propose que le projet de loi , soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
— Monsieur le Président, je vous remercie de me permettre de prendre la parole aujourd'hui en appui au projet de loi .
[Traduction]
Je suis heureuse d'avoir l'occasion de parler aujourd'hui en faveur du projet de loi , Loi sur les foyers familiaux situés dans les réserves et les droits ou intérêts matrimoniaux, qui représente une mesure législative très importante pour les femmes autochtones.
Aujourd'hui, j'aimerais mettre l'accent sur un élément clé du projet de loi, soit les ordonnances de protection d'urgence applicables aux situations de violence familiale qui touchent des femmes autochtones dans les réserves.
Les Canadiennes qui vivent à l'extérieur des réserves peuvent bénéficier depuis longtemps des ordonnances émises par les tribunaux pour les protéger contre la violence familiale. Les organismes d'application de la loi et les intervenants qui luttent contre la violence faite aux femmes et aux jeunes filles reconnaissent depuis longtemps que cette forme de protection est essentielle pour la sécurité des femmes.
En clair, l'accès aux ordonnances de protection d'urgence sauve des vies, et le fait d'étendre ces droits aux femmes autochtones qui vivent dans les réserves permettra d'en sauver encore plus.
Je tiens à attirer l'attention de la Chambre sur la plus récente version du rapport de Statistique Canada intitulé Femmes au Canada. Voici ce qu'on peut y lire au sujet des femmes autochtones victimes de violence conjugale:
Des études antérieures ont révélé que les femmes autochtones sont proportionnellement plus nombreuses à être victimes de violence conjugale que celles non autochtones [...]
En 2009 [...] environ 15 % des femmes autochtones qui avaient un conjoint de fait ou un partenaire en union libre ont dit avoir été victimes de violence conjugale au cours des cinq dernières années. Dans le cas des femmes non autochtones, cette proportion était de 6 % [...]
Puis, le rapport ajoute ce qui suit:
De nombreuses femmes autochtones qui sont victimes de violence conjugale subissent de graves sévices pouvant mettre leur vie en danger.
En fait, voici les précisions que l'on trouve dans le rapport de Statistique Canada:
En 2009, 58 % des femmes autochtones victimes de violence conjugale ont dit avoir subi des blessures, comparativement à 41 % des femmes non autochtones.
Il ajoute ceci:
Près de la moitié (48 %) des femmes autochtones qui avaient été victimes de violence conjugale ont indiqué avoir été agressées sexuellement, battues, étouffées ou menacées avec une arme à feu ou un couteau. Une proportion semblable [...] [un peu plus de 50 %] de femmes autochtones qui avaient été victimes de violence conjugale ont déclaré avoir craint parfois pour leur vie.
Nous avons tous entendu dire que les femmes autochtones étaient cinq fois plus susceptibles d'être assassinées que les femmes non autochtones. Voilà la dure et triste réalité quotidienne des femmes autochtones. Il faudrait donc, à tout le moins, qu'elles puissent bénéficier de la même protection que celle qui est offerte aux femmes vivant à l'extérieur des réserves.
Il n'est guère étonnant qu'un grand nombre de ces femmes doivent fuir leur maison et leur collectivité pour échapper à la violence. Plusieurs d'entre elles se retrouvent sans abri, seules et encore plus vulnérables qu'avant. Elles deviennent vulnérables à la traite des personnes et à d'autres mauvais traitements et actes de violence.
En vertu d'une ordonnance de protection d'urgence, l'agresseur peut être tenu de quitter le foyer familial, mais la femme peut y rester. Dans les réserves, cela signifie que les femmes autochtones peuvent continuer de prendre soin de leurs enfants, avoir accès au soutien de leur milieu et, chose plus importante encore, elles peuvent échapper à la violence.
Soyons francs. À l'heure actuelle, il n'existe aucune protection pour les femmes autochtones qui vivent dans les réserves. Cela signifie que, en cas de violence familiale et de sévices physiques, un tribunal ne peut ordonner à l'époux qui détient les intérêts du foyer situé dans une réserve, et il s'agit presque toujours de l'homme, de quitter temporairement le foyer. En outre, l'époux qui détient les intérêts du foyer situé dans une réserve, soit quasiment toujours l'homme, peut vendre ce foyer familial et conserver la somme dans son intégralité. De plus, l'époux qui détient les intérêts du foyer situé dans une réserve, soit quasiment toujours l'homme, peut interdire à l'autre d'entrer dans le foyer familial situé dans une réserve.
La mesure législative proposée octroierait des droits et protections fondamentaux en matière de division équitable du foyer familial pour les Autochtones qui vivent dans les réserves en cas de séparation ou du décès de l'un des époux. Elle prévoit aussi des mesures de protection pour les femmes en cas de violence familiale. Tous les autres Canadiens jouissent de tels droits et protections, qui leur sont octroyés par les lois provinciales et territoriales, mais, évidemment, celles-ci ne s'appliquent pas dans les réserves.
Il est inacceptable que les peuples des Premières Nations, et en particulier les femmes, n'aient pas accès aux mêmes protections uniquement en raison de l'endroit où ils vivent. Le projet de loi offrirait une protection à plus de 100 000 personnes qui vivent habituellement sans protection juridique des biens immobiliers matrimoniaux. C'est un changement très important, mais c'est aussi un très gros changement. Il est donc prévu que la mise en oeuvre de la loi comprendrait également l'éducation et la formation des principales autorités concernées, y compris les agents de police dans les réserves ainsi que les juges. Une campagne d'éducation et de sensibilisation du public est également prévue.
J'aimerais prendre un instant pour passer en revue l'historique des droits de propriété des femmes, car, jadis, la propriété d'une femme était contrôlée par le père de celle-ci ou, dans le cas d'une femme mariée, par le mari de celle-ci. La question a commencé à être débattue dans les années 1850, en Angleterre comme en France. En Europe, bien entendu, la loi favorisait l'homme, lequel fournissait à la femme une protection, mais non l'égalité.
À la même époque, aux États-Unis, les femmes ont commencé à parler publiquement des principaux défis concernant leurs droits civils. Au Canada au tournant du siècle, alors que le mariage relevait évidemment des compétences provinciales, la plupart des femmes qui se mariaient voyaient la propriété de leurs biens transférée à leur époux. Mais en 1911, les provinces ont commencé à examiner les droits de propriété qui revenaient à une femme après la dissolution du mariage. On a enfin reconnu aux femmes mariées du Manitoba, de l'Île-du-Prince-Édouard et de la Saskatchewan la même capacité juridique que les hommes à l'égard de leurs biens.
À titre de , je trouve inacceptable que, 100 ans plus tard, les femmes autochtones vivant dans les réserves ne jouissent toujours pas des mêmes droits. Il s'est écoulé plus de 25 ans depuis que la Cour suprême du Canada a rendu une décision historique relativement à deux affaires très pertinentes dans ce contexte: Derrickson c. Derrickson et Paul c. Paul.
Dans la décision historique Derrickson c. Derrickson, rendue en 1986, la Cour suprême du Canada a conclu que les tribunaux ne peuvent pas s’appuyer sur le droit provincial pour statuer sur le partage des biens immobiliers matrimoniaux dans les réserves. La Cour a ainsi signalé un vide juridique, puisque cela signifie que les femmes qui résident dans les réserves ne peuvent pas faire appel au système juridique canadien pour régler les questions relatives au partage des biens à la fin d'une relation conjugale.
Autrement dit, les femmes autochtones vivant dans les réserves n'ont pas droit de propriété ni de protection dans la réserve. On bafoue donc leurs droits les plus fondamentaux et, selon nous, cela ne peut pas durer. Ces femmes sont vulnérables depuis trop longtemps parce qu'on leur refuse les droits dont bénéficient les autres canadiennes. Tant qu'il n'y aura pas de loi sur les biens immobiliers matrimoniaux dans les réserves, les femmes autochtones vivant dans les réserves seront confrontées à une dure réalité puisque, en cas de violence conjugale, de séparation, de divorce ou de décès, la loi ne protège pas leur propriété. Elle ne protège pas leurs intérêts ni leurs droits. Et plus grave encore, elle ne protège pas leur sécurité.
La décision de la Cour suprême du Canada a déclenché un dialogue et donné lieu à des efforts plus marqués en vue de trouver une solution efficace et de la mettre en oeuvre. Au fil des ans, plusieurs institutions respectées du Canada et de l'étranger ont fait des recherches et analysé les questions pertinentes. Depuis 1986, de nombreux organismes canadiens et internationaux de défense des droits de la personne ont étudié cette question, en ont parlé et ont lancé un appel à l'action.
L'un de ces organismes est le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, de l'ONU. Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne, le Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord de la Chambre des communes, le Comité permanent de la condition féminine de la Chambre des communes, la Commission d'enquête sur l'administration de la justice et les Autochtones et la Commission royale sur les peuples autochtones se sont tous penchés sur cette question. Dans leurs rapports, on en vient nettement à la conclusion que l'adoption de mesures législatives est la seule solution efficace et la seule façon de procéder.
Je suis fière que le gouvernement s'attaque à cette question cruciale en proposant la Loi sur les foyers familiaux situés dans les réserves et les droits ou intérêts matrimoniaux. Ce projet de loi aide les femmes et les enfants autochtones qui vivent dans les réserves, mais il est aussi un volet important de la lutte pour le droit de toutes les femmes à l'égalité. Il permettrait enfin de corriger ce manquement aux droits de la personne et contribuerait ainsi à mettre fin aux souffrances de bien des femmes et des familles qui vivent dans les réserves.
Je tiens à dire que les Premières Nations ont déjà déployé des efforts pour régler la question des droits relatifs aux biens patrimoniaux. La Loi sur la gestion des terres des premières nations oblige les Premières Nations à établir, dans le cadre de leurs propres codes fonciers, des lois en ce qui concerne les droits et les intérêts relatifs aux biens matrimoniaux. Ces solutions ont permis d'aider quelques Premières Nations, mais le projet de loi ferait en sorte que toutes les femmes et les autres personnes qui vivent dans les réserves autochtones puissent non seulement avoir accès aux ordonnances de protection d'urgence pour assurer leur sécurité, mais aussi, de façon équitable, aux biens immobiliers matrimoniaux.
En 2005, le gouvernement du Canada a entrepris des consultations préliminaires à cet égard. En 2006, nous avons lancé des consultations nationales qui avaient pour but de combler le vide juridique. Ces consultations ont été faites en collaboration avec l'Assemblée des Premières Nations et l'Association des femmes autochtones du Canada pour que ces organismes puissent consulter différentes collectivités autochtones du Canada.
Parallèlement à ces rencontres, Affaires autochtones et Développement du Nord Canada a tenu des consultations auprès d’un large éventail d’autres organisations autochtones, auxquelles il a fourni un financement. Cela est important, parce que les femmes autochtones attendent depuis 25 ans qu’on leur accorde ce genre de protection, et c’est un grand changement. Le gouvernement l'a reconnu. Certains partis s’y sont opposés, mais il ne faut pas oublier qu’en tout, jusqu’à maintenant, 103 séances de consultation ont été organisées dans 76 localités distinctes du Canada. Des centaines de personnes y ont participé et elles ont exprimé toute une gamme d’opinions.
Pour produire un rapport et formuler des recommandations en vue d’instaurer une solution législative, le gouvernement a également eu recours à un représentant ministériel, un ancien chef de Première Nation qui est aussi un entrepreneur respecté.
En raison de la complexité de ce dossier et, évidemment, de la diversité des points de vue, il a été impossible de parvenir à un consensus sur tous les aspects de ce qui devrait figurer dans la loi. Un consensus s’est toutefois dégagé au sujet des principaux éléments de la solution législative. Ces éléments, je suis heureuse de pouvoir le dire, ont tous été intégrés au projet de loi dont le Parlement est saisi, le projet de loi .
L’un de ces éléments est une solution en deux volets, à la fois réaliste et adaptée. Premièrement, le projet de loi autoriserait les Premières Nations à élaborer et à mettre en œuvre leurs propres lois visant à protéger les droits et intérêts des résidants en matière de biens immobiliers matrimoniaux. Ces lois pourraient être fondées sur les traditions des collectivités. La teneur des lois serait entièrement déterminée par les membres du gouvernement de la Première Nation et elle devrait être approuvée à l’issue d’un processus de ratification de la collectivité. La deuxième partie de la solution est un régime fédéral provisoire qui s’appliquerait après l’entrée en vigueur et jusqu’à ce que les Premières Nations aient élaboré leurs propres lois.
Je tiens à souligner que ces règles provisoires s’appliqueraient aux Premières Nations tant et aussi longtemps qu’elles n’auraient pas adopté leurs propres lois en matière de biens matrimoniaux immobiliers. De la sorte, les droits et les intérêts de tous les Canadiens, où qu’ils vivent au Canada, seraient protégés par la loi.
En outre, les comités parlementaires qui examinent ces projets de loi ont tenu compte des points de vue exprimés par une foule de témoins et ils ont proposé une série d’améliorations. Tous ces amendements ont été intégrés au projet de loi .
Il faut bien reconnaître que la loi que nous avons devant nous est le fruit de décennies de travail visant à trouver une solution efficace. Il est temps, maintenant, de mettre cette solution en œuvre. Les femmes autochtones qui vivent dans les réserves attendent déjà depuis trop longtemps.
Le projet de loi comprend également des améliorations supplémentaires qui ont été apportées au projet de loi avant son dépôt, en septembre 2011. Ces améliorations répondent directement aux préoccupations qui ont été soulevées par les intervenants.
Le projet de loi S-2 présente en outre une autre amélioration relativement aux versions antérieures: le seuil de ratifications est sensiblement plus bas. Plusieurs témoins ont fait part au comité de sérieuses craintes au sujet de la capacité de certaines Premières Nations de mobiliser suffisamment d’électeurs pour obtenir un résultat valable dans un régime à double majorité, qui exigeait qu’une majorité des électeurs admissibles exercent leur droit de vote et que la majorité d’entre eux se prononcent en faveur de la proposition. Maintenant, grâce aux changements que nous avons apportés, il incombera au conseil de la Première Nation d’informer ses membres de la teneur de ses lois et d’obtenir l’approbation de la majorité des électeurs. Le conseil devra également informer le ministre des résultats de l’exercice et transmettre un exemplaire de la loi approuvée au ministre ainsi qu’à toute organisation désignée par le ministre et au procureur général compétent.
Plus important encore, je crois que les changements que nous avons apportés au projet de loi correspondent à l'orientation prise par le gouvernement, qui consiste à diminuer le rôle que le gouvernement fédéral joue dans l'administration quotidienne des Premières Nations et à leur transférer ces responsabilités, comme il se doit.
Enfin, lorsque le Sénat a adopté le projet de loi , il a apporté deux changements supplémentaires, qui permettront aux juges de prolonger la durée de la protection d’urgence au-delà de 90 jours. Les juges pourront ainsi exercer leurs pouvoirs discrétionnaires pour déterminer la durée de l'ordonnance de protection d'urgence en cas de nouvelle instruction ou lorsque l'ordonnance de protection d'urgence est modifiée ou révoquée. Il s'agit d'un aspect très important pour la sécurité des femmes autochtones.
Le Sénat a adopté le projet de loi modifié le 1er décembre 2011. Le projet de loi est le fruit de nombreuses années d'étude, de consultations et de débats. La mesure législative proposée est fondée sur d'autres mesures législatives similaires qu'on a tenté de faire adopter par le passé. Elle intègre plusieurs amendements adoptés par les comités parlementaires à la suite des témoignages des intervenants, et elle a été modifiée avant d'être présentée au Parlement afin de la renforcer davantage et de favoriser l'élaboration de lois visant les Premières Nations dans ce domaine.
Je crois qu'il est de notre devoir d'adopter le projet de loi et d'enfin mettre en oeuvre une solution législative pour offrir un soutien aux femmes autochtones dans les réserves. Une telle mesure est attendue depuis longtemps.
Je tiens également à souligner que certaines critiques formulées à l'égard du projet de loi sont fondées sur des renseignements erronés. Par exemple, certains croient que la mesure législative proposée peut retirer aux membres des Premières Nations leurs droits de propriété. Il est tout à fait faux de croire qu'une personne qui n'est pas membre d'une Première Nation pourrait devenir propriétaire de terres de réserve.
L'article 5 du projet de loi est on ne peut plus clair à ce sujet:
[...] la présente loi n’a pas pour effet de modifier le titre de propriété des terres de réserve, celles-ci continuant d’être des terres réservées aux Indiens au sens du point 24 de l’article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867 et mises de côté par Sa Majesté à l’usage et au profit de la première nation concernée.
La mesure législative est très claire. La propriété collective des terres des Premières Nations ne sera jamais menacée par le projet de loi .
Une autre critique a été formulée quant au fait que certaines dispositions sont absentes du projet de loi, autrement dit, que le projet de loi ne prévoit aucun financement pour améliorer l'accès aux tribunaux, aux maisons d'hébergement pour les familles et au logement dans les réserves. Le projet de loi ne porte pas sur les politiques, ni sur les niveaux de financement. Il a pour objectif d'éliminer une cause d'injustice et de supprimer un vide juridique qui crée des inégalités et rend les femmes autochtones vulnérables. Il a pour objectif de veiller à ce que tous les Canadiens, qu'ils vivent dans les réserves ou à l'extérieur de celles-ci, bénéficient des mêmes mesures de protection et des mêmes droits lorsqu'il est question des foyers familiaux, des intérêts matrimoniaux et de la sécurité.
Arrêtons-nous au témoignage que Betty Ann Lavallée, chef national du Congrès des peuples autochtones, a présenté au comité lors de l'étude du projet de loi . Elle a dit ceci:
Le projet de loi [S-2] s'attache à la dimension véritablement humaine d'une personne autochtone, notion que tous les autres Canadiens [...] tiennent pour acquise. L'échec d'un mariage ne devrait pas avoir pour résultat qu'une épouse au sein d'une relation autochtone se retrouve à la rue, seule, sans le moindre recours.
C'est la situation qui prévaut au Canada depuis trop longtemps.
Mme Lavallée sait que le projet de loi vise essentiellement à prévenir les abus et la discrimination. Ses propos reflètent ce qu'elle connaît du quotidien, souvent difficile, de beaucoup de femmes qui habitent dans une communauté autochtone.
Je souscris pleinement aux propos éloquents de Mme Lavallée et j'estime que le projet de loi établit un juste équilibre entre les droits individuels et collectifs.
Je dois de nouveau revenir à mon rôle de . Nous savons qu'il s'agit également d'une question lourde de conséquences pour les futures générations d'enfants autochtones. Nous ne ménageons aucun effort pour accroître l'égalité hommes-femmes, abolir les obstacles à la participation des femmes à la société et éradiquer la violence à l'égard de ces dernières. Ces objectifs visent aussi les femmes autochtones.
À titre de , je suis fort préoccupée par la violence endémique à l'encontre des femmes autochtones et ses répercussions sur les familles et les communautés qui en souffrent. Aujourd'hui, nous avons la chance de changer les choses. Nous sommes tous conjointement responsables de régler ce problème, et c'est par la collaboration que nous y parviendrons.
J'exhorte les députés à appuyer le projet de loi. Depuis plus de 25 ans, les femmes qui habitent une réserve autochtone doivent composer avec un déficit au chapitre des droits de la personne. La plupart des Canadiens sont protégés, mais pas elles.
Je prie tous mes collègues à la Chambre de faire franchir une autre étape au projet de loi afin de mettre un terme définitif à l'iniquité dont sont victimes les femmes autochtones qui vivent dans une réserve.
:
Monsieur le Président, la Chambre est saisie du projet de loi . La ministre qui vient tout juste de prendre la parole a affirmé que ce projet de loi visait à corriger des pratiques discriminatoires bien ancrées à l'endroit des femmes. Il est toutefois intéressant de constater que le titre du projet de loi ne le précise pas.
Le projet de loi porte sur l'échec des mariages, lesquels sont d'ordinaire contractés entre un homme et une femme, mais les relations homosexuelles sont légales au Canada, il vise donc aussi les conjoints de même sexe. L'un des défis de la Chambre lors de l'étude de ce projet de loi est la nécessité d'établir un équilibre entre les droits des femmes et des hommes dont le mariage échoue et les droits inhérents des Premières Nations. Il s'agit d'un équilibre extrêmement difficile à établir, et je tiens à exposer le contexte qui a mené à la présentation de ce projet de loi.
D'autres députés ont noté que le projet de loi avait été présenté au Sénat, et qu'on compte maintenant le renvoyer au Comité de la condition féminine. Bien que le comité fasse un excellent travail et que les députés qui y siègent soient fort compétents, il y a des questions auxquelles j'aimerais avoir des réponses. Tout d'abord, pourquoi le projet de loi a-t-il été présenté au Sénat plutôt qu'à la Chambre des communes, où, à mon avis, il aurait dû être présenté? Ensuite, pourquoi le projet de loi n'est-il pas été renvoyé au Comité des affaires autochtones, alors que c'est ce comité qui est chargé de se pencher sur les questions liées à la Loi sur les Indiens et sur les autres dossiers visant les Premières Nations, les Métis et les Inuits du Canada?
Nous avons entendu la députée d'en face affirmer que le projet de loi portait principalement sur les pratiques discriminatoires à l'endroit des femmes. On peut toutefois plaider que ce projet de loi porte sur des problèmes beaucoup plus larges avec lesquels les Premières Nations sont aux prises.
Pour établir le contexte, je veux d'abord parler brièvement du Rapport de la représentante ministérielle sur les questions liées aux biens immobiliers matrimoniaux dans les réserves. Ce rapport a été produit par Wendy Grant-John et ses collègues pour le compte du ministre des Affaires autochtones de l'époque, Jim Prentice. Mme Grant-John a longuement disserté sur le contexte historique. Je ne parlerai pas de la période datant d'avant la colonie jusqu'au temps moderne, mais Mme Grant-John a inclus un bref résumé de la période allant des années 1990 à nos jours.
Dans son résumé, elle explique que plusieurs commissions d'enquête au Canada ont attiré l'attention sur cette question et que huit organismes des Nations Unies spécialisés dans les droits de la personne ont exprimé des préoccupations. Cet enjeu a donné lieu à des litiges. Des comités du Sénat et de la Chambre des communes se sont penchés sur cette question et plusieurs mesures législatives ont été présentées. Pourtant, aujourd'hui, en 2012, ce dossier est toujours devant le Parlement.
Dans un contexte plus général, plusieurs rapports ont été publiés, mais je vais me référer à l'excellent rapport intitulé Document de travail: Les biens immobiliers matrimoniaux situés dans les réserves. Ce document présente le contexte et bon nombre des défis auxquels est confronté tout gouvernement qui adopte une approche législative à l'égard de cette question. J'ai mentionné quelques rapports, études et conventions qui ont été cités, mais voici ce qu'on peut lire dans le document de travail:
L'absence de recours en vertu des lois fédérales pour les femmes mariées dans les réserves qui sont habituellement offerts aux femmes mariées hors réserve en vertu du droit provincial a été caractérisée […] comme une violation de l'article 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques […]
Le document de travail cite également un rapport publié en 1998 par le Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies, lequel s'est dit préoccupé que:
[…] le Canada ne [garantit] pas aux femmes autochtones la même protection de la loi que celle offerte aux femmes non autochtones en ce qui a trait aux biens immobiliers matrimoniaux […]
En outre, il cite le Rapport final de l'Enquête publique sur l'administration de la justice et les peuples autochtones au Manitoba, dans lequel il est recommandé que:
La Loi sur les Indiens soit modifiée pour prévoir le partage égal des biens en cas de rupture du mariage.
Je ne vais pas énumérer toutes les mesures législatives citées dans l'étude, mais voici ce qu'on peut lire dans le document de travail:
Il faut dire quelques mots du contexte historique et politique dans lequel s'inscrivent les questions liées aux droits matrimoniaux dans les réserves.
Avant la colonisation européenne, de nombreuses sociétés des Premières nations étaient des sociétés matriarcales. Les missionnaires et d'autres représentants de l'Église ont découragé les aspects matrimoniaux des sociétés des Premières nations et favorisé l'adoption des normes européennes de domination et de contrôle des femmes par les hommes. Suivant le droit coutumier de la nation mohawk par exemple, le foyer conjugal et ce qui s'y trouve appartiennent à l'épouse et les femmes ont traditionnellement exercé des rôles importants dans la prise de décision au sein de la collectivité.
Il est intéressant de constater, comme je l'ai fait remarquer à la ministre dans une question que je lui ai posée tout à l'heure, que ces pratiques discriminatoires existent depuis longtemps au pays.
Dans son discours, la ministre a également rappelé les travaux de la Commission royale sur les peuples autochtones. À cet égard, permettez-moi en premier de citer le passage suivant:
Il semble donc que le paragraphe 91(24) [de la Loi constitutionnelle] permettrait l'application de dispositions législatives fédérales dans les réserves afin d'offrir des recours en cas de séparation ou de divorce tels que la possession provisoire du foyer conjugal ou la vente forcée du droit d'occupation. Bien que des droits de propriété sur les terres de réserve ne puissent être créés en application de la Loi sur les Indiens [...], les droits individuels de possession à l'égard de parcelles de terres peuvent être transférés ou vendus entre les membres d'une bande. Les membres individuels d'une bande peuvent être propriétaires de maisons ou d'autres bâtiments dans la réserve.
Voilà un élément contextuel important. Le sujet du débat est le partage des biens dans un régime foncier différent de celui qui existe hors des réserves. Il est important de le souligner dans ce contexte. Dans le partage des biens matrimoniaux, les occupants du domicile ne sont pas souvent propriétaires du terrain. Des anomalies existent dans les certificats de possession et sur d'autres points, mais celle-là est particulièrement importante. Elle est inscrite dans la Constitution.
Permettez-moi de vous citer un autre passage rappelant les constats de la Commission royale d'enquête sur les peuples autochtones:
Le Rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones (CRPA) reconnaît les pouvoirs inhérents existants des peuples autochtones comme un volet du droit à l'autodétermination au sein du Canada, et comme un droit constitutionnel protégé par l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Selon l'analyse (de la CRPA), la compétence sur le mariage et les droits de propriété à l'égard des terres des Premières nations (telles que les terres de réserve assujetties à la Loi sur les Indiens) est au coeur de la compétence inhérente des Premières nations qui peut être exercée sans la négociation d'entente ou quelque autre forme de reconnaissance par les gouvernements fédéral ou provinciaux.
Voilà un point important. Au départ, j'ai parlé de la recherche très difficile de l'équilibre entre les pratiques discriminatoires envers les femmes et les correctifs à apporter — correctifs dont tous les députés reconnaissent la nécessité, je présume —, mais il faut tenir compte aussi de cette autre compétence des Premières nations, qui a été citée dans de nombreuses décisions des tribunaux.
Je cite encore le même document:
Dans le contexte des questions entourant les droits immobiliers matrimoniaux dans les réserves, pareille analyse reconnaîtrait que les femmes des Premières nations ont historiquement été l'objet de racisme et de sexisme et d'autres formes de discrimination en raison de la Loi sur les Indiens. Par exemple, l'imposition de concepts non autochtones de droits de propriété privés ou individuels, conjuguée à de nombreuses formes de partis pris patriarcaux, ont permis aux hommes des Premières nations de devenir les principaux détenteurs de certificats de possession dans les réserves. Cela a ainsi contribué à écarter plusieurs femmes des Premières nations de leur rôle traditionnel comme femmes, et a eu des répercussions défavorables sur leurs relations avec les hommes et sur la relation des femmes des Premières nations aux terres des Premières nations. En ce qui concerne les biens immobiliers matrimoniaux, les conséquences combinées du colonialisme (c.à-d. la suppression ou le remplacement des valeurs culturelles des Premières nations, conjugués au parti pris favorable aux hommes) ont fait que plusieurs femmes se sont trouvées dans une position juridique désavantageuse lors de la rupture de leur mariage ou de leur union de fait.
Plus loin dans son rapport, la commission royale précise ceci:
En outre, plusieurs femmes, dans leur présentation à la CRPA et dans d'autres tribunes, ont attiré l'attention sur le problème des femmes qui sont automatiquement affiliées à la bande à laquelle, suivant les registres du ministère des Affaires indiennes, elles étaient liées par le passé par l'intermédiaire de leur père ou de leur mari. De nombreuses femmes demandent maintenant l'adhésion à la bande de leur mari. Lors de la rupture du mariage, les femmes peuvent avoir de la difficulté à renouveler leur adhésion à la bande dans laquelle elles sont nées et à faire valoir leur droit de résidence. À cet égard, le ministère des Affaires indiennes a reconnu que « les femmes nouvellement inscrites préféreraient, et de loin, appartenir à une bande plus près de chez elles ou à une bande à laquelle leur conjoint est associé ».
J'aimerais aborder quelques-unes des recommandations que la Commission royale sur les peuples autochtones formule dans son rapport et qu'elle résume comme suit:
Le droit de la famille relève de la compétence inhérente à l'autonomie gouvernementale autochtone et, à ce titre, peut être exercé sans la négociation d'une entente sur l'autonomie gouvernementale.
Les recommandations de la CRPA privilégient clairement la reconnaissance d'une compétence autochtone inhérente à l'adoption de lois relatives aux questions de droit de la famille en général, et considèrent l'exercice de cette compétence comme la façon la plus rapide d'assurer que l'on mette au point le plus rapidement possible des dispositions juridiques adaptées à leur culture. L'exercice de cette compétence est considéré comme la meilleure façon de prendre les mesures requises dans l'immédiat pour régler le sérieux problème de vide juridique concernant les biens immobiliers matrimoniaux dans les réserves. Cette compétence inhérente serait exercée en attendant la négociation d'ententes sur l'autonomie gouvernementale plus globales [...]
L'une des recommandations de la CRPA était:
d'élaborer des mécanismes de transfert de responsabilité aux autochtones dans le cadre de l'autonomie gouvernementale;
En 1996, on avait élaboré une feuille de route claire sur la façon de régler la question des biens immobiliers matrimoniaux dans les réserves. Or, nous voici en 2012, et nous sommes encore en train de débattre de la question. La plupart des recommandations de la Commission royale sur les peuples autochtones n'ont jamais été mises en oeuvre. En fait, il y a quelques années, la commission a publié un rapport dans lequel elle est accordait au gouvernement — pas seulement au gouvernement actuel, mais aussi à tous ceux qui l'ont précédé depuis 1996 — une note d'échec pour ce qui est de la mise en oeuvre de ce que de nombreuses Premières Nations, et de nombreux Métis et Inuits, considéraient comme un exercice de bonne foi. Nous continuons de tenir un double discours. D'un côté, à la Chambre, nous commandons d'importants rapports e,t de l'autre, nous n'y donnons pas suite.
En ce qui a trait à la jurisprudence, ce qui s'est produit par le passé, c'est que les lois provinciales ont été appliquées aux terres de réserve en cas de rupture du mariage. Or, dans un arrêt bien connu, Derrickson c. Derrickson, la Cour suprême du Canada a statué que le droit de la famille provincial ne pouvait s'appliquer au droit de possession de terres d'une réserve indienne. Plus précisément, la cour a conclu que les lois provinciales conférant à chaque conjoint une moitié indivise de tous les biens familiaux ne pouvaient s'appliquer aux terres de réserve. La cour s'est exprimée comme suit:
Le droit de posséder des terres sur une réserve indienne relève manifestement de l'essence même de la compétence législative fédérale exclusive que confère le par. 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867. Il s'ensuit que la loi provinciale ne peut s'appliquer au droit de possession sur les terres des réserves indiennes.
La cour a été en mesure de rendre une ordonnance d'indemnisation tenant compte de la valeur de la parcelle de terre afin de rajuster le partage des biens familiaux entre les conjoints en application de la loi sur le droit de la famille provincial applicable.
Dans l'arrêt Paul c. Paul, la cour s'est dite d'avis que, même si c'était le cas, la législation provinciale invoquée entrait en conflit avec les dispositions de la Loi sur les Indiens, et, appliquant le principe de la prépondérance fédérale, a statué que les dispositions de la loi fédérale devaient l'emporter.
Il y a eu un certain nombre d'autres décisions de tribunaux. Le résumé dit ceci:
Il ressort de la jurisprudence que les lois provinciales et territoriales en matière de droit de la famille ne s'appliquent pas aux terres de réserve de façon à avoir une incidence sur les droits individuels sur les terres de réserve qui n'ont pas été cédées. Les tribunaux estiment que ces lois entrent en conflit avec les dispositions de la Loi sur les Indiens [...]
Dans plusieurs décisions, les tribunaux ont statué que les lois provinciales ne s'appliquent pas. Nous étudions actuellement un projet de loi censé être une mesure provisoire qui permettra d'appliquer les dispositions provinciales sur les terres des Premières Nations lorsque la Première Nation n'a pas de code en place régissant les biens immobiliers matrimoniaux. Je parlerai du pouvoir d'examiner certains de ces codes dans un instant.
Cela a soulevé des questions. Bien entendu, nous savons que les provinces et les territoires ont tous leurs propres dispositions sur le partage des biens sur leur territoire, à l'extérieur des réserves. Nous voici donc en présence d'un gouvernement fédéral qui, à certains égards, abdique sa responsabilité d'élaborer des lois qui s'appliqueraient à l'ensemble du Canada et se décharge de ses responsabilités sur les gouvernements provinciaux dans un dossier auquel les lois provinciales ne s'appliquent pas, comme la jurisprudence l'indique. Il serait intéressant de savoir où s'arrête la responsabilité fédérale et où commence la compétence provinciale. Nous avons constaté que le gouvernement s'en remet de plus en plus aux provinces dans des dossiers concernant les Premières Nations, les Métis et les Inuit.
À l'heure actuelle, certaines Premières Nations ont un code coutumier en place. La Loi sur la gestion des terres des premières nations comporte une disposition permettant à ces dernières de se doter de leurs propres codes. Je cite de nouveau le rapport commandé il y a plusieurs années sur les biens immobiliers matrimoniaux. On y souligne ce qui suit:
Afin de préciser les intentions des Premières nations du Canada en ce qui a trait à l'échec du mariage et à ses incidences sur les terres des Premières nations:
a) une Première nation établira un mécanisme communautaire dans son code foncier pour mettre au point des règles et des procédures applicables en cas d'échec du mariage, à l'utilisation et à l'occupation ou la possession des terres de la Première nation et au partage des intérêts sur celles-ci
il est précisé que les règles et les procédures visées à l'alinéa a) n'établiront aucune distinction fondée sur le sexe
Je tenais à souligner ce point pour montrer qu'il existe actuellement des outils grâce auxquels les Premières Nations peuvent se doter de leurs propres un code.
Il existe une liste de Premières Nations qui souhaitent participer au processus établi par la Loi sur la gestion des terres des premières nations. Les Premières Nations n'ont pas accès, faute de ressources, à l'un des outils qu'elles pourraient utiliser pour élaborer leurs propres codes régissant les biens immobiliers matrimoniaux. Si le gouvernement voulait vraiment entretenir des relations respectueuses de nation à nation avec les Premières Nations, il accorderait davantage de ressources pour l'application des dispositions de la Loi sur la gestion des terres des premières nations afin d'aider ces dernières à participer à ce régime et à élaborer ces codes.
Il me reste peu de temps, mais je veux citer la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. L'article 19 prévoit ce qui suit:
Les États se concertent et coopèrent de bonne foi avec les peuples autochtones intéressés — par l’intermédiaire de leurs propres institutions représentatives — avant d’adopter et d’appliquer des mesures législatives ou administratives susceptibles de concerner les peuples autochtones, afin d’obtenir leur consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause.
L'article 44 est ainsi rédigé:
Tous les droits et libertés reconnus dans la présente Déclaration sont garantis de la même façon à tous les autochtones, hommes et femmes.
Après avoir subi d'énormes pressions, le gouvernement a enfin souscrit à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Il a en outre mentionné qu'il allait prendre les mesures qui s'imposent pour aller de l'avant. Bien entendu, aucune mesure n'a été prise depuis.
Toutefois, cette déclaration, qui parle du consentement préalable donné librement et en connaissance de cause, est au coeur d'une bonne partie de l'opposition au projet de loi , car même si la ministre prétend qu'il y a eu toutes sortes de consultations, le fait est que des témoignages au comité ne constituent pas des consultations.
, qui était alors ministre, avait instauré un processus dans le cadre duquel une représentante du ministère avait produit un rapport exhaustif. Bon nombre des recommandations de ce rapport ont été tout simplement ignorées dans le cadre de la rédaction de ce projet de loi. J'aimerais aborder certaines d'entre elles.
Dans une de ses recommandations, Wendy Grant-John a indiqué que la loi devrait contenir un préambule et que ses articles devraient notamment porter sur la reconnaissance de l'importance du principe de réconciliation en ce qui a tait aux droits ancestraux et issus des traités et à la souveraineté de la Couronne; la nécessité d'une collaboration et d'une réconciliation entre les Premières Nations et la Couronne relativement aux questions liées aux biens immobiliers matrimoniaux dans les réserves; l'importance d'inclure les femmes à tous les niveaux de la prise de décision, en tant que personnes égales; et la nécessité de tenir compte des intérêts des autres membres de la famille et des intérêts culturels des Premières Nations.
Le projet de loi aborde en partie les intérêts des autres membres de la famille, mais pas spécifiquement les autres intérêts culturels.
Il y a eu une affaire concernant la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination. Un rapport, publié en février ou mars 2012, concernant le partage des biens en cas de rupture du mariage, contenait des recommandations spécifiques, qui sont par ailleurs très intéressantes.
On recommandait notamment à l'État de fournir un logement qui corresponde, par sa qualité, son emplacement et sa taille, à celui dont l’auteur a été privée; fournir une indemnisation financière pour les dommages matériel et moral subis qui soit proportionnelle à la gravité des violations de ses droits; recruter et former davantage de femmes autochtones chargées de fournir des services d’aide juridictionnelle aux autres femmes de leur communauté, notamment en matière de violence familiale et de droits de propriété; et réviser son système d’aide juridictionnelle pour garantir aux femmes autochtones qui sont victimes de la violence familiale un accès effectif à la justice.
Même si on reconnaît depuis longtemps que les femmes autochtones du Canada sont aux prises avec de graves problèmes, aucune mesure n'a été prise pour les aider, ainsi que leur communauté, à lutter contre la violence faite aux femmes autochtones et la pénurie de logements convenables, et à avoir accès à des mesures correctives et de résolution de conflit.
C'est une chose de présenter une mesure législative, mais c'en est une autre de ne pas mettre en place les ressources visant à aider les femmes, leur communauté et leur famille à régler ce très grave problème.
À la lumière de ces préoccupations, les néo-démocrates n'appuieront pas ce projet de loi.
:
Monsieur le Président, je veux donner suite à la question que j'ai posée à la ministre et insister encore une fois sur le fait que le projet de loi doit être renvoyé au Comité des affaires autochtones, et non pas au Comité de la condition féminine.
Pour ce qui est du travail du Comité de la condition féminine — y compris sa récente étude intitulée « L'amélioration des perspectives économiques des filles au Canada » —, je rappelle aux députés le rapport dissident rédigé par le Parti libéral, y compris la députée de . Nous avons été consternés de voir que, malgré tous les témoignages obtenus de personnes telles que Vivian O'Donnell et Susan Wallace, le comité n'a même pas voulu inclure une seule des recommandations formulées dans le rapport, au motif qu'une telle mesure outrepasserait le mandat de la . Le Comité de la condition féminine croit que son mandat est le mandat écrit qui date de 40 ans, comme si celui-ci relevait de la ministre de la Condition féminine actuelle.
Comme l'a fait remarquer la députée néo-démocrate, ce dossier relève clairement du . Compte tenu de la complexité des droits de propriété et des droits des Autochtones, ces questions peuvent uniquement être étudiées convenablement par le Comité des affaires autochtones. Je ne saurais trop insister sur ce point. Il est tout à fait inapproprié que ce dossier soit confié à un comité qui n'a pas l'habitude d'étudier des mesures législatives et qui, lors de sa plus récente étude, a refusé de traiter de la question des jeunes filles et des jeunes femmes autochtones, au motif que celle-ci ne relève pas de la compétence expresse de la ministre ou de son ministère.
Le Parti libéral ne conteste pas la nécessité d'adopter une mesure législative pour corriger les vides juridiques et autres problèmes liés à l'éclatement des familles des Premières Nations qui vivent dans des réserves.
[Français]
De nombreux rapports nationaux et internationaux invitaient le Canada à se pencher sur le vide législatif concernant les biens immobiliers matrimoniaux dans les réserves, et plusieurs comités parlementaires ont examiné la question.
[Traduction]
Toutefois, le projet de loi n’apporterait pas une solution efficace aux problèmes liés à la division des biens matrimoniaux situés dans une réserve et ne mettrait pas à la disposition des Premières Nations les outils nécessaires pour permettre aux familles de régler leurs conflits d’une manière sûre et culturellement adaptée.
Le projet de loi ne favoriserait pas le droit à l'égalité pour les femmes autochtones, comme le prétend le gouvernement conservateur. Il pourrait plutôt créer des intérêts illimités pour des non-Autochtones vivant dans les réserves sans s’attaquer aux causes profondes de l’éclatement des familles et de la violence domestique, à savoir le manque de logements, l’insuffisance du financement du bien-être de l’enfance et la difficulté qu’ont les femmes autochtones à accéder à l’aide juridique.
Le Parti libéral du Canada croit que toutes les mesures législatives et politiques concernant les peuples autochtones imposent au gouvernement de travailler de concert avec eux, et non en leur nom, comme nous l’avions promis dans les traités d’origine et comme le prévoit la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. La déclaration engage le Canada à protéger les droits des Autochtones et à veiller à ce que les Premières Nations jouissent de la même qualité de services et de soins assurée à tous les autres Canadiens. Elle dit explicitement que ces services et soins doivent être gratuits et qu’un consentement préalable éclairé est nécessaire pour toute question concernant directement les Premières Nations du Canada.
Nous devons reconnaître et affirmer les droits ancestraux et issus de traités comme le prévoit l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 et comme l’ont confirmé les tribunaux canadiens. De plus, il est impératif d’affecter des ressources suffisantes pour garantir que les communautés autochtones ont la capacité de mettre en œuvre les lois et les politiques sur lesquelles nous avons travaillé en commun. Malheureusement, une fois de plus, le gouvernement n’a satisfait à aucun de ces critères dans son approche des biens matrimoniaux situés dans les réserves. Il adopte plutôt toutes sortes de mesures législatives contraignantes sans prévoir le soutien et les ressources nécessaires pour atteindre l’objectif visé.
Encore une fois, la consultation a été insuffisante. Une vraie consultation nécessite, de la part du gouvernement, tant un dialogue de fond que la capacité d’écouter pour intégrer dans son approche, s’il y a lieu, les renseignements ainsi obtenus. Même si des consultations générales sur les biens immobiliers matrimoniaux ont eu lieu en 2006-2007, aucune consultation visant particulièrement le projet de loi n’a été faite, surtout avant son dépôt.
L’Association des femmes autochtones du Canada n’est pas convaincue que le projet de loi réglera les problèmes liés aux biens immobiliers matrimoniaux dans les réserves. Elle a dit très clairement que la mesure législative actuelle fait abstraction de beaucoup des recommandations formulées à maintes et maintes reprises chaque fois que le projet de loi a été examiné. L’association a tenu des réunions avec les femmes des Premières Nations par l’intermédiaire des associations provinciales et territoriales membres et a produit plusieurs rapports reflétant le point de vue autochtone sur les biens immobiliers matrimoniaux. Le projet de loi S-2 ne tient pas compte de la plupart de ces recommandations.
[Français]
Le gouvernement conservateur a manqué à son obligation constitutionnelle de consulter les Premières Nations lors de la rédaction de ce projet de loi, et il n'a pas tenu compte des graves problèmes signalés par les intervenants lorsque le Sénat a étudié la version antérieure de ce projet de loi, le projet de loi , lors de la dernière législature.
[Traduction]
La disposition de non-dérogation du projet de loi n’affirme pas d’une manière assez ferme le droit constitutionnel à l’autonomie gouvernementale, en prévoyant par exemple que « la présente loi ne porte pas atteinte aux droits existants — ancestraux ou issus de traités — des peuples autochtones du Canada visés à l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 ». Cela n’est pas acceptable.
Comme l’a dit ma collègue du Nouveau Parti démocratique, les ressources ne suffisent pas pour atteindre les objectifs du projet de loi. Et, comme je l’ai dit dans la lettre que j’ai envoyée au en août de l’année dernière, il est tout à fait injuste de légiférer sans prévoir les ressources nécessaires pour atteindre les objectifs des mesures législatives envisagées.
Cet après-midi, nous verrons la même chose dans le projet de loi sur l’eau potable, le gouvernement donnant toutes sortes d’instructions sans prévoir les ressources voulues pour assurer la salubrité de l’eau potable. C’est exactement la même chose. Compte tenu des objectifs du projet de loi sur les biens immobiliers matrimoniaux, il n’y aura pas suffisamment de ressources pour donner un vrai choix aux femmes qui veulent échapper avec leurs enfants à des situations de violence.
[Français]
Toute mesure proposée doit reposer sur une approche holistique d'éclatement des familles et de violence familiale dans les collectivités autochtones et s'attaquer aux problèmes de la pauvreté, de la pénurie de logements et du tragique héritage des survivants des pensionnats indiens et de leur famille.
[Traduction]
En 2006, celui qui était à l'époque ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Jim Prentice, a annoncé la tenue d'une consultation pancanadienne sur les biens immobiliers matrimoniaux dans les réserves et a nommé Wendy Grant John représentante ministérielle.
Le rapport de la représentante ministérielle proposait d'établir une nouvelle loi fédérale distincte qui reposerait sur la reconnaissance des compétences des Premières Nations et le respect des droits ancestraux ou issus des traités. Cette loi devait prévoir l'application de règles fédérales provisoires en attendant que la Première Nation exerce sa compétence et adopte ses propres lois sur les biens immobiliers matrimoniaux.
Le rapport de la représentante ministérielle comprenait en outre le passage suivant:
La viabilité et l'efficacité du cadre législatif, quel qu'il soit, dépendront aussi de la disponibilité des ressources financières nécessaires à la mise en oeuvre de mesures non législatives [...] Sans ces mesures de soutien du gouvernement fédéral, les protections en matière de biens immobiliers matrimoniaux demeureront tout simplement inaccessibles à la grande majorité des peuples des Premières nations.
À l'époque où le rapport a été déposé, c'est-à-dire lorsque nous avons pu en prendre connaissance, tous les gens auxquels nous avons pu parler étaient d'avis qu'il ne fallait pas permettre au gouvernement de choisir uniquement ce qui lui convenait dans le rapport. Pourtant, c'est exactement ce que le gouvernement a fait.
Le gouvernement n'a pas fourni de ressources additionnelles aux autorités des Premières Nations pour qu'elles aient les moyens de résoudre les problèmes sous-jacents, pour qu'elles remplissent leurs nouvelles obligations en vertu du projet de loi, pour qu'elles donnent à leur population accès au système juridique ou pour qu'elles élaborent des lois propres à leurs nations respectives concernant les biens immobiliers matrimoniaux.
Les règles fédérales provisoires concernant les biens immobiliers matrimoniaux exigent des autorités et des simples citoyens des Premières Nations qu'ils fassent des dépenses additionnelles pour s'adresser aux tribunaux provinciaux.
Pour beaucoup de populations des régions rurales ou éloignées, toute démarche devant la justice, y compris le transport, entraîne des coûts prohibitifs. Pourtant, aucune somme n'est prévue non plus pour financer des solutions de rechange aux tribunaux, comme des mécanismes communautaires de règlement des différends, qui seraient plus économiques et mieux adaptés culturellement.
Par ailleurs, le projet de loi a été déposé sans qu'un plan et des ressources soient prévus pour résoudre la myriade de problèmes causant l'éclatement des familles et le taux disproportionné de femmes subissant de la violence conjugale, dans les réserves.
[Français]
Des témoins entendus par le comité sénatorial ont mentionné la pénurie chronique de logements dans les réserves, le sous-financement du bien-être des enfants et le manque de refuges et d'hébergements temporaires. Ce sont des questions de fond auxquelles il faut trouver une solution dans le cadre de l'approche sur les BIM adoptée par le gouvernement fédéral.
[Traduction]
Le gouvernement ne s'est pas engagé à fournir des ressources pour aider les Premières Nations à remplacer les règles fédérales provisoires par leur propre code des biens immobiliers matrimoniaux. Il a seulement promis de créer un centre d'excellence, sous réserve de l'obtention de l'autorisation du Conseil du Trésor.
Le gouvernement a mal choisi son approche lorsqu'il a préparé ce projet de loi, ce qui fait que celui-ci est totalement inadéquat.
:
Monsieur le Président, je suis heureuse de défendre la position de l'opposition officielle, qui se fonde sur une véritable consultation des partenaires, des femmes autochtones, des organisations autochtones et des Canadiens qui veulent que le gouvernement fédéral veille réellement à ce que justice soit rendue et qu'il fasse preuve de leadership.
Nous parlons aujourd'hui du projet de loi , mais comme nous l'avons entendu à la Chambre, ce débat concerne en grande partie la défense des intérêts des femmes autochtones au pays. Je suis surprise que le gouvernement fédéral fasse autant de bruit au sujet des droits des femmes autochtones, alors qu'il les a constamment bafoués.
Nous connaissons tous la douloureuse histoire du colonialisme et les situations que les Autochtones ont dû endurer pendant des siècles. Nous savons que ces épreuves ont influencé la façon dont vivent aujourd'hui de nombreux Autochtones canadiens.
En tant que députée de Churchill, j'ai l'honneur de représenter 33 Premières Nations qui ont toutes signé des traités historiques avec la Couronne. Elles ont vu ces traités, et les droits issus de ces traités, être violés et bafoués par tous les gouvernements qui se sont succédé, y compris le gouvernement fédéral actuel qui en fait sa marque de commerce.
Il y a quelques années, le a présenté des excuses que bien des survivants des pensionnats indiens ont prises très au sérieux. Plusieurs d'entre nous étaient très fiers de ces excuses auxquelles notre ancien chef, Jack Layton, avait beaucoup contribué. Toutefois, ces excuses ont été suivies par un revirement complet d'attitude de la part du premier ministre et du Parlement envers les hommes et les femmes autochtones.
Nous avons assisté à des compressions massives dans certains organismes qui ont pour mission d'accompagner les survivants des pensionnats dans leur processus de guérison. D'autres organismes qui s'occupent des répercussions intergénérationnelles des pensionnats ont également subi des compressions de la part de l'actuel gouvernement fédéral.
J'aimerais faire remarquer que les répercussions intergénérationnelles des pensionnats ressortent particulièrement dans la tragédie nationale que représentent les nombreuses femmes autochtones disparues ou assassinées. C'est terrible, pour nous, députés, de savoir que nous faisons partie d'un Parlement qui pourrait intervenir dans cette tragédie nationale et de voir que le gouvernement ferme les yeux sur le problème en plus de couper les vivres aux organismes qui contribuent à le régler.
L'Association des femmes autochtones du Canada a lancé une initiative reconnue mondialement, nommée Soeurs par l'esprit, dont le financement a été coupé il y a deux ans.
L'Institut de la statistique des Premières nations, qui recueillait des statistiques sur les femmes autochtones, a lui aussi subi des compressions, pour ensuite être aboli dans le dernier budget.
L'Organisation nationale de la santé autochtone, qui étudiait notamment la santé des femmes autochtones, a complètement été supprimée par l'actuel gouvernement fédéral.
La Fondation autochtone de guérison offrait quant à elle des programmes de guérison communautaires, dont bon nombre étaient dirigés par des femmes qui travaillaient auprès des femmes âgées et des femmes marginalisées par leur collectivité et la société. Tous ces programmes communautaires, sans exception, ont été abolis par l'actuel gouvernement.
Le Réseau de recherche pour la santé des femmes, un réseau de chercheurs universitaires et de femmes travaillant sur le terrain, dans les domaines de la santé et de la sécurité, que ce soit dans les rues de Winnipeg ou dans les réserves du Nord du pays, a été supprimé par l'actuel gouvernement.
D’innombrables organisations communiquent notamment avec les femmes autochtones pour établir les données statistiques dont nous avons besoin pour connaître l’étendue du problème en ne se limitant pas aux meurtres, mais en tenant compte aussi de la violence, de la pauvreté et des problèmes de santé. Disparus, ils sont disparus les programmes qui offraient des services de guérison et de conseils, d’apprentissage d’une langue qu’on a tenté d’éradiquer chez des générations d’Autochtones. Disparus également, à cause du gouvernement fédéral, les programmes qui étaient offerts aux femmes pour les amener à participer à des recherches, pour les aider à saisir les occasions d’emploi, à bien saisir leurs propres difficultés et à mieux connaître leur collectivité autochtone.
Le gouvernement fédéral prétend se soucier des droits des femmes autochtones. C’est de la foutaise. Il suffit de considérer toutes les mesures prises par les conservateurs, y compris ceci: il y aura ce week-end, à Winnipeg, un symposium national-provincial-territorial des femmes autochtones, le Sommet national des femmes autochtones, mais les Canadiens savent-ils quel ordre de gouvernement a refusé d’y jouer un rôle? Le gouvernement fédéral.
Les deux rassemblements historiques du Sommet qui ont déjà eu lieu ont été salués au niveau international, et le gouvernement fédéral du Canada en était l’un des hôtes. Or, il se soucie maintenant si peu de la condition des femmes autochtones au Canada que, à un moment où la violence contre les femmes interpelle les Canadiens et saisit l’imagination de tant de Canadiens, par exemple dans ma province, le Manitoba, il ne veut même pas être l’un des hôtes de discussions qu’auront les divers ordres de gouvernement et la base pour trouver des solutions.
Les conservateurs nous parlent de l’égalité hommes-femmes et des droits des femmes autochtones, mais il faut voir ce qu’ils font à cet égard, car c’est éloquent. Non contents de ne rien faire, ils sapent un système par lequel des gens ont essayé de se solidariser et de défendre les femmes autochtones pour qu’elles aient une vie meilleure dès aujourd’hui et dans l’avenir.
Voilà qui nous amène à parler du projet de loi . Mes collègues et moi avons dit clairement que nous ne pouvons pas l’appuyer. Il est entaché de problèmes fondamentaux. Après des décennies de travail afin d’établir un partenariat véritable avec les Premières Nations, qu’il s’agisse de reconnaître l’obligation de consulter, de reconnaître les relations de gouvernement à gouvernement ou encore de ce que le NPD souhaite comme relations entre nations, on serait porté à penser que le gouvernement fédéral comprend à quel point il est important de consulter. Mais il n’en est rien.
Le projet de loi est une mesure que nous avons déjà vue sous d’autres formes. Plus de cinq études parlementaires ont été consacrées aux droits de propriété à l’égard des biens matrimoniaux. Comme un rapport sénatorial en faisait la constatation, les femmes ont de vraies difficultés à affronter lorsqu’elles doivent quitter leur foyer, et c’est quelque chose que nous ne prenons pas à la légère. C’est un fait. Et je l’observe dans les collectivités que je représente. Les femmes avec qui j’ai l’honneur de travailler m’en parlent.
Dans ses conclusions, le Sénat formulait cinq recommandations principales, et il n’en est tenu aucun compte dans le projet de loi S-2: que l’Association des femmes autochtones du Canada et l’Assemblée des Premières Nations soient consultées; que des fonds soient accordés aux Premières Nations pour les aider à rédiger leurs propres codes des biens immobiliers matrimoniaux, car elles ont manifesté leur intérêt à cet égard. Écoutons-les. Il a été recommandé que la loi ne s'applique pas aux Premières Nations qui adoptent leurs propres codes. L’une des recommandations voulait qu’on apporte à la Loi canadienne sur les droits de la personne des modifications à l’intention des réserves. Le Sénat a souligné avec insistance que toutes les recommandations devaient reconnaître le droit inhérent des Premières Nations à l’autonomie gouvernementale. Cette mention du droit inhérent est essentielle, car le gouvernement fédéral, par son mépris des droits issus de traités et des droits inhérents, a créé un discours très dangereux s’il s’agit de mobiliser les Canadiens.
À entendre le gouvernement, on croirait que les droits des peuples autochtones sont identiques aux droits des autres Canadiens, mais ce qu’il néglige, c’est que les Autochtones, à titre de premiers occupants de ce territoire, ont ce qu’on appelle des droits inhérents et des droits issus de traités.
Rien de tout cela n’est secret. Dans ma circonscription, tout le monde connaît les écrits de Tom Flanagan, l’un des anciens conseillers principaux du . Du reste, il le conseille peut-être toujours. M. Flanagan a écrit un livre intitulé First Nations? Second Thoughts, qui est axé essentiellement sur la notion d’assimilation. Bien entendu, c’est une notion inadmissible au Canada en 2012, et c’est normal, car non seulement elle est raciste, mais elle évoque aussi un sombre chapitre de notre histoire. Nous sommes passés à autre chose.
Toutefois, si nous regardons au-delà des apparences, la notion hideuse d’assimilation apparaît et réapparaît dans les relations actuelles entre le gouvernement fédéral et les Autochtones. Il y a là une injustice fondamentale pour les Autochtones et pour tous les Canadiens, car nous savons que notre pays a été fondé sur le respect des relations encadrées par des traités entre les Premières Nations et la Couronne.
En 2003, on a relevé une lacune législative non sans conséquences pour les droits et les besoins des femmes des Premières Nations. Près de dix ans plus tard, le Parlement n’a pas réussi à régler le problème, que les gouvernements soient libéraux ou conservateurs. Comme je l’ai déjà dit, les organisations et les femmes des Premières nations ont été consultées dans le cadre de cinq études parlementaires distinctes. Pourtant, dans quatre projets de lois, on a jugé bon de faire abstraction de leurs recommandations les plus cruciales.
Le projet de loi ne fait pas exception. Voilà pourquoi nous nous y opposons. Tant que le gouvernement n'aura pas compris qu’il a besoin du plein assentiment des peuples autochtones pour modifier la Loi sur les Indiens, les néo-démocrates continueront à s’opposer à ce type de mesure.
Qu’on me permette de signaler quelques-uns des éléments qui font problème. Le projet de loi traite des biens communs des conjoints, y compris des conjoints de fait. On nous a dit que cette mesure visait à éliminer la discrimination entre les sexes. Nous remarquons toutefois que le gouvernement n’a pas remédié à ce problème dans des tentatives précédentes portant sur tout un éventail de domaines qui concernent les femmes autochtones.
Le projet de loi abaisse le seuil de ratification. Il prévoit une période de transition de 12 mois, ce qui nous semble trop bref pour qu’on puisse régler tous les problèmes. Il élimine l’obligation de faire approuver par un agent de vérification les lois d’une Première Nations sur les droits relatifs aux biens matrimoniaux.
Étant donné les types d’accords que nous avons conclus au Canada, n’avons-nous pas appris qu’il était absolument essentiel de consulter les Premières Nations et de les laisser décider comment elles veulent aborder ce qu’elles reconnaissent comme un problème critique dans leurs propres collectivités?
Si le projet de loi était adopté, les Premières Nations devraient ratifier de nouveau leurs processus préexistants. Elles devraient aviser le ministre et le procureur général de la province. Les lois des Premières Nations, fondées sur le consensus ou sur leurs traditions, ne seraient pas acceptées. C’est absurde.
Le projet de loi va à l’encontre des droits issus des traités et des droits inhérents.
Enfin, je tiens à souligner que les consultations exigent un consentement. Il est bien clair que le gouvernement ne comprend pas ce principe. Il ne suffit pas de tenir une réunion avec quelques personnes ou de se faire une idée de ce quelqu’un veut dire. Il faut une vraie démarche de consultation au cours de laquelle ceux qui sont consultés donnent leur assentiment à ce qui est proposé. Or, il n'y a rien de tout cela dans le processus qui a mené à l’élaboration du projet de loi .
Le projet de loi est en prise sur la Loi sur les Indiens, elle-même fermement enracinée dans le colonialisme, le racisme et la misogynie. D’après les principes de la souveraineté et des droits de la personne, la voie à suivre n'est pas de négocier ce genre de loi mais plutôt de redéfinir les relations entre le Canada et les Premières Nations.
La discrimination fondée sur le sexe, inhérente à la Loi sur les Indiens, est à l'origine des problèmes qui se posent actuellement concernant les biens immobiliers matrimoniaux. La pire chose que l'on pourrait faire aujourd'hui serait d'adopter de nouvelles lois qui perpétuent les erreurs du passé. Il ne faut pas agir de manière paternaliste envers les femmes autochtones. Nous avons l'obligation éthique, et la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones nous y enjoint, d'intégrer toutes les recommandations proposées par les Autochtones, pas uniquement quelques-unes. Ce n'est pas un projet sélectif.
Malheureusement, le projet de loi Bill n'est d'aucune utilité à cet égard.
L'Assemblée des Premières Nations l'a rejeté tout comme l'Association des femmes autochtones du Canada. La majorité des femmes autochtones n'en veulent pas non plus. Nous, néo-démocrates, nous les écoutons et nous tenons à exprimer notre solidarité. Nous n'appuyons pas ce projet de loi.
Nous ne prétendons pas dicter ce qu'il convient de faire, mais le projet de loi pose un problème sur le plan éthique et, par surcroît, sur le plan logistique, il est impossible de l'appliquer pour diverses raisons. Examinons ces raisons. Il est bien beau de vouloir légiférer, mais est-ce suffisant? Un grand nombre de députés d'en face connaissent bien les difficultés très réelles auxquelles se heurtent les Premières Nations, notamment parce que certains d'entre eux représentent des collectivités autochtones.
Les gouvernements des Premières Nations manquent de ressources financières pour appliquer la loi. Permettez-moi de vous donner un exemple, dans un domaine un peu différent, qui illustre parfaitement que les Premières Nations ne disposent pas de ressources suffisantes.
Il y a deux semaines, j'ai rendu visite à la Première Nation des Cris de Bunibonibee, également connue sous le nom d'Oxford House. Cette collectivité connaît de graves problèmes: certains de ses jeunes vivent en marge de la société, abandonnent l'école et se livrent à des activités de nature violente et abusive. Les dirigeants de cette collectivité veulent trouver des moyens qui permettraient aux jeunes d'adopter un mode de vie plus sain.
C'est ainsi que les dirigeants voulaient obtenir une subvention de Sécurité publique Canada qui aurait financé un programme récréatif pour ces jeunes. Ils ont tardé à entendre parler de cette subvention car ils ne disposent pas de suffisamment de personnel pour passer en revue tous les messages et circulaires provenant du bureau de Winnipeg. Il n'y a pas assez de personnel pour remplir la demande de subvention et pour rédiger une lettre d'intention.
Les problèmes n'arrivent jamais seuls. Une fois la demande remplie, il y a eu une panne d'électricité à Oxford House, Gods River, Gods Lake Narrows et dans la région d'Island Lake. La tempête qui a causé cette panne d'électricité était si violente que le personnel de Manitoba Hydro n'a pas pu se rendre sur place pour rétablir le courant. Pendant deux jours et demi, les gens n'ont pas pu se rendre à leur bureau alors que cette demande de subvention devait absolument être envoyée avant la fin de ces deux jours et demi. C'est ainsi que cette collectivité qui avait besoin de cette subvention plus que bien d'autres, ou comme bien d'autres, n'a tout simplement pas réussi à présenter sa demande dans les délais prescrits.
On peut invoquer le mauvais temps en ce qui concerne la panne d'électricité, mais on ne peut pas fermer les yeux sur le fait que cette collectivité a répété maintes fois qu'elle ne disposait pas des ressources voulues pour embaucher le personnel qui l'aiderait à obtenir les programmes et l'aide dont elle a besoin.
Ces collectivités ne reçoivent pas le financement voulu pour retenir les services de juristes et pour améliorer leur accès aux tribunaux provinciaux, actuellement limité par des contraintes géographiques. Je représente 22 collectivités isolées. Comme je l'ai déjà dit, les bandes ont tout juste les moyens d'offrir des services de base. Par conséquent, elles n'ont pas les moyens de se déplacer pour avoir accès aux services d'avocats et aux tribunaux provinciaux.
Je voudrais terminer mon discours en faisant état de la plus grande injustice qui soit. Si on voulait vraiment régler une fois pour toutes les graves difficultés auxquelles se heurtent les femmes autochtones, notamment leur offrir un logement sûr et éviter qu'elles soient marginalisées dans leur propre collectivité, on aborderait la question du manque de logements dans les réserves et de l'insuffisance de terres qui est aujourd'hui le lot des Premières Nations de ce pays.
Les Premières Nations vivent dans des conditions dignes du tiers-monde, des conditions qui jour après jour définissent la vie des femmes autochtones et qui les empêchent de progresser et qui nuisent également au Canada.
Je prie le gouvernement d'essayer d'être réellement solidaire avec les femmes autochtones, d'envisager de laisser tomber le projet de loi et d'améliorer les conditions de vie des femmes autochtones au Canada.
:
Monsieur le Président, je partagerai mon temps de parole avec ma collègue la députée d'.
Comme on l'a entendu dans plusieurs discours prononcés aujourd'hui, la situation des femmes autochtones du Canada est extrêmement difficile. Si on la compare à celle du reste de la population, les statistiques démontrent que les femmes des Premières Nations sont davantage victimes de violence conjugale et qu'elles ont plus de risques de vivre dans la pauvreté.
Les nombreux vides juridiques qui subsistent par rapport aux réserves accentuent la vulnérabilité des femmes autochtones. En droit de la famille, dans les régions non autochtones, lorsqu'un couple marié divorce, le partage des biens familiaux, fonciers et personnels est déterminé par les lois provinciales, ce qui n'est pas du tout le cas dans les réserves, puisque c'est la compétence fédérale qui y prévaut. D'ailleurs, en 1986, la Cour suprême du Canada a dû trancher: les tribunaux ne peuvent pas appliquer le droit provincial dans les réserves. Cette décision de la plus haute cour du pays a confirmé le vide juridique et depuis, de nombreux rapports ont souligné la nécessité de trouver une solution dans l'intérêt des peuples des Premières Nations.
Il est vraiment urgent de trouver une solution à ce vide juridique. Actuellement, les femmes autochtones qui vivent une séparation ou un divorce perdent tout. Elles doivent quitter le foyer et elles sont souvent privées de leurs enfants, et si leur nom n'apparaît pas sur le titre de propriété, les juges ne peuvent pas ordonner qu'elles puissent garder la maison ou conserver une partie des biens matrimoniaux.
Lorsqu'elles sont victimes de violence familiale, la cour ne peut pas émettre une ordonnance de possession exclusive du foyer familial ni une ordonnance de ne pas faire, c'est-à-dire un ordre interdisant à l'époux agresseur de s'approcher de sa conjointe ou de communiquer avec elle. Plusieurs mécanismes de protection ont été mis en place au cours des années pour protéger les femmes contre la violence de leur conjoint, mais ils ne peuvent pas être appliqués dans les réserves.
Rappelons que selon Statistique Canada, les femmes autochtones subissent la violence trois fois plus souvent que les femmes non autochtones. C'est donc vraiment nécessaire d'agir, tout le monde en convient.
En 2003, un comité sénatorial soulignait la nécessité de reconnaître les mesures déjà prises par les Premières Nations pour régler cette question.
En 2005, un rapport du Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord faisait valoir l'importance de reconnaître la compétence inhérente des Premières Nations en ce qui concerne les biens immobiliers matrimoniaux et d'autoriser les Autochtones à adopter leur propre régime, ce qui n'est pas du tout reconnu dans le projet de loi .
En effet, en vertu du droit inhérent à l'autodétermination reconnu par la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, que le Canada a d'ailleurs signée, le gouvernement fédéral doit obtenir le consentement des peuples autochtones avant de voter une loi qui modifiera une question touchant directement les terres autochtones. Malheureusement, comme on l'a répété à plusieurs reprises aujourd'hui, ce n'est pas du tout ce que contient le projet de loi S-2, pas plus que les projets de loi précédents.
L'avis des Premières Nations, principales intéressées, n'a pas été pris en compte. Elles ont beau avoir été consultées, il n'y a pas eu de consentement de la part des parties intéressées, ce qui fait de ce projet de loi un affront aux principes d'autonomie gouvernementale et d'autodétermination. Où se situe le problème?
En 2006, le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien de l'époque a tenu des consultations nationales sur la question des biens matrimoniaux. L'objectif était de trouver une solution aux vides juridiques, et de s'assurer que les droits des femmes des Premières Nations sont pris en considération, que la Charte canadienne des droits et libertés est respectée et qu'il y a un équilibre acceptable entre les droits individuels et collectifs des Premières Nations. Le processus comportait les étapes de planification, de consultation et de recherche d'un consensus. Or les parties consultées n'en sont pas arrivées à un consensus, si bien qu'en mettant en avant le projet de loi , ni le Sénat ni le gouvernement conservateur ne respecte les Autochtones. Ils imposent tous deux leurs façons de voir et de faire.
Les consultations avaient aussi mis en lumière des problèmes de fond, dont le manque d'accès aux tribunaux pour les peuples vivant loin des grands centres, la grave pénurie de logements dans les réserves et le manque de ressources financières pour arriver à des solutions justes en cas de divorce.
Le projet de loi du Sénat ne comporte aucune solution à tous ces problèmes sociaux de fond. Pourtant, le Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord avait clairement recommandé que de l'aide financière soit accordée aux Premières Nations pour qu'elles élaborent leur propre code en matière de biens matrimoniaux immobiliers et que toute nouvelle législation ne s'applique pas aux Premières Nations ayant élaboré leur propre code.
Il est sans doute utile de rappeler au gouvernement les conditions de vie déplorables dans les réserves. Une étude du ministère des Affaires autochtones et du développement du Nord canadien classe les réserves au 63e rang des nations du monde en ce qui a trait à la qualité de vie, c'est-à-dire parmi celles du tiers-monde si on utilise l'indicateur du développement humain créé par les Nations Unies.
Selon Santé Canada, 12 % des collectivités des Premières Nations doivent faire bouillir leur eau avant de la boire, et environ le quart des systèmes d'aqueduc dans les réserves représentent un risque élevé pour la santé humaine. La densité du logement est deux fois plus élevée que dans la population en général. Près d'un adulte sur quatre vit dans une maison surpeuplée. Quelque 423 000 personnes vivent dans des logements surpeuplés, non conformes aux normes et se détériorant rapidement.
Depuis qu'il est au pouvoir, ce gouvernement n'a rien fait pour s'attaquer au manque de logements sociaux. Les Nations Unies ont demandé à plusieurs reprises que le Canada agisse, mais ce gouvernement a préféré discréditer l'ONU et ses représentants. Il ne sert à rien d'adopter un projet de loi qui ne pourra pas être appliqué. Même s'il y a division des biens matrimoniaux, où vont loger les conjoints ou les conjointes qui vont quitter le foyer familial s'il y a une pénurie de logements?
Voici un témoignage qui fait comprendre toute l'ampleur de la détresse des femmes autochtones:
Une femme autochtone s'est suicidée plus tôt cette année après que les autorités lui eurent retiré ses enfants. La femme, qui avait cinq enfants, a été obligée de quitter la réserve à cause de la pénurie chronique de logements. Elle n'a toutefois pas pu trouver un logement abordable hors de la réserve. À cause de sa situation financière, elle devait vivre dans une maison de chambre exiguë avec ses cinq enfants. Elle a demandé de l'aide aux autorités pour trouver un logement abordable pour elle et ses enfants. [Mais] les autorités ont répondu en prenant les enfants à charge. À ce moment, la femme a malheureusement perdu tout espoir et s'est enlevé la vie.
Selon l'Association des femmes autochtones du Canada:
Le projet de loi rendra encore plus à risque les femmes victimes de violence conjugale parce qu’elles seront forcées d’attendre longtemps avant que la justice ne suive son cours, sans qu’elles puissent avoir accès à des services sociaux, des services ou des refuges adéquats.
Le projet de loi comporte donc d'autres lacunes importantes. Son processus d'approbation communautaire ne respecte pas les traditions autochtones en matière de consensus. Le projet de loi S-2 n'exige pas qu'une majorité de personnes participent au scrutin; il n'exige qu'un taux de participation de 25 %. Ce n'est pas très démocratique ni représentatif de tous les membres d'une bande.
Le projet de loi constitue en fait une approche unidimensionnelle à un problème très complexe. Le chef de l'Assemblée des Premières Nations, M. Shawn Atleo, considère que le projet de loi constitue un geste unilatéral d'Ottawa, alors que le problème devait être réglé par les Autochtones eux-mêmes. Pourquoi ce gouvernement est-il incapable d'écouter et de travailler avec les Premières Nations? Plutôt que de régler les problèmes avec eux, il préfère, comme il l'a fait à Attawapiskat, mettre en tutelle les gouvernements autochtones. En 2012, cette approche paternaliste ne devrait plus être acceptée. On n'est pas à l'époque coloniale.
Le gouvernement fédéral doit traiter les peuples des Premières Nations avec respect et reconnaître leur autonomie gouvernementale. Les députés de l'opposition officielle croient que ce projet de loi ne devrait pas être adopté. C'est du travail bâclé qui ne respecte pas du tout les droits des Autochtones. Il devrait être remplacé par un autre projet de loi, idéalement un bon projet de loi qui s'attaque au manque de ressources financières pour appuyer les gouvernements des Premières Nations dans l'application de la loi, qui prévoit de l'aide financière juridique ainsi qu'un meilleur accès aux tribunaux en régions éloignées, et qui inclut une aide financière pour la création de logements dans les réserves.
L'approche juridique de type occidental n'est pas la seule solution. En fait, les peuples des Premières Nations ont leurs propres traditions en matière de résolution de conflits. Un bon projet de loi devrait permettre de renforcer les institutions traditionnelles des Autochtones. Pour trouver des solutions durables aux problèmes sociaux dans les réserves, les gouvernements autochtones attendent du gouvernement fédéral qu'il reconnaisse leur droit à l'autodétermination. J'aimerais citer Ellen Gabriel, l'ex-présidente de l'association Femmes autochtones du Québec:
Il est inacceptable que le gouvernement du Canada soit si impatient d'adopter une loi qui aura de graves répercussions sur les droits collectifs des populations autochtones, sans consultations adéquates qui nécessitent le consentement libre, préalable et éclairé des peuples autochtones. Puisque ces mesures législatives ne s'accompagneront pas d'engagement à fournir des ressources humaines et financières adéquates nécessaires pour appliquer la loi, ces projets créeront encore plus de difficultés financières pour les communautés des Premières Nations.
Un certain nombre de Premières Nations ont adopté une approche proactive et ont travaillé avec leurs communautés à développer des règles et des politiques reliées aux biens matrimoniaux. Le projet de loi contrevient aux valeurs des Premières Nations et ne sert qu'à causer davantage de tort aux familles des Premières Nations. Pour nous, c'est impossible d'appuyer un tel projet de loi, car il ne respecte pas du tout les Autochtones du Canada.
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Monsieur le Président, je m’adresse à la Chambre au nom des électeurs de Kanesatake qui ont expressément manifesté leur opposition à ce projet de loi. J’ai consulté la bande et j’ai discuté avec Ellen Gabriel, qui est membre de la bande de Kanesatake, et il est clair et indiscutable que les Premières Nations n’appuient pas ces dispositions législatives.
Le projet de loi apporte à la Loi sur les Indiens des modifications qui permettront au droit provincial de la famille de s’appliquer dans les réserves en cas de séparation ou de divorce ou encore de décès d’un conjoint ou d’un partenaire. Le projet de loi vise à reconnaître des droits de propriété égaux aux deux conjoints en cas de séparation, mais il est impossible à mettre en œuvre, et le gouvernement n’a aucunement tenu compte des consultations quand il a rédigé son document. Sinon, il aurait reconnu que le projet de loi était impossible à mettre en œuvre.
Il existe un vide juridique en ce qui concerne les biens immobiliers dans les réserves en raison de la division des pouvoirs entre les provinces et territoires, qui ont compétence en matière de droit foncier et civil sur leurs territoires, et le gouvernement fédéral, qui a le devoir de légiférer en ce qui concerne « les Indiens et les terres réservées pour les Indiens ».
La Loi sur les Indiens ne prévoit pas la division des biens immobiliers matrimoniaux en cas de rupture du mariage, et la compétence des Premières Nations n’est pas explicitement reconnue par le Canada dans ce domaine. C’est un problème. Toutefois, quiconque a suivi le dossier et s’intéresse aux problèmes auxquels les Premières Nations sont aujourd’hui confrontées au Canada sait bien que la Loi sur les Indiens est irrécupérable.
Les néo-démocrates appuient l’Assemblée des Premières Nations et les nombreuses nations individuelles qui ont explicitement demandé à la Chambre d’abolir la Loi sur les Indiens de 1876. Il nous faut repartir à zéro, et ce, dans le cadre d’un vaste processus consultatif où les partenaires seront égaux. C’est la solution. Il nous faut comprendre que nous parlons de partenaires égaux au sein de la Confédération. C’est la seule façon d’arriver à progresser et d’échapper à la structure coloniale qui existe actuellement.
Nous devons rédiger pour les peuples autochtones des lois qui, contrairement à la Loi sur les Indiens, ne seront pas fondées sur le colonialisme et le racisme. Il nous faut pour ce faire reconnaître que les Premières Nations ont un droit inhérent à la terre et à l’autonomie gouvernementale. C’est ainsi qu’il faut procéder pour avancer, par la collaboration et la consultation, de bonne foi. Je crois que le Canada peut effectivement prendre des mesures afin de décoloniser les peuples autochtones sur son territoire. La Loi sur les Indiens n’est pas une feuille de route pour la décolonisation, c’est le modèle qui a, au départ, permis au Canada de coloniser les peuples autochtones.
Le vide juridique dans lequel se trouvent les biens immobiliers matrimoniaux est un problème qui découle de la Loi sur les Indiens, car elle ne prévoit pas la division des biens en cas de séparation ou de divorce. En vertu de la Loi sur les Indiens, toutes les terres et tous les services auxquels les Indiens inscrits ont droit devraient relever de la responsabilité fiduciaire du gouvernement du Canada. Je ne pense pas que l’on puisse encore contester aujourd’hui le fait que le Canada ne s’est pas acquitté de cette responsabilité et qu’il continue de ne pas assurer l’égalité des Premières Nations, comme l’illustre parfaitement le fait que les services d’aide à l’enfance et les écoles des Premières Nations sont encore scandaleusement sous financés, en comparaison de ce qui est offert aux autres enfants. Cet écart est d’environ 30 %, selon le vérificateur général.
En ce qui concerne les biens immobiliers matrimoniaux, le problème évident qui découle du conflit de compétence créé par la Loi sur les Indiens, c’est qu’une femme autochtone n’a souvent pas droit aux terres ou à la maison qu’elle a partagées à un moment donné avec son conjoint. Par conséquent, il pourrait sembler logique — d’un point de vue très étroit, comme celui du gouvernement — de considérer qu’il suffit d’adopter une loi accordant aux femmes vivant dans les réserves le droit de se prévaloir des lois matrimoniales provinciales. Toutefois, la réalité est très différente pour les femmes qui vivent dans les réserves. Les membres des Premières Nations ne possèdent pas la terre sur laquelle ils vivent. Ils ne peuvent pas la diviser ou la vendre comme peut le faire une personne non autochtone.
Même si un conseil de bande souhaitait donner à une femme un bien immobilier lui appartenant en propre sur la réserve, il ne serait pas en mesure de le faire parce qu’il n’y a pas suffisamment de terres. Nous sommes témoins de ce problème à Kanesatake. Le gouvernement crée constamment des problèmes, occasionne des retards et change les règles du jeu pendant que Kanesatake s’efforce de progresser, essayant d’obtenir le droit de gérer la terre pour les générations futures. Le gouvernement ne l’aide pas. Il ne fait que créer des problèmes.
Nous ne pouvons pas parler de la terre sans nous attaquer au problème occasionné par le fait que les Premières Nations n’ont pas les pouvoirs nécessaires pour contrôler leurs terres ancestrales.
Comme je l’ai dit, le problème du projet de loi , c’est qu’en pratique, il est impossible de le mettre en vigueur. Par conséquent, cette mesure ne constitue qu’une tentative hypocrite et simpliste de remédier à un problème très complexe occasionné par la Loi sur les Indiens.
Il y a de toute évidence de la discrimination fondée sur le sexe quand il s’agit de biens immobiliers matrimoniaux situés dans les réserves. Toutefois, la raison pour laquelle nous ne pouvons pas mettre en vigueur cette mesure législative, c’est le manque de ressources financières pour appuyer les efforts déployés par les gouvernements des Premières Nations afin d’appliquer les lois et de payer des avocats. Ce problème se pose une fois de plus à Kanesatake, qui doit s’endetter de plus en plus pour défendre ses terres contre une société minière.
Il n’y a pas non plus suffisamment de fonds pour permettre aux Premières Nations d’accéder aux tribunaux provinciaux. En effet, les membres des Premières Nations, surtout quand ils vivent dans des régions éloignées, n’ont pas un accès facile aux tribunaux provinciaux où ils pourraient défendre leur point de vue concernant les biens immobiliers matrimoniaux.
De plus, il manque de logements et de terres dans les réserves, ce qui ne permet pas de donner à des conjoints séparés des maisons distinctes. En un sens, il nous faudrait doubler la superficie nécessaire pour certaines personnes. Souvent, c’est matériellement impossible. On ne dispose pas non plus des logements voulus. Il est difficile d’obtenir davantage de ressources pour construire davantage de logements dans les réserves, sans parler du manque d’espace.
Le gouvernement serait déjà au courant de tout cela s’il avait pris la peine de tenir les consultations nécessaires. Soit dit en passant, on ne peut pas parler de consultation quand le gouvernement reçoit une lettre des Premières Nations lui expliquant ce qu’elles souhaitent obtenir, puis en fait totalement abstraction. La consultation implique des discussions réelles sur un pied d’égalité et une recherche commune de solutions.
Selon la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, il faut que les négociations mènent à un consentement. Le Canada a fait quelques consultations, mais aucun consentement n'a été donné. Par conséquent, le projet de loi va à l'encontre de la déclaration. Rappelons que le Canada, bien qu'il ait été difficile à convaincre, a signé ce document. Le gouvernement du Canada, qu'il soit question du gouvernement actuel ou des gouvernements précédents, ne cherche pas vraiment à remédier convenablement au problème du colonialisme et du racisme dont les Autochtones sont victimes. La déclaration exige le consentement préalable — donné librement et en connaissance de cause — pour toute question relative aux terres et au bien-être des titulaires des droits, sans compter que, essentiellement, nous ne tenons toujours pas compte de la Loi constitutionnelle, qui dit que les affaires internes des Premières Nations relèvent de leur compétence.
Par conséquent, les néo-démocrates n'appuieront pas le projet de loi dont nous sommes saisis. Il faut apporter des solutions non législatives aux problèmes qui se posent dans les rapports entre le gouvernement et les Premières Nations. Il faut régler le problème de la violence faite aux femmes autochtones. Les mesures que nous prenons jusqu'à présent n'y remédient pas. Si le gouvernement s'était rendu sur les lieux et avait fait des consultations, il le saurait. S'il avait tenu compte des témoignages faits au Comité de la condition féminine, il le saurait.
Il faut aussi contrer la crise du logement. Nous devons mettre un terme au sous-financement systématique qui perpétue la discrimination d'une génération à l'autre.
Les conservateurs veulent seulement instaurer une loi pour pouvoir dire, sans s'attaquer au problème sous-jacent, qu'ils ont réglé la question. Ils ne tiennent toujours pas compte des femmes autochtones qui nous demandent de discuter sérieusement de la question, de cesser d'imposer des politiques coloniales aux Premières Nations et de comprendre que les Autochtones sont réellement des partenaires dans la Confédération.
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Monsieur le Président, je partagerai avec fierté mon temps de parole avec le député de .
Je suis reconnaissante de l'occasion qui m'est donnée de prendre la parole au sujet de ce projet de loi. J'écoute depuis ce matin le débat que la a lancé. D'après l'analyse que j'en fais jusqu'à présent, je dirais que la ministre et les députés conservateurs qui ont parlé de ce projet de loi font preuve de paternalisme. On peut se demander comment cela se fait puisque ce sont des femmes. Manifestement, les femmes peuvent aussi être paternalistes. C'est ce qu'on entend à la Chambre.
Dans une des réponses qu'elle a données, la ministre a dit que, bien que l'opposition réclamait à cor et à cri des consultations et encore plus de consultations, l'heure n'était plus à la consultation, mais à l'action. Comment interpréter les consultations faites par le gouvernement s'il n'accepte pas les recommandations qui en découlent? Peut-on alors parler de consultations? Je ne le pense pas. Ce sont des consultations bidon lorsqu'on réunit des gens dans une pièce, qu'on opine de la tête en faisant semblant de réfléchir, qu'on dit oui au bon moment et qu'on ensuite fait abstraction de tout ce qui a été dit.
Les conservateurs ont concocté un projet de loi qui ne découle pas d'un processus de consultation. Ils se posent en moralisateurs, affirmant que l'opposition ne défend ni les femmes, ni les femmes autochtones, ni les peuples des Premières Nations. Nous, nous défendons les femmes. C'est précisément ce que je fais en ce moment. Je défends les droits de la personne au Canada. On ne peut pas appeler de la consultation ce que les conservateurs ont fait. C'est de l'irrévérence et du paternalisme.
Le projet de loi a pour objectif de donner aux deux époux une égalité des droits de propriété en cas de séparation. Nous savons que le mariage entre personnes de même sexe est légal au Canada, ce dont je suis fière, mais dans la majorité des cas, dans les réserves, il s'agit en général d'un homme et d'une femme. Le projet de loi essaie de répartir également les droits de propriété. Nous ne pensons pas, cependant, que cela puisse se faire, et ce, pour de nombreuses raisons, nombre d'entre elles ayant été citées par des intervenants des Premières Nations.
Le Parlement a entendu ces appréhensions à maintes reprises, mais les conservateurs continuent d'en faire abstraction. Imposer une loi provinciale aux Premières Nations sans leur consentement pose problème sur les plans éthique et pratique, car leurs droits inhérents et leur souveraineté sont bafoués.
Si je rédigeais un projet de loi sur les biens immobiliers matrimoniaux dans les réserves, qui consulterais-je? Je ferai vraisemblablement de vastes consultations, mais j'accorderai beaucoup de poids aux témoignages ou à l'opinion de l'Association des femmes autochtones et de l'Assemblée des Premières Nations.
L'Association des femmes autochtones et l'Assemblée des Premières Nations réclament tous deux un meilleur projet de loi, car l'adoption de celui dont nous sommes saisis aurait des conséquences funestes. Nous nous opposons donc à ce projet de loi, tout comme ces deux groupes clés et de nombreux experts.
J'ai dit que les conservateurs faisaient fi des consultations menées. De quoi ne font-ils aucun cas, au juste? L'Assemblée des Premières Nations a animé un dialogue sur les droits immobiliers matrimoniaux et défini les trois grands principes suivants, qui permettraient de régler le problème des droits immobiliers matrimoniaux dans les réserves: premièrement, reconnaître la compétence des Premières Nations; deuxièmement, avoir accès à la justice, au règlement de différends et aux recours; troisièmement, résoudre les problèmes sous-jacents que sont l'accès au logement et la sécurité économique. C'est ce qui est ressorti du dialogue animé par l'APN. Le projet de loi ne traite aucune de ces questions de manière sérieuse.
De quoi les conservateurs font-ils aussi abstraction? Ils ferment les yeux sur le rapport sénatorial de 2004 intitulé Toujours en attente, qui mettait en évidence la nécessité d'agir dans le dossier des droits immobiliers matrimoniaux et recommandait que le Comité des affaires autochtones en soit saisi.
Nous avons entendu beaucoup d'interventions à la Chambre dénonçant le fait que cette mesure sera confiée au Comité de la condition féminine, et non pas au Comité des affaires autochtones. Encore une autre recommandation valable qui a été ignorée.
En 2005, le Comité des affaires autochtones a publié un rapport intitulé Pour résoudre ensemble la question du partage des biens immobiliers matrimoniaux dans les réserves. C'était la première étude fondée sur une consultation avec l'Association des femmes autochtones du Canada et l'Assemblée des Premières Nations, de même qu'avec d'autres parties prenantes des Premières Nations; donc, une étape positive.
En voici les recommandations: premièrement, que l'Association des femmes autochtones du Canada et l'Assemblée des Premières Nations soient consultées en vue de la rédaction d'un projet de loi ou de modifications à la Loi sur les Indiens; deuxièmement, que le gouvernement s'engage à fournir aux Premières Nations les ressources financières nécessaires pour les aider à élaborer leurs propres codes des biens immobiliers matrimoniaux; troisièmement, que la loi ne s'applique pas aux Premières Nations qui élaborent leurs propres codes; quatrièmement, que la Loi canadienne sur les droits de la personne soit modifiée afin de pouvoir s'appliquer dans les réserves; et cinquièmement, qu'il soit précisé que toutes ces recommandations découlent de la reconnaissance par le Canada du droit inhérent des Premières Nations à l'autonomie gouvernementale.
On ne retrouve pas la totalité de ces recommandations dans le projet de loi . Bon nombre d'entre elles sont ignorées. La mesure manque de sincérité. C'est une tentative par trop simpliste de corriger ce qui est vraiment un problème complexe provoqué par la Loi sur les Indiens.
Contrairement à ce dont nous accuse la ministre, je ne crois pas que l'on doive poursuivre les consultations inutilement. Ce que je dis, c'est qu'il faut être à l'écoute lors des consultations, en extraire les idées et les appliquer. En l'occurrence, il serait impossible de mettre en oeuvre le projet de loi. La mesure semble très bien sur papier, mais elle serait inapplicable à cause de l'absence de ressources financières pour appuyer les gouvernements des Premières Nations dans l'exécution concrète de la loi. Elle serait inapplicable à cause de l'absence de financement pour payer des avocats-conseils. Elle serait inapplicable à cause du manque de financement pour atténuer l'accès limité aux tribunaux provinciaux pour des raisons géographiques. Elle serait inapplicable parce qu'il n'y a pas suffisamment de terrains et de logements dans les réserves pour que les deux conjoints aient des domiciles séparés.
Quelle signification aura la mesure une fois adoptée et imprimée? Quelle signification aura-t-elle si elle ne nous permet pas de concrétiser ces droits dans les collectivités des Premières Nations?
Nous avons entendu les interventions d'un certain nombre de mes collègues, et je suis d'accord avec eux. Le NPD n'appuiera aucun changement au droit sur les biens matrimoniaux qui ne s'accompagne pas de mesures non législatives pour résoudre de sérieux problèmes. Cela inclut mettre fin à la violence à l'endroit des femmes autochtones, s'attaquer à la crise du logement dans les réserves et éliminer la discrimination systématique dont sont victimes les enfants des Premières Nations en matière de financement. Voilà les éléments clés qui doivent être présents si l'on veut que nous examinions la question des droits relatifs aux biens immobiliers matrimoniaux.
J'ai écouté le débat. J'ai entendu le chahut. J'ai entendu la députée de dire que, de ce côté-ci, nous devrions rougir de honte. Je l'ai entendue chahuter en face, dire qu'il est très important de reconnaître les droits des autochtones et que nous devrions avoir honte de nous interposer. Eh bien, si elle refuse d'écouter les députés de l'opposition, peut-être écoutera-t-elle au moins les propos d'Ellen Gabriel, ancienne présidente de l'organisme Femmes autochtones du Québec et candidate à la direction de l'Assemblée des Premières Nations. Je cite:
Il est inacceptable que le gouvernement du Canada soit si impatient d'adopter une loi [qui aura de graves répercussions sur les droits collectifs des populations autochtones], sans consultations adéquates qui nécessitent le consentement libre, préalable et éclairé des peuples autochtones. Puisque ces mesures législatives ne s'accompagneront pas d'engagement à fournir des ressources humaines et financières adéquates nécessaires pour appliquer la loi, ces projets créeront encore plus de difficultés financières pour les communautés des Premières Nations.
Tout le monde est d'accord pour dire qu'il faut trouver des solutions au problème de la discrimination fondée sur le sexe en ce qui concerne les biens immobiliers matrimoniaux ou que nous devons travailler ensemble pour trouver des façons d'aider les communautés des Premières Nations à avoir accès à de l'eau potable. Un partage égal des responsabilités signifie qu'il faut avoir les moyens nécessaires pour mettre en oeuvre des mesures efficaces, qui n'imposent pas aux communautés de nouveaux fardeaux, qu'ils soient financiers ou d'une autre nature.
Mme Gabriel devrait-elle rougir de honte? Devrait-elle avoir honte de refuser de reconnaître les droits des femmes?
Les conservateurs écouteront peut-être Pam Palmater, qui est avocate, enseigne le droit autochtone à l'Université Ryerson et est membre de la nation Mi'kmaq sur la côte Est. Lorsqu'elle a témoigné devant le comité, elle a longuement expliqué pourquoi cette mesure législative est mauvaise et pourquoi elle ne devrait pas être présentée ni adoptée. Mme Palmater devrait-elle rougir de honte parce qu'elle ne défend pas les droits des femmes des Premières Nations? Je ne le crois pas.
Si les conservateurs refusent d'écouter l'opposition, ils devraient au moins avoir le respect d'écouter les hommes et les femmes qui ont témoigné devant le comité, qui se sont clairement exprimés sur ce dossier et qui sont les véritables experts en ce qui concerne les répercussions sur leurs communautés.
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Monsieur le Président, je voudrais féliciter ma collègue d' pour son excellent discours. Comme d'habitude, elle a tout à fait raison.
Le projet de loi porte sur les biens immobiliers matrimoniaux dans les réserves des Premières Nations. Il vise à modifier la Loi sur les Indiens pour que le droit provincial de la famille s'applique dans les réserves en cas de rupture conjugale ou de décès de l'un des époux ou conjoints de fait. Bien que le projet de loi ait pour but d'accorder des droits égaux aux deux conjoints en cas de séparation, il sera inapplicable pour de nombreuses raisons importantes qui ont été énumérées par les principaux intéressés des Premières Nations. Le Parlement a entendu à maintes reprises ces objections sérieuses. Les conservateurs les ont ignorées lorsqu'ils ont rédiger le projet de loi . Imposer le droit provincial aux Premières Nations sans leur consentement est problématique sur les plans éthique et pratique et revient à faire fi de leurs droits et de leur souveraineté.
Les conservateurs fédéraux ont pris la peine de consulter les Premières Nations et l'Association des femmes autochtones au sujet des biens immobiliers matrimoniaux, mais ils ont ignoré les résultats de la consultation lorsqu'ils ont préparé la version originale du projet de loi. Quoique les dispositions les plus contestées des versions précédentes aient été retirées, la version actuelle du projet de loi ne reconnaît toujours pas les droits inhérents et la compétence des Premières Nations dans le domaine.
L'Association des femmes autochtones et l'Assemblée des Premières Nations exigent toutes les deux un meilleur projet de loi pour éviter les conséquences désastreuses qu'aurait l'adoption d'un projet de loi inadéquat. Les néo-démocrates s'opposent au projet de loi actuel de même que l'Assemblée des Premières Nations, l'Association des femmes autochtones du Canada, de nombreuses nations et de nombreux experts du pays. Le projet de loi est la quatrième mouture du projet de loi que les conservateurs essaient de faire adopter depuis 2008. Le NPD s'est opposé aux différentes versions chaque fois quelles ont été débattues.
L'Assemblée des Premières Nations a organisé un dialogue et a constaté que le respect des trois grands principes suivants était essentiel pour régler les problèmes de droit matrimonial dans les réserves: premièrement, il faut reconnaître le champ de compétence des Premières Nations; deuxièmement, les gens doivent avoir accès à la justice, à des mécanismes de règlement des différents et à d'autres recours; troisièmement, il faut résoudre les problèmes sous-jacents, comme le manque de logements et l'insécurité économique. Le projet de loi ne respecte pas vraiment ces trois principes.
Il existe deux types de biens: les biens immobiliers et les biens personnels. Les biens immobiliers comprennent les terres et les biens qui y sont rattachés de façon permanente, comme une maison. Les biens personnels comprennent les biens qu'on peut déplacer, comme les meubles et l'argent. Le projet de loi vise les biens immobiliers matrimoniaux dans les réserves, les biens partagés par des époux qui sont dans une relation conjugale ou par des conjoints de fait. Il y a un vide juridique en ce qui concerne les biens immobiliers dans les réserves en raison de la répartition des pouvoirs entre les provinces et les territoires, qui ont compétence en matière de droit de propriété et de droit civil, et le gouvernement fédéral, qui a compétence en matière de lois visant les Indiens et les terres qui leur sont réservées.
La Loi sur les Indiens ne prévoit pas la division des biens immobiliers matrimoniaux en cas de rupture du mariage, et la compétence des Premières Nations à cet égard n'est pas explicitement reconnue par l'État canadien. Cette situation a donné lieu à des poursuites judiciaires notables qui ont été rejetées par les tribunaux provinciaux parce que la loi provinciale ne s'applique pas aux terres des réserves indiennes, ce qui a révélé un vide juridique. Les biens immobiliers matrimoniaux ont fait l'objet de cinq études parlementaires distinctes.
Publié en 2003, le rapport intitulé Un toit précaire révélait le vide juridique et le fait que les femmes n'ont aucun droit lors de la rupture du mariage; elles n'ont donc pas d'autre choix que de quitter leur maison. On y recommandait que le droit civil provincial s'applique dans les réserves.
Le rapport intitulé Toujours en attente, publié en 2004, soulignait la nécessité de prendre rapidement des mesures à l'égard des biens immobiliers matrimoniaux et recommandait que le Comité des affaires autochtones se penche sur les problèmes et mène des consultations dans les meilleurs délais. En outre, le rapport indiquait que le manque de clarté entourant les droits des femmes dans les réserves constituait un manquement aux droits de la personne pour lequel l'ONU avait réprimandé le Canada.
Le rapport intitulé Pour résoudre ensemble la question du partage des biens immobiliers matrimoniaux dans les réserves, publié en 2005, est issu de la première étude dans le cadre de laquelle on a consulté l'Association des femmes autochtones du Canada et l'Assemblée des Premières Nations, entre autres intervenants des Premières nations. Voici quelles en étaient les principales recommandations: premièrement, que l'Association des femmes autochtones du Canada et l'Assemblée des Premières Nations soient consultées avant de rédiger un projet de loi ou des modifications législatives; deuxièmement, que le gouvernement fournisse aux Premières Nations les fonds nécessaires pour leur permettre d'élaborer leurs propres codes régissant les biens immobiliers matrimoniaux; troisièmement, que la loi cesse de s'appliquer aux Premières Nations qui élaborent leur propre code; quatrièmement, que la Loi canadienne sur les droits de la personne soit modifiée de manière à s'appliquer dans les réserves; et cinquièmement, que dans toutes les recommandations, le Canada reconnaisse le droit inhérent des Premières Nations de se gouverner elles-mêmes.
Dans le rapport de Condition féminine publié en 2006, on identifiait les obstacles aux solutions proposées par le projet de loi sur le régime de biens matrimoniaux, notamment le manque de financement pour le mettre en oeuvre, la pénurie chronique de logements dans les réserves et l'absence de consultations de haut niveau. Encore une fois, on recommandait de mener des consultations et d'accorder des fonds.
Dans son rapport à titre de représentante ministérielle publié en 2006, Wendy Grant-John a déclaré qu'aucun consensus n'avait été établi sur un projet de loi qui pourrait s'appliquer au régime de biens matrimoniaux. Elle recommandait notamment que le modèle de partage des compétences actuel soit appliqué là où le droit des Premières Nations a préséance et que le gouvernement détermine le coût réel de l'application de la législation provinciale dans les réserves.
Le projet de loi , comme tous ceux qui l'ont précédé, ne tient aucun compte de la quasi-totalité des recommandations formulées dans ces rapports.
Dans cette version du projet de loi, le régime de biens matrimoniaux d'une Première Nation serait assujetti à un seuil de ratification plus bas. Dans le projet de loi précédent, il fallait que la majorité des membres de la bande votent en faveur de la loi, 50 % plus un. Maintenant, la loi doit être approuvée par une majorité simple de ceux qui ont voté, le taux de participation minimum étant fixé à 25 % des personnes ayant droit de vote.
Le projet de loi prévoit une période de transition de 12 mois. Cette période serait trop courte pour résoudre de nombreux problèmes, comme la pénurie de logement et le manque d'argent pour payer des avocats et s'adresser aux tribunaux provinciaux.
Cette version du projet de loi éliminerait l'obligation de faire approuver par un agent de vérification les régimes de biens matrimoniaux mis en place par les Premières nations.
Les Premières Nations dotées de régimes préexistants seraient tenues de faire ratifier de nouveau leurs régimes, si ce projet de loi est adopté, et d'aviser le ministre et le procureur général provincial.
Les lois fondées sur le consensus ou d'autres processus ancestraux ne seraient pas acceptées. Cette disposition est contraire aux droits inhérents et issus des traités.
Après les audiences tenues au Sénat, le projet de loi a été amendé pour porter à 90 jours la durée maximale d'une ordonnance d'occupation exclusive.
Le projet de loi est une tentative peu sincère en vue d'apporter une solution par trop simpliste à un problème complexe causé par la Loi sur les Indiens. De toute évidence, les problèmes de discrimination fondée sur le sexe existent bel et bien. Il sera toutefois impossible de mettre en vigueur le projet de loi , le projet de loi sur les biens immobiliers matrimoniaux, en raison du manque de ressources financières nécessaires pour: aider les gouvernements des Premières Nations à mettre la loi en oeuvre; payer les avocats; couvrir les coûts d'accès aux cours provinciales encourus en raison des distances; remédier à la pénurie de logements et de terrains dans les réserves afin que les ex-conjoints puissent avoir un logement distincts.
Selon un communiqué de presse publié en 2001 par l'Association des femmes autochtones du Canada, le problème appelle une réponse globale de la part des Premières Nations et du gouvernement. Cette approche doit comprendre des services de soutien familial, un nombre accru de logements et de refuges dans les réserves, l'appui de la police, le renforcement des capacités des Premières Nations en matière de résolution de conflits, la résolution des problèmes de gestion des terres et des questions relatives à la citoyenneté, à la résidence et au statut d'Indien.
Selon la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, dont le Canada est cosignataire, le consentement de ces derniers doit être obtenu par voie de consultation. Le Canada a beau avoir mené quelques consultations, les détenteurs de droits n'ont pas donné leur consentement. Par conséquent, en appliquant le projet de loi , nous violerions l'article 32 de la déclaration des Nations Unies, qui précise qu'il faut obtenir le consentement préalable des détenteurs de droits, donné librement et en pleine connaissance de cause, dans tout dossier relatif aux terres et aux intérêts desdits détenteurs de droits.
En conclusion, les néo-démocrates n'appuieront aucun projet de loi sur les biens immobiliers matrimoniaux, à moins qu'il ne soit accompagné de solutions autres que législatives à des problèmes graves, tels que la violence envers les femmes autochtones, la crise du logement dans les réserves et la discrimination systématique envers les enfants des Premières Nations en matière de financement.
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Monsieur le Président, je suis heureux de prendre aujourd'hui la parole sur cette question.
Nous avons dit qu'il serait bon que le ministre renvoie le projet de loi au Comité des affaires autochtones, et c'est ce qu'a proposé la porte-parole du Parti libéral. Évidemment, le ministre en a décidé autrement.
Par ailleurs, dans une question destinée à une députée du Nouveau Parti démocratique, j'ai parlé des avantages qu'il y aurait à traiter de la question à l'extérieur d'Ottawa, en envoyant le comité dans diverses collectivités.
À mon avis, il faut reconnaître une chose dès le départ: une fois le projet de loi adopté, il aura des effets très importants.
En ce qui concerne l'importance des questions autochtones, j'ai déjà eu l'occasion d'intervenir pour en aborder plusieurs et de dire à quel point il était important que nos collectivités des Premières Nations participent directement. Nous sommes nombreux à considérer que les Premières Nations devraient jouer un rôle déterminant dans l'élaboration du projet de loi. Je ne suis pas convaincu que le gouvernement ait bien fait son travail en matière de consultation des Premières Nations et de coopération de bonne foi avec elles.
S'il est question de respect et de collaboration avec les Premières Nations, le gouvernement, en l'occurence, n'a pas satisfait aux exigences, et c'est pourquoi j'estime que le projet de loi présente plusieurs lacunes fondamentales.
Le gouvernement a décidé de présenter son projet de loi et, comme l'a indiqué la porte-parole du Parti libéral, il a décidé qu'après la deuxième lecture à la Chambre, le projet de loi serait renvoyé non pas au Comité permanent des affaires autochtones, mais au Comité permanent de la condition féminine.
Voilà qui me semble intéressant. On a présenté à ce comité une étude concernant les femmes et les jeunes filles, où il était question de bien-être social et économique, et on a proposé au comité d'intégrer à cette étude la question des femmes autochtones, et de la prendre en considération. En fait, c'est la porte-parole du Parti libéral pour les aînés, la députée d', qui a finalement affirmé, dans un rapport minoritaire, que le Comité de la condition féminine ne rendait pas justice à l'étude, notamment parce qu'il ne reconnaissait pas l'importance des besoins des femmes autochtones. Et maintenant, le ministre responsable affirme que le projet de loi, une fois adopté, sera renvoyé à ce comité.
De mon point de vue, nous n'avons rien contre l'excellent travail que fait ce comité. Néanmoins, comme l'a dit tout à l'heure la porte-parole du Parti libéral dans son intervention, je considère que ce n'est pas le comité le plus approprié pour étudier ce projet de loi. C'est plutôt le Comité permanent des affaires autochtones.
Nous nous prononçons ainsi parce que nous voulons faire en sorte que toutes les parties intéressées, et elles sont nombreuses, aient la possibilité d'intervenir, de témoigner et de s'exprimer sur le projet de loi. En définitive, nous considérons que le Comité des affaires autochtones est le mieux placé pour que les parlementaires puissent s'acquitter au mieux de leur tâche.
De plus, si le gouvernement était sincère dans ses convictions et reconnaissait l'importance des Premières Nations, il comprendrait qu'étant donné la nature même de cette mesure, il est justifié de tenir ces séances de comité à l'extérieur d'Ottawa. Bien des gens, dont je suis, estiment qu'il serait fort valable que le comité se rende dans les provinces, notamment au Manitoba et ailleurs, là où je sais pertinemment que cet exercice susciterait beaucoup d'intérêt. Nombreux seraient ceux qui voudraient présenter des mémoires et assister aux travaux du comité. Cela montrerait que le gouvernement est disposé à collaborer avec les collectivités des Premières Nations.
À mon avis, la pire chose que nous puissions faire — et il semble que ce soit la voie que nous empruntons —, c'est dire que nous savons mieux que quiconque comment il faut agir. Oui, un certain travail a déjà été réalisé. J'ai entendu l'historique du projet de loi. Je sais d'où il vient et pourquoi nous en discutons aujourd'hui. Cependant, nous n'avons pas vu envers les collectivités des Premières Nations le genre d'engagement qui leur fournirait la capacité d'exercer le solide leadership qui favoriserait un appui plus universel à cette importante mesure.
Le fait de se rendre dans ces collectivités rurales serait un atout précieux pour nous, car j'estime que cette mesure législative est perfectible. Au bout du compte, elle aurait beaucoup plus de crédibilité si nous engagions le dialogue avec les communautés concernées.
J'ai mentionné le Manitoba, mais le comité pourrait aussi visiter d'autres provinces. Évidemment, j'ai un parti pris pour le Manitoba car je suis convaincu que cet enjeu y suscite un vif intérêt. Voilà pourquoi j'exhorte non seulement le ministre responsable, mais aussi le , à admettre l'importance de cet enjeu.
Comme je l'ai signalé, cet enjeu dépasse la simple répartition des biens. Il s'étend à la façon dont nous traitons les affaires qui concernent les Premières Nations ici, à la Chambre. Voilà pourquoi le premier ministre aurait tout intérêt à reconnaître cela et à considérer le projet de loi comme une mesure éminemment susceptible de favoriser la coopération et le renforcement de l'autonomie, au moins en autorisant le comité à se rendre dans ces différentes provinces.
Je demanderais au et au ministre responsable d'accepter la suggestion du Parti libéral que le comité tienne des audiences à l'extérieur d'Ottawa.
Au cours des dernières décennies, nous avons été à même de constater à quel point les lois et les normes de la société ont changé en ce qui a trait à l'éclatement des familles. Dans l'ensemble, ces changements ont été apportés de façon très progressive, tout en étant guidés par un sens de l'équité. Une rupture familiale a toujours des répercussions financières énormes sur toutes les personnes touchées. Elle a aussi un impact émotif et social important à tous les égards, qu'il s'agisse des conditions de vie ou des amitiés gagnées ou, dans la plupart des cas, perdues.
Ce sont les événements qui mènent à l'éclatement de la famille qui causent beaucoup de tort. Dans bien des cas — et c'est un point qui n'a pas été souligné ce matin —, les situations familiales demeurent intactes en raison de l'incertitude qui règne, de la menace posée par l'inconnu ou par ce qu'il va advenir de la maison familiale ou des conditions de vie. Autrement dit, les gens se demandent quelles seront les répercussions s'ils décident de se séparer.
Cette situation me porte à croire qu'il existe un besoin de clarté et qu'il nous incombe donc de trouver des façons d'améliorer la situation. Si nous travaillions avec les Premières Nations et avec leurs leaders, nous constaterions qu'ils ont eux aussi des réponses et des solutions à un bon nombre de problèmes causés par l'éclatement des familles. Nous devons nous montrer sensibles aux différences, par exemple entre les biens fonciers situés dans des réserves et hors des réserves.
Sur le plan personnel, nous devons veiller à ce que les femmes et les enfants soient protégés au maximum lors d'une rupture familiale. Tous les députés sont en faveur de mesures qui assurent un sens de l'équité et qui permettent aux gens de quitter des relations de violence. On recherche l'égalité et il y a de bonnes et de mauvaises façons d'y parvenir. À mon avis, le gouvernement a raté la cible à cet égard. Par conséquent, le Parti libéral ne va pas appuyer le projet de loi, et ce pour plusieurs raisons. Le gouvernement n'a pas su obtenir l'appui à cette mesure législative auquel nous étions en droit de nous attendre, notamment de la part des Premières Nations.
Le deuxième point que je souhaite aborder concerne les politiques gouvernementales et les choses que le gouvernement fait ou ne fait pas et qui ont de profondes répercussions sur la cellule familiale. Au fil des ans, j'ai vu appliquer divers types de politiques gouvernementales et j'ai constaté leur résultat. Quand on ne débloque pas suffisamment de crédits pour le logement, cela a des répercussions. Si l'on n'encourage pas ou on ne réalise pas suffisamment de développement économique dans certaines régions, cela se répercute sur la cohésion des familles. Il faut donc se demander quelles sont les répercussions sur la cohésion des familles des politiques et des programmes que nous leur proposons. Sont-ils utiles ou néfastes? Est-ce qu'ils contribuent à préserver l'unité des familles, et quand des familles se disloquent, dans quelle mesure le gouvernement leur vient-il en aide?
J'estime que le gouvernement peut en faire plus. L'un des problèmes courants auxquels j'ai été confronté dans le passé est un excellent exemple, c'est le problème des jeux de hasard et de leurs graves retombées au Manitoba. Quand on a commencé à avoir ces jeux de hasard au Manitoba, qui a été l'une des premières provinces à se lancer dans toute cette industrie, les gens de la province ont été sidérés de voir la fortune que cela rapportait.
On a eu l'impression que ces recettes constituaient une aide publique considérable. Elles représentent des centaines de millions de dollars, et le gouvernement a été ravi de profiter de cette manne. Ce qu'il n'a pas reconnu cependant, ce sont les retombées négatives de sa politique du jeu. Je dis bien « politique du jeu », parce que c'est une politique entièrement gouvernementale. Quand on parle de politiques gouvernementales et de leurs répercussions concrètes et tangibles sur la population, c'est un parfait exemple. Le gouvernement refuse d'y renoncer, mais oublie d'en reconnaître les coûts sociaux.
J'ai eu l'occasion d'être le porte-parole pour les loteries au Manitoba il y a de nombreuses années. On entendait parler de familles qui finissaient par se désintégrer. Le jeu devenait une drogue pour certaines personnes. Au lieu d'apporter à manger à leurs familles, ces gens-là gaspillaient leur argent dans des machines à sous. On voyait des enfants traîner dans les stationnements des grands casinos pendant que les parents dépensaient leur argent à l'intérieur. Les coûts sociaux vont du suicide à l'éclatement des familles en passant par la prison pour les gens qui volent pour assouvir leur besoin compulsif. On se demandera peut-être quel est le rapport avec ce projet de loi. À mon avis, il y aurait beaucoup plus d'unité au sein des familles si nous avions la possibilité de considérer de façon plus progressiste les politiques gouvernementales et leurs retombées sur la population.
La communauté autochtone a profondément souffert de la situation. J'ai pu constater concrètement l'effet dévastateur de ces politiques sur l'unité des familles. Les gouvernements interviennent d'une façon qui semble arbitraire et prennent les choses en main, parce que nous n'avons pas vu les dirigeants des Premières Nations le faire. Nous savons que les Premières Nations veulent avoir leur mot à dire, mais le gouvernement ne semble pas prêt à les consulter. Même s'ils savent que le projet de loi permettrait de régler une partie des problèmes, les dirigeants des Premières Nations sont préoccupés par certaines mesures qu'il contient. C'est pourquoi il est si important de les consulter à ce sujet. Il n'y a pas qu'un seul point de vue qui importe.
Le projet de loi porte exclusivement sur le démantèlement des familles et ce que le gouvernement est prêt à faire pour aider dans ces circonstances. Il ne tient pas compte des autres choses que le gouvernement pourrait faire pour aider les familles, que ce soit en les incitant à rester ensemble ou en leur permettant de se séparer. Tout ce que j'espère, c'est que les conservateurs finiront par reconnaître que le gouvernement a un rôle important à jouer dans un cas comme dans l'autre. Le projet de loi ne bénéficie pas du soutien nécessaire pour être renvoyé au comité parce que les conservateurs n'ont pas l'appui des Première Nations. Mais, comme ils sont majoritaires, j'ai bien peur que la mesure aboutisse au comité malgré tout. Même si c'est le mauvais comité, nous demandons aux conservateurs d'envisager sérieusement de se rendre dans les collectivités pour entendre parler des familles qui se séparent et de certaines des politiques gouvernementales qui contribuent à leur éclatement.
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Monsieur le Président, j'ai écouté avec beaucoup de plaisir les interventions de mes collègues de la Chambre. Je suis heureuse d'intervenir aujourd'hui au sujet du projet de loi relatif aux biens immobiliers familiaux dans les réserves.
Techniquement, le projet de loi prévoit qu'une communauté autochtone a le pouvoir d'adopter des lois « en matière d’utilisation, d’occupation et de possession des foyers familiaux situés dans les réserves des premières nations et de partage de la valeur des droits ou intérêts que les époux ou conjoints de fait détiennent sur les constructions et terres situées dans ces réserves ».
Les règles fédérales provisoires énoncées dans le projet de loi s'appliqueraient jusqu'à ce qu'un groupe des Premières Nations fasse entrer en vigueur de telles lois.
Le projet de loi, je l'avoue, part d'une bonne intention: combler un vide juridique en matière de droit matrimonial et accorder des droits de propriété égaux aux deux conjoints lors d'une séparation. Cependant, nous connaissons les conservateurs. Ils ont mené des consultations pour la forme, ils ont ignoré de nombreuses études sérieuses sur le sujet et ils ont fini par déposer un projet de loi inadéquat rejeté par les principaux porte-parole des Premières Nations.
Plus tôt au cours de ce débat, on a entendu une députée conservatrice mettre un prix sur les consultations; elle a donné le coût des consultations. Cependant, les conservateurs n'ont pas retenu la plupart des recommandations qui sont ressorties de ces consultations; ce n'est qu'une façade. C'est un beau gâchis comme seuls les conservateurs sont capables d'orchestrer.
Avant d'expliquer plus en détail nos réticences à l'égard de ce projet de loi, j'aimerais expliquer aux gens qui nous écoutent le problème auquel on fait face.
À l'heure actuelle, lorsqu'un couple divorce, le partage des biens familiaux, par exemple la maison et les biens personnels, est déterminé en vertu des lois provinciales. Le paragraphe 92(13) de la Loi constitutionnelle de 1867 prévoit en effet que la propriété et les droits civils relèvent de la responsabilité des provinces. Cependant, compte tenu du paragraphe 91(24) de notre Constitution, le Parlement du Canada a compétence législative exclusive à l'égard des Indiens et des terres réservées pour les Indiens. Les lois provinciales ne sont donc pas applicables au partage des biens fonciers dans les réserves. Or, en 1986, dans l'affaire Derrickson, la Cour suprême du Canada a créé un vide juridique en concluant que les tribunaux ne peuvent pas s'appuyer sur le droit provincial pour statuer sur le partage des biens immobiliers matrimoniaux dans les réserves.
L'absence de dispositions, tant au fédéral qu'au provincial, au sujet du partage des biens immobiliers matrimoniaux dans les réserves est problématique, car les personnes qui résident dans des réserves ne peuvent pas faire appel au système juridique canadien pour régler les questions relatives au partage des biens fonciers après la rupture de relations conjugales. Ce sont donc souvent nos soeurs autochtones qui font les frais de ce vide juridique. Comme le disait si éloquemment Beverley Jacobs, présidente de l'Association des femmes autochtones du Canada, « l'absence de régime juridique concernant les biens immobiliers matrimoniaux est une négation de l'égalité des femmes ».
Pour sa part, Bob Watts, de l'Assemblée des Premières Nations, a mis en contexte le problème que cela pose aux femmes:
Bien que le vide juridique au plan de la répartition des biens matrimoniaux dans les réserves est une question sérieuse sur les droits de la personne qu'il faut régler, ce vide juridique ne représente que la partie visible de l'iceberg. Le vide juridique au plan des droits de biens patrimoniaux dans des terres des réserves est intensifié par les pénuries chroniques de logements dans la plupart des réserves et la difficulté de trouver les financements pour acheter ou construire d'autres logements dans les réserves après un divorce, cela est en partie due à l'interdiction par la Loi sur les Indiens d'hypothéquer les terres des réserves. Ces facteurs font autant sinon plus de mal aux familles des premières nations et en particulier aux femmes et aux enfants, qui sont souvent obligés de déménager à l'extérieur des réserves après un divorce, surtout si la violence familiale a contribué au divorce.
La majorité des intervenants entendus dans les différents forums s'entendent pour dire que le statu quo est intenable. Pourtant, le projet de loi ne parvient pas à satisfaire les besoins des Premières Nations qui dénoncent les consultations insuffisantes, la non-reconnaissance de la compétence inhérente des Premières Nations en matière de droit matrimonial, ainsi que le besoin d'améliorer l'accès au système de justice et aux mécanismes de règlement extrajudiciaire des différends.
En mai 2009, l'Association des femmes autochtones du Canada et l'Assemblée des Premières Nations ont publié un communiqué conjoint pour faire connaître leur opposition au projet de loi. Le communiqué portait sur le projet de loi , soit l'ancêtre du projet de loi . Or, en fin de compte, rien n'a véritablement changé. Je vous cite un passage:
L'AFAC et l'APN (incluant le Conseil des femmes de l'APN) sont unanimes pour déclarer que le projet de loi [...] ne pourra en rien régler les problèmes liés aux biens immobiliers matrimoniaux situés dans les réserves et que le gouvernement fédéral a manqué à son obligation de consulter les Premières Nations et de respecter leurs opinions; par conséquent, le projet de loi est irrémédiablement défaillant et ne peut être corrigé. Il ne doit pas être envoyé à un comité.
Je crois que leur point de vue est assez clair. Même si nous en sommes à la quatrième version du projet de loi et que de nombreuses études ont été menées sur le sujet, les Autochtones et les légistes qui s'intéressent à la question déplorent que le gouvernement conservateur tente de faire adopter ce projet de loi à toute vitesse.
Mme Pam Palmater, qui enseigne le droit autochtone à l'Université Ryerson dénonce par exemple l'empressement du gouvernement en ces termes: [Le ministère des Affaires autochtones et du développement du Nord canadien] semble vouloir faire adopter ces mesures législatives à la va-vite en introduisant de nombreux projets de loi à la Chambre et au Sénat en même temps. Cela ne laisse pas suffisamment de temps à la plupart des communautés des Premières Nations de s'informer ou de déterminer les meilleures façons de défendre leurs intérêts. Il est ainsi essentiel que ces comités perçoivent les questions dans son contexte plus large et la raison pour laquelle les Premières Nations insistent tant sur leur droit d'être consultées dans le cadre de leurs soumissions.
Par ailleurs, j'aimerais rappeler que, selon la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, une déclaration que le Canada s'est engagé à respecter, les consultations impliquent le consentement des personnes consultées. Ce point est très important. Bien que le Canada ait procédé à des consultations limitées, aucun consentement n'a été accordé par les représentants autochtones. Je tiens à souligner ce point. À notre avis, si nous adoptons le projet de loi sans le consentement des principaux intéressés, nous contreviendrons à l'article 32 de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones exigeant le consentement libre, informé et préalable des détenteurs de droits.
Les femmes autochtones, en particulier, ont dénoncé le projet de loi . Pour elles, tout ce que propose ce projet de loi, c'est de forcer les familles à recourir aux tribunaux provinciaux. Ce n'est pas une solution, car pour bien des familles, c'est trop coûteux. Recourir aux tribunaux provinciaux, lorsqu'ils sont accessibles, peut imposer un fardeau financier supplémentaire sur les citoyens des Premières Nations en instance de divorce. Dans les faits, le projet de loi peut créer des obstacles supplémentaires pour les citoyens des Premières Nations qui cherchent à obtenir justice et ne fournira pas de recours efficaces aux individus demandant réparation.
Les députés conservateurs, de l'autre côté de la Chambre, peuvent bien dire qu'ils sont des défenseurs des droits de la femme, mais comme on le sait, les femmes autochtones ont déjà dénoncé ce projet de loi. J'invite donc mes collègues conservateurs à écouter les personnes qui sont vraiment concernées et qui seront touchées par ce projet de loi.
La présidente de l'Association des femmes autochtones du Canada, Beverley Jacobs, est très inquiète. Elle estime que:
[Le projet de loi des conservateurs] rendra encore plus à risque les femmes victimes de violence conjugale parce qu'elles seront forcées d'attendre longtemps avant que la justice ne suive son cours, sans qu'elles puissent avoir accès à des services sociaux, des services ou des refuges adéquats.
Ai-je besoin de rappeler que, selon Statistique Canada, 35 % des femmes autochtones ont été la cible de violence, que les femmes des Premières Nations subissent trois fois plus souvent de violence que les femmes non autochtones et qu'elles sont surreprésentées à titre de victimes d'homicide? Ces statistiques sont très alarmantes. Rappelons que l'Association des femmes autochtones du Canada estime que 510 filles et femmes amérindiennes ont disparu ou ont été assassinées depuis 1980, ce qui est beaucoup trop.
Je déplore particulièrement le manque de volonté politique des libéraux et des conservateurs relativement au problème du logement auquel sont confrontées les Premières Nations. Il faut comprendre que la pénurie de logement décent et abordable dans les réserves est étroitement liée à la séparation de biens en cas de divorce.
À l'heure actuelle, en raison d'un vide juridique, les femmes n'ont aucun droit en cas de rupture. Cela signifie qu'elles n'ont aucun autre choix que de quitter leur maison. Or, dans les réserves, les logements salubres et libres sont inexistants. Plusieurs femmes sont donc ainsi poussées à quitter leur réserve.
Comme les Premières Nations, nous nous opposerons encore une fois à ce projet de loi. En fait, nous n'appuierons aucune mesure législative sur les biens immobiliers matrimoniaux, à moins qu'elle ne s'accompagne de solutions non législatives visant à mettre un terme à la violence contre les femmes autochtones, à répondre à la crise du logement dans les réserves et à mettre un terme à la discrimination systématique en matière de financement pour les enfants des Premières Nations.
En terminant, j'aimerais faire part à la Chambre de recommandations proposées par l'Association des femmes autochtones du Canada et par l'Assemblée des Premières Nations. J'espère que mes collègues conservateurs écouteront ces recommandations.
Un rapport, qui s'intitule « Pour résoudre ensemble la question du partage des biens immobiliers matrimoniaux dans les réserves », a été publié en 2005.
Il émettait cinq recommandations. Il recommandait notamment: que l'AFAC et l'APN soient consultées afin d'élaborer une nouvelle loi ou de modifier la Loi sur les Indiens; que de l'aide financière soit accordée aux Premières Nations pour qu'elles abordent leur propre code en matière de biens immobiliers matrimoniaux; que toute nouvelle législation ne devrait pas s'appliquer aux Premières Nations ayant élaboré leur propre code; que la Loi canadienne sur les droits de la personne soit modifiée pour s'appliquer aux personnes vivant sur les réserves; et que le Canada reconnaisse le droit inhérent des Premières Nations de s'autogouverner.
On voit bien que les conservateurs n'ont pas écouté ces recommandations et que leurs consultations n'étaient qu'une passade. Telle est la façon de procéder des conservateurs: ils proposent des projets de loi qui ne consultent pas du tout les personnes concernées par les mesures contenues dans ce projet de loi.
J'attends avec grand plaisir les questions de mes honorables collègues.