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PACP Rapport du Comité

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CHAPITRE 5 : LE SOUTIEN ACCORDÉ À L’INDUSTRIE AUTOMOBILE, DU RAPPORT DE L'AUTOMNE 2014 DU VÉRIFICATEUR GÉNÉRAL DU CANADA

INTRODUCTION

L’industrie automobile canadienne se compose de cinq constructeurs – General Motors (GM), Chrysler, Toyota, Honda et Ford – et de centaines de fournisseurs de pièces. Environ 85 % des voitures fabriquées au Canada sont exportées, et ce, presque exclusivement aux États‑Unis. Les véhicules et les pièces constituent à peu près 15 % des exportations canadiennes de produits manufacturés[1]. Cette industrie génère environ 10 % du PIB du secteur manufacturier et emploie 117 000 Canadiens de façon directe et 377 000 autres de façon indirecte[2].

En 2008, l’économie a ralenti et le crédit s’est resserré, d’où la difficulté pour les consommateurs d’emprunter pour acheter une voiture et pour les concessionnaires d’obtenir du financement sur stocks. Les ventes automobiles ont donc chuté aux États‑Unis et au Canada. Certains fournisseurs de pièces et constructeurs automobiles, dont Chrysler et GM, ne dégageaient plus de revenus suffisants pour financer leurs activités. Face à cette situation, ils ont accéléré leurs efforts de restructuration et de réduction des coûts. Cependant, dans cette grande tourmente financière, certaines sociétés ont eu du mal à se renflouer en faisant appel aux marchés financiers[3].

Le gouvernement fédéral a réagi en lançant diverses initiatives à l’intention de l’industrie automobile, dont une aide financière destinée à restructurer Chrysler et GM, en 2009. L’’année précédente, il avait mis en place le Fonds d’innovation pour le secteur de l’automobile, qui apporte un soutien financier à des projets d’investissement admissibles effectués par les entreprises du secteur au Canada[4].

En novembre 2008, les sociétés mères de Chrysler et de GM ont demandé une aide financière au gouvernement américain. En décembre 2008, celui‑ci a annoncé qu’il fournirait une aide provisoire aux deux sociétés. Peu après, les gouvernements du Canada et de l’Ontario ont suivi l’exemple du gouvernement américain, et ils ont offert une aide financière à Chrysler Canada et à GM Canada[5] De décembre 2008 à juillet 2009, le gouvernement fédéral a collaboré avec les gouvernements de l’Ontario et des États‑Unis, ainsi qu’avec les constructeurs automobiles, pour définir les conditions et le montant de l’aide financière pour la restructuration des deux sociétés[6].

Les gouvernements du Canada et de l’Ontario ont offert une aide financière proportionnelle à la part des activités manufacturières menées au Canada par chacune des sociétés et ont financé une partie des activités de restructuration des sociétés mères américaines et de leurs filiales canadiennes[7].

Le gouvernement du Canada et de l’Ontario ont convenu de financer respectivement deux tiers et un tiers de la part canadienne de l’aide consacrée à la restructuration de Chrysler et de GM. Ensemble, ils ont accordé 2,88 milliards de dollars à Chrysler, et 10,85 milliards à GM en 2009 au moyen de prêts financés par le Compte du Canada[8], aux termes de la Loi sur le développement des exportations. Dans le cas de GM, la plupart des prêts ont été convertis en actions[9].

Au niveau fédéral, Industrie Canada était chargé d’analyser les plans de restructuration des sociétés, de négocier avec l’Ontario et l’administration américaine le montant de l’aide financière à accorder aux sociétés, de négocier avec les sociétés les modalités des prêts qui seraient accordés, et de donner des directives et des confirmations à Exportation et développement Canada (EDC) pour toutes les questions importantes relatives aux prêts et aux avances. Pour sa part, EDC était responsable de solliciter et d’obtenir les approbations requises pour procéder aux opérations au moyen du Compte du Canada, ainsi que d’administrer et de réaliser les opérations de prêt, selon les confirmations et les directives transmises par Industrie Canada. Enfin, le ministère des Finances Canada était chargé d’analyser la situation financière et les perspectives budgétaires du gouvernement fédéral et de faire rapport à ce sujet. Le ministre des Finances a convenu avec le ministre du Commerce international de recommander au gouvernement d’approuver les montants nécessaires au financement des opérations portées au Compte du Canada[10].

En 2008, le gouvernement fédéral a lancé le Fonds d’innovation pour le secteur de l’automobile, qui est géré par Industrie Canada. Le Fonds vise à appuyer les entreprises du secteur dans leurs travaux de recherche et développement stratégiques de grande envergure axés sur le développement de véhicules innovateurs, plus écologiques et plus économes en carburant, de même qu’à favoriser la compétitivité du secteur de l’automobile canadien. Pour chacun des projets, les bénéficiaires potentiels doivent investir au moins 75 millions de dollars sur cinq ans. L’aide peut être accordée sous la forme d’une contribution remboursable avec conditions ou sans condition, qui est imposable au cours de l’année où elle est versée[11].

Dans son rapport de l’automne 2014, le Bureau du vérificateur général du Canada (BVG) a publié les résultats d’un audit qui visait à déterminer si Industrie Canada, le ministère des Finances Canada et EDC, dans le cadre de leurs responsabilités et de leurs rôles respectifs, avaient géré l’aide financière accordée au secteur de l’automobile de manière à contribuer à la viabilité des sociétés et à la compétitivité du secteur au Canada. De plus, le BVG a vérifié si Industrie Canada avait géré le Fonds d’innovation pour le secteur de l’automobile de manière à tenir compte des risques et s’il avait surveillé les résultats obtenus par rapport aux objectifs établis et fait rapport à ce sujet[12].

Le Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes (le Comité) a tenu des audiences sur cet audit le 30 mars 2015. Il a alors rencontré, du BVG, Jérôme Berthelette, vérificateur général adjoint, et Richard Domingue, directeur principal. D’Industrie Canada, il a entendu Philip Jennings, sous‑ministre adjoint, Secteur de l’industrie, et Charles Vincent, directeur principal, Direction de la planification et des programmes. Richard Botham, sous‑ministre adjoint, Direction du développement économique et des finances intégrées, a comparu au nom du ministère des Finances Canada. EDC a été représenté par Miguel Simard, avocat général adjoint, Services juridiques – Financement.

PLANIFICATION DE L’AIDE À LA RESTRUCTURATION

A. Collecte d’informations pertinentes pour évaluer les perspectives de redressement de Chrysler et de General Motors

Pour recevoir l’aide financière du Canada, Chrysler et GM étaient tenues d’élaborer des plans démontrant qu’elles pouvaient être viables à court et à long terme et que la part canadienne de la production nord‑américaine resterait inchangée[13]. Le BVG a vérifié si Industrie Canada et le ministère des Finances Canada avaient planifié l’aide financière accordée à Chrysler et à GM ainsi qu’à leurs filiales canadiennes de façon à contribuer à la viabilité de ces sociétés au Canada. Le BVG a constaté qu’Industrie Canada avait obtenu des informations et disposait d’analyses lui permettant de mieux comprendre les perspectives de redressement de Chrysler et de GM et d’aider le gouvernement à décider s’il devait contribuer financièrement à la restructuration de ces sociétés[14].

M. Jennings, sous‑ministre adjoint, Secteur de l’industrie, Industrie Canada, a dit au Comité qu’Industrie Canada avait pris contact avec des intervenants et des spécialistes afin d’obtenir les connaissances requises pour évaluer les perspectives de redressement des deux sociétés. Par exemple, Industrie Canada a eu des discussions à l’externe avec des assembleurs et des fournisseurs, et le Ministère a communiqué avec KPMG et Ernst and Young pour recevoir de l’expertise en matière de restructuration financière des entreprises, avec Cassels Brock pour obtenir de l’information relative aux lois américaines et canadiennes en matière d’insolvabilité, et avec CSM Worldwide et Casesa Shapiro Group pour recevoir des renseignements touchant le marché de l’automobile[15].

B. Information sur la restructuration des activités des deux sociétés au Canada

Selon une des conditions initiales de l’aide financière fédérale pour la restructuration de Chrysler Canada et de GM Canada, chaque société devait produire un plan de restructuration acceptable[16]. Le BVG a passé en revue les documents d’Industrie Canada sur les plans de restructuration des sociétés, les concessions des parties prenantes et les passifs au titre des régimes de soins de santé et des régimes de retraite. Le BVG a observé que le Ministère n’avait pas demandé à Chrysler ni à GM de lui fournir des plans définitifs de restructuration de leurs activités au Canada, malgré le fait que les plans initiaux des deux sociétés avaient été rejetés par les gouvernements du Canada, de l’Ontario et des États‑Unis, lesquels avaient en outre donné aux sociétés une date limite pour les modifier[17].

M. Berthelette a fait valoir qu’un plan définitif de restructuration « aurait permis de regrouper tous les renseignements relatifs à la restructuration. En outre, il aurait permis au ministère et aux Canadiens d’effectuer plus facilement un suivi des mesures prises dans le cadre de la restructuration, et il aurait permis au ministère de rendre plus facilement des comptes à propos de la restructuration[18]. »

Malgré l’absence de plans de restructuration définitifs, Industrie Canada disposait d’information générale sur les coûts de la restructuration au Canada, le montant du financement public qui serait nécessaire et l’utilisation prévue des fonds. Le BVG a aussi constaté que le Ministère disposait d’analyses limitées sur la façon dont les mesures de restructuration devaient améliorer la situation financière des filiales canadiennes, sur les concessions faites par les parties prenantes et sur la façon dont les sociétés comptaient rembourser les prêts[19]. Invité à préciser en quoi consistaient certaines informations générales, Richard Domingue, directeur principal au BVG, a indiqué que les renseignements à l'appui du processus décisionnel lié à quelques dossiers – comme ceux concernant les régimes de retraite de GM Canada – étaient assez limités, de sorte que le BVG a remis en question la façon dont le gouvernement fédéral avait pris ces décisions[20]. M. Jennings, quant à lui, a fait valoir que des « discussions à l’externe ont été tenues avec des membres de l’industrie, y compris les assembleurs et les fournisseurs, afin de recueillir de l’information essentielle aux fins de l’évaluation et de la compréhension des risques. Le gouvernement a ensuite pris une décision responsable et des mesures décisives. Par la suite, le ministère que je représente a surveillé les deux entreprises pour s’assurer qu’elles s’acquittaient de leurs obligations au titre de l’entente et pour veiller à ce que la restructuration donne les résultats souhaités[21]. »

M. Jennings a expliqué qu’Industrie Canada avait obtenu les plans de restructuration définitifs des entreprises :

Les gouvernements du Canada et de l’Ontario ont décidé qu’il était important de s’assurer que nos intérêts étaient protégés dans le cadre de ces audiences, en ce qui a trait à la façon dont elles allaient se restructurer. Nous avons exigé que les entreprises fournissent des plans de restructuration qui établissent clairement ce dont elles avaient besoin pour être rentables, et pour être rentables non seulement aux États‑Unis, mais aussi au Canada. Un certain nombre de lacunes ont été cernées dans les premiers plans de restructuration élaborés, et elles ont été mises en lumière dans le rapport du vérificateur général. Dans tous les cas, pour tous les éléments qui ont été jugés insuffisants, nous avons reçu suffisamment d’information pour prendre une décision éclairée afin de participer à la restructuration[22].

Par ailleurs, le gouvernement fédéral avait indiqué qu’il accorderait une aide à l’industrie à la condition que les parties prenantes, telles que les travailleurs syndiqués, les fournisseurs et les concessionnaires de Chrysler Canada et de GM Canada, acceptent de faire des concessions[23]. Le BVG a cependant constaté qu’Industrie Canada n’avait pas évalué l’incidence des concessions devant être faites par les parties prenantes sur les coûts ou la viabilité à long terme des sociétés[24]. Il a aussi observé que le Ministère disposait d’analyses limitées pour déterminer si les fournisseurs et les concessionnaires avaient fait des concessions pour contribuer à réduire les coûts des sociétés[25].

Selon le BVG, GM Canada a communiqué à Industrie Canada des informations indiquant que le coût des prestations de soins de santé à ses retraités et les déficits de ses deux régimes de retraite étaient deux facteurs importants qui compromettaient sa viabilité future. Sur l’aide financière versée à la société, 1 milliard de dollars ont été alloués à la réduction des passifs au titre des soins de santé, et 4 milliards de dollars sont allés à la réduction des déficits des régimes de retraite[26]. Le BVG a observé qu’Industrie Canada avait effectué des analyses limitées des passifs de GM Canada au titre des prestations de soins de santé à ses retraités et de l’incidence de ces passifs sur la viabilité future de la société[27].

Même si plus du tiers de l’aide fédérale consentie à GM était consacré aux déficits des régimes de retraite de la société, nous avons constaté qu’Industrie Canada avait une documentation limitée indiquant la façon dont le Ministère avait déterminé le montant des fonds publics alloués à cette fin[28]. Industrie Canada disposait également d’analyses limitées sur la mesure dans laquelle ces fonds aideraient à réduire les déficits des régimes de retraite ainsi qu’à améliorer la solvabilité des régimes et la viabilité de la société[29]. De plus, le BVG s’est rendu compte que le Ministère disposait d’informations limitées sur les types de prestations fournies par les régimes de retraite de GM Canada et sur les concessions qui avaient été négociées par le syndicat et la société pour aider à réduire les coûts et les passifs liés aux régimes de retraite à l’avenir[30].

M. Jennings a rappelé au Comité qu’Industrie Canada avait dû travailler dans des délais extrêmement serrés, lesquels étaient essentiellement dus au fait que Chrysler et GM s’étaient placées sous la protection de la loi sur les faillites aux États‑Unis, et qu’elles devaient se restructurer rapidement. Selon M. Jennings, Industrie Canada a reçu assez d’information pour prendre une décision éclairée sur la participation du gouvernement fédéral à la restructuration[31].

SUIVI DE L’AIDE À LA RESTRUCTURATION

A. Suivi de l’utilisation de l’aide financière

Le BVG a examiné les modalités des prêts octroyés par EDC, ainsi que d’autres documents relatifs à l’aide financière accordée pour la restructuration de Chrysler Canada et de GM Canada[32]. Il a constaté que, exception faite des sommes accordées à GM Canada pour couvrir les passifs au titre des prestations de soins de santé et des régimes de retraite – qui ont été déposées dans des comptes distincts – Industrie Canada ne disposait que d’informations limitées sur la façon dont ces fonds avaient été utilisés[33].

De manière plus précise, le BVG a noté que sur les 4 milliards de dollars affectés aux régimes de retraite de GM Canada, qui avaient été déposés dans un compte distinct, une somme de 1 milliard de dollars avait été versée à la société mère américaine en septembre 2009. Ni Industrie Canada, ni EDC ne possédaient de documents portant sur l’utilisation de ces fonds[34]. M. Berthelette a indiqué qu’il était clair que la société mère américaine avait reçu les fonds, tout en précisant toutefois que, faute de documentation, le BVG n’était pas en mesure de déterminer comment ils avaient été utilisés et comment cette somme avait contribué à la viabilité à long terme de GM Canada[35]. Le vérificateur général a fait remarquer que l’aide avait emprunté des voies indirectes, mais que le BVG avait pu vérifier « qu’une somme de 4 milliards de dollars étiquetée pour le régime de pension de GM Canada a abouti à bon port[36] ».

M. Jennings a expliqué que le plan de restructuration élaboré en partenariat avec le Trésor américain visait à garantir la viabilité de l’ensemble de l’entreprise, et donc la viabilité et la compétitivité de la filiale canadienne[37].

B. Suivi des engagements en matière de production

En échange de l’aide financière, Chrysler Canada s’est engagée à produire un volume donné de véhicules. GM Canada s’est engagée quant à elle à atteindre des cibles pour la production de véhicules, de moteurs et de transmissions, de même que des objectifs annuels en matière de dépenses en immobilisations et de dépenses en recherche et développement. Le BVG a examiné le suivi assuré par Industrie Canada à l’égard de ces engagements[38]. Le BVG a constaté que Chrysler Canada et GM Canada avaient fourni des rapports et d’autres documents à Industrie Canada concernant leurs engagements relatifs à la production, lesquels ont été respectés, selon le Ministère[39].

En réponse à des questions sur le suivi des engagements en matière de production, M. Jennings a signalé qu’il ne pouvait pas parler en détail des engagements pris par Chrysler et GM parce qu’il s’agissait de renseignements commerciaux confidentiels[40]. Il a ajouté que les deux sociétés avaient en fait surpassé leurs engagements[41] et que la production canadienne avait augmenté pour atteindre près de 2,4 millions de véhicules en 2014[42].

C. Valeur des fonds recouvrés jusqu’à présent de Chrysler et de General Motors

Le BVG a examiné si le ministère des Finances Canada avait évalué le risque que les fonds accordés à Chrysler Canada et à GM Canada ne soient pas recouvrés. En outre, il a examiné les sommes remboursées ou recouvrées, ainsi que le coût total de l’aide financière[43]. Le BVG a observé que les risques financiers liés à l’octroi de l’aide à Chrysler avaient été bien évalués. Chrysler a remboursé les sommes qui lui ont été prêtées, mais pas le prêt de débiteur‑exploitant[44] de 1,2 milliard de dollars, qui devait l’appuyer lors de sa faillite. Toutefois, le gouvernement fédéral a obtenu 2 % du capital de la nouvelle société en contrepartie du prêt, parts que le gouvernement a vendu à Fiat pour 132 millions de dollars[45].

Le BVG a constaté que la valeur estimée du risque financier lié à l’octroi de l’aide à GM avait diminué au fil du temps. Lorsque le gouvernement fédéral a approuvé l’aide financière, le ministère des Finances Canada estimait en effet qu’une partie des prêts convertis en actions se traduiraient probablement par des pertes totales. Une fois que les prêts, totalisant 9,8 milliards de dollars, ont été convertis en actions, la valeur totale des actions privilégiées et des actions ordinaires était estimée à 3,2 milliards de dollars en date du 31 mars 2010. La différence entre la valeur initiale des prêts et la valeur estimative des actions, soit 6,6 milliards de dollars, était considérée comme une perte. Le gouvernement fédéral a comptabilisé les deux tiers de cette perte, soit 4,4 milliards de dollars, à titre de dépense dans les Comptes publics du Canada 2009-2010. D’après le BVG, le coût final de l’aide financière accordée à GM sera connu seulement lorsque toutes les actions auront été vendues. Selon le produit des ventes du reste des actions de GM, le coût pourrait se révéler inférieur aux dépenses de 4,4 milliards de dollars enregistrées à l’exercice 2009‑2010[46].

M. Jennings a indiqué au Comité que GM avait racheté ses actions privilégiées des gouvernements du Canada et de l’Ontario, et que le gouvernement de l’Ontario avait exercé, en février 2015, son droit de vendre ses actions restantes à GM[47].

Interrogé à propos des coûts d’emprunt relatifs à l’aide accordée à Chrysler et à GM pour les besoins de la restructuration, Richard Botham, sous‑ministre adjoint, Direction du développement économique et des finances intégrée, ministère des Finances Canada, a répondu qu’il faudrait vérifier les taux des obligations à l’époque [en 2009] pour les estimer. M. Botham a ajouté que les emprunts que le gouvernement du Canada contracte ne sont pas spécifiques à une opération en particulier; par conséquent, il n’y avait pas de taux d'intérêt créditeurs spécifiques aux fonds qui ont servi à aider GM et Chrysler[48].

RAPPORTS SUR L’AIDE À LA RESTRUCTURATION

Le BVG a examiné les informations communiquées publiquement pour déterminer si le Parlement et la population canadienne avaient eu accès à des informations financières et non financières sur l’aide accordée à Chrysler et à GM, conformément aux dispositions en matière de protection des renseignements personnels et de confidentialité[49]. M. Berthelette a dit au Comité que, d’après les observations du BVG, aucun rapport global d’information sur l’aide apportée à la restructuration n’avait été présenté au Parlement[50]. Selon lui, à la lumière des informations mises à la disposition du public, il était impossible d’avoir une vue d’ensemble de l’aide accordée, des sommes recouvrées et des pertes enregistrées[51].

Le BVG a recommandé qu’Industrie Canada, en collaboration avec le ministère des Finances Canada, EDC et les autres entités concernées, publient un rapport contenant des informations claires sur l’aide financière accordée à Chrysler et à GM, et sur l’incidence que cette aide a eue sur la viabilité de ces sociétés[52]. En réponse à cette recommandation, Industrie Canada a publié, le 19 décembre 2014, un rapport intitulé Rapport sommaire sur le soutien accordé par le Canada dans le cadre de la restructuration de General Motors et de Chrysler en 2009.

LEÇONS TIRÉES DE L’AIDE FINANCIÈRE ACCORDÉE À CHRYSLER ET À GENERAL MOTORS

Le gouvernement du Canada pourrait de nouveau être appelé, à l’avenir, à fournir une aide financière à une grande société privée ou à un secteur économique tout entier[53]. C’est pourquoi le BVG a recommandé qu’Industrie Canada, conjointement avec les autres entités concernées, effectue un examen de la gestion de l’aide financière accordée à Chrysler et à GM pour leur restructuration, et qu’il dégage les leçons retenues[54].

M. Jennings a indiqué au Comité qu’Industrie Canada n’avait pas examiné officiellement les leçons tirées de l’aide financière octroyée à l’industrie canadienne de l’automobile, mais qu’il avait mené un examen non officiel en collaboration avec les autres ministères et organismes fédéraux concernés par la restructuration et avec le gouvernement de l’Ontario[55]. Cet exercice a d’ailleurs permis à Industrie Canada d’établir trois grandes leçons. La première touche l’importance de la mise en commun des ressources, c’est‑à‑dire le fait pour les diverses organisations de collaborer afin de déterminer les types d’expertise offerts par la fonction publique fédérale et ceux qui devraient être obtenus du secteur privé[56]. La deuxième leçon concerne la coordination du travail des différents ministères et organismes. La restructuration de l’industrie canadienne de l’automobile a amené le gouvernement fédéral à créer un comité de sous‑ministres qui sont restés quotidiennement en contact pour suivre les développements et pour appuyer la prise de décisions[57]. La troisième leçon est liée à l’importance des équipes chargées du travail « à domicile et à l’étranger ». Le processus de restructuration a exigé que le gouvernement fédéral forme des équipes de hauts représentants travaillant simultanément à Ottawa et aux États‑Unis, où se déroulaient les négociations avec GM et Chrysler[58].

M. Jennings a également signalé qu’Industrie Canada entreprendrait en 2015 un examen officiel de la gestion de l’aide financière accordée pour la restructuration des deux constructeurs, dans le but notamment de dégager les leçons retenues, comme le BVG l’a recommandé[59].

Le Comité formule la recommandation suivante :

RECOMMANDATION 1

Que, d’ici le 31 décembre 2015, Industrie Canada présente au Comité permanent des comptes publics les leçons tirées de son examen de la gestion de l’aide consacrée à la restructuration.

GESTION DU FONDS D’INNOVATION POUR LE SECTEUR DE L’AUTOMOBILE

A. Cadre d’évaluation des risques

En ce qui concerne le Fonds d’innovation pour le secteur de l’automobile et les six projets financés jusqu’à présent, le BVG a examiné si le processus mis en place par Industrie Canada pour évaluer les projets tenait compte des risques[60]. Il s’est dit d’avis que les évaluations d’Industrie Canada respectaient les modalités du Fonds[61]. Le BVG a cependant jugé que ces modalités et le processus d’évaluation connexe utilisé pour déterminer l’admissibilité d’un projet portaient sur des risques qui étaient déjà pris en compte dans la conception même du Fonds[62]. Selon M. Berthelette, Industrie Canada pourrait simplifier son analyse des risques des projets, étant donné que les bénéficiaires assument tous les risques techniques et la plupart des risques financiers liés aux projets[63].

Pour cette raison, le BVG a recommandé à Industrie Canada de revoir ses procédures de gestion pour le Fonds d’innovation pour le secteur de l’automobile afin de s’assurer que les profils de risque des projets et des demandeurs sont pris en considération lors de l’évaluation des projets[64]. M. Jennings a fait savoir au Comité que, bien qu’il ait toujours appliqué une approche fondée sur les risques, le Ministère avait déjà mis à jour le cadre d’évaluation des risques du Fonds et explicité la manière dont les profils de risque des demandeurs sont évalués.

B. Suivi des projets et rapports sur le rendement du Fonds

Le BVG a examiné si Industrie Canada avait recueilli suffisamment d’informations pour déterminer si le Fonds d’innovation pour le secteur de l’automobile avait atteint ses objectifs[65]. Il a également vérifié si le Ministère avait présenté des rapports publics sur le rendement du Fonds par rapport aux objectifs fixés[66]. Le BVG a conclu qu’Industrie Canada disposait d’informations adéquates provenant des rapports d’étape et des visites sur place pour suivre la progression de chaque projet[67]. De son côté, cependant, M. Berthelette a mentionné qu’Industrie Canada n’avait pas encore utilisé ces informations pour déterminer si le programme atteignait ses objectifs et si les résultats obtenus étaient rendus publics[68]. Le BVG a recommandé qu’Industrie Canada continue de suivre le rendement des projets et qu’il utilise cette information pour déterminer si le Fonds d’innovation pour le secteur de l’automobile atteint ses objectifs, à savoir entraîner des avantages pour le Canada sur les plans de l’environnement, de l’économie et de l’innovation et promouvoir la compétitivité du secteur de l’automobile[69].

M. Jennings a fait savoir au Comité que le Fonds d’innovation pour le secteur de l’automobile a permis de financer sept projets jusqu’à présent[70]. Ces projets ont entraîné des investissements d’environ 2,8 milliards de dollars par le secteur privé et le gouvernement de l’Ontario. Bien que les projets soient tout juste en train d'être parachevés, l’évaluation initiale menée par Industrie Canada en 2012 a déjà indiqué que le Fonds remplissait ses objectifs à court terme[71]. M. Jennings a ajouté que le Fonds est encore trop jeune pour qu’on puisse évaluer l’atteinte des objectifs à moyen et à long terme, et qu’Industrie Canada réévaluera le Fonds en 2017‑2018 pour déterminer dans quelle mesure il atteint ses objectifs à long terme[72].

CONCLUSION

L’aide financière accordée à Chrysler et à GM pour leur restructuration comportait des opérations complexes, un degré élevé d’incertitude et des délais serrés pour son élaboration et sa réalisation. Comme l’a reconnu le BVG dans son rapport, les circonstances ont eu une incidence sur ce qu’Industrie Canada pouvait faire pour gérer l’aide fournie[73].

Malgré ces circonstances, le BVG a conclu qu’Industrie Canada, le ministère des Finances Canada et EDC avaient géré l’aide financière accordée au secteur de l’automobile de manière à contribuer à la viabilité des sociétés et à la compétitivité du secteur au Canada à court et à moyen terme[74]. Le rôle clé qu’Industrie Canada a joué lors de la crise, et qui a contribué à éviter l’effondrement du secteur de l’automobile au Canada, a été souligné par deux récompenses : le prix (argent) pour la gestion innovatrice 2010 de l’lnstitut d’administration publique du Canada et le Prix d’excellence de la fonction publique 2009 pour contribution exemplaire dans des circonstances extraordinaires[75].

Lors de son audit, le BVG a constaté qu’Industrie Canada avait évalué correctement les perspectives de redressement de Chrysler et de GM et qu’il avait assuré le suivi relativement aux engagements pris par les sociétés en matière de production au Canada. De plus, le Ministère a bien suivi la progression des projets financés par le Fonds d’innovation pour le secteur de l’automobile[76]. Cependant, le BVG a cerné des lacunes dans la gestion de l’aide à la restructuration et la communication d’information à cet égard. Par exemple, Industrie Canada ne disposait pas de plans de restructuration définitifs pour les sociétés au Canada, et n’a pas présenté au Parlement et aux Canadiens de rapport global sur l’aide accordée pour la restructuration. Par ailleurs, le BVG a conclu que le ministère des Finances Canada a évalué correctement les risques financiers associés à l’octroi de l’aide financière à Chrysler et à GM, et EDC a administré les accords de prêts et les documents connexes et a effectué les prêts pour l’octroi de l’aide financière de manière adéquate[77].


[1]             Vérificateur général du Canada, « Chapitre 5 - Le soutien accordé à l'industrie automobile », Automne 2014 – Rapport du vérificateur général du Canada, Ottawa, 2014, par. 5.1.

[2]             Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes, Témoignages, 2e session, 41e législature, 30 mars 2015, réunion no 53, 1540

[3]             Vérificateur général du Canada, ch. 5, par. 5.3.

[4]             Ibid., par. 5.6.

[5]             Ibid., par. 5.9.

[6]             Ibid., par. 5.10.

[7]             Ibid., par. 5.11.

[8]             Le gouvernement fédéral utilise le Compte du Canada pour les opérations qu’Exportation et développement Canada (EDC) ne peut appuyer, mais que le ministre du Commerce international estime être dans l’intérêt national.  Cela dépend généralement d’une combinaison de risques tels que la taille de la transaction, les risques du marché, la capacité d’EDC par rapport au pays en question, les risques liés à l’emprunteur ou les modalités de financement.

[9]             Vérificateur général du Canada, ch. 5, par. 5.16.

[10]           Ibid., par. 5.18.

[11]           Ibid., par. 5.13.

[12]           Ibid., par. 5.20.

[13]           Ibid., par. 5.10.

[14]           Ibid., par. 5.24.

[15]           Réunion no 53, 1545.

[16]           Vérificateur général du Canada, ch. 5, par. 5.29.

[17]           Ibid.

[18]           Réunion no 53, 1600.

[19]           Vérificateur général du Canada, ch. 5, par. 5.30.

[20]           Réunion no 53, 1555.

[21]           Réunion no 53, 1545.

[22]           Réunion no 53, 1655.

[23]           Vérificateur général du Canada, ch. 5, par. 5.31.

[24]           Ibid., par. 5.32.

[25]           Ibid.

[26]           Ibid., par. 5.33.

[27]           Ibid., par. 5.34.

[28]           Ibid., par. 5.38.

[29]           Ibid.

[30]           Ibid., par. 5.39.

[31]           Réunion no 53, 1655.

[32]           Ibid., par. 5.43.

[33]           Ibid., par. 5.44.

[34]           Ibid., par. 5.46.

[35]           Réunion no 53, 1640.

[36]           Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes, Témoignages, 2e session, 41e législature, 27 novembre 2014, réunion no 40, 1545.

[37]           Ibid.

[38]           Vérificateur général du Canada, ch. 5, par. 5.48.

[39]           Ibid., par. 5.49.

[40]           Réunion no 53, 1645.

[41]           Réunion no 53, 1655.

[42]           Ibid., 1545.

[43]           Vérificateur général du Canada, ch. 5, par. 5.51.

[44]           Un prêt de débiteur‑exploitant est un prêt accordé à une société qui a demandé la protection de la loi sur les faillites des États‑Unis, mais qui continue d’exercer ses activités. Source : Ibid., par. 5.56.

[45]           Vérificateur général du Canada, ch. 5, par. 5.56.

[46]           Ibid., par. 5.57 et 5.58.

[47]           Réunion no 53, 1710.

[48]           Réunion no 53, 1720.

[49]           Vérificateur général du Canada, ch. 5, par. 5.62.

[50]           Réunion no 53, 1535.

[51]           Ibid.

[52]           Vérificateur général du Canada, ch. 5, par. 5.65.

[53]           Vérificateur général du Canada, ch. 5, par. 5.66.

[54]           Ibid., par. 5.67.

[55]           Réunion no 53, 1605.

[56]           Ibid.

[57]           Ibid.

[58]           Ibid.

[59]           Réunion no 53, 1545.

[60]           Vérificateur général du Canada, ch. 5, par. 5.71.

[61]           Ibid., par. 5.73.

[62]           Ibid.

[63]           Réunion no 53, 1535.

[64]           Vérificateur général du Canada, ch. 5, par. 5.76.

[65]           Ibid., par. 5.78.

[66]           Ibid.

[67]           Ibid., par. 5.79.

[68]           Réunion no 53, 1540.

[69]           Vérificateur général du Canada, ch. 5, par. 5.86.

[70]           Réunion no 53, 1545.

[71]           Ibid.

[72]           Réunion no 53, 1550.

[73]           Vérificateur général du Canada, ch. 5, par. 5.87.

[74]           Ibid., par. 5.88.

[75]           Ibid., par. 5.67.

[76]           Ibid.

[77]           Ibid., par. 5.89.