PACP Rapport du Comité
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CHAPITRE 2 : LE SOUTIEN À LA LUTTE CONTRE LA CRIMINALITÉ TRANSNATIONALEINTRODUCTIONLa plupart des criminels et de leurs organisations ne considèrent pas les frontières comme un obstacle à leurs activités; pour cette raison, bon nombre des crimes qui touchent les Canadiens trouvent leur origine ou leur fin dans des actions prises à l’étranger[1]. Selon le Bureau du vérificateur général (BVG) : L’essor des technologies, l’accroissement de la mobilité des personnes et des biens ainsi que l’adaptabilité des réseaux criminels contribuent à l’internationalisation de la grande criminalité. À preuve, la diversité des crimes graves qui sont commis dans plus d’un pays à la fois, comme le trafic de stupéfiants, la corruption, le vol, le blanchiment d’argent, la pornographie infantile, le vol d’identité, la fraude par marketing de masse, la traite de personnes et le passage de clandestins[2]. Le gouvernement fédéral est chargé de faire respecter les lois visant à protéger les Canadiens contre les actes criminels et leurs auteurs qui font fi de nos frontières; il s’agit là d’une responsabilité partagée avec les provinces[3]. Pour mener à bien leurs enquêtes sur des crimes transnationaux, les organismes canadiens d’application de la loi font appel à un réseau d’agents de liaison de la Gendarmerie royale du Canada (GRC). Ces agents, qui sont affectés dans divers pays, sont nos interlocuteurs auprès des organismes étrangers d’application de la loi. Ils reçoivent des demandes des organismes canadiens et étrangers d’application de la loi qui mènent des enquêtes criminelles présentant un intérêt pour le Canada[4]. Ces demandes visent à étayer les dossiers opérationnels. Les agents peuvent être sollicités pour procéder à une simple vérification des antécédents d’une personne, faire des demandes d’information auprès des forces de police locales, faire rapport sur des livraisons de drogues, obtenir ou échanger des renseignements sur le passage de clandestins ou effectuer le suivi de demandes de preuves ou d’extradition qui sont en suspens[5]. Pour lutter contre la criminalité qui dépasse ses frontières, là où les organismes canadiens d’application de la loi n’ont aucune autorité de maintien de l’ordre, le Canada a signé de nombreux accords de coopération avec des organismes étrangers. Les échanges de renseignements se font par l’intermédiaire de réseaux de police, d’organisations policières multilatérales comme INTERPOL et Europol, ainsi que de mécanismes officiels tels que l’entraide juridique et les traités d’extradition[6]. Dans son rapport de l’automne 2014, le Bureau du vérificateur général (BVG) fait connaître les résultats d’une vérification du rendement qui lui a permis de déterminer si la GRC avait défini des priorités pour lutter contre les crimes graves et le crime organisé et si elle avait rendu ses programmes internationaux conformes aux priorités établies[7]. Le BVG a aussi vérifié si la GRC et le ministère de la Justice Canada disposaient des systèmes et des pratiques nécessaires pour s’acquitter de leurs obligations internationales. La vérification a porté sur la période allant du 1er avril 2010 au 31 mai 2014[8]. Le Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes (le Comité) a tenu une audience sur cet exercice de vérification le 2 février 2015[9]. Le Comité a alors reçu les témoignages du BVG, de la GRC, du ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement (MAECD) et du ministère de la Justice Canada. Le BVG a été représenté par Michael Ferguson, vérificateur général du Canada, et Frank Barrett, directeur principal. La GRC a été représentée par le surint. pr. Eric Slinn, directeur général, Services de soutien aux opérations, Police fédérale. Le MAECD a été représenté par William Crosbie, sous‑ministre adjoint et jurisconsulte, Services consulaires, sécurité, affaires juridiques. Enfin, Janet Henchey, avocate générale principale et directrice générale, Service d’entraide internationale, a représenté le ministère de la Justice[10]. FONCTIONNEMENT ET RÉSULTATS DU PROGRAMMEDans le cadre du Programme des agents de liaison de la GRC, des policiers représentant l’ensemble des forces de police du Canada sont affectés dans des villes étrangères[11]. Au 31 mars 2014, le programme avait un budget avoisinant les 19 millions de dollars et des effectifs de 103 personnes, soit 42 agents de liaison affectés à 30 bureaux de 26 pays, et 61 employés qui, depuis Ottawa, appuient les activités du programme menées à l’étranger[12]. En 2013, les agents de liaison de la GRC ont reçu et répondu à plus de 2 200 demandes, dont près de la moitié concernaient des crimes transnationaux graves[13]. A. Établissement des priorités du Programme des agents de liaisonDans son Rapport sur les plans et les priorités de 2013‑2014, la GRC a fixé trois grandes priorités en matière de lutte contre la criminalité : les crimes graves et le crime organisé, la sécurité nationale et l’intégrité économique[14]. Le BVG a examiné la manière dont la GRC établissait ses priorités et la façon dont elle les communiquait à ses agents de liaison[15]. Michael Ferguson, vérificateur général du Canada, a dit au Comité que, selon les observations de son bureau, les activités du Programme des agents de liaison de la GRC cadraient avec les priorités établies pour lutter contre les crimes graves et le crime organisé, et que les priorités définies par la GRC étaient le fruit de consultations menées auprès de ses partenaires et des travaux réalisés au sein de divers comités internationaux et nationaux. M. Ferguson a ajouté que, à la lumière des résultats de la vérification, la GRC savait réagir aux nouvelles circonstances en déployant rapidement du personnel temporaire, au besoin[16]. B. Renseignements sur le rendement du Programme des agents de liaisonÉtant donné que l’affectation d’agents de liaison à l’étranger coûte cher, le BVG a examiné la façon dont la GRC avait déterminé l’ampleur que devait avoir son Programme des agents de liaison ainsi que les lieux d’affectation des agents de liaison[17]. M. Ferguson a noté que la GRC n’avait pas encore établi de processus servant à évaluer le rendement du Programme des agents de liaison. La GRC a certes procédé à une analyse des lacunes en 2008 et à diverses études régionales par la suite, mais il s’agissait d’évaluations ponctuelles qui n’étaient pas exhaustives et ne ciblaient pas le rendement global du Programme[18]. Selon M. Ferguson, les résultats d’une évaluation plus approfondie aideraient la GRC à déterminer la meilleure manière d’utiliser les ressources limitées du Programme afin de répondre aux priorités, notamment dans un contexte en évolution[19]. Le BVG a recommandé que la GRC évalue le rendement de son Programme des agents de liaison pour s’assurer qu’elle utilise au mieux ses ressources limitées[20]. Le surint. pr. Eric Slinn, directeur général, Services de soutien aux opérations, Police fédérale, a répondu que la GRC acceptait la recommandation et qu’elle créerait et mettrait en place un cadre de gestion du rendement du Programme d’ici le 31 mars 2016[21]. Après la mise en œuvre du cadre de gestion du rendement, la GRC recueillera des données pendant deux ans et procédera à une évaluation formelle du Programme d’ici le 31 mars 2018 afin de s’assurer que celui‑ci atteint les résultats escomptés et qu’il fait la démonstration de son efficacité et de son rapport coût‑efficacité. La GRC recevra le soutien du MAECD dans cet exercice[22]. Après avoir fait remarquer qu’il ne serait pas facile de mesurer le rendement du Programme des agents de liaison, comme le recommandait le BVG, le surint. pr. Slinn a indiqué ce qui suit : Les indicateurs potentiels peuvent être le nombre d’enquêtes entreprises par les agents de liaison qui ont été menées à bien à Ottawa. L’un des changements que nous essayons d’apporter au programme de liaison de la GRC, c’est qu’il devienne un programme axé sur les missions plutôt que sur les tâches. Ce que j’envisage, c’est que les agents cherchent des possibilités d’enquête sur le théâtre des opérations au lieu d’attendre que les organismes canadiens d’application de la loi ou les unités de la GRC leur envoient des tâches pour faire telle ou telle autre chose ou recueillir telle ou telle autre information. Ce pourrait être un indicateur potentiel : le nombre d’enquêtes qui ont été entreprises par les agents de liaison et qui ont été menées à bien au Canada. Un autre indicateur pourrait être le nombre de produits du renseignement qui ont donné lieu à une enquête[23]. Le Comité formule la recommandation suivante : RECOMMANDATION 1 Que, d’ici le 31 mars 2016, la Gendarmerie royale du Canada présente au Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes un rapport sur les progrès qu’elle a réalisés dans la mise en œuvre de son cadre de gestion du rendement du Programme des agents de liaison. ÉCHANGE DE RENSEIGNEMENTS ET COOPÉRATIONA. Méthodes d’échange de renseignementsLes agents de liaison communiquent régulièrement des renseignements aux organismes canadiens et étrangers d’application de la loi pour faire avancer des enquêtes criminelles. Ils peuvent communiquer des renseignements personnels (adresses, numéros de téléphone, compte rendu des déplacements effectués, information sur un passeport ou antécédents judiciaires) ou des renseignements sur des enquêtes en cours[24]. C’est généralement l’enquêteur principal du service de police chargé à l’origine de l’enquête qui est habilité à déterminer les renseignements qui peuvent être échangés. Les enquêteurs des services de police canadiens doivent examiner soigneusement les renseignements qu’il convient de communiquer à leurs homologues étrangers, tout en appliquant des mesures de protection adéquates afin de ne pas compromettre leurs enquêtes[25]. Le BVG a vérifié si les agents de liaison de la GRC disposaient des renseignements nécessaires pour répondre aux exigences opérationnelles de leur poste[26]. Il a constaté que les agents de liaison avaient accès aux renseignements nécessaires pour appuyer les enquêtes nationales et internationales[27]. Selon M. Ferguson, les dossiers examinés par le BVG ont permis d’établir que les agents de liaison avaient reçu, des enquêteurs canadiens, des consignes les enjoignant à ne communiquer que certains renseignements à leurs homologues étrangers, et que les agents avaient respecté ces consignes[28]. B. Coûts et avantages d’une coopération accrue avec INTERPOL et EuropolLe BVG a vérifié si la GRC avait établi la valeur d’une coopération accrue du Canada avec INTERPOL et Europol[29]. INTERPOL est un réseau international de 190 pays qui a pour mission première de faciliter la coopération entre les services de police. Le Canada s’est joint à INTERPOL en 1949. La GRC s’est alors vu confier la responsabilité de gérer la participation du Canada au sein de ce réseau[30]. Le BVG a observé qu’INTERPOL s’avérait un outil important pour la GRC et les organismes canadiens d’application de la loi qui y ont recours. Grâce à INTERPOL, ces organismes publient des avis de recherche de fugitifs et de personnes disparues à l’intention de tous les pays membres[31]. À ce sujet, le surint. pr. Slinn a expliqué que la GRC, conjointement avec divers organismes canadiens d’application de la loi, gère le Bureau central national d’INTERPOL au Canada, lequel est point de contact d’INTERPOL au Canada[32]. Selon le BVG, Europol joue un rôle très différent de celui d’INTERPOL. C’est une organisation policière regroupant des services de police européens et autres en vue de lutter contre les crimes qui concernent au moins deux pays d’Europe. Europol réunit 150 agents de liaison venant de 28 pays de l’Union européenne et de 18 autres pays, travaillant tous au même endroit, soit à La Haye (Pays‑Bas[33]). Le Canada s’est joint à Europol comme membre tiers non européen en 2005[34]. Le surint. pr. Slinn a décrit les atouts d’Europol : Ce qu’il y a de bien avec Europol, c’est qu’il s’agit d’un immeuble regroupant de nombreux membres d’organismes européens d’application de la loi. Un autre point positif est que l’organisation regorge d’analystes criminels et que tous ces représentants européens fournissent des renseignements provenant de leurs organismes respectifs et les transmettent à Europol, ce qui rehausse l’efficacité des enquêtes et leur permet d’avoir une longueur d’avance. C’est vraiment un point d’accès. Tout le monde se retrouve à un seul endroit. Cela permet beaucoup d’échanges de renseignements et la création de certains groupes ciblés, de certains groupes spécialisés. La GRC a aussi récemment ajouté la cybercriminalité, alors nous faisons partie de ce groupe[35]. M. Ferguson a indiqué au Comité que les pays européens consacrent de plus en plus de ressources à Europol. Ce réseau devient un moyen important d’échanger des renseignements et de collaborer avec les organismes d’application de la loi[36]. M. Ferguson a ajouté, par contre, que la GRC n’avait pas évalué les coûts et les avantages d’une participation accrue à Europol, y compris l’incidence possible sur l’ampleur du Programme des agents de liaison et les lieux d’affectation des agents de liaison en Europe[37]. Le BVG a recommandé que la GRC évalue les coûts, les possibilités et les défis associés à une participation accrue à Europol[38]. Le surint. pr. Slinn a répondu que la GRC acceptait la recommandation et qu’elle avait entrepris une évaluation formelle afin de mieux déterminer les coûts, les possibilités ainsi que les défis qui pourraient découler d’une participation accrue à Europol. Cet exercice devrait se terminer au printemps 2015[39]. Le Comité formule la recommandation suivante : RECOMMANDATION 2 Que, d’ici le 31 mai 2015, la Gendarmerie royale du Canada présente au Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes les résultats de son évaluation des coûts, des possibilités et des défis qui pourraient découler d’une participation accrue du Canada à Europol. C. Traitement des demandes d’extradition et d’entraide juridiqueLa GRC, à l’instar d’autres organismes d’application de la loi, doit souvent avoir recours à des mécanismes officiels, tels que des demandes d’extradition et d’entraide juridique, pour obtenir des renseignements et des preuves auprès d’autorités étrangères. Pour ce genre de demande, les organismes d’application de la loi doivent travailler avec l’autorité centrale en matière de justice du pays concerné. Au Canada, cette autorité est le ministère de la Justice Canada[40]. Le BVG a vérifié si le ministère de la Justice Canada disposait de processus pour répondre de manière appropriée aux demandes d’extradition et d’entraide juridique. À l’aide d’un échantillon de 50 demandes d’extradition et d’entraide juridique pour la période allant de 2011 à 2013, le BVG a constaté que le ministère de la Justice Canada disposait de processus adéquats pour vérifier que les documents à l’appui étaient conformes aux exigences des lois et des traités pertinents (Loi sur l’extradition, Loi sur l’entraide juridique en matière criminelle, Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer [Nations Unies[41]]). En ce qui concerne le délai de traitement des demandes d’extradition et d’entraide juridique, M. Ferguson a mentionné, à propos des observations du BVG : [D]ans le cas des demandes que nous avons examinées, il avait souvent fallu plus d’un an pour traiter la demande. Le ministère de la Justice Canada est l’autorité centrale en ces matières, mais il n’avait pris aucune mesure pour évaluer les raisons expliquant les retards importants observés dans le traitement de ces demandes[42]. Janet Henchey, avocate générale principale et directrice générale du Service d’entraide internationale au ministère de la Justice Canada, a rappelé au Comité que, comme le BVG l’a reconnu dans son rapport de vérification, le Ministère n’avait de contrôle que sur 15 % du temps total requis pour traiter les demandes d’entraide juridique, et sur 30 % du temps total de traitement des demandes d’extradition. Le reste du délai de traitement des deux types de demande dépend des partenaires canadiens et étrangers du Ministère et est attribuable à des facteurs tels que les délais d’attente dans la communication des preuves demandées à des organisations du pays et de l’étranger, les modifications apportées aux demandes initiales, la traduction de documents et les retards dans les procédures judiciaires[43]. Le BVG a recommandé que le ministère de la Justice Canada, en consultation avec ses partenaires du pays et de l’étranger, évalue les raisons expliquant les retards importants observés dans le traitement des demandes d’extradition et d’entraide juridique, et qu’il élabore des stratégies visant à réduire ces retards, dans la mesure du possible[44]. Mme Henchey a répondu que le Ministère examinerait en profondeur son inventaire de dossiers en suspens pour l’exercice 2014‑2015 afin de repérer ceux qui présentent un retard important, de déterminer les raisons qui expliquent ces retards et de mettre en œuvre, lorsque cela est possible, les mesures correctives nécessaires. De plus, le Ministère organisera au cours de l’exercice 2015‑2016 des rencontres avec d’importants partenaires de traités, des enquêteurs canadiens et des procureurs afin de discuter des moyens à prendre pour atténuer ces retards susceptibles de miner l’efficacité de la coopération internationale[45]. Mme Henchey a ajouté que le Ministère avait examiné les dossiers de ses deux partenaires principaux, les États‑Unis et la France, et amorcé avec eux des discussions pour déterminer si les retards encourus ont joué dans le traitement des demandes d’extradition et d’entraide juridique entre les pays concernés[46]. Le Comité formule la recommandation suivante : RECOMMANDATION 3 Que, d’ici le 31 mars 2016, le ministère de la Justice Canada présente au Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes les résultats de son examen approfondi des dossiers en suspens, des raisons qui expliquent les retards et des mesures correctives nécessaires. D. Accès aux renseignements sur les Canadiens détenus à l’étrangerLes renseignements sur les Canadiens qui sont arrêtés, inculpés et reconnus coupables de crimes graves à l’étranger, ainsi que leur date de libération, peuvent être précieux pour la GRC, car ils facilitent les efforts de maintien de l’ordre au pays[47]. Or, lorsqu’un Canadien est arrêté à l’étranger, le MAECD n’en est pas informé automatiquement. Les autorités locales informent le MAECD de la détention de Canadiens à l’étranger lorsque les personnes détenues exercent leur droit à l’aide consulaire en vertu de la Convention de Vienne sur les relations consulaires[48]. Les autorités du pays où un Canadien se fait arrêter n’ont aucunement l’obligation d’aviser le gouvernement canadien. De même, le gouvernement canadien n’informe pas les autorités d’un pays dont un ressortissant est arrêté au Canada. En 2011, le Ministère a ouvert plus de 1 800 dossiers d’arrestation et de détention et a reçu des renseignements concernant plus de 1 700 affaires en cours relatives à des Canadiens emprisonnés à l’étranger. Entre 2003 et 2014, le Ministère a également reçu environ 3 300 avis indiquant la date de libération de Canadiens détenus à l’étranger[49]. Le BVG a examiné si la GRC avait accès aux renseignements que le MAECD reçoit des autres pays concernant les Canadiens détenus à l’étranger[50]. Il a constaté que, de manière générale, le MAECD ne transmettait pas à la GRC des renseignements sur les Canadiens arrêtés, inculpés, condamnés ou libérés de prison à l’étranger[51]. Selon le surint. pr. Slinn, cela s’explique par les limites imposées par la Loi sur la protection des renseignements personnels à la communication de renseignements personnels et par celles que la Charte canadienne des droits et libertés impose à la communication de renseignements sur les Canadiens aux organismes d’application de la loi[52]. William Crosbie, sous‑ministre adjoint et jurisconsulte, Services consulaires, sécurité, affaires juridiques, a dit au Comité que le MAECD communique les renseignements pertinents à la GRC conformément aux lois canadiennes sur la protection des renseignements personnels, et qu’il demeure résolu à suivre cette pratique lorsque l’intérêt du public le justifie. En vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels, le MAECD peut communiquer des renseignements à la GRC selon les mécanismes suivants : La GRC peut, par exemple, nous présenter une demande – à titre d’organisme d’enquête – dans laquelle elle nous prie de lui fournir des renseignements précis. Cette mesure est prévue à l’alinéa 8(2)e) de la [Loi sur la protection des renseignements personnels]. En application de l’alinéa 8(2)m) de la loi, l’on peut déterminer s’il y a des raisons d’intérêt public qui justifieraient la communication de renseignements concernant un Canadien accusé d’un crime à l’étranger[53]. Dans son rapport, le BVG a recommandé que la GRC et le MAECD collaborent pour déterminer les renseignements touchant les Canadiens arrêtés, accusés, condamnés ou libérés de prison à l’étranger qui peuvent être divulgués légalement, et qu’ils mettent en place des processus pour que ces renseignements soient communiqués à la GRC[54]. Le surint. pr. Slinn a répondu que la GRC acceptait cette recommandation et qu’elle travaillait étroitement avec le MAECD pour améliorer les processus d’échange de renseignements dans le cadre de la loi canadienne[55]. M. Crosbie, pour sa part, a répondu que de grands progrès ont été réalisés depuis la publication du rapport. Le MAECD avait lancé différentes initiatives pour améliorer les pratiques relatives au partage de l’information avec la GRC; le Ministère souhaite ainsi tirer parti des mécanismes existants, comme la présence d’un agent de liaison de la GRC au MAECD[56]. Par ailleurs, en septembre 2014, le MAECD et la GRC ont convenu d’instituer un dialogue sur les politiques consulaires entre les hauts responsables. Ce dialogue permet de discuter d’un certain nombre de priorités pour les deux organisations, y compris le partage de l’information. Les participants se sont rencontrés pour la première fois en octobre 2014 et ils continueront de le faire tous les trois mois. À la suite de la première rencontre, le MAECD et la GRC ont mis sur pied un groupe de travail mixte – composé de spécialistes des questions consulaires, juridiques et de protection des renseignements personnels des deux institutions – qui est chargé de discuter plus avant des processus de partage de l’information. Ce groupe s’est déjà réuni plusieurs fois et est parvenu à répondre à certaines des préoccupations de la GRC concernant le mode de partage de certains renseignements que le MAECD pourrait avoir en sa possession. Le groupe de travail examine actuellement le cadre juridique en vertu duquel les deux organisations peuvent échanger de l’information et étudier de nouveaux modes de partage. Il a aussi examiné les mécanismes actuels et trouvé un certain nombre de solutions rapides grâce auxquelles on améliorera considérablement le traitement des demandes; une meilleure communication et des formulaires normalisés permettront notamment de raccourcir le délai de traitement[57]. M. Crosbie a aussi expliqué que la Direction générale des opérations consulaires a constitué un comité chargé de se pencher sur le problème des agresseurs sexuels d’enfants qui se déplacent à l’étranger. Ce comité interne examine les renseignements que le MAECD détient sur des clients consulaires inculpés de crimes de nature sexuelle à l’encontre de mineurs. Selon M. Crosbie, le travail du comité est à l’origine d’un mécanisme efficace pour examiner et déterminer si des renseignements nouveaux ou existants en possession de MAECD peuvent être communiqués légalement en vertu de la Loi protégeant les victimes des délinquants sexuels. En vertu de cette loi entrée en vigueur en 2011, le nom des Canadiens inculpés de crimes sexuels à l’étranger qui reviennent au Canada doit être inscrit au Registre national des délinquants sexuels. M. Crosbie a ajouté que le MAECD revoit présentement ses publications et sa formation à l’intention du personnel consulaire afin que tous sachent quels types de renseignements peuvent être communiqués légalement à la GRC et comment ils doivent être communiqués[58]. M. Crosbie a indiqué au Comité que le MAECD travaille avec la GRC pour s’assurer qu’elle présente ses demandes d’information de manière uniforme. Selon le point de vue de la GRC, le surint. pr. Slinn a dit au Comité que son organisation pourrait préciser plus clairement l’information qu’elle recherche. Le MAECD travaille avec la GRC pour s’assurer que les demandes sont faites au moyen d’un formulaire normalisé permettant d’obtenir tous les renseignements dont le Ministère a besoin pour déterminer si l’intérêt du public a préséance sur la protection des renseignements personnels des Canadiens détenus à l’étranger qui font appel aux services consulaires[59]. M. Crosbie a poursuivi en disant : Quand nous transmettons de l’information à la GRC, par exemple, nous expliquons le contexte dans lequel une personne a été trouvée coupable d’un crime dans un pays étranger. Nous faisons des mises en garde sur la façon dont l'information peut être utilisée. On peut comprendre que dans beaucoup de pays, l'application régulière de la loi ne correspond pas à ce qu'elle peut être au Canada. Nous voulons protéger la vie privée des personnes tout en nous assurant de protéger les Canadiens en général de ceux qui pourraient leur vouloir du mal[60]. Le Comité formule la recommandation suivante : RECOMMANDATION 4 Que, d’ici le 31 octobre 2015, la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement (MAECD) présentent au Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes un rapport sur les résultats de leurs efforts concertés visant à déterminer les renseignements dont dispose le MAECD au sujet des Canadiens arrêtés, accusés, condamnés ou libérés de prison à l’étranger et qui peuvent être communiqués légalement à la GRC, et sur les processus qu’ils comptent mettre en place pour que ces renseignements soient communiqués. CONCLUSIONL’essor des technologies et l’accroissement de la mobilité des personnes font en sorte que la criminalité ne connaît plus les frontières. Le service de police national du Canada, la GRC, doit donc disposer des outils nécessaires et travailler efficacement avec des organisations partenaires dans sa lutte contre la criminalité transnationale. À cet égard, son Programme des agents de liaison joue un rôle important : il aide les organismes canadiens et étrangers d’application de la loi à obtenir et à partager l’information dont ils ont besoin pour faire progresser leurs enquêtes sur des crimes transnationaux. Lors de son exercice de vérification, le BVG a constaté que la GRC avait établi des priorités pour lutter contre le crime organisé et les crimes graves transnationaux, qu’elle avait rendu ses programmes internationaux conformes à ces priorités, et qu’elle disposait des systèmes et des pratiques nécessaires pour satisfaire à ses obligations internationales[61]. Par contre, la GRC n’avait pas évalué si elle utilisait les ressources disponibles de manière optimale et n’avait pas non plus mesuré les coûts et les avantages d’une plus grande participation à Europol[62]. Le BVG a également conclu que le ministère de la Justice Canada traitait les demandes d’entraide juridique et d’extradition de manière appropriée, mais qu’il n’avait pas évalué le temps que prenait le traitement de ces demandes[63]. Enfin, le BVG a constaté que la GRC ne pouvait généralement pas accéder aux renseignements que possédait le MAECD sur les Canadiens détenus à l’étranger[64]. La GRC, le MAECD et le ministère de la Justice Canada ont tous produit des plans d’action en réponse aux recommandations du BVG. Le Comité estime que les mesures exposées dans ces plans d’action remédieront aux lacunes signalées par le BVG – mais pour cela, elles devront être appliquées correctement. C’est pour cette raison que le Comité a formulé plus haut quatre recommandations qui lui permettront de suivre les progrès que réaliseront les organisations concernées dans la mise en œuvre de leurs plans d’action. [1] Vérificateur général du Canada, « Chapitre 2 — Le soutien à la lutte contre la criminalité transnationale », Automne 2014, Rapport du vérificateur général du Canada, Ottawa, 2014, par. 2.1. [2] Ibid., par. 2.2. [3] Ibid., par. 2.1. [4] Ibid., par. 2.4 [5] Ibid. [6] Ibid., par. 2.3. [7] Ibid., par. 2.6. [8] Ibid. [9] Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes, Témoignages, 2e session, 41e législature, 2 février 2015, Réunion no 46. [10] Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes, Procès-verbal, 2e session, 41e législature, 2 février 2015. [11] Ch. 2, par. 2.7. [12] Ibid., par . 2.7 et 2.8 et pièce 2.1. [13] Ibid., par. 2.9. [14] Ibid., par. 2.12. [15] Ibid. [16] Réunion no 46, 1530. [17] Ch. 2, par. 2.19. [18] Ibid., par. 2.21. [19] Réunion no 46, 1530. [20] Ch. 2, par. 2.23. [21] Réunion no 46, 1540. [22] Plan d’action de gestion de la GRC en réponse de la vérification de gestion du soutien à la lutte contre la criminalité transnationale, p. 1. La GRC a remis ce document au Comité le 2 février 2015. [23] Réunion no 46, 1705. [24] Ch. 2, par. 2.26. [25] Ibid., par. 2.27. [26] Ibid., par. 2.28. [27] Ibid. [28] Réunion no 46, 1530. [29] Ch. 2, par. 2.31. [30] Ibid., par. 2.32. [31] Ibid. [32] Réunion no 46, 1535. [33] Ch. 2, par. 2.34. [34] Ibid., par. 2.35. [35] Réunion no 46, 1645. [36] Ibid., 1535. [37] Ibid. [38] Ch. 2, par. 2.38. [39] Réunion no 46, 1540. [40] Ch. 2, par. 2.39. [41] Ibid., par. 2.42 et 2.43. [42] Réunion no 46, 1535. [43] Ibid., 1545. [44] Ch. 2, par. 2.48. [45] Réunion no 46, 1550. [46] Ibid. [47] Ch. 2, par. 2.49. [48] Ibid., par. 2.50. [49] Ibid. [50] Ibid., par. 2.51. [51] Réunion no 46, 1530. [52] Ibid., 1535. [53] Ibid., 1630. [54] Ch. 2, par. 2.56. [55] Réunion no 46, 1540. [56] Ibid. [57] Ibid., 1530 et 1610. [58] Ibid. [59] Ibid., 1555. [60] Ibid., 1615. [61] Ch. 2, par. 2.57. [62] Ibid., par. 2.58. [63] Ibid., par. 2.59. [64] Ibid., par. 2.60. |