rapport que le Comité a rédigé au sujet de la Feuille de route indique clairement les objectifs de cette dernière, insistant sur le fait qu'elle ne doit pas servir à financer d’autres objectifs. Beaucoup d’organismes et de communautés disent craindre que la Feuille de route devienne une simple enveloppe dans lequel le gouvernement puise l'argent dont il a besoin pour financer des programmes qu’il aurait, de toute façon, dû mettre en place. La recommandation 3 confirme que cette crainte est bien fondée. Il serait tout à fait faux de prétendre que cette recommandation découle de la consultation : elle la contredit.

Nous voilà donc avec trois recommandations qui sont de mauvaises blagues, et une autre qui va complètement à l'encontre de ce que le Comité a entendu. Pas moins de 28 organismes ont participé à ces consultations; ils se sont déplacés à Ottawa, ont préparé des mémoires et ont répondu aux questions des membres du Comité. Ce dernier y a consacré 11 séances de deux heures chacune, réparties sur 6 mois, de octobre 2012 à mars 2013. Tout ça en pure perte. On s’est moqué du monde… et des contribuables.

Le greffier du Comité, Mme Suzie Cadieux, et sa très sérieuse équipe avaient pourtant tiré de ces consultations un excellent document sur lequel le Comité aurait dû travailler. Ce document contenait une douzaine de recommandations qui reflétaient de manière admirable le contenu des consultations. Ces recommandations portaient notamment sur la préparation et la tenue des festivités du 150e dans les deux langues, la réelle inclusion des communautés de langue officielle dans la préparation et le déroulement des événements, l’inclusion de la dualité linguistique au cœur des thèmes de la célébration, le renforcement des programmes d’échange entre anglophones et francophones, et l’aide qu'il va falloir apporter, longtemps d'avance, aux artistes, aux organismes culturels, aux lieux d’accueil et de villégiature pour qu'ils puissent préparer le 150e dans les deux langues. Ces recommandations, ainsi que les raisonnements qui les appuyaient, auraient dû servir de base à partir de laquelle le Comité aurait pu élaborer un rapport utile et significatif.

Au lieu de cela, nous avons quatre fausses recommandations, quatre fumisteries, qui se trouvent rattachées au reste du rapport comme un chancre, une tumeur, un corps étranger. Cette chirurgie bizarre et contre nature nous a valu un rapport en deux parties complètement déconnectées : le contenu, sérieux, qui rapporte les consultations, et les quatre recommandations bancales, sorties de nulle part – ou plus probablement, du Bureau du Premier ministre.

L’ironie de toute cette triste histoire est que ce sont les membres conservateurs du Comité qui avaient fortement insisté, dès le printemps 2012, pour que le Comité entreprenne ces consultations sur la célébration du 150e anniversaire de la Confédération. Les membres de l’opposition se sont objectés à ce projet parce que le Comité des langues officielles avait bien d’autres enquêtes prioritaires et plus pressantes à faire,  parce que le Comité du Patrimoine canadien avait déjà conduit des consultations sur ce thème, et parce que le gouvernement n’avait pas encore dit ce qu'il voulait faire pour célébrer le 150e. Rien n’y fit : les députés conservateurs tenaient mordicus à ce que le Comité consacre des heures et des heures au thème du 150e. Aux dépens des autres enjeux relatifs à son mandat.

Tout ça pour aboutir au vide de quatre recommandations faiblardes et ridicules, inutiles sinon nuisibles, un bêtisier digne d’un mauvais canular. On a empêché le Comité de produire des recommandations valables. Une fois de plus, le gouvernement montre qu’il se moque bien du Comité des langues officielles et de tous ceux qui lui prêtent leur temps, leur énergie et leur savoir. Et une fois de plus, il bafoue la démocratie parlementaire.

Mais les vrais dindons de la farce, ce sont les pauvres membres conservateurs du Comité. Le chef de leur gouvernement les traite comme des pions, des automates. Comment peuvent-ils accepter d’être l’objet d’un tel mépris ?