Que la Chambre reconnaisse qu’un nombre disproportionné de femmes et de filles autochtones ont été violentées, portées disparues ou assassinées au cours des trente dernières années; qu’il incombe au gouvernement de rendre justice aux victimes, de ressourcer les familles et de collaborer avec les partenaires pour mettre fin à la violence; et qu’un comité spécial soit chargé de tenir des audiences sur le problème crucial des disparitions et des assassinats de femmes et de filles autochtones et de proposer des remèdes aux causes fondamentales de la violence faite aux femmes autochtones; et que le comité soit composé de douze membres, dont sept membres du parti gouvernemental, quatre membres de l’Opposition officielle, un membre du Parti libéral, pourvu que le président soit issu du parti gouvernemental; qu'en plus du président, un vice-président provienne de chaque parti de l’opposition; que le comité dispose de tous les pouvoirs que le Règlement confère aux comités permanents, en plus du pouvoir de voyager, accompagné du personnel nécessaire, à l’intérieur et à l’extérieur du Canada, sujet à l’autorisation habituelle de la Chambre; que le comité soit composé des députés inscrits sur une liste que le whip de chaque parti déposera auprès de la Greffière de la Chambre, au plus tard le 28 mars 2013; que le quorum du comité spécial soit fixé à sept membres pour toute délibération, sous réserve qu’un membre de l’opposition et un membre du parti gouvernemental soient présents; que les membres de ce comité puissent, à l’occasion, et si nécessaire, se faire remplacer conformément aux dispositions de l'article 114(2) du Règlement; que le comité fasse rapport de ses recommandations à la Chambre au plus tard le 14 février 2014.
-- Monsieur le Président, c'est avec beaucoup d'émotion que nous débattons aujourd'hui la motion présentée par le Parti libéral, laquelle prévoit la création d'un comité parlementaire spécial chargé de tenir des audiences sur le problème crucial des disparitions et des assassinats de femmes et de filles autochtones au Canada.
Ce n'est pas un hasard si les familles, les Soeurs par l'esprit et Cindy Blackstock, de la Société de soutien à l'enfance et à la famille des Premières Nations du Canada, ont choisi le 14 février pour venir sur la Colline du Parlement afin de défendre leur cause. Les participants à la journée Ayez un coeur, organisée par Cindy, sont réunis ce matin autour de la flamme du centenaire, et à midi, les familles et les Soeurs par l'esprit se rassembleront devant l'édifice Langevin et se dirigeront vers la Colline du Parlement en cette journée d'action pour réclamer justice.
Aujourd'hui, les Nations Unies participent à une campagne intitulée One Billion Rising. Il s'agit de la plus importante journée de mobilisation contre la violence faite aux femmes et aux filles. Ce mouvement mondial a pour objectif de mettre fin à la violence faite aux femmes et aux filles. Malheureusement, ici au Canada, il ne s'agit pas seulement d'appuyer un mouvement de lutte contre la violence faite aux femmes et aux filles dans les régions où les conflits ont cessé ou dans d'autres parties du monde. En effet, nous sommes confrontés chez nous, ici même, à la violence systémique à l'endroit des femmes et des filles autochtones du Canada.
Plus de 600 femmes et filles autochtones ont disparu ou ont été assassinées au Canada depuis 1970. C'est une tragédie. En outre, les cas de violence sont trois fois plus élevés chez les femmes autochtones que chez les autres femmes. Les jeunes femmes autochtones sont cinq fois plus susceptibles que les autres femmes de connaître une mort violente.
Cela dit, il est important que les manifestations d'aujourd'hui véhiculent clairement le message suivant: il ne s'agit pas seulement d'une injustice déplorable. Il est question ici de filles, de mères, de tantes, de cousines et de nièces, de personnes dont la disparition a laissé un grand vide dans le coeur des membres de leur famille et de leurs amis. Il est bouleversant de voir les proches de ces femmes portées disparues ou assassinées serrer désespérément leur photo. Ces gens nous ont dit clairement, à chaque fois que nous les avons rencontrés, qu'ils ne se remettront jamais, mais ils ont quand même besoin de soutien dans leur cheminement. Ils veulent qu'on rende justice à ces femmes. ils veulent qu'on fasse de la prévention. Ils veulent que la violence cesse. Ils savent que c'est une solution systémique qu'il faut.
J'ai entendu les témoignages de nombreuses personnes, que ce soit à Prince George ou au centre-ville de Winnipeg. À Vancouver, je me suis glissée dans la salle d'audience de la commission Oppal, qui enquêtait sur les meurtres commis par Robert Pickton, afin d'entendre ce que les familles avaient à dire, et je peux affirmer aux députés que nos efforts sont insuffisants.
Helen Betty Osborne a été assassinée parce qu'elle était autochtone. C'était il y a 30 ans.Toutefois, encore aujourd'hui, le Canada n'en fait pas assez. Il n'y a qu'à voir les noms sur le site Web des Soeurs par l'esprit: Lorna Blacksmith, Daleen Kay Bosse, Claudette Osborne, Pamela Holopainen, Hilary Bonnell. Dans le rapport poignant de l'organisme Human Rights Watch publié hier, on voit la photo d'un panneau installé le long de la route des pleurs sur lequel figurent les noms de Tamara, de Cecilia et de Delphine, de personnes qui ne sont plus parmi nous en raison de cette violence systémique.
La pancarte qui me touche le plus lors des rassemblements, c'est celle qui dit: « Pour le monde, elle était une personne parmi d'autres. Pour nous, elle était tout. » Cela signifie qu'il faut aller au-delà des statistiques horrifiantes. Il faut s'attaquer à ce problème sous l'angle humain, en tenant compte des familles et des communautés. Il s'agit aussi d'un problème systémique créé par le système des pensionnats et la colonisation. Il faut s'y attaquer de front. Nous devons faire comprendre la situation aux Canadiens non-autochtones, qui représentent 96 % de la population, et obtenir leur appui pour corriger cette grave injustice.
Il faut mener une enquête nationale et publique. Il va sans dire que le comité prévu dans la motion d'aujourd'hui ne remplacera pas la tenue d'une enquête publique. Nous réclamons une enquête nationale, mais le gouvernement se montre réticent à prendre les mesures qui s'imposent, à analyser les causes premières et à s'y attaquer directement, à rendre justice aux victimes, à prévenir et à faire cesser la violence. En l'absence d'une enquête publique, la motion d'aujourd'hui prévoit la formation d'un comité spécial qui entendrait des témoignages et ferait des recommandations pour s'attaquer aux causes profondes de la violence faite aux femmes autochtones au Canada, rendre justice aux victimes et définir un véritable plan d'action pour mettre fin à la violence.
Cela fait partie des recommandations données hier au gouvernement du Canada dans le rapport de Human Rights Watch. On ne devrait jamais considérer la disparition et le meurtre de femmes et de jeunes filles autochtones comme un problème qui ne concerne que les Premières Nations, les Métis et les Inuits. C'est un grave problème pour tous les Canadiens. Cette situation est tout simplement honteuse, à l'échelle tant nationale qu'internationale.
[Français]
En 2004 et en 2011, le Canada a régulièrement été critiqué par des organismes comme Amnistie internationale et les Nations-Unies, en 2008, pour avoir négligé de faire enquête et de régler les problèmes de la violence faite aux femmes et aux filles autochtones.
[Traduction]
Ce n'est pas une question de partisanerie. Cette motion n'a rien de politique.
[Français]
Il s'agit de mobiliser tous les partis pour qu'ils joignent leurs efforts et fassent tout leur possible pour rendre justice aux victimes, offrir des ressources aux familles et mettre fin à cette épidémie.
[Traduction]
Bien des députés des deux côtés de la Chambre ont exprimé la volonté de s'attaquer au problème. La députée conservatrice de a dit ceci:
[...] je dois partager une certaine honte de savoir que ma province et mon pays sont parmi les pires en ce qui concerne les femmes et les enfants autochtones disparus. Personne ne peut ressentir autre chose que de la honte par rapport à cette situation.
En mars 2010, Chuck Strahl, alors ministre conservateur chargé des Affaires indiennes et du Nord canadien, a déclaré que le gouvernement s'emploiera « à réduire le nombre alarmant de cas non résolus de meurtres et de disparitions de femmes autochtones ». L'actuel a également pris cet engagement:
Nous trouverons des solutions efficaces en collaboration avec les provinces, les territoires, les Autochtones et tous les intervenants intéressés. Après tout, nous avons tous intérêt à trouver une solution [...]
Cependant, il est temps pour le gouvernement de joindre le geste à la parole. Il est temps pour tous les ministres de mettre en commun leurs ressources afin que le comité parlementaire puisse entendre les témoignages nécessaires, et de s'engager à donner suite aux recommandations de ce comité spécial.
Le gouvernement du Manitoba a récemment organisé une réunion pour discuter du problème des femmes autochtones disparues ou assassinées au Canada. Tous les ministres provinciaux, territoriaux et fédéraux des Affaires autochtones, de la Justice et de la Condition féminine étaient invités. Les ministres fédéraux sont les seuls à ne pas s'être présentés. Ils ont plutôt envoyé des fonctionnaires de leur ministère. Ce n'est pas suffisant. Si la fréquence des meurtres était la même chez les Canadiennes non autochtones, on compterait aujourd'hui plus de 20 000 femmes assassinées.
[Français]
Si des centaines de femmes et de filles disparaissaient ou étaient assassinées dans nos collectivités et dans nos circonscriptions, ce serait un scandale et des mesures immédiates seraient exigées.
[Traduction]
C'est comme si deux 747 s'écrasaient sans qu'on cherche à en déterminer la cause.
J'invite tous les députés à être solidaires des familles associées à Soeurs par l'esprit en soulignant à midi la journée pour la justice pour les familles touchées et en honorant la mémoire des femmes et des jeunes filles disparues et assassinées. Le gouvernement et le Parlement doivent de toute évidence réagir plus énergiquement à la déplorable vague de violence et d'indifférence qui frappe les femmes et les filles autochtones.
Je crois que nous pouvons transcender les lignes partisanes et collaborer afin de contrer cette violence qui perdure. Le Parlement a entamé en 2010 une étude non partisane pour en apprendre davantage sur l'ampleur et les causes profondes de la violence à l'égard des femmes autochtones, les programmes qui visent à y remédier et les mesures susceptibles de rompre le cycle de violence.
[Français]
Bien que fort important, le travail du comité n'a toutefois pas porté spécifiquement sur les problèmes des femmes et des filles autochtones disparues et assassinées.
[Traduction]
Ce travail a malheureusement été interrompu par les élections de 2011, et le mandat du comité a subséquemment été réorienté sur les conséquences de la violence et l'habilitation des femmes et des jeunes filles autochtones. La situation est révoltante, mais, hélas, elle est connue depuis longtemps. Le temps est maintenant venu d'unir nos forces afin de rendre justice aux victimes, de permettre aux familles de panser leurs plaies et de mettre un terme à cette injustice tragique.
En 2004, Amnistie Internationale a publié le rapport intitulé On a volé la vie de nos soeurs, qui montre que les Canadiennes autochtones subissent une discrimination fondée sur le sexe et la race et qu'elles courent un risque plus élevé d'être victimes de violence, ce qui est inadmissible. Entre autres recommandations, l'organisme exhortair le gouvernement à financer adéquatement des travaux de recherche nationaux exhaustifs sur la violence contre les femmes autochtones, notamment en créant un registre national pour recueillir et analyser les statistiques en provenance de l'ensemble des provinces et des territoires. En 2005, étant donné l'accumulation de preuves de la disparition ou de l'assassinat de centaines de Canadiennes autochtones, l'ancien gouvernement libéral a investi 5 millions de dollars pour créer, par l'entremise de l'Association des femmes autochtones et de Soeurs par l'esprit, une base de données nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues ou assassinées. Malheureusement, en 2010, les conservateurs ont mis un terme à la subvention et on interdit à l'Association des femmes autochtones de consacrer le moindre financement à Soeurs par l'esprit.
Les résultats de cette enquête exhaustive avaient vraiment de quoi fendre le coeur. L'Association des femmes autochtones du Canada avait recensé environ 582 cas de femmes et de filles autochtones assassinées ou portées disparues. De ce nombre, 67 % des cas portaient sur des meurtres; 20 % sur des femmes ou des filles portées disparues, et 4 % sur des morts suspectes, des décès considérés naturels ou accidentels par la police, mais suspects par des membres de la famille ou de la communauté.
L'enquête menée par l'Association des femmes autochtones du Canada indique que, entre 2000 et 2008, les femmes et les filles autochtones représentaient environ 10 % du nombre total de femmes assassinées au Canada, alors qu'elles ne forment que 3 % de la population totale de femmes et de filles au pays. C'est tout simplement consternant. De plus, en ce qui concerne la justice pour les victimes, il est important de noter que, même si le taux d'homicides résolus est de 84 % au Canada, selon les données de l'Association des femmes autochtones du Canada, près de la moitié des homicides dont les victimes sont des femmes ou des filles autochtones ne sont toujours pas résolus. Il faut une approche systémique. Une commission des plaintes de la GRC ne corrigera pas cette incapacité systémique de notre système de justice à obtenir justice pour ces femmes autochtones assassinées ou disparues. La moitié des cas ne sont pas résolus. Rien n'explique cela, si ce n'est la discrimination et un système de justice à deux niveaux. Nous savons comment régler ce problème, et nous devons le régler maintenant.
En 2010, alors que d'une main le gouvernement annulait le financement des Soeurs par l'esprit, de l'autre il annonçait qu'il verserait 10 millions de dollars à diverses initiatives qui, selon ce qu'il disait, s'adressaient aux femmes et aux filles autochtones portées disparues ou assassinées. Toutefois, la majeure partie de cette somme est allée à des initiatives policières visant à retrouver des personnes portées disparues en général et non axées sur les comportements violents à l'égard des femmes autochtones.
Les réponses fournies hier par le au sujet d'un dossier connexe pendant la période des questions témoignent d'un véritable manque de compassion et de compréhension relativement à l'étendue de ce problème. Comment diable peut-on espérer combler cet incroyable écart entre la violence faite aux femmes autochtones et celle faite aux femmes non autochtones si on n'a pas les moyens de recueillir des données non regroupées? Comme Claudette Dumont-Smith, directrice générale de l'Association des femmes autochtones du Canada, l'a déclaré hier lors de la conférence de presse organisée par Human Rights Watch, il est probable que ces programmes constituent des initiatives positives en matière de justice pénale. Il demeure toutefois des lacunes importantes dans les données disponibles, lacunes qu'il faut combler afin que les politiques concernant ce problème précis soient fondées sur des renseignements valables et des faits, plutôt que sur une idéologie. Selon de récents rapports de la commission d'enquête Oppal sur les femmes portées disparues et de Human Rights Watch, il est clair que nos systèmes policiers et de justice comportent de graves lacunes. En effet, ils ont trop souvent été incapables de protéger les femmes et les filles autochtones, et cela doit changer.
L'association des chefs de police de la Saskatchewan est l'un des rares organismes d'application de la loi à conserver des statistiques détaillées sur les femmes et les filles autochtones portées disparues et assassinées. Selon le site Web de cette association, en 2012, 30 femmes ont été portées disparues en Saskatchewan. De ce nombre, 17, ou 57 %, étaient d'origine autochtone. Or, seulement 14 % des habitants de la Saskatchewan sont d'origine autochtone. Des données de ce genre devraient être recueillies dans l'ensemble du pays, mais, dans de nombreuses administrations, les services de police ne signalent même pas l'origine autochtone de certaines victimes d'actes criminels. C'est pourquoi il a été si décevant de constater qu'en 2010, le gouvernement conservateur a sabré dans le financement accordé à la base de données des Soeurs par l'esprit de l'Association des femmes autochtones du Canada.
Je tiens à répéter qu'il est nécessaire de tenir une enquête nationale publique exhaustive. Le rapport rendu public hier par Human Rights Watch, Ceux qui nous emmènent, est on ne peut plus clair. Entre autres choses, l'organisme demande au gouvernement du Canada de mettre en place, avant la fin de 2013, une commission nationale d'enquête sur les assassinats et les disparitions de femmes et de filles autochtones, ainsi que d'élaborer et de mettre en oeuvre un plan d'action national pour combattre la violence contre les femmes et les filles autochtones, qui examinera les causes structurelles de la violence, ainsi que le devoir de rendre des comptes et la coordination des instances gouvernementales chargées de prévenir la violence et d'intervenir.
C'est en mai 2009, à la Chambre des communes, que les libéraux ont parlé pour la première fois de la nécessité de tenir une enquête publique fédérale sur les femmes et les filles autochtones portées disparues et assassinées. Le Parti libéral a de nouveau fait cette demande en 2010, 2011 et 2012. Au cours de la campagne électorale fédérale de 2011, les libéraux se sont engagés à mettre sur pied un groupe d’étude national chargé d’examiner les causes systémiques de ce problème, en mettant l’accent sur leur élimination afin de prévenir que cette situation ne persiste à l’avenir.
Notre demande d'aujourd'hui visant la création d'un comité parlementaire ne veut absolument pas dire que nous avons abandonné cet engagement. Le 12 octobre 2012, Journée nationale de commémoration, ma motion M-411 a été inscrite au Feuilleton. Elle demande au gouvernement de prendre des mesures immédiates pour lutter contre ce problème systémique et d'ordonner la tenue d'une enquête publique. Les libéraux ont joint leur voix à celles de l'Assemblée des Premières Nations, de l'Association des femmes autochtones du Canada et de l'ensemble de la société canadienne pour réclamer la tenue d'une enquête publique nationale sur cette question.
[Français]
Chaque fois que nous en faisons la demande, nous essuyons un refus de la part du gouvernement.
[Traduction]
Il faut conjuguer nos efforts pour commencer à recueillir l'information nécessaire et à trouver immédiatement des solutions.
La motion qui a été présentée donne la possibilité aux parlementaires de soutenir les familles qui ont perdu un être cher à cause de la violence et qui réclament justice pour tous ceux qui sont éprouvés par cette tragédie sans fin. Les conservateurs prétendent qu'ils défendent les intérêts des victimes d'actes criminels. Malheureusement, bien des Canadiens jugent que c'est vrai, sauf si la victime est une Autochtone. Nous demandons donc aux conservateurs de collaborer avec nous et d'appuyer la motion afin de défendre les femmes autochtones disparues ou assassinées ainsi que leurs proches qui les chérissent, pour qui ce sont des mères, des filles, des grands-mères ou des tantes.
Dans le cadre de sa campagne de lutte contre la violence faite aux femmes, les Nations Unies demandent à la population de faire aujourd'hui une promesse, celle du mouvement V-Day:
La campagne One Billion Rising marque le début d'un monde mû par un nouvel esprit. Ce n'est pas la fin d'une lutte, mais son intensification. V-Day demande donc à ceux qui se tiennent debout dans le monde entier de s'engager simplement, jeudi, à faire une chose, au cours de l'année qui vient, pour mettre un terme à la violence faite aux femmes. Cette action peut être toute simple ou extraordinaire, personnelle ou politique, discrète ou éclatante. Mais ensemble, ces actions permettront de changer les choses.
J'invite donc tous les députés à appuyer la motion. Il s'agit d'une mesure simple, mais éloquente qui suscitera des changements.
:
Monsieur le Président, je suis heureuse de pouvoir discuter d'un problème très grave aux yeux du gouvernement du Canada. C'est d'ailleurs l'une de ses priorités.
En dépit de ce que prétend l'opposition, nous ne ménageons pas nos efforts sur le terrain pour régler ce problème des plus inquiétants.
Comme la Chambre le sait, le gouvernement a à coeur d'assurer la sécurité de tous les citoyens du pays, et non seulement de quelques-uns. Je me garderai d'énumérer toutes les mesures pénales que le gouvernement a fait adopter, mais la liste est longue et assez impressionnante.
Aujourd'hui, je veux m'attarder sur l'aspect humain de cette tragédie. Je souscris à la première partie de la motion. Effectivement, la Chambre devrait reconnaître — et je crois que notre gouvernement l'a fait à maintes reprises — que les femmes et les filles autochtones du Canada, malheureusement, demeurent beaucoup plus susceptibles d'être victimes de violence et subissent des actes de violence plus graves que les autres Canadiennes. Un nombre troublant de femmes et de filles autochtones sont portées disparues ou ont été assassinées au pays.
Les membres de la famille de ces femmes, pour qui ces disparitions et ces meurtres restent inexpliqués, ont fait part de leur douleur et de leur souffrance. Aucun Canadien ne devrait se dire que c'est le problème de quelqu'un d'autre.
Il incombe au gouvernement de rendre justice aux victimes et à leur famille et, à mon sens, celui-ci prend cette responsabilité très au sérieux, en posant des gestes importants. Nous avons tous le devoir de dénoncer cette violence inacceptable à l'endroit de soeurs, de mères, de filles, de tantes et de nièces. Leur vie nous tient à coeur et leur mort ne doit pas être ignorée.
Ces dernières années, le gouvernement a collaboré avec de nombreuses organisations autochtones pour lutter contre ce problème complexe. Nous avons alloué 5 millions de dollars à l'initiative Soeurs par l'esprit de l'Association des femmes autochtones du Canada. Par l'entremise de Condition féminine Canada, nous avons contribué aux travaux de recherche initiaux effectués dans le cadre de cette initiative.
La recherche ayant fait ressortir un nombre très préoccupant de femmes autochtones portées disparues ou assassinées au Canada, nous avons investi 25 millions de dollars supplémentaires, en 2010, dans des mesures immédiates visant à améliorer l’intervention des responsables de l’application de la loi et le système de justice afin qu'ils répondent mieux aux besoins des femmes autochtones et de leur famille. Notre engagement s'est concrétisé dans les budgets de 2010 et de 2012, ainsi que dans de nombreuses autres annonces et initiatives.
Je suis ravie d'appuyer également la deuxième partie de la motion, qui vise à charger un comité spécial d'examiner et de proposer des solutions. Mentionnons toutefois que beaucoup d'études ont été réalisées sur la question — le Comité de la condition féminine de la Chambre des communes en a fait une récemment — et que les communautés autochtones, de concert avec le gouvernement, déploient beaucoup d'efforts pour faire changer cette situation inacceptable.
Le gouvernement accueille favorablement cette occasion d'examiner ce qui a été réalisé et de chercher davantage de solutions. Un comité spécial formé pour étudier ce problème complexe et urgent pourrait s'employer à trouver des solutions pratiques pour l'avenir, de manière à ce que les générations futures n'aient plus à faire face aux risques auxquels ont été exposées les générations passées et que nous connaissons encore malheureusement aujourd'hui.
Notre gouvernement reconnaît la nécessité de collaborer étroitement avec les organisations et les populations autochtones ainsi qu'avec les partenaires provinciaux et territoriaux pour élaborer des solutions et des mesures plus efficaces, plus appropriées et plus axées sur la collaboration, dans le but d'assurer la sécurité des femmes au Canada, et c'est exactement ce que nous avons fait. Il faut des efforts concertés et des changements durables, ce qui ne peut être réalisé qu'une collectivité à la fois.
Les Premières Nations du Canada, qui sont plus de 600, ainsi que les populations autochtones urbaines ont chacune leur histoire, leurs besoins et leurs solutions. C'est pourquoi le gouvernement a mis l'accent sur le financement de la planification locale de la sécurité, car ce sont les populations locales qui sont les mieux placées pour cerner les changements souhaitables et définir les priorités. J'espère que le comité spécial pourra continuer d'oeuvrer en vue d'opérer des changements durables adaptés à chaque collectivité.
Le comité spécial constituerait un moyen additionnel de poursuivre ce qui a déjà été accompli pour s'attaquer aux causes sous-jacentes de la violence à laquelle les femmes et les filles autochtones sont particulièrement exposées. Le travail se ferait notamment dans le domaine de la prévention de la violence familiale, de la sécurité économique et de la prospérité, de l'éducation, de la santé, des services de police ainsi que de la vie en milieu urbain.
Je voudrais prendre une minute pour vous présenter quelques faits saillants concernant les autres mesures déjà prises par le gouvernement du Canada pour réduire la violence et pour rendre les femmes et les filles autochtones moins vulnérables à la violence.
En 2010, le gouvernement du Canada a annoncé qu'il affectait 25 millions de dollars sur cinq ans à une stratégie en sept points pour améliorer les interventions des responsables de l'application de la loi et du système judiciaire dans les cas de femmes et de filles autochtones portées disparues ou assassinées de même que pour accroître la sécurité des populations concernées.
Ma collègue, la , vous en dira davantage sur le travail du Centre national pour les personnes disparues et restes non identifiés, qui a été créé récemment, mais permettez-moi de donner l'assurance à la Chambre que le personnel de ce centre comprend un policier autochtone d'expérience qui est rattaché aux Services nationaux de police autochtones et qui a pour fonction de veiller à ce qu'on continue d'accorder beaucoup d'attention à la question des femmes et des enfants autochtones portés disparus.
Le nouveau site Web public d'envergure nationale a été lancé en janvier 2013, à l'adresse www.disparus-canada.ca. Il contient environ 715 profils d'enquêtes concernant des enfants disparus, des adultes disparus et des restes non identifiés. Le public peut soumettre des renseignements à propos de ces cas. On m'a dit que le tout premier renseignement a été fourni quelques heures à peine après le lancement du site.
D'ici la fin de l'année, le nouveau centre national lancera la première base de données nationale sur les personnes disparues et les restes non identifiés. Celle-ci fournira aux policiers, aux médecins-légistes et aux coroners en chef du Canada des renseignements complets provenant des diverses administrations.
Par ailleurs, le centre continue de collaborer avec le Centre d'information de la police canadienne et l'Association canadienne des chefs de police dans le but d'apporter de nombreuses améliorations au principal système de données policières, afin que les personnes disparues et les restes non identifiés y soient décrits avec plus de précision.
De plus, le nouveau centre et l'Association canadienne des chefs de police ont recueilli des pratiques exemplaires et les ont compilées dans un document destiné aux enquêteurs. Le centre élabore actuellement de la formation à l'intention des enquêteurs. En collaboration avec le Collège canadien de police, le centre a offert, l'an dernier, un cours-pilote de niveau avancé aux enquêteurs qui traitent des cas de personnes disparues et de restes non identifiés.
Comme je l'ai déjà dit, le gouvernement encourage les collectivités autochtones à élaborer des plans de sécurité communautaire afin de réduire la violence et d'améliorer la sécurité des femmes. Sécurité publique Canada, par l'entremise du nouveau Programme de contribution pour l’amélioration de la sécurité des collectivités autochtones, donne aux collectivités l'occasion de se mobiliser, de définir leurs besoins et de tirer parti de leurs acquis. On arrive ainsi à une intervention plus intégrée, qui tient compte des partenaires fédéraux, provinciaux et autochtones.
Au Canada, les gouvernements provinciaux et territoriaux fournissent des services d'appui aux victimes. De nombreux services ont été adaptés ou ajoutés, d'une manière proactive, pour répondre aux besoins particuliers des victimes autochtones.
Le ministère de la Justice travaille de près avec les gouvernements provinciaux et territoriaux afin qu'ils soient mieux préparés à soutenir les victimes autochtones et la famille des femmes autochtones disparues ou assassinées.
En 2010, le gouvernement du Canada a pris une mesure concrète en allouant annuellement une somme de 1 million de dollars au Fonds d’aide aux victimes dans le but d’aider les provinces et les territoires à adapter leurs services aux victimes autochtones ou à mettre en place de nouveaux services tenant compte de la réalité culturelle de celles-ci ainsi qu’à renforcer le soutien offert aux familles des femmes autochtones disparues ou assassinées.
Le ministère de la Justice a aussi versé des sommes d’argent importantes directement à des organisations communautaires dans le cadre de ses efforts visant à réduire la violence et à accroître la sécurité des femmes et des filles autochtones. Ainsi, environ 2 millions de dollars ont été versés directement à une trentaine d’organisations pour des activités visant à réduire la violence faite aux femmes autochtones. Les organisations autochtones peuvent également demander des fonds pour la conception ou la diffusion de matériel et d’activités de sensibilisation qui contribuent à briser les cycles de violence intergénérationnels et d'abus dans les collectivités autochtones à cause desquels les femmes et les enfants autochtones risquent davantage d’être victimes de violence.
En réaction au nombre alarmant de femmes autochtones disparues ou assassinées, Justice Canada a aussi collaboré avec un certain nombre d’entrepreneurs autochtones, dont l'Aboriginal Research Institute, pour préparer le Recueil des pratiques prometteuses visant à réduire la violence faite aux femmes autochtones au Canada et à accroître leur sécurité. Il est désormais possible de consulter ce recueil qui renferme de précieux renseignements sur les pratiques prometteuses pour les communautés autochtones. Ainsi, les groupes communautaires pourront s'inspirer de l'expérience d'autres collectivités autochtones pour trouver des solutions à des problèmes communs qui rongent leur propre tissu social.
Justice Canada administre en outre un certain nombre de programmes visant à réduire les taux de victimisation, de criminalité et d’incarcération chez les peuples autochtones, telle la Stratégie de la justice applicable aux Autochtones, qui est une initiative à coût partagé mise en œuvre en partenariat avec les gouvernements provinciaux et territoriaux du Canada de même qu'avec les collectivités autochtones. Ces programmes visent plus de 600 collectivités et aident le système de justice traditionnel à être plus attentif aux besoins et à la culture des collectivités autochtones et à mieux en tenir compte. Les investissements fédéraux ont totalisé près de 100 millions de dollars au cours des six dernières années.
Justice Canada a aussi collaboré avec le Service des poursuites pénales du Canada pour élaborer une formation obligatoire de sensibilisation à la culture inuite destinée aux procureurs de la Couronne du bureau régional du Nunavut et pour mettre à jour une publication sur la violence familiale intitulée La violence est inacceptable peu importe la culture: les Inuits. On peut aussi consulter cette publication en ligne.
Depuis mars 2010, Condition féminine Canada a aussi alloué plus de 2,3 millions de dollars à l'Association des femmes autochtones du Canada afin d'appuyer les deux étapes du projet Du constat aux actes sur lequel l'association travaille à l'heure actuelle. Le projet, qui prend assise sur des initiatives antérieures, vise à réduire la violence dont les filles et les femmes autochtones sont victimes en renforçant la capacité des communautés, des gouvernements, des éducateurs et des fournisseurs de services à s'attaquer directement aux racines du problème de la violence faite aux femmes et aux filles autochtones.
Comme je l'ai mentionné, le gouvernement s'attaque également aux facteurs sous-jacents qui contribuent à rendre les femmes et les filles autochtones vulnérables à la violence. Pour ce faire, nous créons des partenariats avec les organismes et les communautés autochtones dans les domaines du développement économique, de l'éducation, de la participation au marché du travail, du logement, des soins de santé, de la lutte contre la violence familiale, du maintien de l'ordre et d'autres domaines connexes.
Le gouvernement du Canada estime que les cas non résolus de femmes autochtones portées disparues ou assassinées sont une priorité, car les familles méritent des réponses. La GRC collabore avec d'autres services policiers du Canada, les gouvernements provinciaux et territoriaux, des organismes autochtones et le public dans le cadre des enquêtes qu'elle mène pour tenter d'élucider ces cas.
Pour faire la lumière sur les cas non résolus, les services policiers ont mis sur pied, dans les régions où ces crimes et disparitions sont plus fréquents, un certain nombre d'unités et de projets spéciaux. Toute personne détenant de l'information qui pourrait aider de quelque manière que ce soit à élucider ces crimes doit en aviser les services policiers. Il est vrai, par contre, qu'il faut faire plus.
Nous ne devons pas perdre de vue ni la résolution du gouvernement, des groupes autochtones et non autochtones, des communautés et des particuliers d'instaurer ensemble des changements nécessaires et durables, ni les progrès réalisés à cet égard.
Enfin, j'aimerais souligner qu'en plus de collaborer avec les groupes autochtones et les autres parties intéressées, le gouvernement fédéral continue de travailler en partenariat avec les provinces et les territoires pour coordonner nos efforts, car le problème des femmes et des filles autochtones disparues et assassinées ne pourra se résoudre que par un effort concerté. À leur réunion de novembre 2012, les ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux responsables de la justice ont approuvé un plan de mise en oeuvre des recommandations du rapport final du groupe de travail sur les femmes disparues et ont confirmé à nouveau qu'ils continueront de coordonner leurs efforts dans cet important dossier.
À la demande des ministres, le groupe de travail fédéral, provincial et territorial sur la justice applicable aux Autochtones travaille actuellement à l’élaboration d’un cadre national pour coordonner les mesures prises par les secteurs de l’application de la loi et de la justice pour tenter d’apporter des solutions au problème de la violence faite aux femmes et aux filles autochtones.
Le gouvernement croit sincèrement qu'il faut agir et a la ferme intention de continuer de travailler en partenariat avec les organismes et les groupes autochtones de même qu'avec les gouvernements provinciaux et territoriaux pour aider à trouver des solutions plus efficaces et plus adéquates afin de prévenir la disparition ou l'assassinat d'autres femmes ou filles autochtones. La contribution d'un comité spécial serait des plus utiles pour trouver des solutions afin de mettre un terme à la violence.
Je suis tout à fait disposée à collaborer davantage dans le but de réaliser cet objectif.
:
Monsieur le Président, je partagerai mon temps de parole avec ma collègue, la députée de .
Le message que nous voulons faire comprendre au Parlement aujourd'hui, c'est que c'en est assez! Aucune autre femme, aucune autre femme autochtone, ne devrait disparaître ou être assassinée au Canada.
En 2013, les femmes autochtones du Canada seront cinq à sept fois plus à risque que les autres Canadiennes de mourir des suites d'un acte violent. Qu'est-ce qui cloche? Où le bât blesse-t-il? Quelle erreur les gens commettent-ils? Que fait le gouvernement fédéral? Pourquoi fait-il la sourde oreille aux préoccupations exprimées par les membres des familles qui ont perdu leurs soeurs, leurs filles, leurs mères, leurs amies; les organisations autochtones, comme l'Association des femmes autochtones et l'Assemblée des Premières Nations; les dirigeants autochtones, comme les chefs, les grands chefs et le chef national; la société civile, comme l'organisme américain Human Rights Watch, qui est venu passer du temps dans le Nord de la Colombie-Britannique et a discuté avec des femmes victimes de violence et des familles de femmes disparues? Pourquoi le gouvernement fédéral conservateur refuse-t-il d'écouter tous ces intervenants et de tenir une enquête publique nationale sur les femmes autochtones disparues et assassinées?
[Français]
Au Canada, les femmes autochtones courent sept fois plus de risques de mourir de violence que les femmes non autochtones.
En effet, on répète qu'il existe plus de 600 cas de femmes autochtones disparues ou assassinées dans notre pays. L'initiative de l'Association des femmes autochtones du Canada, montre que 55 % de ces femmes sont disparues au cours de la dernière décennie. Les deux tiers de ces cas se sont produits dans l'Ouest canadien. La majorité des femmes attaquées avaient moins de 31 ans, et 80 % d'entre elles ont laissé des enfants derrière elles.
Les cas ayant eu lieu au cours de la dernière décennie comptent pour 10 % des homicides au Canada dont les victimes étaient des femmes, malgré le fait que les femmes autochtones comptent pour seulement 3 % de la population féminine du Canada.
Hier, Human Rights Watch, une organisation de renommée internationale, a publié un rapport concernant les allégations d'abus à l'égard des femmes autochtones en Colombie-Britannique. Ces membres ont fait des entrevues avec des femmes et leurs familles qui ont, soit vécu un abus, soit perdu une femme chez elles. Ils ont parlé de la route des pleurs, une honte pour notre pays.
Que ce soit sur la route des pleurs, que ce soit au centre de Vancouver, de Regina, d'Edmonton, de Winnipeg, de Toronto, de Montréal, d'Halifax, de Québec ou de Saint John's, que ce soit au bout de notre pays, dans des communautés comme la Manto Sipi Cree Nation, de God's River, la Pimicikamak First Nation, la Norway House Cree Nation, la Opaskwayak Cree Nation, que ce soit dans des villes comme Thompson, The Pas ou dans toutes nos villes qui ont une histoire à raconter sur plusieurs femmes autochtones enlevées dans nos maisons, dans nos édifices, dans nos rues ou dans la forêt, ces femmes sont disparues sans que justice soit faite en leur nom ou au nom de leur famille.
[Traduction]
Elles ont disparu sans le moindre sentiment de justice. Ces femmes ont disparu, elles ont été assassinées sans que nous disposions des réponses nécessaires pour mettre fin à tout cela.
Pourquoi sommes-nous tous ici, si ce n'est pour bâtir un présent et un avenir plus prometteurs pour tous les Canadiens?
Pourquoi le gouvernement est-il ici, si ce n'est pour répondre aux demandes des familles qui ont vécu la pire des tragédies, la perte d'un être cher?
Combien de fois de telles tragédies devront-elles se reproduire avant que le gouvernement fédéral n'agisse et n'ordonne la tenue d'une enquête publique nationale?
Les gens sont nombreux à réclamer une enquête nationale afin de trouver des réponses, d'analyser les facteurs qui se cachent derrière cette tragédie nationale et de comprendre pourquoi les femmes autochtones disparaissent dans une proportion beaucoup plus élevée que n'importe quel autre groupe parce qu'elles sont autochtones. Il faut se pencher sur cette extrême marginalisation et cette extrême pauvreté. Je ne sais pas combien de temps les ministériels ont passé dans certaines des communautés où des femmes disparaissent, ou s'ils se sont assis avec les familles des disparues. Je me suis assise avec les familles de Lorna Blacksmith et de Sunshine Wood, et j'ai rencontré la famille d'Helen Betty Osborne. Ce sont des femmes qu'on a enlevées à leurs communautés du Nord du Manitoba, et qui ne reviendront jamais.
Mes collègues et moi, ainsi que d'autres personnes ont pu constater en personne leur douleur et leur soif de justice. Pourquoi le gouvernement fédéral refuse-t-il d'écouter ces voix, de répondre affirmativement à ceux qui cherchent à obtenir justice, d'obtenir des réponses, d'établir un plan d'action qui mettra fin aux conditions de vie et à l'extrême pauvreté — qui sont comparables à celles d'un pays du tiers monde — auxquelles sont confrontées les femmes des communautés autochtones? Il faut admettre que nous ne finançons adéquatement pas l'éducation. Regardez les manifestations sur la Colline du Parlement. Des enfants manifestent et réclament un accès égal à l'éducation à leur propre gouvernement fédéral. Dans quel pays vivons-nous? Au Canada, et cette situation est inacceptable. Pourquoi les Premières Nations de ce pays vivent-elles toujours dans une pauvreté abjecte, et pourquoi doivent-elles payer le prix le plus élevé qui soit, celui de perdre des membres de leur famille, de leur nation, soit les femmes, celles qui donnent la vie?
Le gouvernement n'a toujours pas commandé d'enquête nationale. De surcroît, nous avons été témoins, ces dernières années, de réductions particulièrement draconiennes dans les fonds affectés à la recherche de réponses et à l'amélioration du sort des femmes autochtones au Canada. La liste des organismes touchés est longue, mais j'en mentionnerai quelques-uns. Le plus important, Soeurs par l'esprit, a simplement réuni des familles et entrepris la tâche ardue de recueillir des données, d'établir des liens entre différents faits, qu'ils concernent le Nord de la Colombie-Britannique, les Territoires du Nord-Ouest ou la côte Est, et de traduire ces faits en chiffres: plus de 600 femmes disparues, qui avaient en moyenne 31 ans, mais dont beaucoup étaient plus jeunes, et dont plus de 80 % ont laissé des enfants derrière. Cet organisme n'existe plus.
L'Association des femmes autochtones, le principal organisme national de défense des droits des femmes autochtones, s'est fait couper les vivres. L'Institut de la statistique des Premières Nations n'existe plus. L'Organisation nationale de la santé autochtone a disparu, tout comme le Centre d'excellence pour la santé des femmes de la région des Prairies et les organismes apparentés. Le financement de base des organismes locaux a été supprimé.
Nous disons au gouvernement qu'assez, c'est assez. Il est temps de passer à l'action. C'est une question de vie ou de mort, et il nous appartient de prendre les choses en main; il appartient au gouvernement de faire preuve de leadership et de s'engager à rendre justice aux femmes, aux familles, aux collectivités touchées et au pays. Pour ce faire, le gouvernement doit d'abord s'engager à agir et à tenir une enquête nationale publique. Le NPD affirme fièrement sa solidarité avec les personnes et les collectivités concernées. Nous reviendrons à la charge tant qu'une enquête nationale ne sera pas instituée et que d'autres femmes autochtones mourront au Canada.
:
Monsieur le Président, d'entrée de jeu, j'aimerais dire que je suis ravie d'intervenir après la députée néo-démocrate de , qui a présenté un discours très puissant et passionné. Je sais que nous avons tous ce dossier à coeur.
Pour commencer, j'aimerais parler d'un événement très important qui aura lieu aujourd'hui dans Downtown Eastside, au coin des rues Main et Hastings. C'est aujourd'hui que se tiendra dans cette collectivité la 22e marche commémorative des femmes.
J'ai participé à la première marche, qui a eu lieu en 1991, alors que j'étais encore conseillère municipale. C'était la première fois que les gens de ce quartier se regroupaient pour manifester et rendre compte de la terrible violence qui sévissait dans cette collectivité où des femmes autochtones disparaissaient, étaient assassinées, étaient présumées assassinées ou se prostituaient.
Je me souviens avoir marché le long de la rue Powell, et notre point de départ était une benne à ordures où le corps démembré d'une femme assassinée avait été retrouvé peu de temps auparavant. Je ne la nommerai pas parce que sa famille a demandé que son nom ne soit pas mentionné. Nous avons parcouru les rues Powell et Dundas jusqu'à Main et Hastings, pour atteindre le centre Carnegie, où avait lieu une cérémonie de purification à laquelle assistait la famille de cette femme. C'était la première fois que les habitants du quartier se regroupaient pour rendre compte de ce qui se passait dans cette communauté. En effet, de nombreuses femmes avaient disparu avant cela. C'est à ce moment que la collectivité a commencé à demander la tenue d'une enquête publique sur les femmes disparues et assassinées en Colombie-Britannique. Nous pensions tous qu'un tueur en série était probablement responsable de ces meurtres.
Deux décennies se sont écoulées et bien des choses se sont passées. Il y a eu des procès criminels et le plus grand procès pour meurtres en série au Canada, le procès Pickton. Il y a eu la commission Oppal. De plus, les Nations Unies ont lancé leur propre enquête sur les femmes autochtones disparues et assassinées, et sur l'état de la situation.
Aujourd'hui, nous débattons de cette motion. C'est un grand pas en avant. J'ai l'impression que la motion sera adoptée. C'est bien. Cependant, je veux envoyer une pensée aux femmes de Downtown Eastside et remercier les organisatrices de ce qu'elles font aujourd'hui. Il y a notamment Marlene George, présidente du comité, mais aussi beaucoup d'autres femmes actives dans ce dossier. Malgré qu'elles pleurent leurs proches, elles refusent de se laisser amadouer et réduire au silence.
Ce dossier m'a appris quelque chose: il s'agit probablement de la pire tragédie jamais survenue dans Downtown Eastside, où le deuil est toujours aussi douloureux. Cependant, j'ai aussi appris que nous ne pouvons tout simplement pas fermer les yeux sur les graves problèmes systémiques en cause. Je crois que nous avons tous un devoir à accomplir. Celui-ci incombe essentiellement aux gouvernements, mais qu'il soit question d'ordre municipal, provincial ou fédéral, nous avons tous le devoir de composer avec la réalité des choses. Ce faisant, nous devons constater les injustices flagrantes qui frappent les Autochtones, surtout les femmes, mais aussi réagir en prenant acte et conscience du racisme, de l'iniquité, de la pauvreté et de la discrimination historiques qui ont été hérités du lourd passé colonialiste du Canada.
Si nous ne commençons pas par comprendre tout cela, je crains fort que nous n'ayons pas retenu les leçons qui nous permettront d'aller de l'avant. Saisir les causes profondes de la situation, c'est pour moi un principe fondamental.
Aussi, nous devons prendre conscience que la société a laissé tomber ces femmes sur tous les plans — judiciaire, politique et culturel. Peu importe l'angle sous lequel nous envisageons la question, nous ne pouvons que nous rendre à l'évidence: la société les a laissées tomber.
Ces femmes vivaient dans la marginalité. Je parle principalement de celles du quartier Downtown Eastside, mais, comme nous le savons, 600 femmes ont disparu et pourraient avoir été assassinées dans l'ensemble du pays. Ces femmes étaient tellement marginalisées qu'elles sont pratiquement devenues des non-humains et que leur disparition n'a jamais été prise au sérieux. Nous avons maintenant des rapports et des analyses montrant ce qui a mal fonctionné, et on pointe encore du doigt certains responsables: la GRC, la police de Vancouver et d'autres services de police ailleurs au pays.
En ordre d'importance, la deuxième étape est de comprendre ce qui s'est passé pour que ces femmes finissent par être complètement abandonnées. Nous nous attendons à ce que nos gouvernements, notre société et les programmes dont nous nous sommes dotés viennent en aide aux gens, conformément aux valeurs canadiennes que nous partageons, lorsqu'ils sont en difficulté. Mais dans ces cas, et particulièrement dans les cas du quartier Downtown Eastside, les femmes ont été ignorées parce que la plupart d'entre elles étaient des travailleuses du sexe. On n'a pris au sérieux ni leur disparition, ni les plaintes des membres de leur famille. Nous avons beaucoup à apprendre.
J'ai assisté à la séance de publication du rapport de la commission Oppal le 17 décembre, il n'y a pas très longtemps. Bien que les critiques aient été nombreuses au sujet de l'enquête menée par cette commission, enquête à laquelle beaucoup d'organismes communautaires n'ont pas pu participer faute d'être formellement autorisés et de disposer des ressources nécessaires, le rapport est quand même là. Il nous lance, à tous, un appel pressant pour que les recommandations qu'il contient soient suivies.
Lorsque j'ai parlé au juge Oppal, avant que la commission ne commence son travail officiellement, je lui ai dit ce que je pense encore aujourd'hui, à savoir que le volet le plus important de son travail était de trouver un moyen de s'assurer que, quelles que soient les recommandations à venir, elles ne soient pas oubliées et ne se retrouvent pas tout simplement sur une tablette. Nous avons vu une telle chose se produire malheureusement dans le cas de nombreux autres rapports. Rappelons-nous la Commission royale sur les peuples autochtones, qui a produit un rapport comprenant trois volumes en 1996. La plupart des recommandations sont restées lettre morte.
Aujourd'hui, je dis à la Chambre que, si elle manifeste une volonté unanime de mettre sur pied un comité spécial — et je suis heureuse de voir que cela semble être le cas —, nous devons nous engager, envers la société et les familles concernées, à voir à ce que les travaux de ce comité soient pris au sérieux et ne soient pas une nouvelle répétition de la même routine. Le comité devra se pencher sur les autres rapports et les autres recommandations.
Plus tôt aujourd'hui, la secrétaire parlementaire a dit qu'il fallait, selon elle, examiner les recommandations de la Commission Oppal et déterminer en quoi elles touchent au gouvernement fédéral. Bien sûr, cela est très important, mais nous devons aussi nous engager à cherche à obtenir des résultats réels en ce qui concerne le système judiciaire, la pauvreté, l'inégalité des revenus, le racisme, la discrimination et le statut des femmes dans notre société, en particulier celui des femmes autochtones. Nous avons le pouvoir de faire cela, individuellement et collectivement, ainsi par l'entremise de nos partis politiques.
Je suis heureuse que nous débattions aujourd'hui de cette motion. C'est un premier pas. Comme l'a dit la députée de , nous croyons nous aussi qu'il faudrait tenir une enquête publique nationale et nous allons continuer d'insister pour qu'elle voie le jour. Je suis persuadée que nos concitoyens vont continuer de nous en rappeler l'importance.
Il semble que, dans l'immédiat, notre tâche consiste à mettre sur pied ce comité spécial. Je tiens à dire à tous les militants, aux membres des familles touchées et à toutes les personnes qui se réuniront aujourd'hui à midi, à l'angle des rues Main et Hastings — il y aura probablement plus de 5 000 personnes — que mes collèges et moi prenons solennellement cet engagement, à la mémoire des femmes du quartier Downtown Eastside de Vancouver. Nous n'allons pas lâcher prise. Nous allons exiger que justice soit faite. Nous allons travailler sans relâche pour faire en sorte que les voix de la collectivité soient entendues, car elles connaissent la vérité. Elles savent ce qui doit être fait. D'une certaine façon, nous devons faire preuve de leadership, mais nous devons aussi respecter le leadership dont elles font preuve et travailler en collaboration avec elles pour veiller à ce que ces changements soient bel et bien apportés.
:
Monsieur le Président, c'est pour moi un plaisir de participer au débat sur la violence faite aux femmes autochtones à l'occasion de cette journée de l'opposition libérale.
Depuis des décennies, nous assistons impuissants à la violence faite à de trop nombreuses femmes autochtones au Canada. La violence sous toutes ses formes se matérialise à travers ces femmes qui n'ont peu ou pas de recours pour endiguer ces actes hautement répréhensibles. Violence physique, violence psychologique, disparitions, meurtres, viols et voies de faits sont monnaie courante pour des femmes de plusieurs communautés au pays. Nous connaissons le visage de ces victimes, mais nous ignorons pour l'essentiel leur quotidien. Ce sont des mères, des adolescentes, des femmes âgées, des fillettes, des femmes de toutes conditions, qui subissent les assauts d'hommes violents.
Ceux qui commettent ces délits proviennent parfois de leur communauté ou de milieux institutionnels. Ils proviennent aussi des communautés environnantes, des villes ou des villages de nos provinces. Ce sont des frères, des pères, des amis, des figures d'autorité ou carrément des étrangers. Les victimes vivent aussi en milieu urbain ou elles sont les proies des souteneurs et des criminels de tout acabit.
Le recensement des horreurs faites à ces femmes des Premières Nations est une disgrâce pour l'ensemble du Canada, pour notre système pénal et nos institutions.
Human Rights Watch déplore qu'une partie de cette violence soit issue des milieux policiers. À cet égard, beaucoup de déclarations prolifèrent dans les médias et au sein des organismes de défense des droits humains.
Mais comment pouvons-nous jauger la réalité de ces allégations? Comment pouvons-nous agir relativement à cette violence qui semble institutionnalisée? Comment pouvons-nous prendre la mesure de toutes ces violences qui n'a de cesse de croître, et ce, malgré les efforts déployés dans maintes communautés autochtones?
Le nombre de victimes est effarant, compte tenu de la représentation numérique de ces femmes au sein de la population canadienne. Or pourquoi ces femmes autochtones subissent-elles ces assauts répétés sans que les pouvoirs publics n'interviennent?
Nous savons tous que la société canadienne n'est pas exempte de la violence faite aux femmes. Toutefois, pour les femmes des autres communautés au pays, nos rues et nos parcs, nos villages et nos villes demeurent relativement sécuritaires.
Le phénomène de la violence faite aux femmes autochtones stigmatise, jour après jour, leur impuissance économique et politique dans un monde qui reste sourd à leur douleur. Dernièrement, la réalité autochtone a fait l'objet de débats au sein de cette enceinte, puisque la précarité de certaines communautés nous est apparue telle une injustice historique qui se perpétue inlassablement.
Pourtant, au sein des plus démunis, nous retrouvons ces femmes qui sont encore plus seules, puisque leur combat, où se joue leur vie, demeure en périphérie des blessures séculaires de notre nation. À l'ouest et à l'est, les femmes des Premières Nations maintiennent la cohésion sociale de ces peuples admirables de résilience. Elles sont souvent gardiennes de leur langue et de leurs traditions. Cependant, à l'enseigne de tous les conflits du monde, elles demeurent les grandes oubliées des traités, des conventions et des armistices.
Nous n'avons même pas encore intégré l'histoire des Premières Nations à notre histoire nationale. Alors, imaginez ce qu'il en est de la réalité de ces femmes qui ont vu leurs droits anéantis par l'envahisseur. Nous perpétuons le cynisme colonial envers ces femmes et ces filles qui laissent nos élus pour le moins indifférents face à leur sort.
Si ces femmes étaient de nos communautés, nous aurions invoqué 10 fois, 100 fois et 1 000 fois l'urgence d'agir, mais nous croyons qu'elles sont lointaines et hors de notre portée. Pourtant, notre histoire collective est faite de ces rapports inéquitables qui se perpétuent dans la modernité.
Nous devons prendre quelques instants pour nous recueillir à la mémoire de ces femmes violentées. Notre réflexion doit alimenter nos actions, qui doivent non seulement être réparatrices des stigmates du passé, mais qui doivent aussi donner un sens à la justice et à l'égalité.
Les statistiques de ces violences ont été recensées par de nombreux chercheurs au Canada, et nous devons constater le fossé immense qui sépare les communautés autochtones des autres communautés au Canada.
Dans une étude réalisée par l'Agence de la santé publique du Canada, on constatait, en 2009, que les femmes autochtones sont trois fois plus violentées que les autres femmes au pays. Selon Statistique Canada, les femmes autochtones risquent également sept fois plus d'être victimes d'un homicide que les femmes non autochtones du Canada.
Évidemment, cette violence est celle qui est déclarée auprès des autorités policières, mais qui nous laisse croire, compte tenu de leur condition, qu'un grand nombre de ces crimes ne sont pas recensés. Beaucoup de ces victimes vivent en milieu isolé, et ce, même dans les villes. L'absence de services sociaux et médicaux dans nombre de communautés nous porte à croire que les victimes de ces actes de violence s'inscrivent, malgré elles, dans le cercle vicieux de la victimisation, les entraînant inévitablement vers des problèmes récurrents de santé mentale, de santé physique et de paupérisation.
Le drame des femmes autochtones se joue souvent en bas âge, puisqu'elles sont surreprésentées dans la tranche d'âge des victimes entre 15 et 34 ans, toujours selon la même étude.
Le phénomène de la violence chez ces femmes s'est révélé peu à peu dans les médias canadiens, en raison du nombre élevé de disparitions non résolues de femmes de ces communautés.
Depuis l'été 2012, l'Assemblée des Premières Nations et d'autres groupes revendiquent une commission d'enquête nationale sur les femmes autochtones portées disparues et assassinées. L'Assemblée des Premières Nations estime que 600 d'entre elles ont connu ce sort au pays au cours des deux dernières décennies. Il y a un lien à faire entre le nombre élevé de disparitions et le désintérêt qu'elles suscitent chez nos décideurs.
Toute l'ignorance qui se perpétue face à la réalité de ces femmes est maintenue par un système paternaliste qui a cours entre le gouvernement fédéral et les nations autochtones. La violence endémique qui sévit auprès de ces femmes n'est plus l'affaire des communautés éloignées, elle nous concerne tous et toutes. La violence faite aux femmes métisses, inuites et amérindiennes se conjugue avec le racisme et le sexisme ambiant qui accompagnent encore nos rapports avec les Premières Nations.
Nous pourrions citer maintes et maintes enquêtes criminelles qui révéleraient un autre aspect de notre désintérêt envers le sort de ces femmes, mais nous devons faire un travail systématique de recherche des causes et des solutions de cette violence, en apportant notre contribution à une commission d'enquête qui révélera, sans aucun doute, notre absence de célérité dans l'administration de cette justice faite aux femmes autochtones.
À l'instar de l'Association des femmes autochtones du Canada, nous croyons qu'une enquête publique nationale et que la mise sur pied d'un comité, tel que proposé par ma collègue, sont nécessaires afin de révéler les disparités de notre système de justice à l'égard de ces femmes. Nous sommes interpellés par le manque de ressources judiciaires attribuées à la défense des femmes violentées.
Nous sommes indignés de constater que nombre d'enquêtes criminelles demeurent lettre morte et que la liste des disparues s'allonge sans que nous puissions élaborer des pistes de solution.
La réalité de ces disparitions et de toute cette violence ne peut que s'accentuer si nous ne proposons aucune avenue en matière de justice sociale et de défense des droits. Nous devons donner aux femmes autochtones les moyens d'exprimer leurs doléances sur la place publique et les assurer de la création de services juridiques et policiers qui vont tenir compte de leur identité propre. L'absence d'avocats, de travailleurs sociaux et de policiers formés à même la réalité des femmes autochtones contribue au maintien de cette violence systémique.
Nous ne pouvons soutenir la cause des femmes autochtones sans leur adjoindre des services qui pourront les aider à formuler des plaintes, et surtout les protéger des agresseurs potentiels.
Nous engager dans la voie d'une enquête publique sans s'assurer du concours des forces politiques en présence serait voué à l'échec. Rendre compte de la réalité féminine autochtone est une chose, mais y adjoindre des propositions conséquentes sur notre façon de rendre la justice en est une autre.
:
Monsieur le Président, je suis heureuse de prendre la parole pour appuyer la motion à l’étude aujourd’hui.
Les Canadiens savent que le gouvernement est déterminé à rendre les rues, les quartiers et les localités plus sûrs pour tous, et il a pris des mesures concrètes pour aider à protéger notamment les femmes autochtones contre la violence. Le meurtre et l’enlèvement de femmes sont complètement inadmissibles. Il continuera d’appliquer un vigoureux programme de justice pénale pour s’attaquer à ces problèmes. Les initiatives sont nombreuses et complexes. Je voudrais parler brièvement de quelques-unes d’entre elles qui sont liées à la sécurité publique, ainsi que des mesures prises pour améliorer et renforcer les outils qui sont à la disposition des forces de l’ordre pour intervenir dans les cas de disparition ou de meurtre de femmes.
Le budget de 2010 a affecté des fonds importants pour lutter contre le problème du nombre élevé de disparations et de meurtres de femmes autochtones. Cela permettra d’améliorer l’intervention des forces d’exécution de la loi et du système de justice, dans les cas de femmes disparues ou assassinées, et de venir en aide aux victimes. Cet engagement s’ajoutait aux fonds appréciables qu'on avait déjà injectés dans un certain nombre de domaines afin de s’attaquer aux causes profondes de la violence faite, plus particulièrement, aux filles et femmes autochtones.
Le budget de 2010 a affecté 5 millions de dollars aux seuls plans d’action visant à assurer la sécurité dans les collectivités autochtones. On ne peut pas dire que le gouvernement n’agit pas vigoureusement sur ce plan. Il collabore également avec les Premières Nations, avec les collectivités métisses et inuites et avec les Autochtones vivant en milieu urbain afin de renforcer leur capacité d’utiliser les ressources existantes et d’élaborer des plans de sécurité adaptés à la situation propre à chaque collectivité.
Le gouvernement a également accordé des ressources importantes à la Gendarmerie royale du Canada pour garantir que des mesures concrètes soient mises en place afin de lutter contre le problème de la disparition de femmes autochtones. La GRC a mis sur pied le Centre national pour les personnes disparues et restes non identifiés; il y a notamment un agent désigné qui est lié aux Services nationaux de police autochtones. Le centre a pour vocation d’aider tous les services de police canadiens à régler les cas de disparation de personnes.
Les fonds accordés par le gouvernement ont aidé la force policière à renforcer le Centre d'information de la police canadienne afin qu’il puisse recueillir des données supplémentaires sur les personnes disparues, par exemple des données biologiques ou sur l’affinité culturelle. La GRC est également en train de créer la première base de données nationale sur les enfants et autres personnes disparus et sur les restes non identifiés afin que les forces d’exécution de la loi, les médecins et les coroners en chef puissent compter sur une analyse plus poussée dans l’ensemble des provinces et territoires. Le site Web du Centre national de la GRC pour les personnes disparues et les restes non identifiés, Disparus-Canada, à l’adresse http://www.canadasmissing.ca/index-fra.htm, permettra au simple citoyen de fournir des indices sur les cas non réglés, de façon à aider les familles des victimes à tourner la page.
Ces initiatives s’ajoutent à la formation que dispense la GRC pour aider ses membres à mieux comprendre les questions autochtones. Cette formation aide le personnel à offrir des services de police mieux adaptés à la culture autochtone, contribuant ainsi à rendre les collectivités autochtones plus sûres et plus saines. Il y a quelques moments à peine, la GRC a publié le document Égalité entre les sexes et respect: Le plan d'action de la GRC, qui indique des mesures précises visant à recruter un plus grand nombre d’Autochtones dans la GRC.
La GRC mène des enquêtes sur tous les cas de personnes disparues ou assassinées dans les territoires qui sont de son ressort, sans égard au sexe, à l’origine ethnique, aux antécédents ou au mode de vie. Les ressources et les moyens d’enquête sont attribués en fonction des circonstances de chaque cas et non d’après les antécédents, la culture ou le mode de vie de la victime. La GRC accorde la priorité dans ses enquêtes aux plaintes portant sur les personnes disparues, et il existe une politique et des procédures d’enquête nationales qui garantissent que toutes les mesures sont prises pour retrouver les personnes disparues ou dont la disparition a été signalée.
La GRC collabore avec un certain nombre de partenaires afin de veiller à la santé et à la sécurité des femmes autochtones, notamment d’autres services d’exécution de la loi, des gouvernements provinciaux et territoriaux ainsi que des organismes de la société civile, autochtones et autres. Elle dirige également des groupes de travail, un peu partout au Canada, qui étudient de près les dossiers de femmes disparues ou assassinées, y compris ceux des femmes autochtones. Ces groupes de travail se multiplieront dans tout le territoire et collaboreront dans ce dossier important en mettant l’accent notamment sur la mise en commun d’information, la gestion des dossiers, et la communication des renseignements qui peuvent être transmis à d’autres services d’enquête. En outre, les agents de la GRC chargés des questions criminelles dans les provinces et les territoires se rencontrent régulièrement pour discuter des questions opérationnelles d’importance nationale, notamment celle des disparitions et meurtres de femmes autochtones.
Ces derniers mois, les Canadiens ont entendu des reportages extrêmement troublants au sujet de la conduite de quelques agents de la GRC. Voilà pourquoi le gouvernement a affirmé clairement qu’il collaborerait étroitement avec le commissaire de la GRC afin de rétablir la fierté et la confiance à l’égard de la force de police nationale du Canada. Ainsi, il a présenté la Loi visant à accroître la responsabilité de la GRC. Il s’agit de renforcer la commission chargée d’examiner les plaintes formulées contre la GRC, de mettre en place un dispositif pour les enquêtes criminelles sur des incidents graves mettant en cause des membres de la GRC et de simplifier la gestion des ressources humaines dans ce corps de police.
Le processus en matière de discipline, même lorsqu’il s’agit d’accrocs relativement mineurs à la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, traîne en longueur exagérément et il est inefficace, puisque toutes les sanctions officielles doivent être soumises à un comité d’arbitrage formé de trois personnes, ce qui demande beaucoup de temps et exige des ressources importantes, au lieu de relever, dans bien des cas, des gestionnaires de première ligne, comme dans d’autres milieux de travail.
La loi que le gouvernement a proposée règle aussi ces problèmes en donnant aux gestionnaires de première ligne le pouvoir d’imposer un large éventail de sanctions — de la simple formation jusqu'à des mesures correctives comme la suppression du traitement — sans avoir à recourir à un comité.
Le processus disciplinaire serait aussi beaucoup plus rapide et moins accusatoire. En outre, le nouveau régime de griefs substituera un processus unique de grief et d’appel au lieu de la multitude de processus qui existent actuellement. Là encore, les gestionnaires de première ligne pourront intervenir rapidement et directement dans le règlement des griefs.
Le résultat ultime, c’est que des spécialistes ayant la formation voulue géreront et aideront à régler les cas, l’accent étant mis sur un règlement rapide, avant que l’affaire soit soumise à un décideur. Les gestionnaires de première ligne pourront chercher à régler les problèmes à un stade précoce, avec un soutien dont ils ont grand besoin.
Le commissaire serait habilité à désigner toute personne au service de la GRC comme décideur, donnant ainsi la possibilité de régler rapidement les différends en milieu de travail et de faire appel aux compétences de toutes les catégories d’employés de la GRC.
Le gouvernement se fait une fierté de toujours donner à la police les outils dont elle a besoin pour faire son travail. À cet égard, les nouvelles dispositions proposées dans le projet de loi donneraient au commissaire de la GRC le pouvoir, qui lui fait actuellement défaut, de prendre des décisions fondamentales en matière de ressources humaines afin de gérer efficacement l’organisation. Pour l’instant, il n’a pas le pouvoir d’établir et de maintenir en place des processus de rétrogradation ou de renvoi pour des motifs administratifs, comme la perte de l’autorisation de sécurité ou des problèmes de rendement. Aux termes des modifications proposées dans le projet de loi , le commissaire aurait de nouveaux pouvoirs, notamment celui de rétrograder et de renvoyer des membres pour des motifs autres que leur conduite. Il serait également autorisé à mettre en place un processus d’enquête sur les plaintes de harcèlement en milieu de travail portées contre un membre, et de règlement de ces plaintes.
Nous apprécions évidemment le rapport publié aujourd’hui par le président de la commission. La GRC attend impatiemment l'entrée en vigueur du projet de loi afin d’être en mesure de mettre en application son plan constructif visant à mettre fin au harcèlement en milieu de travail. Dans le cadre de cette action, il est très important que la Chambre adopte rapidement le projet de loi pour que la GRC puisse aller de l’avant et mettre en place les processus nécessaires pour régler quelques-uns de ces problèmes particulièrement inquiétants.
Le projet de loi conférerait au commissaire les pouvoirs voulus pour exercer pleinement son autorité. C’est pour cette raison que cette mesure est essentielle et que nous demandons en particulier au NPD d’appuyer le projet de loi .
Le commissaire aurait également le pouvoir de nommer la plupart des officiers, ce qui permettra de raccourcir les délais de planification de la relève.
Tous ces changements contribueraient au renforcement et à la modernisation de la GRC tout en augmentant la responsabilité de l’organisme et en améliorant la perception que le public en a.
Le projet de loi comporte un autre ensemble d’importantes modifications prévoyant la création d’une nouvelle Commission civile indépendante d’examen et de traitement des plaintes. Cette commission serait dotée de pouvoirs d’enquête sensiblement élargis par rapport à la commission actuelle et serait habilitée à collaborer étroitement avec d’autres organismes d’examen. Les nouvelles dispositions apporteraient à la GRC un mécanisme d’examen civil semblable à ceux d’autres organismes modernes d’examen.
L’actuel organisme civil d’examen peut enquêter sur les plaintes concernant la conduite des membres de la GRC, mais il n’a pas le pouvoir de convoquer des témoins et de leur imposer de déposer sous serment à moins de tenir une enquête publique. Cette situation doit changer. Nous devons accorder à cet organisme davantage de pouvoirs. C’est l’un des buts du projet de loi .
À l’heure actuelle, cet organisme n’a pas un accès étendu aux renseignements de la GRC, ce qui occasionne des difficultés. Il ne peut ni échanger de l’information ni mener des enquêtes conjointes avec d’autres organismes d’examen, une autre difficulté. Le projet de loi lui donnerait les pouvoirs nécessaires à cet effet.
Les changements que notre gouvernement propose dans le projet de loi conféreraient à la nouvelle commission un accès étendu aux renseignements nécessaires liés à une enquête. Ils lui donneraient le pouvoir d’exiger la comparution de personnes et de leur imposer de déposer dans le cadre de l’ensemble des enquêtes sur les plaintes et des examens de politiques.
Le projet de loi autoriserait en outre le président de la commission à demander à la police d’examiner les activités de la GRC, et permettrait à la commission d’échanger des renseignements avec d’autres organismes d’examen et de mener des enquêtes conjointes avec eux si une plainte découle d’opérations policières intégrées.
Les changements proposés par notre gouvernement faciliteraient l’accès du public au processus des plaintes en permettant aux gens de déposer une plainte auprès de la GRC, d’un organisme d’examen d’un service de police provincial ou encore de la nouvelle Commission civile d’examen et de traitement des plaintes de la GRC. Il est très important de noter que le projet de loi augmenterait la transparence des enquêtes sur les incidents sérieux mettant en cause des membres de la GRC.
Dans le cas des incidents ayant occasionné un décès ou des blessures graves, la GRC doit confier l’enquête à un organisme provincial chargé d’enquêter sur les incidents impliquant la police. En l’absence d’un tel organisme, la GRC serait tenue de confier l’enquête à un autre service de police.
La GRC ne serait autorisée à mener elle-même l’enquête que si aucune de ces possibilités n’existe. Dans un tel cas, elle serait obligée d’informer la nouvelle commission des mesures prises afin d’assurer le caractère impartial de l’enquête. Les nouvelles règles permettraient aussi de nommer un observateur indépendant chargé de se prononcer sur l’impartialité des enquêtes menées par la GRC ou par un autre service de police.
Toutes ces mesures visent à transformer la GRC en un service de police moderne, efficace, transparent et responsable, ce qui constitue un aspect très important de l’enquête sur les femmes autochtones assassinées et disparues. J’exhorte le NPD à cesser de nous mettre des bâtons dans les roues et à travailler avec nous en faveur d’une réforme de la GRC.
Parallèlement aux autres mesures générales que notre gouvernement a prises, l’établissement d’un service national de police moderne, transparent et pleinement responsable contribuerait dans une large mesure au renforcement de la sécurité de tous les Canadiens. J’exhorte encore une fois les députés à appuyer le projet de loi parce qu’il fera beaucoup pour nous aider à remédier aux problèmes des femmes et des filles autochtones assassinées et disparues.
Il est indubitable que les amis, les familles et les proches de ces femmes ont beaucoup souffert et continuent à souffrir de la situation. Nous devons leur donner l’assurance que justice sera faite aussi bien dans ce cas que dans celui de toutes les victimes de violence.
Notre gouvernement a toujours été déterminé à prendre la part des victimes et à obliger tous les délinquants à assumer la responsabilité de leurs actes. En fait, comme le l’a récemment annoncé, nous déposerons bientôt une déclaration des droits des victimes. Cela permettrait d’inscrire dans la loi le principe selon lequel nous refusons de suivre la voie libérale consistant à faire passer les droits des criminels condamnés avant ceux des victimes. C’est la raison pour laquelle nous avons pris ces mesures.
Notre gouvernement est partisan de l’action, une action visant à obtenir les résultats que nous voulons tous assurer aux peuples autochtones ainsi qu’à tous les Canadiens. Notre gouvernement est déterminé à aller de l’avant dans ce domaine.
:
Monsieur le Président, je partagerai mon temps de parole avec le député de .
J'aimerais d'abord exprimer mes sincères condoléances aux familles et aux personnes qui ont perdu une fille, une soeur, une cousine, une tante ou une amie. Je ne peux qu'imaginer leur profonde douleur et j'en suis profondément désolée.
Malgré leur douleur insupportable, ces gens marchent un peu partout au Canada pour réclamer que justice soit faite. Ils se présentent à la Chambre des communes, la Chambre du peuple, ainsi qu'aux Nations Unies pour demander de l'aide. Les chefs de l'Assemblée des Premières Nations adoptent résolution après résolution demandant que le gouvernement mette sur pied une enquête publique sur les disparitions et les meurtres survenus. Or, chaque fois qu'ils ont comparu devant la Chambre, ils sont repartis déçus et les mains vides, et j'en suis, une fois de plus, sincèrement navrée.
Les députés ne sont-ils pas scandalisés et horrifiés de savoir que seulement 50 % des décès par suite de violence chez les femmes et les filles autochtones aboutissent à des chefs d'accusation pour homicide comparativement à 76 % des cas semblables dans l'ensemble de la population? Le gouvernement n'est-il pas censé défendre les droits de toutes les victimes et veiller à ce que nos collectivités et nos rues soient des lieux sûrs? Pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas le courage d'agir pour corriger l'intervention inadéquate des services policiers à l'égard des signalements de femmes disparues, le sous-financement des services destinés aux femmes autochtones et le manque de soutien offert aux familles des femmes disparues et assassinées, tous confirmés par le rapport de 2011 du Comité permanent de la Chambre des communes sur la condition féminine?
Comment le gouvernement peut-il affirmer que le nombre de femmes assassinées ou portées disparues est « inquiétant » alors qu'il a jusqu'à présent refusé de lancer une enquête et refuse encore de prendre des mesures concrètes pour mettre fin à la tuerie? Pourquoi le gouvernement refuse-t-il de donner aux gens qui ont perdu un membre de leur famille ou une amie à cause d'un acte de violence la chance de raconter leur histoire? Se peut-il que le gouvernement craigne qu'une enquête publique soulève des questions concernant les problèmes socioéconomiques dans les communautés des Premières Nations et la mesure dans laquelle ces problèmes sont le fruit des mauvaises politiques du gouvernement, ou encore qu'il craigne qu'une telle enquête révèle de pénibles réalités quant à son propre programme de justice?
Où est la compassion, la bienveillance? Où est l'instinct humain fondamental qui nous pousse à vouloir aider ceux qui souffrent et réduire leur souffrance? Comment peut-on fermer les yeux sur un si grand nombre de femmes des Premières Nations qui sont assassinées chaque année au couteau ou par balle? Où est passé le Canada qui, il y a 20 ans, en 1993, a participé à une campagne qui a donné lieu à la reconnaissance selon laquelle les droits des femmes sont un élément inaliénable, intégral et indivisible des droits universels de la personne? Où est passé le Canada qui ne saurait tolérer l'horreur qu'est la violence à l'endroit des femmes et des filles et qui travaillerait sans relâche jusqu'à ce qu'elle soit enrayée dans toutes les localités du pays?
Au moins 600 femmes et filles autochtones ont été assassinées ou portées disparues dans les dernières décennies: Maisy, Shannon, Summer Star. Nous connaissons leur nom, leur histoire et les vies qu'elles ont touchées. Nous ne devons pas faire d'elles de simples statistiques; elles étaient appréciées de leur famille et leur communauté. Nous devons rendre honneur à leur souvenir en prenant des mesures concrètes et efficaces.
Nous demandons aujourd'hui l'établissement d'un comité spécial chargé de tenir des audiences et de proposer des remèdes aux causes fondamentales de la violence faite aux femmes autochtones au Canada.
En 2004, Amnistie internationale a publié un rapport sur la question intitulé « On a volé la vie de nos soeurs ».
En 2005, le gouvernement du Canada a annoncé la création d'une base de données nationale sur les femmes autochtones assassinées ou portées disparues, assortie d'un financement de 10 millions de dollars. La moitié des fonds est allée financer un projet appelé Soeurs par l'esprit, administré par l'Association des femmes autochtones du Canada, l'AFAC.
En 2006, le gouvernement conservateur est arrivé au pouvoir et en 2007 le Canada était l'un des quatre pays au monde à voter contre la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.
En 2008, frustrés par l'inaction du gouvernement, des organisations autochtones, des groupes de citoyens et des groupes de défense des droits des Autochtones ont fait connaître leurs préoccupations aux Nations Unies et au Comité des Nations Unies pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes. Le comité a ensuite exhorté le Canada à mener d'urgence des enquêtes approfondies sur ces affaires pour déterminer si ces disparitions comportaient une dimension raciale et prendre des mesures pour régler le problème.
En 2010, la base de données des Soeurs par l'esprit a perdu son financement et les fonds ont été affectés ailleurs.
Quand le gouvernement a cessé de financer la collecte de données sur les femmes et les filles autochtones disparues ou assassinées, l'AFAC avait répertorié 582 cas au Canada. Selon l'organisme, si, proportionnellement, le même nombre de femmes et de filles avaient été portées disparues ou avaient été assassinées dans la population en général, le Canada aurait perdu 18 000 femmes et filles depuis la fin des années 1970. Un tel nombre de disparitions ou de meurtres aurait certainement soulevé un tollé général au Canada et le gouvernement aurait immédiatement pris des mesures.
Hier, Human Rights Watch a publié le rapport intitulé « Ceux qui nous emmènent: Abus policiers et lacunes dans la protection des femmes et filles autochtones dans le nord de la Colombie-Britannique, Canada ». Selon le rapport, la persistance de la violence montre qu'il faut, au minimum, tenir une commission d'enquête publique nationale.
Voici ce qu'a déclaré Meghan Rhoad, chercheuse pour la division des Droits des femmes de l'organisme Human Rights Watch:
Le taux élevé de violence contre les femmes et les filles autochtones suscite beaucoup d'inquiétude depuis de nombreuses années. Les yeux du monde sont tournés vers le Canada pour voir combien d’autres victimes il faudra avant que le gouvernement n’aborde cette question d'une manière globale et coordonnée.
Voici ce qu'a déclaré la présidente de l'AFAC, Michèle Audette, qui se bat depuis des années pour la création d'une commission publique chargée d'examiner les meurtres et les disparitions de femmes autochtones:
Mon rêve, et celui de l'AFAC, bien sûr, c'est qu'on en vienne à modifier les lois, les politiques les programmes... qu'on puisse trouver la cause profonde de cette discrimination systémique et découvrir pourquoi des femmes disparaissent ainsi, sans questions ni justice.
Dans son rapport, Human Rights Watch demande ce qui suit: mettre en place une commission nationale d'enquête sur les assassinats et disparitions de femmes et filles autochtones avant la fin de l’année 2013; s’assurer que les termes de référence de l'enquête soient élaborés avec les dirigeants des communautés concernées et qu'ils comprennent l'examen des relations actuelles et passées entre la police et les femmes et filles autochtones, notamment les incidents d'inconduite policière grave, ainsi que la marginalisation socio-économique systémique des femmes et filles autochtones qui les prédisposent à des niveaux élevés de violence; en collaboration avec les dirigeants des communautés autochtones, élaborer et mettre en oeuvre un plan d'action national pour combattre la violence contre les femmes et filles autochtones abordant les causes structurelles de la violence ainsi que le devoir de rendre des comptes et la coordination des instances gouvernementales chargées de prévenir la violence et d'intervenir; mettre en place des enquêtes civiles indépendantes sur les cas signalés d'inconduite policière grave; et coopérer avec le Comité des Nations Unies sur l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes faisant enquête sur la question des femmes et filles autochtones disparues et assassinées.
Il est grand temps que le gouvernement agisse. Il doit enquêter sur la disparition et l'assassinat de femmes et de filles autochtones. Il doit mettre fin au massacre. Le gouvernement ne peut plus rester sourd à l'angoisse et à la souffrance des familles et des collectivités de ces 600 âmes perdues. Il doit écouter ce qu'elles ont à dire, faire preuve de bienveillance et compassion, et offrir le soutien adéquat.
La négligence, le mépris et les larmes ne peuvent plus durer. Le gouvernement doit non seulement enquêter sur ces événements terribles, mais aussi mettre en place des mesures concrètes qui amélioreront la qualité de vie des Premières Nations.
Les éléments essentiels comme un logement décent, le bien-être des enfants, l'eau potable et l'éducation sont et restent dramatiquement sous les normes. Devant cet état de fait, Mme Fraser déclarait ceci dans le dernier rapport qu'elle adressait au Parlement:
[...] un nombre disproportionné de membres des Premières Nations n'ont toujours pas accès au même titre que le reste de la population canadienne aux plus élémentaires des services. [...] Dans un pays aussi riche que le Canada, un tel contraste est inacceptable.
:
Monsieur le Président, je suis heureux de pouvoir participer aujourd'hui au débat sur la motion. Je commencerai par un examen de quelques chiffres et faits. Il est très important d'en saisir la valeur.
Toutefois, avant de parler des chiffres, je tiens à souligner qu'ils représentent des vies. Ma collègue de , qui a présenté la motion, a dit quelque chose de très important. Elle a dit que, « pour le monde », chaque victime est peut-être « une personne parmi d'autres », mais que, pour sa famille et ses proches, « elle était tout ». Nous devons nous souvenir de la valeur de chaque personne vivant en marge de la société. C'est dans cet esprit que je mentionne quelques chiffres.
Selon l'Association des femmes autochtones du Canada, 10 % des femmes tuées seraient des Autochtones. Or, les femmes autochtones ne représentent que 3 % de la population féminine du Canada. L'association a recensé plus de 600 cas de femmes ou d'adolescentes autochtones disparues ou assassinées. À l'échelle de la population, ce chiffre correspondrait à quelque 20 000 femmes disparues ou assassinées. Imaginons le tollé qui s'élèverait s'il y avait autant de femmes disparues ou assassinées dans l'ensemble de la population. Les gens disposant du temps, des compétences et des ressources nécessaires ne s'adresseraient-ils pas aux législateurs pour essayer de faire bouger le gouvernement? S'il y avait autant de femmes disparues ou assassinées dans l'ensemble de la population, n'aurait-on pas déjà fait quelque chose? C'est l'une des raisons pour lesquelles nous sommes ici aujourd'hui.
Ce qui me frappe aussi, c'est qu'il est surtout question de jeunes femmes et de filles. J'ai noté que 17 % des cas d'Autochtones disparues sont des jeunes femmes et des filles de 18 ans et moins. L'autre raison pour laquelle nous sommes ici à débattre de cette question, c'est que bien des cas demeurent non résolus. À l'échelle nationale, environ 84 % des cas d'homicides sont résolus, alors que la moitié seulement des cas de disparition et d'homicide de femmes et de filles autochtones le sont.
Je suis content d'intervenir dans le débat pour parler de la motion, mais aussi pour répondre à ce que les ministériels ont dit aujourd'hui. Je les remercie, d'ailleurs, d'appuyer la motion. Je suis ravi que cette motion libérale ait reçu l'appui des députés conservateurs. C'était la meilleure chose à faire. Je suis reconnaissant à tous les partis d'avoir appuyé la motion et j'espère que les efforts du comité spécial qui sera créé après le vote, dans quelques semaines, donneront de bons résultats.
Nous estimons toujours qu'il faudrait lancer une commission d'enquête publique, mais nous sommes impatients que le comité de la Chambre de communes se rende un peu partout au pays pour entendre les témoins, car nous avons hâte de savoir ce que les gens suggéreront au gouvernement de faire.
Résumons donc certains des problèmes qui ont été soulevés. L'organisme Human Rights Watch a publié cette semaine un rapport reposant notamment sur le témoignage de femmes et de filles autochtones. Celles-ci ont fait ressortir les lacunes du système policier qui empêchent les nombreux et valeureux agents de la Gendarmerie royale du Canada et des autres services de police chargés de la sécurité publique de bien protéger les femmes et les filles autochtones.
Nous savons en outre que divers organismes onusiens de défense des droits de la personne ont dénoncé l'insuffisance des mesures prises par le gouvernement du Canada. En décembre 2011, les responsables de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes ont annoncé une enquête sur la situation au Canada. En 2008, ce comité a exhorté le gouvernement canadien à examiner les raisons de son incapacité à protéger adéquatement les femmes autochtones, laquelle s'est traduite par un nombre inacceptable de femmes et de filles assassinées ou portées disparues.
Nous avons entendu parler aujourd'hui de mesures prises par le gouvernement, telle la création du Centre national pour les personnes disparues et les restes non identifiés de la GRC. Le centre a d'ailleurs lancé un site Web national à la fin janvier. C'est bien, mais cet outil ne met pas l'accent sur le problème dont nous discutons, à savoir les femmes et les filles autochtones assassinées ou portées disparues.
Ma collègue de a mentionné toutes sortes d'initiatives visant à améliorer notre intervention une fois qu'un crime a été commis. Or, c'est sur les problèmes systémiques qu'il faut se concentrer. Peut-être que certains défauts du système policier empêchent les valeureux agents d'accomplir leur travail au mieux de leurs capacités. Peut-être est-ce une question de pauvreté, de racisme ou de sexisme. Ces facteurs peuvent contribuer au meurtre, à l'enlèvement et à la disparition d'une femme ou d'une fille autochtone. Mais peut-on aller voir la police et lui dire que, dans un cas donné, c'est la pauvreté qui est en cause? Non. La lutte contre la pauvreté n'est pas du ressort de la police. C'est aux décideurs, aux législateurs et au gouvernement qu'il appartient de régler ce problème. Voilà un autre objectif de la motion: mettre sur pied un comité spécial. Nous devons étudier les causes fondamentales de cette situation, en plus des mesures à prendre après le fait.
Je suis heureux de constater que la première députée ministérielle à intervenir aujourd'hui au sujet de la motion a reconnu l'importance des efforts consentis en matière de prévention. Nous devons nous demander si des lacunes dans notre système de maintien de l'ordre rendent insuffisante la protection offerte aux femmes et aux filles autochtones. Nous devons nous poser des questions au sujet de la pauvreté, du racisme, du sexisme ou du manque de sensibilisation au sein de la population générale.
La motion à l'étude aujourd'hui parle d'un comité chargé de consulter la population d'un bout à l'autre du pays. Nous devons accomplir notre travail en collaboration avec les communautés autochtones. Il faut que le gouvernement fédéral et les communautés autochtones partout au pays fassent preuve de leadership. Nous devons travailler ensemble pour élaborer et pour mettre en oeuvre un plan d'action national pour lutter contre la violence faite aux femmes autochtones, qui s'attaque réellement aux causes structurelles de la violence. Nous devons également mettre en place des mécanismes de reddition de comptes pour veiller à ce que ce plan soit mis en oeuvre et à ce que les résultats soient évalués.
Il est aussi important d'agir maintenant parce que certains efforts sont incomplets. Par exemple, le gouvernement actuel accorde des fonds à l'Association des femmes autochtones du Canada, mais il lui interdit de financer les Soeurs par l'esprit. Le projet des Soeurs par l'esprit mettait l'accent sur la violence faite aux femmes et aux filles autochtones. Un comité de la Chambre des communes avait commencé à étudier cette question en 2010, mais il a dû interrompre ses travaux lorsque des élections ont été déclenchées en 2011.
Aujourd'hui, nous sommes sur la bonne voie, car le Parti libéral a convaincu le gouvernement d'appuyer sa motion visant à mettre sur pied un comité spécial. Nous sommes heureux d'avoir pu au moins franchir cette première étape en vue de réparer les injustices et les iniquités subies par des personnes qui vivent en marge de notre société. Nous sommes heureux de pouvoir étudier la question et de pouvoir entendre des témoins qui parleront des causes fondamentales des taux inacceptables de violence faite aux femmes et aux filles autochtones. Nous avons bien hâte que le comité spécial se rende dans les différentes régions de notre pays pour entendre des témoins.
:
Monsieur le Président, je suis ravi de prendre aujourd'hui la parole au nom des électeurs de la superbe circonscription de Kenora et d'intervenir à propos de la motion de la députée de relativement aux femmes autochtones disparues et assassinées.
Le dossier devrait préoccuper tous les députés. En tant que secrétaire parlementaire du ministre des Affaires autochtones et du développement du Nord canadien et que député de la superbe Kenora, qui regroupe une bonne quarantaine de communautés autochtones — j'ai d'ailleurs travaillé dans beaucoup d'entre elles, d'abord comme infirmier, puis comme avocat spécialisé dans des domaines comme la santé et le bien-être —, je peux affirmer qu'il s'agit d'un problème de premier plan qui nous touche, mes électeurs et moi, très profondément.
Depuis 2006, le gouvernement adopte d'importantes mesures concrètes pour que les femmes, les enfants et les familles qui vivent dans les réserves puissent accéder aux services nécessaires à leur sécurité. Dans le discours du Trône du 3 juin 2011, le a par ailleurs réitéré l'engagement de notre gouvernement à lutter contre la violence envers les femmes et les filles. Mais surtout, en 2011, nous avons déposé pour la quatrième fois un projet de loi destiné à assurer un partage plus équitable du patrimoine familial dans les réserves en cas de divorce afin que les femmes qui y vivent bénéficient des mêmes droits que les autres Canadiennes à l'égard des biens matrimoniaux.
[Français]
À titre de , je tiens à profiter de l'occasion pour parler des mesures que nous avons prises afin d'aider les femmes, les filles et les familles autochtones au moyen de programmes et services offerts par le ministère, comme le Programme pour la prévention de la violence familiale d'Affaires indiennes et du Nord Canada, le Programme des services à l'enfance et à la famille des Premières nations, la Politique sur le logement dans les réserves, la sécurité économique et la prospérité ainsi que l'éducation.
Nous savons que de nombreuses communautés des Premières Nations sont toujours aux prises avec des problèmes de violence familiale qui menacent la capacité à élever des familles en toute sécurité.
Pour répondre aux graves préoccupations en matière de sécurité, il est important de veiller à ce que des refuges et des programmes de prévention de la violence soient offerts dans les réserves. C'est pourquoi, dans le cadre du Plan d'action économique de 2012, on a investi des sommes considérables pour assurer une prestation continue de ces importants services aux femmes et aux enfants autochtones.
[Traduction]
Nous finançons actuellement un réseau de plus de 40 refuges ouverts aux femmes et aux enfants autochtones vivant dans des réserves un peu partout au Canada, dont cinq nouveaux refuges situés en Colombie-Britanniques, en Alberta, au Manitoba, en Ontario et au Québec. Ces refuges sont financés dans le cadre du programme de lutte contre la violence familiale. Outre 41 refuges, ce programme finance des projets de prévention de la violence familiale fondés sur des propositions, projets qui, en passant, donnent des résultats tangibles dans diverses localités de la magnifique circonscription de Kenora. Ils offrent un éventail de services: aide psychologique, sensibilisation, campagnes d'information, ateliers et évaluations des besoins locaux. Dans le cadre de ce programme, nous remboursons aussi le coût de certains services fournis par les provinces et les territoires aux femmes, aux enfants et aux familles qui ont leur résidence habituelle dans une réserve et qui font appel à des refuges hors réserve.
Nous croyons que la meilleure façon de régler le problème de la violence contre les femmes et les enfants autochtones est de faire de la prévention. Les programmes et les services de prévention offerts dans les collectivités des Premières Nations doivent répondre aux besoins individuels. Nous croyons que les investissements que nous avons faits dans ces refuges et notre approche fondée sur la prévention contribuent à accroître la sécurité des habitants des réserves, et plus particulièrement des femmes et des enfants autochtones.
Le ministère des Affaires autochtones collabore également avec les Premières Nations, l'organisme National Aboriginal Circle Against Family Violence, les provinces et les territoires et d'autres ministères, notamment ceux de la Justice et de la Condition féminine, pour mieux coordonner les programmes de prévention de la violence familiale. Nous continuerons de soutenir ces programmes et services parce qu'ils font toute la différence et donnent des résultats tangibles dans la vie des femmes et des enfants autochtones qui en ont malheureusement besoin. Nous continuerons de faire ce travail important avec nos partenaires afin de garantir que les refuges et ceux qui y travaillent ont tout le soutien dont ils ont besoin.
[Français]
Notre gouvernement a également adopté une nouvelle approche améliorée, axée sur la prévention, pour la prestation des services à l'enfance et à la famille des Premières Nations. Cette nouvelle approche axée sur la prévention augmentera la souplesse dont jouissent les fournisseurs de services, et ce, afin de mettre en oeuvre des programmes de prévention culturellement adaptés ainsi que des services de protection comme, par exemple, la prise en charge par un parent qui contribue à accroître la sécurité et le bien-être des enfants, des jeunes Autochtones et de leurs familles.
Ces mesures signifient que les fonds versés par le gouvernement peuvent maintenant être consacrés à la prise en charge par les proches parents, aux subventions à la suite d'adoption et à des services d'aide visant à favoriser le placement permanent des enfants.
Sans surprise, les fournisseurs de services à l'enfance et à la famille ont immédiatement salué cette nouvelle approche qui leur permet de faire des choix en matière de programme pour les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations qui vivent dans une réserve.
Dans le contexte de cette approche, le gouvernement du Canada collabore avec des partenaires prêts et motivés, dans chaque province. La mise en oeuvre de l'approche profitera aux familles et aux enfants de toutes les Premières Nations vivant dans une réserve au Canada.
[Traduction]
Les premiers résultats observés au pays montrent une augmentation du nombre de familles ayant accès à des programmes axés sur la prévention. On a constaté une hausse du nombre d'enfants placés de façon permanente et de prises en charge par la parenté. De toute évidence, ces programmes et ces investissements contribuent à rendre plus sûre la vie des femmes et des enfants dans les réserves. Nous continuerons de travailler en partenariat avec les provinces afin de mettre en oeuvre l'approche améliorée axée sur la prévention visant à améliorer le sort des enfants des Premières Nations et de leur famille.
Enfin, je ne saurais trop insister sur l'importance d'adopter le projet de loi , Loi sur les foyers familiaux situés dans les réserves et les droits ou intérêts matrimoniaux, afin de protéger les droits des femmes et des enfants vivant dans les réserves. Il y a plus de 25 ans, la Cour suprême du Canada a rendu une décision historique relativement à deux affaires, soit Derrickson c. Derrickson et Paul c. Paul. Dans les deux cas, la Cour suprême a estimé que les protections juridiques offertes en vertu du droit familial provincial relativement aux biens immobiliers et aux intérêts relatifs aux biens immobiliers matrimoniaux ne s'appliquaient pas aux personnes vivant dans des réserves. Comme la Loi sur les Indiens ne prévoit rien à ce sujet et qu'il n'existait aucune loi fédérale comparable, il en est résulté un vide juridique.
Par conséquent, en cas de rupture conjugale ou de décès de l'un des époux ou conjoints de fait, les personnes vivant dans des réserves ne bénéficient actuellement d'aucun droit ou protection juridiques fondamentaux en ce qui concerne la possession de la maison familiale ou les autres biens immobiliers ou droits matrimoniaux. Les conjoints n'ont pas un droit égal à l'occupation de la résidence familiale jusqu'à ce que la relation de couple soit rompue, et ils n'ont pas la possibilité de se tourner vers les tribunaux pour obtenir une ordonnance de protection d'urgence dans des cas de violence familiale.
Même s'il existe des lois pour protéger les Canadiens qui vivent à l'extérieur des réserves, il n'existe au pays aucun équivalent pour la plupart des Canadiens qui vivent dans les réserves. Les femmes et les enfants qui vivent dans les réserves des Premières Nations comptent déjà parmi les plus vulnérables des Canadiens. Or, ils sont directement touchés par ce vide juridique, et continueront de l'être tant et aussi longtemps qu'un régime juridique n'aura pas été instauré pour les protéger.
Le jugement de la Cour suprême du Canada a provoqué un dialogue et une recrudescence des efforts visant à déterminer, développer et mettre en oeuvre une solution efficace. Au fil des ans, diverses institutions renommées, tant au Canada qu'à l'étranger, ont mené des études et procédé à des analyses sur des sujets connexes. Les rapports produits en sont pratiquement tous arrivés à la même conclusion, soit que le meilleur moyen d'action consiste à légiférer.
Le projet de loi vise à accorder aux gens qui habitent dans les réserves les mêmes droits et la même protection qu'aux autres Canadiens concernant les biens immobiliers matrimoniaux, c'est-à-dire le foyer familial. Quel que soit l'endroit où les gens vivent au pays, ils devraient tous bénéficier d'un traitement juste et équitable, et la loi devrait protéger leurs droits concernant les biens immobiliers matrimoniaux. Une fois adopté, le projet de loi éliminerait enfin la discrimination qui est inscrite depuis longtemps dans la loi contre un groupe particulier de Canadiens et qui a causé des préjudices à nombre de femmes, d'hommes et de familles habitant dans les réserves.
[Français]
Notre gouvernement croit que cette loi aurait dû être adoptée il y a longtemps. Depuis plus de 25 ans, les femmes vivant dans les réserves n'ont pas accès aux mêmes droits juridiques ou aux protections de base actuellement offertes à toutes les autres Canadiennes.
C'est la quatrième fois que nous déposons ce projet de loi depuis notre arrivée au pouvoir en 2006. Notre gouvernement a d'abord déposé le projet de loi en 2008, puis en 2009 et encore en 2010.
Cependant, les partis de l'opposition s'y sont opposés chaque fois et le projet de loi est mort au Feuilleton.
Chaque fois qu'on retarde l'adoption de ce projet de loi, on continue de refuser des protections et des droits à des résidants des réserves, particulièrement aux femmes et aux enfants autochtones.
Si l'opposition prend vraiment au sérieux la protection et la sécurité des femmes et des enfants autochtones, la première chose qu'elle doit faire est d'appuyer notre projet de loi pour protéger les droits de ces groupes dans les réserves. C'est réellement honteux que l'opposition continue de s'opposer au projet de loi sur les droits immobiliers matrimoniaux.
[Traduction]
Je voudrais souligner que d'autres efforts ont été faits pour résoudre les problèmes relatifs aux biens immobiliers matrimoniaux. Par exemple, la Loi sur la gestion des terres des premières nations exige de ces dernières qu'elles intègrent des dispositions sur les droits et les intérêts matrimoniaux dans leurs codes fonciers. Ces dispositions ont aidé les gens là où s'applique désormais pleinement le régime de gestion des terres des Premières Nations, mais le projet de loi est une solution plus complète, puisqu'il prévoit la protection des droits de tous les habitants des réserves concernant les biens immobiliers.
En 2006, notre gouvernement a annoncé la tenue d'une consultation nationale pour trouver une solution en vue de combler ce vide juridique. La consultation a eu lieu en collaboration avec des partenaires des Premières Nations. Au total, 103 séances ont eu lieu à 76 endroits au Canada. Des centaines de personnes ont participé à la consultation et y ont exprimé une vaste gamme d'opinions. Afin de préparer un rapport recommandant une solution juridique, le gouvernement a en outre engagé une personne pour agir en tant que représentant du ministre et le tenir au courant. Un consensus s'est clairement dégagé de cette consultation quant aux éléments clés que devait contenir la solution juridique. Ces éléments ont fait partie de tous les projets de loi présentés au Parlement depuis ce temps.
Le projet de loi est une solution en deux parties qui est à la fois pratique et judicieuse. Premièrement, la loi donnerait aux Premières Nations le pouvoir de rédiger et de mettre en oeuvre leurs propres dispositions juridiques pour protéger les droits et les intérêts de leurs membres relativement aux biens immobiliers matrimoniaux. Ces dispositions pourraient être fondées sur les coutumes et les traditions de chaque nation. Les membres et les autorités des Premières Nations seraient entièrement libres de déterminer le contenu des dispositions, qui, pour être en vigueur, devraient être approuvées officiellement par la population concernée. Le gouvernement fédéral n'exercerait aucune surveillance.
Deuxièmement, un régime fédéral provisoire s'appliquerait entre le moment où le projet de loi entrerait en vigueur et celui où, dans une réserve donnée, la Première Nation adopterait ses propres dispositions juridiques. Donc, je tiens à le souligner, le régime provisoire ne s'appliquerait que dans la mesure où une Première Nation n'aurait pas encore adopté ses propres dispositions sur les biens immobiliers matrimoniaux. Ainsi, nous aurions l'assurance que, peu importe où les gens vivent, au Canada, des lois protégeraient leurs droits et leurs intérêts.
[Français]
Les comités parlementaires ont aussi examiné ce projet de loi et ont tenu compte des témoignages de nombreuses personnes en plus de proposer certaines améliorations...
:
Monsieur le Président, je vous remercie de cette décision.
Il s'agit d'aspects fondamentaux qui font prendre conscience d'une foule d'éléments structuraux se rapportant au problème plus vaste dont nous débattons aujourd'hui. J'ai passé l'essentiel de ma carrière à m'occuper de ce genre de question, que ce soit directement ou indirectement. À mon avis le projet de loi en question, auquel j'ai consacré quelques minutes, est lié beaucoup plus étroitement à notre propos que ne le pense la députée d'en face.
Quoi qu'il en soit, je poursuivrai en disant ceci.
[Français]
Le projet de loi est orienté par de nombreuses années d'études, de consultations et de débats. Il ne fait aucun doute que ce projet de loi a été renforcé par la consultation qui visait à faciliter l'élaboration des lois par les Autochtones dans ce domaine.
Je crois que nous avons le devoir d'adopter le projet de loi et d'enfin mettre en oeuvre une solution législative qui s'est trop longtemps fait attendre. J'encourage vivement les partis d'opposition à nous appuyer afin d'accélérer son adoption.
[Traduction]
Lorsqu'elle s'est adressée au comité lorsqu'il a étudié le projet de loi , Betty Ann Lavallée, chef national du Congrès des peuples autochtones, a déclaré ceci:
Le projet de loi traite la personne autochtone comme un être humain, ce que d’autres Canadiens tiennent souvent pour acquis. Dans un couple autochtone, un conjoint ne devrait pas être privé de ses droits ou jeté à la rue sans aucun recours, à cause d’une rupture de la relation conjugale ou familiale. Au Canada, ça fait trop longtemps que ça dure.
Compte tenu des lacunes législatives existantes, nous ne voulons pas nous engager dans un processus qui pourrait rendre ces personnes encore plus vulnérables qu'elles ne le sont déjà. Mme Lavallée a reconnu qu'au bout du compte, le projet de loi visait à prévenir les mauvais traitements et la discrimination, de même que la violence faite aux femmes et aux enfants autochtones. Ses propos à cet égard sont fondés sur son expérience et sur le quotidien souvent difficile de certains habitants des collectivités des Premières Nations et d'autres endroits au Canada.
J'aimerais également citer deux autres témoins qui ont comparu devant le Comité permanent des droits de la personne, dont Mary Ellen Turpel-Lafond, qui défend les droits des enfants. Voici ce qu'elle a déclaré:
[...] le projet de loi est une mesure propice à la protection des victimes de violence conjugale dans les réserves tout en permettant une forme de répartition des biens en cas de rupture.
L'extrait suivant est tiré du témoignage de Rolanda Manitowabi, une Autochtone qui vit dans une réserve:
Si le projet de loi avait existé, je pense qu'il y aurait eu une option. Dans les cas de violence familiale ou de comportement violent, on n'a pas le choix. Quand j'ai été jetée dehors, je n'avais nulle part où aller. C'était ma maison. Je continue encore de payer cette maison. Si le projet de loi avait existé, il m'aurait donné une option ou un endroit où aller.
[Français]
Depuis plus de 25 ans, les résidants de la plupart des communautés des Premières Nations doivent composer avec ce vide juridique. Pour la majorité des Canadiens, des lois provinciales existent pour protéger les droits et intérêts immobiliers matrimoniaux. Cependant, les résidants de la majorité des communautés des Premières Nations ne bénéficient pas d'une telle protection. La famille d'un conjoint violent n'a aucun recours juridique si elle est contrainte de quitter le foyer familial. Je crois que le projet de loi propose une solution.
[Traduction]
C'est un élément fondamental de ce débat et des mesures que nous prendrons à l'avenir. Nous continuerons d'appuyer et d'élaborer des solutions efficaces et appropriées pour mettre fin à la violence faite aux femmes et aux enfants. Si les partis d'en face veulent eux aussi accorder leur appui aux femmes et aux enfants autochtones, je les invite à se joindre à nous et à appuyer des mesures comme le projet de loi afin que nous puissions prendre des mesures déterminantes pour lutter contre la violence faite aux femmes autochtones.
:
Monsieur le Président, je suis moi aussi très heureuse d'intervenir dans le débat d'aujourd'hui. Je salue le député qui a pris la parole avant moi. Il comprend très bien les enjeux et il a le coeur à la bonne place. Il est déterminé à faire en sorte que ce comité soit créé. Étant donné que mon collègue saisit bien la problématique de ce dossier, j'espère qu'il fera partie de ce groupe et qu'il pourra le faire profiter de son expertise, afin de trouver des réponses à ces cas malheureux et tragiques qui se produisent depuis trop longtemps.
Il y a quelques semaines, j'étais sur les marches de l'entrée principale du Parlement afin d'exprimer ma solidarité aux centaines d'hommes et de femmes qui demandaient au gouvernement d'agir relativement au quelque 600 cas de femmes et de filles autochtones qui sont portées disparues ou qui ont été assassinées. Aujourd'hui, je veux que les gens que j'ai rencontrés à l'extérieur sachent que l'appui et l'engagement que j'ai manifestés ce jour-là demeurent intacts et qu'ils sont même encore plus forts. Si je ne m'abuse, les Soeurs par l'esprit organisent un autre rassemblement aujourd'hui afin que l'on continue d'aller de l'avant dans ce dossier. Ces intervenants espèrent vraiment que l'on puisse faire toute la lumière dans ce dossier et que l'enquête qui s'impose sera ouverte. Si la motion d'aujourd'hui est accueillie favorablement, avec l'appui des ministériels et des députés de l'opposition officielle, elle pourrait servir de point de départ et aboutir à une enquête vraiment indépendante afin de faire toute la lumière sur ce qui s'est passé. Toute chose a un commencement et, dans ce cas-ci, si la motion d'aujourd'hui est un début, tant mieux.
Je veux joindre ma voix à celle de ma collègue, la députée de , qui a accompli un travail énorme dans ce dossier et qui a présenté la motion d'opposition d'aujourd'hui au nom du Parti libéral.
Nous savons qu'au cours des dernières années, plus de 600 femmes autochtones ont été assassinées ou portées disparues, et que peu d'efforts ont été faits afin d'élucider ces cas. Nous devrions tous être très préoccupés par cette situation. Ce nombre correspond à 10% de tous les homicides au Canada, malgré le fait que les Autochtones, en particulier les femmes autochtones, ne représentent que 3% de la population canadienne. Voyons la situation sous un autre angle. Je regrette d'avoir à le dire, mais si, au cours des 30 dernières années, ces cas s'étaient produits au même rythme chez les Canadiennes non autochtones, plus de 20 000 d'entre elles auraient été assassinées. En tant que parlementaires, resterions-nous passifs et dirions-nous que c'est malheureux et regrettable, mais que nous n'y pouvons rien? Non, ce n'est pas ce que nous ferions. Nous serions tous outrés et chacun d'entre nous exigerait des mesures et des enquêtes plus poussées afin d'obtenir des réponses. Nous ne nous contenterions pas de demander la mise sur pied d'une commission d'enquête. Nous ferions bien davantage.
Cette situation mérite à mon avis d'être qualifiée d'épidémie et, jusqu'à maintenant, l'inaction du gouvernement a été absolument honteuse; c'est pourquoi il est réconfortant d'entendre aujourd'hui des commentaires aussi positifs de la part des ministériels en réponse à notre motion. Les victimes et leur famille méritent mieux que l'oubli. La plupart d'entre nous avons rencontré, dans l'un ou l'autre des rassemblements sur la Colline, la famille de certaines de ces victimes. Ces parents ont des filles, tout comme nous, et ils veulent des réponses. Ils ne peuvent pas ravoir leurs filles, mais ils veulent au moins savoir que justice a été faite.
Au début de la journée, la secrétaire parlementaire s'est offusquée d'entendre les députés de l'opposition dire que le gouvernement n'avait rien fait pour réagir à cette crise. Elle a ajouté que le gouvernement a établi une nouvelle base de données, lancé des projets-pilotes en milieu scolaire et créé un site Web. Tout cela est très positif, mais ne fait rien pour les 600 femmes qui n'ont jamais eu de réponse et n'ont jamais obtenu justice. Créer une base de données, ce n'est pas suffisant. Une base de données sera utile à l'avenir. Il faut lancer une enquête ou tout au moins établir un comité dès aujourd'hui pour s'assurer qu'on fera la lumière sur ce qui s'est passé. Le site Web peut être utile, c'est un bon début, mais j'espère qu'on ira plus loin et qu'on passera à l'action dans ce dossier.
Ce n'est pas une affaire partisane. C'est une question dont on parle depuis plus de 13 ans que je siège à la Chambre. C'est un dossier qui, je crois, nous tient tous à coeur, mais personne ne semble se pencher vraiment sur le fait que 600 femmes autochtones sont disparues ou ont été assassinées et que presque rien n'a été fait pour que justice soit faite ou pour découvrir ce qui s'est passé exactement.
Ce n'est pas une affaire politique. Il s'agit de nous mobiliser tous, de conjuguer nos efforts et de travailler avec les autorités compétentes pour mener une enquête approfondie afin que justice soit faite et que toutes ces familles puissent tourner la page et pour mettre fin à une épidémie, car c'est loin d'être terminé. La tragédie continue le long de la route des pleurs.
Pour dissiper tout malentendu, je précise que les libéraux demandent qu'un comité spécial soit créé pour se pencher sur la question des femmes et jeunes filles autochtones disparues et assassinées. Nous avons demandé une enquête à maintes reprises. Nous nous sommes engagés à en déclencher une si nous formons le gouvernement. Rien n'a été fait. Le gouvernement n'a pris aucune mesure. Nous espérons aujourd'hui que la création d'un comité spécial comprenant des membres de tous les partis commencera enfin à faire bouger les choses dans ce dossier.
Nous cherchons simplement des pistes de solution pour que le gouvernement fédéral puisse s'attaquer à la cause profonde de cette violence intolérable, alors même que les conservateurs, notamment le et le , ont dit que c'était prioritaire pour le gouvernement. Joignons le geste à la parole et pressons le gouvernement de faire les premiers pas dans cette direction.
Je crains que la plupart des Canadiens ne se rendent pas vraiment compte de la gravité des crimes, des 600 cas documentés de femmes et jeunes filles autochtones disparues et assassinées. Voici les faits: 67 % de ces 600 cas sont clairement des meurtres; 20 % sont au contraire des disparitions; dans 9 % des cas, on ne sait pas précisément si la victime a été assassinée, est disparue ou est morte dans des circonstances suspectes; 55 % de ces cas mettent en cause des femmes et des filles de moins de 31 ans, et dans 17 % des cas, il s'agit de jeunes filles de moins de 18 ans.
Beaucoup de ces jeunes filles avaient 14 et 15 ans. La plupart d'entre elles sont disparues le long de la route des pleurs, que l'on a évoquée tout à l'heure, ou dans les environs. C'est triste qu'une grand-route dans une province soit qualifiée de route des pleurs. Cela nous rappelle constamment ces femmes et ces jeunes filles autochtones portées disparues.
Le taux national de solution des homicides au Canada est de 84 %, ce qui veut dire que, dans 84 % des cas, nous avons réponse à nos questions, nous savons au moins ce qui s'est passé. Pourtant, presque la moitié des homicides de femmes et d'adolescentes autochtones demeurent non élucidés. Ces femmes sont disparues et l'on suppose qu'elles ont été assassinées. Personne ne sait comment; personne ne connaît le meurtrier ou les circonstances du meurtre. C'est un taux inacceptable pour notre pays. Il n'y a pas de quoi être fier.
Le taux de solution des crimes est de 84 % à l'échelle nationale et il devrait être le même pour les Autochtones. Cela montre clairement que l'on se soucie peu de ces femmes et adolescentes autochtones. C'est à se demander si quelqu'un se soucie vraiment de ces jeunes femmes, à part leurs parents.
Si des centaines de femmes et d'adolescentes étaient portées disparues ou assassinées dans nos communautés et nos circonscriptions, il y aurait un tollé et l'on exigerait des mesures immédiates. C'est tout simplement inacceptable que quiconque à la Chambre accepte une telle inaction.
Le temps est venu de passer à l'action parce que cette tragédie collective a déjà eu une incidence dans beaucoup de nos communautés. Cela a entaché la réputation du Canada. Les Nations Unies ont créé un comité pour se pencher sur la question des femmes et adolescentes autochtones disparues. Cela donne à réfléchir quand les Nations Unies, et non pas le Canada, doivent créer un comité pour se pencher sur un dossier que notre propre pays refuse d'examiner alors que c'est l'intérêt de nos propres citoyens qui est en jeu.
Ne perdons pas de vue que la route 16 est une route très longue et sinueuse qui traverse des dizaines de petites localités dans l'Ouest du Canada. Par exemple, toutes les communautés aux alentours de Prince George, sur la route 16, et de Williams Lake, sur la route 97, ont perdu des citoyennes au cours des 20 dernières années. Je m'attendrais à ce que le député conservateur de , à titre de député de ces régions, s'intéresse personnellement à la question et qu'il exige que l'on agisse.
Je suis convaincue que ce député appuiera sans réserve notre motion d'aujourd'hui pour que les choses commencent enfin à bouger et que les familles puissent faire leur deuil, mais surtout, pour que les coupables soient identifiés et que les familles puissent tourner la page, sachant que justice a été faite. J'espère également mener la charge pour qu'un comité soit créé et que la police ait les ressources lui permettant de résoudre ces affaires.
Nous continuons d'entendre les doléances de citoyens de beaucoup de petites localités isolées qui comptent sur les services de la GRC et qui disent avoir besoin d'un soutien additionnel parce qu'ils manquent de ressources pour faire le travail dans ces localités qui sont éparpillées sur une superficie immense dans un territoire difficile à patrouiller. C'est une tâche extraordinairement difficile.
Si c'est là que réside le problème, trouvons un moyen de le résoudre. Voilà le genre de recommandation que formulerait une commission d'enquête indépendante ou un comité parlementaire. Ces derniers formuleraient les recommandations qui s'imposent afin que les mesures appropriées soient prises et qu'il n'y ait pas d'autres disparitions ou assassinats. Ces crimes ne cesseront pas tant et aussi longtemps que personne n'y mettra un terme et personne n'y mettra un terme jusqu'à ce que nous comprenions comment 600 femmes et filles autochtones ont pu disparaître ou être assassinées sans que personne sache ce qui leur est arrivé. C'est drôlement insultant dans un pays comme le nôtre qui se vante tellement de son programme de lutte contre la criminalité. Accordons un peu plus d'attention aux victimes.
Bien que le débat concerne la création d'un comité spécial chargé d'examiner le problème des disparitions et des assassinats de femmes et de filles autochtones, l'enjeu est beaucoup plus grand. Pour éradiquer la violence contre les femmes et les filles autochtones, il faut s'attaquer aux causes profondes de cette violence, comme le sexisme, le racisme et la pauvreté, entre autres, car ces causes sont répandues dans beaucoup de collectivités. Les femmes et les filles autochtones sont beaucoup plus à risque que les autres femmes et filles canadiennes d'être victimes d'actes de violence et d'en mourir. Il faut régler ce problème une fois pour toutes. Cela ne peut pas continuer ad vitam aeternam sans que personne ne demande ce qui s'est passé.
Le Comité de la condition féminine a publié, avant les élections de 2011, un rapport remarquable sur cette question. Il a formulé des recommandations concrètes fondées sur le travail qu'il avait accompli. Le comité s'est rendu dans diverses régions, a interrogé beaucoup de femmes et de filles sur les défis auxquels elles sont confrontées et leur a demandé quelles mesures doivent être prises. Malheureusement, après les élections, le comité n'a pas poursuivi l'étude parce que ses priorités ont changé.
En 2005, le gouvernement libéral de l'époque avait annoncé qu'il allouait 10 millions de dollars à l'Association des femmes autochtones du Canada pour cerner les causes profondes dont je parlais. Entre autres, les tendances et les circonstances relatives à la violence qui ont mené à la disparition et à la mort de femmes et de filles autochtones devaient être explorées. C'est à cela que devaient servir les 10 millions de dollars annoncés par les libéraux en 2005. Comme le savent les députés, une partie de ces fonds a été allouée à l'initiative Soeurs par l'esprit, l'organisme qui est à la tête du rassemblement organisé sur la Colline aujourd'hui. C'est son initiative de recherche qui a permis de dresser la liste des femmes et filles disparues et assassinées, laquelle contient, on le sait, plus de 600 noms. Sans le travail de l'organisme Soeurs par l'esprit, nous ne serions peut-être même pas conscients de la gravité de la situation.
Les députés savent aussi que le gouvernement actuel a mis fin à ce financement en 2010 et qu'il a prescrit que les fonds accordés par la suite à l'Association des femmes autochtones du Canada ne pouvaient pas être utilisés pour soutenir l'initiative Soeurs par l'esprit. Cette décision prise par le gouvernement manquait considérablement de prévoyance et nous devons en subir les contrecoups. Et cela, en dépit du fait que la commission Oppal sur les femmes disparues et l'organisme Human Rights Watch disent clairement que notre système de justice et notre système policier comportent d'importantes lacunes. Trop souvent, ceux-ci ne réussissent pas à protéger les femmes et les jeunes filles autochtones.
L'organisme Human Rights Watch a publié un rapport hier. Les recommandations qui s'y trouvent à propos d'activités qui semblent avoir lieu en Colombie-Britannique sont très inquiétantes. Il semble que personne ne se soucie beaucoup de la situation. Des femmes qui se font violer sont ensuite trop intimidées pour déposer une plainte et trop effrayées pour se faire connaître, car elles ont peur des répercussions.
Ces femmes parlent de ce qui est arrivé aux gens qui se sont plaints de la façon dont ils ont été traités lorsqu'ils ont demandé de l'aide. Elles continuent de parler du genre de problèmes que le Parlement et la GRC doivent régler, comme le fait le Comité de la condition féminine.
Pourquoi le gouvernement s'intéresse-il si peu ce dossier? Sachant qu'il y un grave problème qui touche des centaines de jeunes femmes, pourquoi le gouvernement se terre-t-il et, jusqu'à aujourd'hui, refuse-t-il d'agir de façon proactive?
La communauté internationale pose les mêmes questions. Le Canada a été critiqué par des organismes comme Amnistie internationale et même par les Nations Unies. Comme je l'ai dit plus tôt, les Nations Unies ont créé leur propre comité en 2011 pour étudier la question. Les Nations Unies étudient donc un problème qu'il nous incombe de régler. On s'attend à ce que nous le réglions.
Les Nations Unies cherchent à déterminer pourquoi nous n'avons pas mené d'enquête ni résolu le problème que constitue la violence faite aux femmes et aux filles autochtones. Pour un pays aussi fier que le Canada, c'est plutôt insultant.
Il a malheureusement fallu le décès tragique de Nicole Hoar, en 2002, pour que le débat sur la route des pleurs prenne une envergure nationale. Combien de femmes devront encore disparaître ou mourir assassinées avant qu'on se décide à fournir les ressources qui permettront de redresser la situation?
Nicole, une non-Autochtone, a disparu après son départ de Prince George. Sa disparition a provoqué une vague de protestations dans les médias et la population. Cette réaction a soulevé une question importante: pourquoi les autres femmes disparues, qui étaient autochtones, n'ont-elles pas eu droit à la même attention de la part du Parlement et des médias?
Il faut comprendre que le racisme existe bel et bien dans notre pays. Je regrette qu'il ait fallu la disparition de Nicole pour inciter les gens à l'action. Mais aujourd'hui, nous pouvons agir afin que d'autres femmes de la région ne connaissent pas le même sort.
Les conservateurs aiment dire qu'ils défendent les victimes de la criminalité. Aujourd'hui, ils ont l'occasion de joindre le geste à la parole. Nous demandons aux conservateurs de se joindre à nous pour défendre les femmes disparues et assassinées. Ces femmes sont des mères, des filles, des grand-mères, des tantes, des cousines, et les familles qui les ont aimées veulent que justice soit faite.
Pour honorer la mémoire de toutes ces femmes, nous nous devons d'appuyer la motion à l'étude aujourd'hui.
:
Monsieur le Président, je prends la parole pour participer moi aussi au débat sur la motion dont la Chambre est saisie, car elle porte sur une question que le gouvernement prend très au sérieux: la violence faite aux femmes et aux filles autochtones. Je suis en faveur de cette motion.
L'objectif de mettre un terme à la violence faite aux femmes et aux filles autochtones est une priorité pour le gouvernement, et le restera. Nous savons que toute forme de violence faite aux femmes et aux filles impose un énorme tribut, et pas uniquement aux personnes qui en sont directement victimes. Elle cause aussi un préjudice considérable aux familles, aux collectivités et, en définitive, à notre société et à notre économie. Il appartient à chacun d'entre nous, que l'on soit titulaire d'une charge publique ou simple citoyen, de se rappeler que les femmes et les filles, notamment autochtones, sont trop souvent privées de la paix, de la sécurité et de la tranquillité d'esprit dont jouissent ceux qui ne connaissent pas la violence ou n'en sont pas menacés. C'est pour ces femmes et ces filles que nous sommes ici rassemblés d'aujourd'hui.
Permettez-moi d'évoquer maintenant les mesures concrètes prises par le gouvernement pour contrer la violence faite aux femmes et aux filles autochtones. Le gouvernement du Canada a adopté une approche globale. En plus du travail fait par Condition féminine Canada, mes collègues des ministères de la Justice, de la Sécurité publique et des Affaires autochtones du développement du Nord ont entrepris de mettre en oeuvre toute une gamme de mesures complémentaires. Ces efforts visent notamment à élucider les causes de la violence faite aux femmes et aux filles autochtones. Par ailleurs, nous tenons à donner aux femmes et aux filles autochtones les moyens de prendre leur destinée en main afin qu'elles aient de meilleures chances de vivre une vie exempte de violence.
J'aimerais maintenant prendre quelques instants pour évoquer les mesures mises en oeuvre dans le cadre des programmes de Condition féminine Canada pour contrer la violence faite aux femmes et aux filles, particulièrement en milieu autochtone. Depuis 2007, le gouvernement a versé plus de 18 millions de dollars à divers organismes canadiens pour des projets qui aident les femmes et les filles autochtones à assurer leur sécurité économique, à acquérir des compétences en leadership et à contrer la violence fondée sur le sexe dans leur milieu. Nous organisons notre action de cette façon, car nous savons que la sécurité économique et les compétences en leadership aident les femmes et les filles à se prémunir contre la violence. Sur cette somme, plus de 11 millions de dollars ont été consacrés à des projets qui visent expressément à contrer la violence faite aux femmes et aux filles autochtones.
Permettez-moi d'en donner quelques exemples. Le YWCA Agvvik Nunavut répond aux besoins des femmes qui ont évalué les services de refuge d'Iqaluit en travaillant avec des organismes communautaires. Ce projet va faciliter l'amélioration des services destinés aux femmes qui viennent de quitter une situation de violence.
Il y a près d'un an, le gouvernement du Canada a annoncé le soutien qu'il apportait à de nouveaux projets visant à contrer la violence faite aux femmes et aux jeunes filles vivant en milieu rural ou éloigné, et à assurer leur sécurité économique. Nous avons réuni ces deux objectifs, car nous sommes convaincus que la sécurité physique des femmes va de pair avec leur sécurité économique. Ces projets font souvent intervenir des organismes communautaires qui répondent directement aux besoins des femmes et des filles autochtones.
L'un de ces projets est actuellement en cours de réalisation au Centre d'amitié de La Loche, en Saskatchewan. Il concerne la violence faite aux femmes et aux filles autochtones dans diverses collectivités du Nord de la Saskatchewan. En faisant appel aux femmes, aux hommes, aux jeunes et aux aînés, ce projet va faire ressortir les problèmes actuels de violence en milieu familial au sein de la nation dénée, à La Loche ainsi qu'à Clearwater; il devrait déboucher sur un plan d'action communautaire visant à contrer la violence faite aux femmes et aux filles autochtones. En plus de faire l'état des lieux, on y étudie les causes de la violence en milieu familial dans ces collectivités. Grâce à des discussions et à des consultations auprès des différents partenaires, on va élaborer et mettre en oeuvre un plan d'action communautaire pour contrer la violence faite aux femmes et aux filles autochtones, de façon à y mettre ultimement un terme.
Nous avons également apporté notre soutien à l'Association des femmes autochtones de Nouvelle-Écosse à Truro et au Réseau des femmes autochtones de Terre-Neuve à Stephenville.
Dans le cadre des programmes de la Condition féminine, nous finançons sur tout le territoire du Canada des projets qui visent à mettre un terme à la violence faite aux femmes et aux filles, en particulier dans des collectivités éloignées et autochtones, à améliorer leur prospérité et leur sécurité économique et à les soutenir dans leurs rôles de leaders et de décisionnaires.
Grâce à ces fonds, nous appuyons des projets comme le Wapikoni mobile, qui sensibilise les jeunes filles des collectivités autochtones éloignées du Québec aux problèmes de violence. Dans les régions éloignées du Québec, ainsi que sur la Côte-Nord, en Abitibi et en Mauricie, ce projet vient en aide aux adolescentes et les sensibilise aux problèmes de violence alors qu'elles arrivent à l'âge adulte. Chaque session regroupe une vingtaine de jeunes filles qui sont sensibilisées à la violence faite aux femmes et aux façons de s'en prémunir. Ces jeunes filles deviennent ensuite des protagonistes du réseau de soutien aux victimes de violence et à leur famille dans leur collectivité.
Condition féminine Canada a récemment lancé un appel de propositions intitulé « Travaillons ensemble: engager les collectivités dans l'élimination de la violence faite aux femmes et aux filles ». Nous visons des projets susceptibles de contrer la violence faite aux femmes et aux filles, et plus particulièrement, en milieu autochtone. Ces projets devraient favoriser l'égalité pour les femmes et les filles, tout en contrant la violence dont elles sont victimes au Canada. L'appel vise spécifiquement les collectivités à haut risque, et il fait appel aux garçons et aux hommes pour qu'ils préviennent la violence; c'est là un objectif que la Condition féminine vise directement pour la première fois.
Dans toutes ces mesures prises par notre gouvernement, nous mettons l'accent sur l'élimination de la violence faite aux femmes et aux filles, notamment en milieu autochtone. Nous le faisons non seulement parce que c'est ce qu'il faut faire, mais aussi parce que cela fait partie de notre engagement global à parvenir à l'égalité entre les femmes et les hommes au Canada.
Pour ce qui est du dossier des femmes en général, notre gouvernement a pris d'importantes mesures pour améliorer la sécurité économique des femmes, ce qui contribue à améliorer globalement leur sort. Au cours des sept dernières années, le gouvernement conservateur a pris d'importantes mesures pour aider et habiliter les femmes sur l'ensemble du territoire. Tout d'abord, nous avons manifesté notre soutien aux travailleuses par l'entrée en vigueur de la prestation universelle pour la garde d'enfants, qui aide les parents à concilier le travail et la vie familiale grâce à un soutien financier direct pour la garde d'enfants. Plus récemment, nous avons pris des mesures pour permettre aux travailleurs autonomes canadiens de bénéficier des prestations de maternité et pour faciliter l'accès des familles de militaires à l'assurance-emploi et aux prestations parentales et de maladie.
Je peux affirmer fièrement que notre gouvernement, plus que tout autre, a porté le financement des programmes destinés aux femmes au niveau le plus élevé jamais atteint au Canada. Il s'agit notamment de programmes qui viennent en aide aux femmes et aux enfants autochtones.