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FAAE Rapport du Comité

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RWANDA : GÉNOCIDE ET PROCESSUS DE RÉTABLISSEMENT

On estime que pendant 100 jours, soit entre le 6 avril et le 16 juillet 1994, de 800 000 à un million de Tutsis et de Hutus modérés ont été massacrés lors du génocide rwandais[9]. Comme l’a déclaré Human Rights Watch, « le génocide rwandais a été exceptionnel dans sa brutalité, dans sa rapidité et dans l’organisation méticuleuse avec laquelle les extrémistes hutus ont entrepris de détruire la minorité tutsie[10] ». Les responsables du génocide visaient l’élimination biologique de l’ethnie tutsie du Rwanda et, de ce fait, ils ont aussi tenté d’exterminer les Hutus modérés qui voulaient contrecarrer leur programme de destruction. Les génocidaires, comme on les appelle, ont mis leurs plans à exécution de plusieurs manières, notamment en tuant, en mutilant, en violant et en commettant d’autres exactions destinées à infliger des blessures physiques et psychiques à leurs victimes[11].

Avant le génocide, le Rwanda a connu des décennies de tensions entre les ethnies tutsie et hutue. D’autres facteurs ont aussi contribué au déclenchement du génocide, notamment la montée en puissance de factions extrémistes au sein du gouvernement de Juvénal Habyarimana, le président de l’époque, et un conflit persistant entre les militaires rwandais et le Front patriotique rwandais (FPR), un mouvement politique et militaire constitué de réfugiés tutsis basées en Ouganda. Les extrémistes hutus incitaient à la haine contre les Tutsis, prônaient leur élimination ainsi que le viol des femmes tutsies. D’après Jacques Rwirangira, vice‑président de Page-Rwanda, une association de rescapés du génocide, ces actes ont été commis « dans un but de déshumanisation totale [des femmes[12]] ». Selon un rapport des Nations Unies, il y aurait eu au moins 250 000 cas de viol durant les 100 jours qu’a duré le génocide[13]. Une étude menée auprès de plus d’un millier de victimes de viols ayant survécu a révélé que les deux tiers avaient été infectées au VIH[14]. D’ailleurs, un témoin a déclaré devant le Sous-comité que durant le génocide, les hommes séropositifs étaient systématiquement envoyés violer des femmes[15].

Les massacres ont cessé quand le FPR a pris Kigali, la capitale du Rwanda, décrété un cessez-le-feu et instauré un gouvernement multiethnique, ayant comme président Pasteur Bizimungu, un hutu, et comme vice-président Paul Kagame, un tutsi. Après la victoire du FPR, on estime que de un à deux millions de Hutus rwandais – civils, responsables de l’ancien gouvernement hutu, soldats du régime et membres de la milice génocidaire Interhamwe – se sont enfuis vers l’ouest, pour rejoindre ce qui est maintenant la RDC. Le FPR est au pouvoir depuis la fin du génocide, et M. Kagame est président du Rwanda depuis mars 2000.

Le génocide a ruiné le Rwanda, tant économiquement et institutionnellement que socialement. Vingt ans se sont écoulés depuis cette tragédie, dont les effets à long terme continuent d’affliger une population endeuillée, déplacée, physiquement blessée et psychologiquement traumatisée. Beaucoup de rescapés se sont retrouvés veufs, orphelins ou handicapés. Des témoins ont expliqué au Sous‑comité qu’il est courant de voir des survivants du génocide et leurs enfants vivre dans la pauvreté et dans des situations de vulnérabilité. Par ailleurs, ces survivants doivent souvent se battre pour surmonter leurs traumatismes physiques et psychologiques, et certains ont sombré dans l’alcoolisme ou la toxicomanie[16].

De nombreux Rwandais ont quitté leur pays dans les années qui ont suivi le génocide et certains sont venus vivre au Canada. Des groupes organisés de la diaspora rwandaise sont apparus dans plusieurs villes canadiennes, notamment à Montréal, Ottawa, Toronto, Calgary et Edmonton[17].

Même si le Rwanda a entrepris son processus de rétablissement presque immédiatement après le génocide, ce processus a été long et le génocide a laissé de nombreuses séquelles. Cela étant dit, depuis maintenant environ 20 ans que le génocide est terminé, le Rwanda fait des progrès économiques et sociaux impressionnants, notamment en matière de santé et d’éducation. Le PIB du Rwanda a augmenté de 7 à 8 % annuellement, en moyenne, depuis 2003, et l’inflation a été ramenée sous la barre des 10 %[18]. Néanmoins, le Rwanda demeure un pays rural pauvre où près de 45 % de la population vit dans le dénuement[19]. En 2014, le Rwanda se classait au 151e rang mondial, sur 187 pays, selon l’Indice de développement humain des Nations Unies[20].

Depuis 2000, le gouvernement du Rwanda fait reposer ses réformes socioéconomiques sur les six pierres angulaires suivantes : la bonne gouvernance soutenue par un État capable; le développement des ressources humaines et une économie basée sur le savoir; une économie impulsée par le secteur privé; le développement des infrastructures; une agriculture productive et orientée vers le marché; et l’intégration économique régionale et internationale[21]. En outre, le gouvernement a fait de l’égalité et de l’équité entre les sexes un enjeu prioritaire, et des progrès significatifs ont été réalisés pour accroître la participation des femmes dans les affaires publiques. Aujourd’hui, l’égalité des sexes et la participation des femmes dans la société sont déjà bien ancrées, et les femmes occupent plus de 60 % des sièges au Parlement du Rwanda, ce qui fait du Rwanda l’un des deux pays où le pourcentage des femmes au parlement équivaut ou est supérieure à son pourcentage dans la population[22]. Le Rwanda se classe 79e, sur 151 pays, pour ce qui est de l’Indice d’inégalité de genre des Nations Unies[23]. Un témoin a expliqué au Sous‑comité que, grâce à la position du Rwanda à l’égard des droits des femmes et aux campagnes de sensibilisation publiques, aujourd’hui les femmes victimes de viol et de violences sexuelles « sentent qu’elles peuvent légitimement dénoncer leur situation et demander de l’aide pour s’en sortir[24] ».

Le Sous‑comité est bien conscient des efforts et des progrès sociaux, économiques et politiques qu’ont réalisés le gouvernement et la population du Rwanda au cours des 20 années qui se sont écoulées depuis la fin du génocide. Le Sous‑comité souscrit à l’analyse de plusieurs témoins selon laquelle les efforts de relèvement déployés après le génocide se poursuivent. Encore aujourd’hui, ces efforts exigent de l’attention, des ressources et le soutien du gouvernement rwandais et des organismes non gouvernementaux au Rwanda, ainsi que de la diaspora rwandaise et de la communauté internationale dans son ensemble.


[9]        Rapport d’enquête sur les actions de l’ONU lors du génocide de 1994 au Rwanda, Conseil de sécurité des Nations Unies, Doc. S/1999/1257, 16 décembre 1999; Département de l’information publique des Nations Unies, Programme de communication sur le génocide au Rwanda et les Nations Unies : Éléments historiques. Le nombre exact de victimes est encore sujet à débat : voir Human Rights Watch, « Aucun témoin ne doit survivre – Le génocide au Rwanda », 1 juin 1999 [version française disponible en format papier uniquement].

[10]      Human Rights Watch, Rwanda : La justice après le génocide – 20 ans plus tard, 28 mars 2014, p. 1.

[11]      Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, art. II; Tribunal pénal international pour le Rwanda, Le procureur c. Karemera, Ngirumpatse, Nzirorera, décision faisant suite à l’appel interlocutoire interjeté par le procureur de la décision relative au constat judiciaire, 16 juin 2006, par. 35; Résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies 2150 (2014).

[12]      SDIR, Témoignages, réunion no 44, 2e session, 41e législature, 20 novembre 2014 (Jacques Rwirangira). Voir également SDIR, Témoignages, réunion no 50, 2e session, 41e législature, 11 décembre 2014 (Jean‑Bosco Iyakaremye).

[13]      René Degni-Ségui, Rapport sur la situation des droits de l’homme au Rwanda soumis par M. René Degni‑Ségui, Rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme, Commission des droits de l’homme des Nations Unies, Doc. E/CN.4/1996/68, 29 janvier 1996, par. 16.

[15]      SDIR, Témoignages, réunion no 44, 2e session, 41e législature, 20 novembre 2014 (Jacques Rwirangira). Voir aussi René Degni-Ségui, Rapport sur la situation des droits de l’homme au Rwanda soumis par M. René Degni-Ségui, Rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme, Commission des droits de l’homme des Nations Unies, Doc. E/CN.4/1996/68, 29 janvier 1996, par. 20.

[16]      SDIR, Témoignages, réunion no 47, 2e session, 41e législature, 2 décembre 2014 (Glenda Pisko-Dubienski); SDIR, Témoignages, réunion no 51, 2e session, 41e législature, 27 janvier 2015 (Sue Montgomery).

[17]      SDIR, Témoignages, réunion no 44, 2e session, 41e législature, 20 novembre 2014 (Jacques Rwirangira); SDIR, Témoignages, ibid. (Pisko-Dubienski); SDIR, Témoignages, réunion no 50, 2e session, 41e législature, 11 décembre 2014 (Jean‑Bosco Iyakaremye).

[18]       Agence centrale de renseignement des États‑Unis (CIA), « Rwanda: Economy », The World Factbook [en anglais seulement].

[19]      Ibid.

[20]      Programme des Nations Unies pour le développement « Pérenniser le progrès humain : réduire les vulnérabilités et renforcer la résilience », Rapport sur le développement humain 2014, 2014, Tableau 1. L’indice de développement humain est un « indice composite mesurant le niveau moyen atteint dans trois dimensions essentielles du développement humain : santé et longévité, accès à l’éducation et niveau de vie décent ».

[21]      SDIR, Témoignages, réunion no 47, 2e session, 41e législature, 2 décembre 2014 (Glenda Pisko-Dubienski); ministère des Finances et de la Planification économique du gouvernement du Rwanda, Vision 2020 du Rwanda, juillet 2000.

[22]      SDIR, Témoignages, ibid. (Pisko-Dubienski); La Banque mondiale, Proportion des sièges occupés par des femmes dans les parlements nationaux (%). Programme des Nations Unies pour le développement, « Pérenniser le progrès humain : réduire les vulnérabilités et renforcer la résilience », Rapport sur le développement humain 2014, 2014, p. 82.

[23]      Programme des Nations Unies pour le développement, « Pérenniser le progrès humain : réduire les vulnérabilités et renforcer la résilience », Rapport sur le développement humain 2014, 2014, Tableau 4. L’Indice d’inégalité de genre « présente une mesure composite de l’inégalité de genre dans trois dimensions : santé reproductive, autonomisation et participation au marché du travail ».

[24]      SDIR, Témoignages, réunion no 47, 2e session, 41e législature, 2 décembre 2014 (Glenda Pisko-Dubienski).