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Monsieur le Président, je suis heureux de participer au débat à l'étape de la troisième lecture du projet de loi , Loi sur le terrorisme nucléaire. Il s'agit d'une mesure antiterroriste importante. Si le Canada l'adopte, il sera en mesure de ratifier, en tant qu'État membre, l'amendement de 2005 à la Convention sur la protection physique des matières nucléaires, la CPPMN, ainsi que la Convention internationale pour la répression des actes de terrorisme nucléaire de 2005, la CIRATN.
J'aimerais tout d'abord rappeler l'avertissement de Kofi Annan, ancien secrétaire général des Nations Unies. Il a déclaré que si une attaque nucléaire avait lieu, « non seulement elle ferait un grand nombre de morts et causerait de vastes destructions, mais encore elle ébranlerait l'économie mondiale et plongerait des dizaines de millions de gens dans la misère. »
Dans mon allocution d'aujourd'hui, je décrirai les quatre infractions que couvre le projet de loi . Je décrirai aussi comment ces infractions s'inscrivent dans l'ensemble des mesures anti-terroristes prévues au Code criminel, qui couvrent les actions visant à causer la mort, des lésions corporelles graves ou des dommages considérables à des biens ou à l’environnement.
La peine maximale associée aux crimes prévus à l'article 82.3 serait l'emprisonnement à perpétuité. L'infraction tient compte des caractéristiques qui rendent un acte « criminel » selon l'amendement de la CPPMN et la CIRATN. Notons aussi que, lorsque des pays fonctionnant selon un modèle dualiste, tels que le Canada, envisagent de ratifier des ententes, ils peuvent utiliser leurs lois nationales en vigueur afin de répondre aux exigences des traités. Ainsi, quand l'importation ou l'exportation illégales de matières nucléaires n'a pas les visées terroristes couvertes par l'amendement de la CPPMN, le Canada aura recours aux infractions qui ciblent déjà ce genre d'activités, notamment dans la Loi sur les licences d'exportation et d'importation, la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires, et la Loi sur les douanes.
Deuxièmement, le projet de loi crée, à l'article 82.4, une nouvelle infraction, celle d’utiliser ou de modifier des matières ou engins nucléaires ou radioactifs dans l’intention de contraindre une personne, un gouvernement ou une organisation internationale à accomplir un acte quelconque ou à s’abstenir de l’accomplir. D'après cette infraction, il serait aussi criminel de commettre un acte contre une installation nucléaire ou son fonctionnement, toujours dans l’intention de contraindre une personne, un gouvernement ou une organisation internationale à accomplir un acte quelconque ou à s’abstenir de l’accomplir.
Les actes criminels décrits dans l'infraction ont comme point commun l'intention de forcer ou de pousser des gens à agir d'une certaine manière. Cette intention est une caractéristique du terrorisme. Étant donné la gravité des actes en question, la peine maximale serait l'emprisonnement à perpétuité.
Troisièmement, le projet de loi S-9 érige également en infraction le fait de commettre un acte criminel en vue d'obtenir des matières nucléaires ou radioactives, ou tout engin, ou d'obtenir accès à une installation nucléaire ou d'exercer un contrôle sur celle-ci. Les contrevenants reconnus coupables en vertu de cet article seraient passibles de l'emprisonnement à vie.
Les exigences prévues dans l'amendement à la CPPMN et la CIRATN ciblent tout particulièrement la perpétration de divers actes criminels, comme le vol ou le vol qualifié perpétré dans l'intention d'obtenir des matières nucléaires ou radioactives, ou tout engin. Les traités interdisent précisément « l'utilisation de la force ou de toute autre forme d'intimidation », à l'alinéa 9f) de l'amendement à la CPPMN, et, au paragraphe 2(2) de la CIRATN, « l'utilisation de la force » pour obtenir ces matériaux.
En interdisant l'usage de la force dans ces traités, on envisage d'interdire des actes qui vont au-delà des comportements précisés. Il s'agit d'une conduite générale, qui va au-delà des infractions précises énumérées dans les traités, mais le concept de l'utilisation de la force pourrait inclure tout acte de violence ou toute force; par conséquent, on pourrait considérer que toute infraction criminelle existante, notamment un meurtre, entrerait dans cette catégorie de conduite. C'est ce qui explique le libellé de l'article 82.5. La portée de cette infraction est conforme aux exigences du traité, bien que l'énoncé soit différent.
Enfin, la quatrième infraction présentée dans le projet de loi propose d'ériger en infraction la menace de commettre l'une des infractions prévues dans le projet de loi. Cette infraction serait passible d'un emprisonnement maximal de 14 ans, ce qui reflète toute la gravité d'une menace dans un contexte nucléaire. La peine serait ainsi proportionnelle au chaos qu'une telle menace risque de créer.
Le concept de « menace » sert à décrire des comportements interdits et se trouve dans la définition de nombreuses infractions figurant au Code criminel. Je vous signale en outre que l'article 264.1 du Code criminel définit de manière générale l'infraction consistant à proférer des menaces. Selon la jurisprudence canadienne, pour déterminer s'il y a menace, il faut interpréter les paroles d'une personne de manière impartiale, en tenant compte du contexte et des circonstances. Autrement dit, une personne raisonnable interpréterait-elle ces paroles comme une menace? De plus, selon la jurisprudence, il ne peut y avoir intention coupable que si l'accusé a prononcé ses paroles de manière à ce qu'elles soient prises au sérieux et de manière à intimider une personne.
Compte tenu des quatre infractions que je viens de décrire, conjuguées aux dispositions générales du Code criminel concernant les diverses formes de responsabilité civile, comme les tentatives et les complots, et conjuguées également à d'autres lois canadiennes, le Canada serait en mesure de ratifier ces deux traités.
Les députés conviendront, je pense, que les sanctions rattachées aux infractions définies dans le projet de loi sont justes et adaptées à la gravité de ces infractions. Elles sont conformes à celles qui sont prévues pour les autres infractions terroristes décrites dans le Code criminel, par exemple, à l'article 83.2, le fait de commettre une infraction au profit d'un groupe terroriste, ainsi qu'à l'article 83.21, le fait de charger une personne de se livrer à une activité pour un groupe terroriste. Ces deux infractions sont passibles d'une peine maximale d'emprisonnement à perpétuité.
Parmi les autres dispositions du projet de loi qui méritent d'être mentionnées se trouve premièrement celle qui, pour les infractions visées, accorde une compétence parallèle au procureur général de la province et au procureur général fédéral, en matière de poursuites, ce qui est semblable à ce qui est prévu dans le cas des autres infractions terroristes définies dans le Code criminel. Deuxièmement, le projet de loi prévoit de nouvelles infractions devant être ajoutées aux dispositions du Code criminel sur l'écoute électronique et sur les empreintes génétiques. Troisièmement, en incluant, dans la définition des activités terroristes contenue à l'alinéa 83.01(1)a) du Code criminel, les dispositions pénales de l'amendement de la Convention sur la protection physique des matières nucléaires ainsi que de la Convention internationale pour la répression des actes de terrorisme nucléaire, on ferait en sorte que des pouvoirs et des procédures existants s'appliquent aux nouvelles infractions, notamment l'inversion du fardeau de la preuve pour les remises en liberté sous caution et les autorisations d'écoute électronique d'une durée d'un an. Les infractions ont été définies de manière à ce qu'elles puissent s'insérer dans les dispositions actuelles du Code criminel concernant le terrorisme.
Par ailleurs, ces traités nécessitent que les signataires adoptent une disposition d'extraterritorialité relativement aux poursuites pour les infractions visées. Ainsi, le projet de loi permettrait aux tribunaux canadiens de juger, par exemple, un citoyen canadien ayant commis une infraction hors du Canada ou une personne présente au Canada qui aurait commis préalablement une infraction hors du Canada. Le Canada peut déjà intenter de tels procès aux personnes soupçonnées d'avoir commis d'autres infractions terroristes définies dans le Code criminel.
En terminant cette analyse des aspects techniques du projet de loi, je souligne que, conformément à la CIRATN et à l'Amendement à la CPPMN, ces infractions ne s'appliqueraient pas à un acte licite commis au cours d'un conflit armé ni aux activités menées par les forces armées d'un État dans l'exercice de leurs fonctions officielles, dans la mesure où ces activités sont régies par d'autres règles de droit international.
La formulation relative à l'exclusion militaire utilisée dans le projet de loi est semblable à celle utilisée aux paragraphes 431.2(3) et 80.3(1) du Code criminel. Plus précisément, dans le jugement R. c. Khawaja qu'elle a rendu en décembre 2012, la Cour suprême du Canada a donné des orientations sur l'utilisation de la disposition d'exclusion militaire que l'on trouve dans la définition d'« activité terroriste » dans le Code criminel. En rejetant l'application de l'exclusion militaire au défendeur, la cour a jugé: premièrement, que la disposition d'exclusion militaire est invoquée comme moyen de défense et que, par conséquent, il incombe à la défense de prouver que les conditions sont réunies pour qu'elle s'applique; deuxièmement, que le comportement en question doit être conforme au droit international applicable, comme la Convention de Genève.
On a beaucoup parlé, tout au long du processus législatif, des motivations tant nationales qu'internationales à l'origine du projet de loi . Le contexte dans lequel le projet de loi a été présenté a été débattu et continue de revêtir une importance vitale.
La première CPPMN, qui a été négociée en 1980, est actuellement le seul instrument international juridiquement contraignant dans le domaine de la protection physique des matières nucléaires. Le Canada l'a signée en septembre 1980 et l'a ratifiée en mars 1986. Cette ratification a été rendue possible par la modification de plusieurs lois, y compris le Code criminel.
La communauté internationale, par l'entremise de l'Agence internationale de l'énergie atomique, a reconnu, 25 ans plus tard, qu'il fallait revoir la Convention sur la protection physique des matières nucléaires. C'est pourquoi, en juillet 2005, les États parties à la convention, dont le Canada, ont adopté l'Amendement à la CPPMN. L'une des modifications clés à la convention initiale exigeait des États qu'ils protègent les installations et les matières nucléaires pour l’usage, l’entreposage et le transport intérieurs pacifiques.
En outre, en 2005, la Convention internationale pour la répression des actes de terrorisme nucléaire a été négociée et adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies. La CIRATN visait une vaste gamme d'actes de terrorisme nucléaire et de cibles possibles.
Le Canada n'est pas le seul État à souhaiter devenir partie à ces deux importantes conventions sur la sécurité nucléaire. Lors du deuxième Sommet sur la sécurité nucléaire tenu à Séoul, en Corée, l'année dernière, auquel ont participé des dirigeants mondiaux, 53 chefs d'État, y compris le du Canada, ont reconnu l'importance des instruments multilatéraux portant sur la sécurité nucléaire comme l'Amendement à la CPPMN et la CIRATN.
Les dirigeants mondiaux se sont engagés à collaborer en prenant pour assises l'Amendement à la CPPMN et la CIRATN. Si le projet de loi est adopté, le Canada pourra annoncer cette réussite lors du prochain Sommet sur la sécurité nucléaire qui aura lieu en 2014. Aux dernières nouvelles, 64 États ont adhéré à l'Amendement à la CPPMN et 83 États sont parties à la CIRATN.
Un certain nombre de nos plus proches alliés ont pris d'importantes mesures dans ce domaine. Le Royaume-Uni a adhéré à la CIRATN en 2009 et à l'Amendement à la CPPMN en avril 2010. En outre, l'Australie a modifié ses lois afin de ratifier l'Amendement à la CPPMN en 2008 et la CIRATN en 2012.
Je conclurai mon intervention en soulignant ce que le Belfer Center for Science and International Affairs de l’Université Harvard a affirmé dans un rapport produit en 2011 et intitulé U.S.-Russia Joint Threat Assessment on Nuclear Terrorism. Cet organisme a fait une déclaration brève, mais évocatrice: il nous a avertis que, de tous les types de terrorisme, c'est le terrorisme nucléaire qui représente la plus grande menace pour le monde.
Le projet de loi est équilibré, il arrive à point nommé, et, surtout, il est conçu pour cibler cette nouvelle réalité.
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Monsieur le Président, j'apprécie le fait de me lever à la Chambre pour parler du projet de loi à l'étape de la troisième lecture. On se rappellera qu'en deuxième lecture, nous avions suggéré et recommandé l'adoption du projet de loi afin de pouvoir l'étudier en profondeur au Comité permanent de la justice et des droits de la personne.
À priori, je suis toujours un peu sceptique de voir le gouvernement conservateur procéder de cette façon, avec les projets de loi venant du Sénat, composé de gens non élus, non redevables à la population. Il tente de faire passer par la porte arrière des projets de loi hautement importants, comme celui qui concerne une étape avant la ratification des traités internationaux. C'est le cas du projet de loi S-9.
Par contre, nous parlons quand même de quelque chose qui concerne la sécurité publique, un thème cher aux néo-démocrates de cette Chambre, car nous croyons qu'il est de notre devoir de protéger le public. C'est une des raisons principales pour lesquelles nous sommes ici au Parlement.
Cela étant dit, c'est aussi très important de cautionner les ententes, les traités internationaux que l'on signe. Les gens doivent comprendre qu'on procède souvent par étapes. Les processus sont souvent longs, parfois trop longs. En même temps, cela se fait par acceptation lors de rencontres internationales. Ensuite, il faut que les représentants des différents pays reviennent chez eux et procèdent à la ratification de ces traités, comme avec le projet de loi . L'entente, les engagements pris à l'international, c'était d'avoir un cadre juridique, un cadre légal qui ferait en sorte que le terrorisme nucléaire serait bien encadré sur le plan des infractions criminelles. Cela nécessitait plusieurs modifications au Code criminel.
Donc, sur ce plan, on sait que le Sénat a adopté le projet de loi le 27 mars 2012. Celui-ci modifie le Code criminel afin de mettre en oeuvre les exigences en matière de droit pénal contenues dans deux traités internationaux visant à combattre le terrorisme. Il s'agit tout d'abord de la Convention sur la protection physique des matières nucléaires, modifiée en 2005. Nous étions déjà partie prenante de cette convention et nous l'avions ratifiée initialement en 1980. Quand je dis que ça fonctionne à la vitesse grand V, je ne suis pas loin de la réalité. L'autre traité est la Convention internationale pour la répression des actes de terrorisme nucléaire, signée en 2005.
Le projet de loi comporte 10 articles qui créent quatre nouvelles infractions à la partie II du Code criminel. Cela rend illégal le fait de posséder, d'utiliser, de jeter des matières ou engins nucléaires ou radioactifs ou de commettre un acte contre une installation nucléaire ou son fonctionnement dans l'intention de causer la mort, des lésions corporelles graves ou des dommages considérables à des biens ou à l'environnement.
Le Sénat a adopté un amendement pour ajouter la fabrication au projet de loi. Celui-ci rend illégal le fait d'utiliser ou de modifier des matières ou engins nucléaires ou radioactifs ou de commettre un acte contre une installation nucléaire ou son fonctionnement dans l'intention de contraindre une personne, un gouvernement ou une organisation internationale à accomplir un acte quelconque ou de s'abstenir de l'accomplir; ou encore de commettre un acte criminel prévu par une loi fédérale dans l'intention d'obtenir une matière ou un engin nucléaire ou radioactif; ou d'obtenir l'accès à une installation nucléaire ou son contrôle; ou encore de menacer de commettre l'une des trois infractions.
On introduit aussi d'autres amendements découlant de ces quatre nouvelles infractions et qui ne sont pas de moindre importance. On introduit la définition — et c'est important — de certains des termes employés dans la description des nouvelles infractions, entre autres: « environnement », « installation nucléaire », « matière nucléaire », « matière radioactive » et « engin », ainsi que la modification de la définition d'« activité terroriste ». On introduit aussi une nouvelle section au Code criminel pour s'assurer que les individus qui commettent ou tentent de commettre l'une des ces infractions lorsqu'ils sont à l'étranger, puissent être poursuivis au Canada.
On veut modifier également les dispositions du Code criminel concernant l'écoute électronique pour s'assurer que ces dispositions s'appliquent aux nouvelles infractions. On veut aussi que les quatre nouvelles infractions soient considérées comme des infractions primaires, pour la délivrance de mandats ou pour rendre des ordonnances autorisant les prélèvements pour analyse génétique.
Finalement, cela modifie aussi la règle canadienne relative aux déclarations de culpabilité multiples, c'est-à-dire le fait d'être condamné et jugé pour le même crime. Par conséquent, si un individu a été jugé et condamné pour ces quatre nouvelles infractions à l'étranger, cette règle ne s'applique pas si le procès à l'étranger ne répond pas à certaines normes juridiques canadiennes de base. Dans un tel cas, une cour canadienne peut juger à nouveau la personne condamnée pour le même crime par une cour étrangère.
C'est beaucoup de matériel. Certains ont qualifié de technique ce projet de loi. En effet, il peut sembler très technique parce qu'on y traite de concepts qui ne nous sont pas familiers. Le terrorisme nucléaire au Canada n'est pas un sujet qu'on aborde souvent dans des conversations entre amis. Ce n'est certes pas le genre de discours et de conversation qu'on a tous les jours.
Le Comité permanent de la justice et des droits de la personne a pris son rôle très au sérieux, compte tenu de la nature du sujet. On a entendu des témoins extrêmement intéressants, par exemple, des représentants de la Commission canadienne de sûreté nucléaire et des invités du ministère des Transports, puisqu'il y a du transport de matériaux nucléaires au Canada.
Les gens seraient peut-être horrifiés de savoir ce qui se passe parfois sous leur nez et qu'on ne dit pas pour des raisons bien évidentes de sécurité nationale. On ne veut pas non plus informer des gens malveillants qu'un transport de matériaux nucléaires passera à tel endroit pour se rendre à tel autre endroit.
Le comité a aussi reçu des représentants du ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile, en ce qui concerne les politiques de la gestion de la sécurité nationale, ainsi que de la Gendarmerie royale du Canada, en ce qui a trait aux opérations criminelles relatives à la sécurité nationale et aux enquêtes relatives. Des représentants du ministère de la Justice sont également venus, y compris le qui a présenté le projet de loi.
On a pu poser des questions avant que le projet de loi soit envoyé au comité. Nous avons parlé du temps que le gouvernement a pris pour déposer le projet de loi , qu'il a fait passer par la porte arrière, le Sénat. Nous avons voulu savoir pourquoi cela avait pris autant de temps, surtout qu'il s'agissait d'une très grande priorité nationale et internationale et, selon certains, d'un des plus grands fléaux et des plus grandes menaces qui touchent le Canada.
Nous avons aussi voulu savoir pourquoi, au moment de l'élaboration du projet de loi, ils n'ont pas pensé à la question de la fabrication, soulevée au Sénat. Je suis quand même relativement satisfaite. En bonne juriste que je suis, j'apprécie les commentaires des gens du ministère de la Justice. Ils ont dit que la question touchant la fabrication était déjà incluse dans le projet de loi. Cependant, trop fort, casse pas, ils acceptaient l'ajout de la mention de fabrication qu'ils considéraient incluse dans la terminologie déjà utilisée. Bref, cela répondait à cette question.
On pouvait aussi mettre de côté la notion « autrefois convict ». Autrement dit, si quelqu'un est poursuivi dans un pays étranger, le Canada se réserve le droit, dans le cadre de cette loi, d'entamer quand même des poursuites contre un Canadien ou une Canadienne qui aurait commis une des nouvelles infractions. La Charte comprend des volets d'application cet égard.
Les réponses données semblent satisfaisantes, malgré qu'on puisse avoir certaines inquiétudes lorsqu'on sait comment les tests de compatibilité de la Charte sont effectués au ministère de la Justice.
Compte tenu de nos engagements vis-à-vis des traités internationaux, nous allons appuyer le projet de loi, dans son ensemble et tel que rédigé, en troisième lecture. C'est la recommandation que je fais. Je pense que mes collègues néo-démocrates feront comme moi. C'est extrêmement important.
Le terrorisme nucléaire est une notion difficile à saisir. Les gens doivent bien comprendre. J'ai demandé au secrétaire parlementaire quelle était, selon lui, la plus grande menace en matière de terrorisme nucléaire. Je ne veux pas faire peur au monde dans mon discours, mais il faut quand même être réaliste. Il y a des gens mal intentionnés dans la vie. C'est extrêmement clair, net et précis. On ne peut pas faire l'autruche et se mettre la tête dans le sable.
Il y a différents types de menaces de terrorisme nucléaire.
Selon ce qu'on a pu entendre en comité, selon ce qu'on s'est fait expliquer, il y a quatre catégories: une attaque à l'aide d'une arme nucléaire volée; l'utilisation d'un dispositif nucléaire improvisé fait de matériaux fissiles; une attaque à l'aide d'un dispositif de dispersion radiologique, souvent appelé une « bombe sale »; et le sabotage d'une installation nucléaire.
Le Canada est assurément un pays riche en uranium, mais il ne faut pas jouer à l'autruche et penser qu'on est à l'abri. Je me souviens d'un article, écrit en 2005, par Graham Allison. Son titre est assez percutant, et se lit comme suit: Is Nuclear Terrorism a Threat to Canada's National Security? L'auteur compare un peu les Américains et le Canada.
En tant que fille de la région de l'Outaouais, je vous avoue que j'ai frissonné à la lecture de cet article, malgré que je ne suis pas particulièrement influençable. N'empêche que lorsqu'on voit ce qui se passe partout dans le monde, il ne faut pas non plus être irréalistes. « What about Canada? » est la question qu'il pose à la page 717 du International Journal de l'été 2005. Quand il parle du Canada, il dit la chose suivante:
Si une bombe nucléaire explosait sur la Colline du Parlement, à Ottawa, tous les immeubles se trouvant entre la Cour suprême et le Centre des congrès d’Ottawa seraient rasés. Il ne resterait que des ruines sur plusieurs pâtés de maisons, au-delà des Archives nationales et du Musée canadien de la guerre. En outre, le Musée canadien de la nature serait rasé par les flammes. Des dizaines de milliers de personnes mourraient sur-le-champ, et il y aurait des centaines de milliers de blessés graves. Les retombées de l’explosion nucléaire seraient transportées par le vent partout au Canada, contaminant ainsi des terres agricoles et des villes et faisant des milliers de victimes supplémentaires.
Si je dis ça, c'est pour remettre un peu les choses dans leur contexte. On ne se le souhaite pas, bien évidemment. Cependant, comme je le disais, on se doit d'assurer le plus possible la sécurité de nos citoyens, surtout quand des endroits assez accessibles sont laissés entre les mains de gens malintentionnés, ce qui pourrait occasionner ce genre de dommages.
Étant de l'autre bord de la rivière, du côté de Gatineau, je peux dire que quand on lit de tels textes, on ne peut parfois faire autrement que de remettre ça en perspective. On se dit que c'est dramatique, mais que ce n'est jamais arrivé, qu'on est le plus beau pays du monde, que les gens ici sont affables, accueillants et ouverts. Mais c'est un drôle de monde dans lequel on vit.
Dans ce contexte-là, sans tomber dans l'exagération et sans manquer de respect envers les droits et libertés de la personne, on doit toujours trouver le juste milieu, comme je me plais à dire. On doit donc avoir des politiques équilibrées s'assurant de la protection du public dans le respect des droits de la personne. Dans ce contexte-là, on ne se trompe pas.
Alors qu'on étudiait la question en comité, Ian MacLeod du Ottawa Citizen a pondu une série d'articles, et je vais le citer:
Les autorités nucléaires se préparent à assurer le transport secret, par convoi armé, d’un mélange toxique d’uranium liquide pouvant servir à fabriquer des bombes, à partir de Chalk River jusqu’à une usine de retraitement située en Caroline du Sud.
En donnant le feu vert à cette mission « hautement prioritaire », les autorités tentent pour la première fois de transporter par camion de l’uranium très enrichi sous forme liquide. Cette situation incite des groupes prônant la sûreté nucléaire des deux côtés de la frontière à réclamer une surveillance gouvernementale accrue.
La Commission canadienne de sûreté nucléaire a confirmé au Citizen l’existence de ce plan. Il fait suite à l’engagement pris par le premier ministre lors du sommet mondial de la sûreté nucléaire tenu l’an dernier. Le premier ministre s’était alors engagé à renvoyer aux États-Unis les stocks d’uranium très enrichi afin de réduire les risques de terrorisme nucléaire.
J'ai posé la question aux responsables de Transports Canada et du ministère de la Sécurité publique à savoir s'ils sont satisfaits à cet égard. Je ne veux pas qu'ils me disent la route qu'ils emprunteront, car ce n'est pas l'objectif. Évidemment, on ne veut pas envoyer une mappe précise à des gens qui pourraient être malintentionnés, en leur disant que tel convoi partira à telle heure et qu'on ne doit pas — de grâce — être aux alentours. On n'est pas à ce point naïfs.
Par contre, je veux être capable de répondre aux questions des gens de Gatineau. À la lecture de ces nouvelles dans le Ottawa Citizen, un journal de la région, certains citoyens m'appellent ou m'écrivent pour me demander s'ils ont raison de s'inquiéter. En tant que députée de , je veux pouvoir leur dire qu'il n'y a pas de raison de s'inquiéter, parce que nos spécialistes en la matière prennent tous les moyens à leur disposition pour s'assurer qu'on n'a pas à s'inquiéter à ce niveau et que toutes les mesures de sécurité sont prises.
Je l'espère de tout coeur. Toutefois, je ne peux pas le garantir, comme probablement personne de la Chambre ne peut le faire. Nous comptons sur le fait que les protocoles sont bien suivis et que toutes les mesures sécuritaires et technologiques sont mises à notre disposition afin qu'il n'arrive rien de grave. Nous avons beaucoup de cours d'eau au Canada, nous sommes choyés, mais nous savons très bien que les déchets nucléaires descendraient vers nous. Je me suis toujours inquiétée du fait qu'à un moment donné, des matériaux de cette nature se glissent dans notre eau, créant certains problèmes.
Encore une fois, je ne veux pas dramatiser, mais ces propos illustrent l'importance du projet de loi dans le contexte actuel, alors qu'un traité international demande aux États signataires de prendre des mesures sévères. La solution passe donc, en partie, par la façon dont on traite ici-même ces genres de matériel, d'installations, d'endroits de stockage ou de manufactures de ces produits, afin de mettre en place des mesures de sécurité extrêmement importantes. Il faut des lois au criminel pour s'assurer de prendre les moyens nécessaires au cas où se produiraient des actes criminels de terrorisme nucléaire, ce qui, nous l'espérons, n'arrivera pas.
Je suis toujours en faveur de la prévention. Je ne suis pas contre le fait d'adopter des actes d'accusation précis et sévères en cette matière. Certains de ces nouveaux gestes sont punissables de la prison à perpétuité. C'est le maximum duquel nous pouvons convenir dans les limites du système judiciaire criminel canadien, ce qui montre le sérieux de la situation.
J'aimerais parler d'un témoin qui m'a particulièrement impressionnée lors de l'étude en comité du projet de loi . Il s'agit de M. Matthew Bunn, un professeur agrégé de politique publique du Belfer Center for Science and International Affairs de la Harvard University. Il nous expliquait le contexte entourant ce projet de loi:
Depuis les attaques du 11 septembre aux États-Unis, les deux pays ont resserré les protocoles de sécurité entourant leurs propres matières nucléaires, aidé d'autres pays à faire de même, contribué à consolider les efforts de l'Agence internationale de l'énergie atomique, et travaillé à renforcer d'autres volets de la lutte mondiale contre le terrorisme nucléaire. Mais pour que les États-Unis et le Canada réussissent à convaincre d'autres pays d'adopter une approche responsable en vue de réduire les risques de vol de matières nucléaires et de terrorisme nucléaire, au Sommet sur la sécurité nucléaire qui aura lieu aux Pays-Bas en 2014 et au-delà de cela, ils doivent tous deux montrer l'exemple en appliquant eux-mêmes des mesures responsables.
Il m'a également convaincue de ceci:
Il est donc important que nos deux pays ratifient les deux principales conventions à cet égard: la Convention sur la protection physique des matières nucléaires, de même que l'amendement pertinent, et la Convention internationale pour la suppression des actes de terrorisme nucléaire. C'est l'appel qui a été lancé aux pays lors du Sommet sur la sécurité nucléaire de Séoul, en 2012. Comme [on le sait tous], lors du sommet de Séoul, les dirigeants ont établi comme objectif d'obtenir suffisamment de ratifications pour que l'amendement de la Convention sur la protection physique des matières nucléaires soit mis en oeuvre d'ici la tenue du sommet de 2014.
Dans ce contexte, M. Bunn nous exhortait donc à ratifier ces deux conventions et à approuver l'adoption du projet de loi . Il était gêné du fait que le Canada est en avance par rapport aux États-Unis sur ce plan. Le Canada fait preuve de leadership à cet égard, et j'en suis fort aise.
Je termine en réitérant que, n'en déplaise à certains, le danger du terrorisme est réel. Cela ne veut pas dire qu'il va se produire quelque chose demain matin et qu'il faut créer une hystérie collective, mais il faut des mesures raisonnables et bien rédigées. Pour une fois que le gouvernement a un bon projet de loi, il aurait pu le présenter directement à la Chambre plutôt que de le faire passer par le Sénat.
Nous devons toutefois encourager les députés de la Chambre à travailler à la protection de la sécurité publique et à renforcer notre rôle de leader à l'échelle internationale.
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Monsieur le Président, je suis heureux d'intervenir aujourd'hui à propos du projet de loi , Loi sur le terrorisme nucléaire, qui modifie le Code criminel pour donner suite aux obligations du Canada conformément à la Convention internationale pour la répression des actes de terrorisme nucléaire, que j'appellerai « convention pour la répression », et l’Amendement à la Convention sur la protection physique des matières nucléaires, que j'appellerai « amendement ».
Comme on l'a expliqué, la convention pour la suppression est un traité multilatéral. Elle vise à harmoniser la criminalisation des actes relatifs au terrorisme nucléaire dans tous les États parties. Malheureusement, le Canada n'a toujours par ratifié cette convention, bien que nous l'ayons signée en 2005. Je me réjouis que nous soyons enfin prêts à la ratifier, mais je regrette que cela ait pris autant de temps.
La Convention sur la protection physique des matières nucléaires, que le Canada a signée en 1980, crée des engagements juridiquement contraignants pour les États parties à l'égard de la protection physique des matières nucléaires et définit des mesures relatives à la prévention, à la détection et à la répression des infractions relatives aux matières nucléaires.
En 2005, le Canada, ainsi que 87 autres États parties à la convention initiale, se sont réunis pour en modifier et renforcer les dispositions. Lors de cette conférence, l'amendement a été adopté par consensus. Il commencera à entrer en vigueur sous peu, bien qu'il n'ait pas encore été ratifié par un nombre suffisant de signataires, y compris le Canada. Nous devons aller de l'avant à cet égard.
La convention pour la suppression et l'amendement sont des éléments fondamentaux de la stratégie de la communauté internationale pour prévenir et déceler les actes relatifs au terrorisme nucléaire. Par conséquent, le projet de loi constitue une mesure législative nécessaire à la mise en oeuvre de la convention pour la suppression et de l'amendement, et il renforcerait le régime international existant. Le projet de loi a été débattu à fond à la Chambre, étudié en profondeur par le comité et longuement débattu au Sénat. Il représente un pas dans la bonne direction dans ce dossier.
Qui plus est, la protection des installations et des matières nucléaires est prévue dans la loi nationale de mise en oeuvre. Il ne faut jamais oublier que cette protection s'inscrit dans le contexte de la menace globale que constitue la prolifération nucléaire croissante, notamment la prolifération des activités en Iran et en Corée du Nord. Le désarmement nucléaire est donc un impératif absolu et le Canada doit être au premier plan des efforts déployés pour y parvenir.
Comme les députés connaissent assez bien la mesure législative, et que le secrétaire parlementaire a déjà parlé de la teneur et de l'importance du projet de loi dans son discours, je me contenterai d'en faire une brève description.
Bien entendu, la prévention du terrorisme nucléaire et de la prolifération nucléaire exigera une action internationale coordonnée. Le Canada doit continuer de jouer un rôle de chef de file à cet égard.
Après quelques remarques préliminaires au sujet de la teneur du projet de loi, je m'arrêterai au problème qui vient d'être soulevé, celui de la prolifération nucléaire en Iran, qu'il faut considérer dans le contexte de la quadruple menace que ce pays représente. Cette question a fait l'objet d'un échange entre un intervenant précédent et le secrétaire parlementaire. Je vais en parler, moi aussi.
Permettez-moi de passer très rapidement en revue le contenu du projet de loi.
Premièrement, le projet de loi rend illégal le fait de fabriquer un engin ou de posséder, d'utiliser, de transférer, d'exporter, d'importer, de modifier ou de jeter toute matière nucléaire ou radioactive ou tout engin dans l’intention de causer la mort, des lésions corporelles graves ou des dommages considérables à des biens ou à l’environnement. Il rend également illégal le fait de commettre un acte contre une installation nucléaire ou un acte perturbant gravement ou paralysant son fonctionnement.
Deuxièmement, le projet de loi rend illégal le fait de commettre l'un de ces actes dans l’intention de contraindre une personne, un gouvernement ou une organisation internationale à accomplir ou à s’abstenir d’accomplir un acte quelconque.
Troisièmement, le projet de loi rend illégal le fait de commettre un acte criminel dans l’intention d’obtenir une matière nucléaire ou radioactive ou d’obtenir l’accès à une installation nucléaire.
Ces trois infractions sont punissables de l'emprisonnement à perpétuité.
Quatrièmement, le projet de loi rend illégal et punissable d'une peine d'emprisonnement de 14 ans le fait de menacer de commettre l'une des infractions susmentionnées.
En outre, le projet de loi classe ces nouvelles infractions parmi les activités terroristes prévues à l'article 83.01 du Code criminel, de sorte que leur perpétration entraîne l'application d'autres dispositions du Code criminel concernant, par exemple, la surveillance électronique et le prélèvement d'ADN.
En outre, aux termes du projet de loi, ces nouvelles infractions seront assujetties au principe de compétence extraterritoriale. Autrement dit, les tribunaux canadiens auront juridiction sur les particuliers poursuivis pour ces infractions, même si ces dernières n'ont pas été commises au Canada. Ce sont des mesures pertinentes, car elles représentent une approche internationale coordonnée pour lutter contre le terrorisme nucléaire.
Si on en croit les débats qui ont déjà eu lieu ici et au Sénat, le projet de loi semble bénéficier d'un appui généralisé dans les deux Chambres.
Tous les députés reconnaissent qu'il est important d'appliquer les lois pénales et d'harmoniser, au niveau international, la criminalisation des actes de terrorisme nucléaire. C'est précisément pour cette raison que l'inaction qui a caractérisé les huit années écoulées depuis la signature des conventions en 2005 est particulièrement regrettable.
En février, il y a un mois à peine, ma collègue de a eu l'occasion de s'enquérir des raisons de cette inaction auprès du lorsque ce dernier a comparu devant le Comité de la justice et des droits de la personne. Je ne peux pas passer sous silence l'explication qu'il a fournie car elle témoigne de l'approche du gouvernement à l'égard de l'établissement des priorités législatives, qui sont généralement à l'envers.
Ma collègue de a posé une question très directe au ministre à ce sujet. Elle a demandé pourquoi le gouvernement avait attendu huit ans avant de présenter un projet de loi de mise en oeuvre, alors que tout le monde semblait être en faveur d'un tel projet de loi.
Le ministre a répondu qu'il avait été dissuadé de le présenter parce que l'opposition faisait planer la menace d'obstruction chaque fois qu'un projet de loi en matière de justice pénale est présenté à la Chambre. Voici ce que le ministre a déclaré au Comité de la justice au sujet de l'obstruction faite par les partis de l'opposition:
[...] il était très difficile de faire adopter quelque loi que ce soit en matière de justice pénale. J'ai présenté des dizaines de projets de loi à la Chambre et si l'un des trois partis ne s'y opposait pas, les partis de l'opposition cherchaient souvent à en discuter à n'en plus finir [...]
L'explication du ministre est en soi choquante puisqu'il laisse entendre qu'il est anormal que les partis de l'opposition veuillent débattre des mesures législatives à l'étude, surtout qu'il est question de mesures législatives importantes en matière de justice pénale, et surtout du fait que le durcissement de la répression de la criminalité est l'une des priorités du programme législatif du gouvernement.
Il est faux et, dans ce cas, c'est aussi une manoeuvre de diversion, d'assimiler un débat approfondi sur le programme du gouvernement en matière de justice criminelle à de l'obstruction et de dire, au sujet du projet de loi , que c'est la raison pour laquelle le ministre n'a pas présenté de mesure législative de mise en oeuvre. J'affirme que, sur ces deux points, le gouvernement déforme la réalité, comme je le disais.
Premièrement, pour ce qui est du programme législatif du gouvernement, les députés ont la responsabilité de se pencher sur les mesures législatives proposées, de les approuver. Nous avons exercé notre responsabilité en matière de surveillance publique que ce soit quand nous avons demandé quels coûts le projet de loi allait engendrer ou tenté de débattre un projet de loi omnibus. En fait, nous n'aurions pas pu faire de l'obstruction puisqu'une motion d'attribution de temps a été présentée dans les deux cas.
Par ailleurs, quel est le rapport entre le débat sur le programme de répression de la criminalité du gouvernement et le fait d'avoir attendu huit ans pour présenter une mesure législative de mise en oeuvre? J'affirme que cela ne peut pas justifier le temps qu'il a fallu pour que ce projet de loi soit présenté?
Pour ce qui est de la menace nucléaire et, maintenant, de la situation en Iran, dont j'ai dit que je parlerais dans le cadre des questions et réponses, permettez-moi de dire ce que nous pensons de la situation de l'Iran de Khamenei aujourd'hui. Je parle de Khamenei parce que je tiens à faire la distinction entre son régime et la population iranienne, qui est la cible d'une répression à grande échelle.
À vrai dire, la réalité de l'Iran de Khamenei présente quatre menaces interreliées.
Il y a la menace nucléaire; celle de l'incitation au génocide; celle du terrorisme international — nous avons d'ailleurs des preuves que les Iraniens sont très actifs dans ce domaine, que, seulement en 2012, il y a eu 22 attentats sur les cinq continents et que, chaque fois, on pouvait remonter jusqu'au Hezbollah iranien; et il y a finalement la menace de la répression à l'intérieur du pays, qui n'en sera évidemment que plus élevée si jamais l'Iran devenait une puissance nucléaire. Toutes ces questions sont liées entre elles, parce que, si l'Iran devenait une puissance nucléaire, la menace de terrorisme international s'en trouvera exacerbée. La répression en sol iranien sera elle aussi plus intense, et je ne parle même pas du problème d'incitation au génocide, qui est indissociable de toute la question de la prolifération nucléaire.
Passons maintenant au rôle que le Canada pourrait jouer par rapport à cette quadruple menace iranienne. Je parle ici des négociations du P5+1 qui viennent de se conclure à Almaty, mais qui devraient reprendre un jour ou l'autre. Je tiens à saluer la position du gouvernement dans ce dossier ainsi que le pour l'avoir exposée comme il l'a fait dernièrement.
Je tiens à parler de certaines exigences qui devraient absolument faire partie de la position de négociation du P5+1 et à expliquer, notamment parce que c'est un Canadien qui est à la tête de l'Agence internationale de l'énergie atomique et qu'il y a un lien à faire avec les négociations du P5+1, en quoi nous pouvons influer sur les négociations et battre en brèche la position iranienne, qui est axée, selon notre sur les atermoiements, le déni et les mystifications et qui utilise en fait les négociations — et les intervalles entre celles-ci — pour remettre à plus tard les mesures qu'il doit prendre et accélérer son programme d'armement nucléaire, souvent même pendant que les négociations sont en cours.
Selon l'Agence internationale de l'énergie atomique, depuis la dernière fois que j'ai parlé du projet de loi à la Chambre, l'Iran a donné un nouveau coup de barre à son programme nucléaire en installant des centrifugeuses de pointe. Tout est noir sur blanc dans le rapport de l'agence, alors je n'insisterai pas trop longtemps sur ce point, mais je dirai seulement que l'intensification de la capacité nucléaire iranienne rend de plus en plus plausible la possibilité que l'Iran devienne une puissance nucléaire, sans que nous puissions y faire quoi que ce soit, ni même nous en rendre compte.
Je terminerai en exposant la manière dont nous devrions aborder les négociations du P5+1.
Premièrement, l'Iran doit se plier à l'exigence absolue qu'est la suspension vérifiable de son programme d'enrichissement de l'uranium, de manière à ce que la communauté internationale puisse contrecarrer la stratégie iranienne qui consiste à gagner du temps, nier les faits et mystifier plutôt qu'à désarmer.
Deuxièmement, l'Iran doit expédier à l'étranger son stock d'uranium enrichi, car il y a encore plus d'uranium enrichi à un degré supérieur, pour qu'il soit traité, puis renvoyé en Iran, afin d'y être utilisé dans un programme nucléaire civil soumis à des inspections et à une surveillance adéquates. Nous n'avons aucune objection à l'égard des programmes nucléaires civils. À l'instar de tout autre pays, l'Iran a le droit d'avoir un programme nucléaire civil et de faire usage de l'uranium notamment pour les isotopes médicaux. Les objections que nous avons concernent le programme d'armement.
Troisièmement, l'Iran doit fermer et démanteler de manière vérifiable son usine d'enrichissement d'uranium de Fordo, qui est enfouie sous une montagne, près de Qom. Les Iraniens ont au départ nié l'existence de cette usine, mais la zone deviendra bientôt impénétrable à moins que l'usine ne soit effectivement démantelée. L'Iran a reporté l'inspection de ces installations et, à plus forte raison, de leur démantèlement.
Quatrièmement, l'Iran doit suspendre sa production d'eau lourde dans son usine d'Arak. On oublie parfois que l'eau est également essentielle pour produire le plutonium utilisé dans les programmes nucléaires. La Corée du Nord s'en sert pour fabriquer ses armes nucléaires. Autrement dit, l'acquisition de l'arme nucléaire peut ne pas se faire uniquement par l'enrichissement d'uranium. Même si la suspension de l'enrichissement d'uranium est nécessaire, elle ne permettra pas, à elle seule, de s'assurer que le programme d'armement nucléaire est bel et bien abandonné.
Cinquièmement, l'Iran doit permettre aux inspecteurs de l'Agence internationale de l'énergie atomique d'avoir accès immédiatement et sans restriction à toute installation nucléaire suspecte, car l'Iran a signé le traité de non-prolifération des armes nucléaires. L'Iran a donc non seulement l'obligation de ne pas utiliser l'énergie nucléaire dans un but militaire, mais également l'obligation d'ouvrir ses installations nucléaires pour qu'elles puissent être inspectées.
Sixièmement, les autorités iraniennes doivent permettre à l'Agence internationale de l'énergie atomique d'avoir accès au complexe militaire près de Téhéran où l'Iran aurait, selon les observations, effectué des essais de puissants explosifs — je fais référence au complexe militaire de Parchin —, peut-être en même temps que le développement d'une arme nucléaire.
Enfin, l'Iran doit permettre à l'Agence internationale de l'énergie atomique — et je rappelle que le président de l'agence est Canadien — d'installer, sur ses centrifugeuses, des dispositifs permettant de surveiller les niveaux d'enrichissement de l'uranium.
Voilà le genre d'approche qui est axée sur des limites à ne pas dépasser et qui peut être mise en oeuvre avec la participation du Canada, de manière à combattre la prolifération et contribuer au soutien des négociations du P5+1, qui devraient reprendre le mois prochain.
J'aimerais aussi aborder la question de la menace d'incitation, car l'incitation au génocide sanctionnée par l'État est inextricablement liée au programme de prolifération nucléaire. En fait, un comité composé de représentants de tous les partis du Comité des affaires étrangères de la Chambre avait déjà déterminé en 2010, et je cite le rapport du comité, que l'Iran a déjà commis le crime d'incitation au génocide au mépris de l'interdiction qui figure dans la Convention sur le génocide. Ce même comité avait recommandé que les États signataires de la convention ont non pas l'option, mais l'obligation, d'entreprendre les recours judiciaires prévus par la Convention sur le génocide pour obliger l'Iran à rendre des comptes.
Malheureusement, au moment où je parle, aucun des États signataires de la Convention sur le génocide, que ce soit le Canada, les États-Unis ou un pays européen, n'a entrepris un seul de ces recours judiciaires, que je vais brièvement résumer dans ma conclusion. Je rappelle à tous les députés que ces conclusions sont tirées d'un rapport qui avait reçu l'accord de tous les partis.
Premièrement, le Canada pourrait compter parmi les pays qui décideraient de simplement soumettre la question de l'incitation au génocide sanctionnée par l'État -- dans le contexte de la Convention sur le génocide — au Conseil de sécurité des Nations Unies afin qu'il en délibère et oblige les contrevenants à rendre des comptes. C'est une initiative modeste. Nous pourrions certainement poser un tel geste.
Deuxièmement, le Canada pourrait présenter une plainte interétatique contre l'Iran à la Cour internationale de justice, puisque l'Iran, étant également signataire de la Convention sur le génocide, a violé ses propres engagements.
Troisièmement, le Canada pourrait demander au Conseil de sécurité des Nations Unies qu'il soumette la question de l'incitation au génocide sanctionnée par l'État à la Cour pénale internationale pour qu'elle fasse enquête et poursuive les dirigeants iraniens qui ont violé ce traité.
Finalement, j'aimerais parler des droits de la personne. Il faut sanctionner les dirigeants iraniens et leur demander de rendre des comptes non seulement au sujet du programme d'armement nucléaire, mais aussi de la répression massive qu'ils exercent contre le peuple iranien. Il faut également exiger des comptes de la part de ceux qui participent à la prolifération du terrorisme international.
Ces quatre menaces, soit la menace nucléaire, la menace de l'incitation au génocide, la menace du terrorisme international et les violations des droits de la personne, trouvent toutes leur expression dans l'Iran de Khamenei. Il faut trouver une approche globale à cette quadruple menace. Le gouvernement a d'ailleurs déjà identifié cette quadruple menace, qui est à l'origine de la fermeture de l'ambassade iranienne au Canada et de notre ambassade en Iran. Je suggère au gouvernement d'appliquer ces solutions judiciaires afin que le Canada s'acquitte de ses responsabilités internationales.
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Monsieur le Président, je suis heureux d'avoir l'occasion de prendre la parole sur le projet de loi dont la Chambre est saisie. Il est intitulé , mais le titre abrégé est plus révélateur, à savoir . C'est une mesure législative importante, au sujet de laquelle mon collègue et j'ose dire mon ami le député de a déclaré qu'il existe un consensus au Canada depuis probablement six ou sept ans.
Il est donc très étonnant qu'il n'ait pas été présenté avant. Comme le député l'a fait remarquer, bien souvent, il y a consensus sur des questions qui pourraient donc être soumises à la Chambre et réglées rapidement, et c'est parfois le cas, mais cela devrait arriver plus souvent. Je pense qu'il est normal que nous soyons combatifs sur certaines questions; c'est naturel en politique. Par contre, lorsqu'il y a consensus, il peut y avoir une collaboration beaucoup plus poussée.
Nous en avons eu un exemple paradoxal l'année dernière lorsque le projet de loi de justice, le projet de loi , était à l'étude à la Chambre. Il a été renvoyé au comité. Le député de a proposé six ou sept amendements au comité. Ils ont été rejetés. Le gouvernement a dû les proposer de nouveau à la Chambre, mais ils ont été déclarés irrecevables parce qu'ils auraient pu être adoptés au comité. Les conservateurs ont été forcés de recourir à l'autre endroit pour faire adopter ces amendements. J'ai trouvé que c'était très gênant de les voir montrer leur vraie nature pour ce qui est de légiférer et de traiter avec l'opposition. Et ce n'est qu'un exemple parmi bien d'autres.
Monsieur le Président, j'étais censé dire au début de mon intervention que je vais partager mon temps avec le député de .
Nous appuyons l'objet du projet de loi, lequel comporte plusieurs objectifs. Il modifie le Code criminel en y ajoutant quatre nouvelles infractions. Le projet de loi a été présenté au Sénat il y a un an. Il aurait pu être présenté avant cela, mais encore une fois, on n'a pas agi aussi rapidement qu'on aurait pu s'y attendre sur une question aussi importante.
Le projet de loi ajoute au Code criminel quatre nouvelles infractions mettant en cause le fait de posséder, d'utiliser ou de jeter des matières ou engins nucléaires ou radioactifs dans l'intention de causer la mort, des lésions corporelles graves ou des dommages considérables à des biens ou à l'environnement. Il s'agit d'un acte contre une installation nucléaire ou son fonctionnement. L'une des infractions rend passible d'une infraction punissable par mise en accusation quiconque utilise ou modifie des matières ou engins nucléaires ou radioactifs dans l'intention de contraindre une personne ou une organisation gouvernementale à accomplir un acte quelconque ou à s'abstenir de l'accomplir. C'est un exemple classique de terrorisme. Il y a ensuite le fait de commettre un acte criminel prévu par une loi fédérale dans l'intention d'obtenir une matière ou un engin nucléaire ou radioactif ou d'obtenir l'accès à une installation nucléaire ou à son contrôle, ou de menacer de commettre l'une des trois autres infractions.
Ce sont là des crimes graves qui, en application du projet de loi, seraient passibles de peines sévères en vertu du Code criminel. La peine maximale serait la prison à vie pour les trois premières infractions et 14 ans de prison pour quiconque menace de commettre l'une de ces trois infractions.
Le projet de loi est un élément important de la mise en oeuvre de deux conventions internationales: la Convention internationale pour la répression des actes de terrorisme nucléaire et la Convention sur la protection physique des matières nucléaires. Ces deux conventions ont joué un rôle important dans les efforts pour empêcher l'utilisation des matières nucléaires dans le monde.
Cet avant-midi, lors du débat sur le projet de loi, je me suis rappelé que j'avais grandi à une époque où planait une menace réelle de guerre nucléaire et d'annihilation nucléaire. J'ai grandi dans les années 1950 et 1960, et nous savons tous qu'il y a eu une crise des missiles à Cuba en 1962.
Je me rappelle très bien que l'on faisait occasionnellement sonner les sirènes d'attaques aériennes pour que nous puissions reconnaître leur son et que nous avions des consignes à suivre. Certaines personnes construisaient des abris antiatomiques dans leur cour arrière pour se protéger en cas de guerre nucléaire. C'était la réalité de l'époque. Dans les écoles, on disait aux enfants que, s'ils entendaient les sirènes d'attaques aériennes, ils devaient se cacher sous leur bureau ou sous les escaliers, chez eux, et d'autres choses du genre. C'était ainsi que nous concevions le monde quand nous étions enfants.
Heureusement, les enfants ne pensent pas à ce genre de choses de nos jours. Ils n'ont pas à y penser parce que la situation mondiale actuelle rend une telle attaque improbable ou pratiquement impossible.
Toutefois, nous observons une prolifération. Des États comme le Pakistan et l'Inde, qui ont une histoire de différends et de conflits non résolus, sont en voie de devenir des puissances nucléaires. La Corée du Nord tente de mettre au point des armes nucléaires. L'Iran fait la même chose, comme l'a mentionné le député de Mont-Royal. Les menaces importantes sont donc bien réelles.
Il est important de signaler que, parmi les signataires de cette convention, il y a des acteurs importants comme les États-Unis, la Chine, l'Inde, la Russie, le Royaume-Uni, la France et l'Allemagne. Nous aimerions évidemment que plus de pays la signent. Toutefois, c'est un cadre qui peut être utilisé pour lutter contre le terrorisme international ou pour empêcher l'utilisation de ces matières à des fins répréhensibles.
Il faut en faire davantage, et on devrait le faire. La prévention est extrêmement importante. Le Canada et les pays signataires peuvent jouer un rôle pour aider les pays à protéger les matières nucléaires, car certains n'ont pas nécessairement les capacités techniques requises pour contrôler ce genre d'activités sur leur territoire.
Fait important, les modifications aux traitées apportées en 2005, à l'égard du transport international de ces matières et de l'utilisation de celles-ci, ont étendu la portée des traités pour inclure les installations nucléaires et les matières nucléaires employées à des fins pacifiques en cours d'utilisation, de stockage et de transport sur le territoire national.
Le Canada a ratifié l'une de ces conventions en 1980. Le Canada n'a fait que signer l'accord, et il ne sera pas partie à l'accord tant qu'il ne l'aura pas ratifié. Il s'agit de ratifier ces deux traités.
Autre fait intéressant, il y a une raison pour laquelle ce projet de loi s'appelle le projet de loi . Ce projet de loi a été présenté par ce que nous devons appeler l'autre endroit; je crois qu'il nous est permis de prononcer le mot « sénateurs » ainsi que le nom de ceux qui siègent à l'autre endroit. Que se passe-t-il? La Chambre des communes est-elle devenue la Chambre de second examen objectif? Les rôles constitutionnels ont-ils été inversés? Est-ce le Sénat qui présente les projets de loi? Est-ce là que commence le processus?
Le Sénat a étudié ce projet de loi et l'a corrigé en ajoutant une mesure qui se trouvait dans la convention, mais non dans le projet de loi. Je suis certain que la Chambre aurait pu facilement corriger cette lacune avant de renvoyer le projet de loi à l'autre endroit, mais le gouvernement tient à justifier, de quelque manière que ce soit, l'existence de l'autre endroit. Bien que les sénateurs ne soient pas élus, n'aient aucun compte à rendre et n'expriment aucun regret, comme nous l'avons constaté depuis longtemps, le gouvernement semble considérer le Sénat comme une institution qui peut proposer un projet de loi et nous le renvoyer. Sommes-nous ici pour ratifier les propositions du Sénat? Est-ce là ce qu'on attend de nous?
Je crois que le projet de loi a notre appui, mais il aurait dû être présenté ici il y a cinq ou six ans, lorsque les conservateurs sont arrivés au pouvoir.
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Monsieur le Président, je suis ravi de parler pour la deuxième fois du projet de loi . J'aimerais reprendre le fil du discours de mon collègue de , qui a terminé en parlant de l'origine du projet de loi, qui émane du Sénat, et qui est donc désigné par la lettre « S ».
Depuis sept ans, le nous promet une réforme du Sénat. Il prétend s'objecter au fait que les sénateurs ne sont ni élus ni tenus de rendre des comptes, mais il se traîne les pieds et niaise avec la rondelle dans ce dossier depuis sept ans. Pendant ce temps, il a invité 58 de ses amis à occuper des sièges confortables au Sénat à grands frais pour les contribuables du pays.
Il se conduit de la même manière que les libéraux et les conservateurs l'ont toujours fait depuis la Confédération. Il s'agit de politiques cyniques qui suscitent de vives inquiétudes à l'égard de notre système politique chez ceux qui peuvent encore supporter de suivre nos travaux, qui se sont transformés en véritable spectacle.
Il était particulièrement affligeant de se réveiller ce matin sachant que, pas plus tard qu'hier soir, des intérêts bien ancrés à la Chambre et au Sénat — ceux qui sont en faveur du statu quo, des conservateurs et des libéraux — n'ont pas seulement laissé filer une occasion de changer les choses mais ont activement voté contre la motion de mon collègue néo-démocrate de Toronto—Danforth visant à enclencher un réel changement, à amorcer un débat sur les façons de débarrasser notre système politique d'une assemblée non élue et non tenue de rendre des comptes. Ce changement aurait permis de renforcer les institutions démocratiques du Canada et de les rendre dignes d'un pays moderne et plein d'espoir. Au lieu de cela, le parti qui se dit réformiste permet qu'un projet de loi aussi important que le nous vienne de cette Chambre qui n'a aucune obligation en matière de reddition de comptes.
Disons que je suis déçu que ce projet de loi important honorant l'engagement du Canada à coopérer avec le reste de la communauté internationale afin de protéger les matières nucléaires et de lutter contre le terrorisme nucléaire provienne du Sénat plutôt que de la Chambre.
Lorsqu'il sera adopté, le projet de loi , appelé Loi sur le terrorisme nucléaire, viendra modifier le Code criminel afin de permettre au Canada de respecter ses obligations internationales à l'égard de deux traités, en l'occurrence la Convention sur la protection physique des matières nucléaires et la Convention internationale pour la répression des actes de terrorisme nucléaire.
Les néo-démocrates appuient le projet de loi, ne serait-ce que pour permettre au Canada de s'acquitter de ses obligations et de ses engagements internationaux.
L'Agence internationale de l'énergie atomique est dépositaire de la Convention sur la protection physique des matières nucléaires, qui date de 1980. Voici une déclaration de l'agence à propos de la convention:
La convention est le seul instrument juridiquement contraignant dans le domaine de la protection physique des matières nucléaires. Elle établit des mesures liées à la prévention, à la découverte et à la répression d'infractions liées aux matières nucléaires.
Le Canada est signataire de la convention qu'il a ratifié avant son entrée en vigueur en 1987. La convention a été modifiée en 2005 pour en renforcer les dispositions. En plus de lutter contre la prolifération de matières nucléaires, la version de 2005 cherche à élargir les mesures de protection aux installations nucléaires. Elle renforce également l'obligation du Canada à l'égard de la résolution 1540 du Conseil de sécurité des Nations Unies, adoptée en 2004, visant à mettre en oeuvre des mesures pour éviter la prolifération de telles matières.
Le projet de loi permettrait de respecter ces exigences accrues et ouvrirait la voie à la ratification, par le Canada, de cet accord renforcé.
Le deuxième traité dont il est question dans le projet de loi S-9 est la Convention internationale pour la répression des actes de terrorisme nucléaire, ou CIRATN. Cette convention, qui relève des Nations Unies et date également de 2005, traite plus spécifiquement de la question du terrorisme nucléaire; elle demande aux signataires d'ériger les actes de terrorisme nucléaire en infraction criminelle dans leurs lois nationales et d'instaurer l'extradition ou la poursuite obligatoire des auteurs de tels crimes.
Le projet de loi modifierait le Code criminel pour y inscrire quatre nouvelles infractions liées au terrorisme nucléaire, remplissant ainsi l'obligation du Canada au regard des conventions que j'ai mentionnées précédemment.
Ces nouvelles infractions rendraient illégal le fait de posséder, d’utiliser ou de jeter des matières ou engins nucléaires ou radioactifs, ou de commettre un acte contre une installation nucléaire ou son fonctionnement dans l’intention de causer la mort, des lésions corporelles graves ou des dommages considérables à des biens ou à l’environnement; d’utiliser ou de modifier des matières ou engins nucléaires ou radioactifs, ou de commettre un acte contre une installation nucléaire ou son fonctionnement dans l’intention de contraindre une personne, un gouvernement ou une organisation internationale à accomplir un acte quelconque ou à s’abstenir de l’accomplir; de commettre un acte criminel prévu par une loi fédérale dans l’intention d’obtenir une matière ou un engin nucléaire ou radioactif ou d’obtenir l’accès à une installation nucléaire ou son contrôle; et, finalement, de menacer de commettre l’une des trois autres infractions.
En plus d'ajouter ces quatre infractions, le projet de loi modifierait le Code criminel pour permettre la poursuite, au Canada, des personnes qui commettent ou tentent de commettre de telles infractions à l'étranger.
Le projet de loi modifierait en outre la règle interdisant les déclarations de culpabilité multiples pour la même infraction de sorte qu'une personne pourrait dorénavant subir un nouveau procès au Canada pour des infractions à l'égard desquelles elle a déjà été condamnée par une cour étrangère, si le procès subi à l’étranger ne répondait pas à certaines normes juridiques canadiennes de base. Le projet de loi modifierait aussi les dispositions en matière d’écoute électronique et désignerait « infractions primaires » les nouvelles infractions pour ce qui est de délivrer des mandats ou de rendre des ordonnances autorisant les prélèvements pour analyse génétique.
La Convention sur la protection physique des matières nucléaires et l'autre convention exposent toutes deux en langage clair l'urgence d'agir. La CPPMN dit:
[...] que les infractions relatives aux matières nucléaires sont un objet de grave préoccupation et qu'il est urgent de prendre des mesures appropriées et efficaces pour assurer la prévention, la découverte et la répression de ces infractions.
La CIRATN, quant à elle, parle de:
[...] l’urgente nécessité de renforcer la coopération internationale entre les États pour l’élaboration et l’adoption de mesures efficaces et pratiques destinées à prévenir ce type d’actes terroristes et à en poursuivre et punir les auteurs.
Ce sentiment d'urgence a été souligné en 2010, puis en 2012, lors des sommets sur la sécurité nucléaire. Le premier sommet, proposé par le président Obama en 2009, a eu lieu à Washington l'année suivante. Ce sommet mondial sur la sécurité nucléaire a réuni les dirigeants de 47 pays pour parler des progrès de la sécurité nucléaire et de la responsabilité que les pays ont d'assurer et d'améliorer cette sécurité.
Le deuxième sommet a eu lieu en mars 2012 à Séoul. Les participants y ont renouvelé les engagements pris en 2010 et souligné à nouveau l'urgence de la question. Je cite le Communiqué de Séoul:
Nous soulignons qu'il incombe fondamentalement aux États, conformément à leurs obligations nationales et internationales respectives, de préserver la sécurité effective de toutes les matières nucléaires, qui englobent les matières utilisées dans les armes nucléaires, ainsi que des installations nucléaires qui sont sous leur contrôle et d’empêcher des acteurs non étatiques d'acquérir de telles matières et d'obtenir les informations ou la technologie nécessaires pour les utiliser à des fins malveillantes.
Le projet de loi nous rapprocherait de la ratification de ces deux conventions et, par conséquent, de l'exécution des obligations internationales du Canada en matière de sécurité nucléaire. Compte tenu de l'importance de cette mesure législative et de l'urgence de mettre en place un régime international pour parer au terrorisme nucléaire, on se demande pourquoi il a fallu attendre sept ans avant la présentation de ce projet de loi. Nous ne devrions pas prendre à la légère les accords internationaux qui visent à prévenir le terrorisme nucléaire et nous avons beaucoup trop tardé à les ratifier.
Ce projet de loi jouit de l'appui de tous les députés. Si aucune mesure législative n'a été présentée jusqu'ici, c'est davantage à cause l'apathie du gouvernement qu'en raison d'un quelconque risque d'ingérence politique ou de controverse.
Le Canada est depuis longtemps un chef de file dans le domaine de la coopération internationale, quoique sa réputation ait été ternie par le gouvernement conservateur. Nous devons préserver cette réputation et c'est pour cela que nous appuyons le projet de loi .
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Monsieur le Président, j'aimerais dire que je partagerai mon temps de parole.
Comme on l'a dit à plusieurs reprises, le projet de loi traite du terrorisme nucléaire.
Sans vouloir diminuer l'importance de cette menace, j'aimerais analyser l'enjeu sous un autre angle et mettre l'accent sur la diplomatie et la collaboration internationale. En effet, ce projet de loi représente un changement nécessaire sur le plan de la politique intérieure afin que le Canada ratifie deux traités très importants.
Je me fie rarement aux notes, mais n'étant pas un expert, je les consulterai pour le nom des traités. Il s'agit de la Convention sur la protection physique des matières nucléaires et de la Convention internationale pour la répression des actes de terrorisme nucléaire.
Ces deux conventions ont été conclues afin de réduire les menaces que représentent les armes nucléaires, et notamment, dans le cas qui nous occupe, le terrorisme nucléaire. Le travail lié à ces conventions est effectué à l'échelle des Nations Unies et dans le cadre de relations multilatérales.
Je me concentrerai sur cet aspect parce que, dans la correspondance et les conversations que je partage avec les citoyens de ma circonscription, Chambly—Borduas, le sujet tourne très souvent autour de la réputation du Canada à l'échelle internationale, qui est de moins en moins glorieuse. Certaines décisions prises à l'ACDI ou au ministère des Affaires étrangères ne sont pas toujours à la hauteur de ce que la communauté internationale attend de nous.
Une des raisons pour lesquelles le NPD est heureux d'appuyer ce projet de loi ne concerne pas seulement la menace très importante du terrorisme nucléaire. Nous sommes aussi encouragés par le fait que ce projet de loi semble un pas vers la ratification de conventions multilatérales.
Ma collègue de et mon collègue d', nos porte-paroles en matière de relations internationales et d'affaires étrangères, disent souvent que le NPD accorde une grande importance aux relations multilatérales. On l'a toujours dit. Nous pourrions même réitérer ce point lorsqu'il est question de libre-échange, par exemple.
Nous sommes très heureux de voir qu'avec le projet de loi , nous allons vers la ratification de ces conventions multilatérales.
Un problème demeure et mon collègue de y a fait allusion plus tôt dans son discours. Le Canada n'a pas obtenu de siège au Conseil de sécurité de Nations Unies, ce qui était une première. Cela démontre drôlement à quel point le Canada a perdu le respect qu'il avait acquis auprès de la communauté internationale. C'est extrêmement problématique. Beaucoup de travail devra être fait pour rétablir notre réputation et continuer à prendre la bonne direction, notamment par l'adoption de mesures visant à ratifier de telles conventions.
Plusieurs pays n'ont pas encore ratifié ces conventions et un seuil doit être atteint avant qu'elles ne soient exécutées, d'où l'importance du travail effectué par le Canada. Malgré que le respect que nous avions acquis auprès de la communauté internationale soit en chute libre, nous conservons tout de même énormément de respect de la part de nos confrères d'autres pays qui siègent avec nous aux Nations Unies ou au sein d'autres instances. La ratification rapide de ces conventions nous permettrait d'encourager d'autres pays à le faire, dans l'espoir d'atteindre éventuellement ce seuil.
En 2014, un sommet sur la question aura lieu aux Pays-Bas. Ce sera une occasion intéressante de discuter avec d'autres pays, d'expliquer les démarches que nous aurons entreprises et de se servir du respect que nous avons encore de la part de ces pays afin de les encourager à faire de même.
On espère aller de l'avant avec ces mesures importantes.
C'est très important d'expliquer que la question du nucléaire a beaucoup changé. Longtemps avant mon arrivée dans ce monde, il était question de la guerre froide, bien évidemment, comme l'a expliqué mon collègue de . Or maintenant la situation du terrorisme nucléaire change beaucoup et la communauté internationale doit s'adapter.
On n'a qu'à regarder l'une des conventions que j'ai mentionnée et dont il est question ici. Cette convention a été instaurée en 1980. Par la suite, on y a apporté des modifications en 2005. Celles-ci ont justement été faites parce que la réalité du nucléaire dans le monde a évidemment changé énormément au cours des 25 dernières années. On devait donc se pencher sur la question. Si le Canada peut jouer un rôle dans ce questionnement multilatéral, nous serons très heureux d'appuyer les mesures que nous devons appliquer sur le plan domestique afin d'aller de l'avant avec ce projet de loi .
Bien sûr, comme plusieurs de mes collègues l'ont fait, je ne peux passer sous silence la question d'actualité soulevée par le projet de loi . En effet, si le dossier est si important, si le croit qu'on doit accorder autant d'importance à cette question et s'il est si fier du résultat — comme il l'a dit en comité sénatorial —, on se serait attendus à ce qu'il présente le projet de loi en cette Chambre. Bien évidemment, on a observé un certain délai. On s'entend pour dire que la question traîne depuis 2005. Que le Sénat ait finalement décidé d'agir au regard d'une question aussi importante est extrêmement problématique.
Hier soir, un vote a eu lieu sur notre motion visant l'abolition du Sénat. Les libéraux et les conservateurs ont malheureusement continué d'appuyer cette institution qui souffre d'arthrite institutionnelle. Le fait demeure qu'on doit se concentrer à nouveau sur le travail qu'on a à faire ici en cette Chambre. Si on veut continuer à faire des avancées sur le plan des affaires étrangères, ce n'est pas au Sénat que ça va se faire, mais bien en cette Chambre, avec les élus qui sont les mieux outillés pour le faire.
Puisque j'ai la chance de parler de ces questions de relations diplomatiques, je me permets de référer à mon expérience personnelle qui est intéressante. J'ai étudié en sciences politiques à l'Université McGill il n'y a pas si longtemps. On dit souvent que les sciences politiques ne sont pas très utiles pour le vrai travail politique. Je ne suis pas tout à fait d'accord avec cette pensée et je me permets de me justifier. Même si la question porte ici sur le nucléaire, l'importance de ces relations multilatérales est à mon avis une philosophie qui doit s'appliquer partout.
Ce qu'on appelle en anglais the tragedy of the commons, c'est-à-dire la tragédie des biens communs, en français, est un concept extrêmement important quand on étudie la question des relations internationales. Je m'explique. C'est une situation où plusieurs pays s'unissent pour essayer de résoudre un problème — les changements climatiques par exemple — et où tous s'attendent à ce qu'un autre pays démontre du leadership. Finalement, la tragédie des biens communs a lieu; personne n'agit parce que chacun s'attend à ce que l'autre le fasse.
On peut transposer cela à la vie familiale. On veut que le ménage soit fait dans la maison. On s'attend à ce que le petit frère ou la mère le fasse, mais finalement, le ménage n'est pas fait. C'est un peu le même principe qui s'applique dans nos relations internationales. Ainsi, de bonnes et fortes relations multilatérales sont importantes pour éviter que ce problème ne se produise. Cela peut s'appliquer à la question à l'étude aujourd'hui, soit le terrorisme nucléaire, mais aussi à tous les dossiers.
C'est pour cette raison que nous sommes heureux d'appuyer le projet de loi. Cela démontre que nous pouvons peut-être espérer que le gouvernement s'enlignera et continuera de cette façon. Espérons que c'est un signe pour l'avenir. Pour l'instant, nous appuierons ce projet de loi, en espérant d'autres gestes de la sorte de la part du gouvernement afin de réparer et rétablir la réputation exceptionnelle dont jouissait le Canada sur la scène internationale, à une époque, car on a malheureusement beaucoup perdu à cet égard.
En terminant, un gouvernement néo-démocrate en 2015 se ferait assurément un grand plaisir et même un devoir de doter le Canada d'une réputation exceptionnelle sur la scène internationale. Bien sûr, le député d' et ma chère collègue de sont très bien outillés vis-à-vis de la question.