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PACP Rapport du Comité

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RAPPORT 4 – L’ACCÈS AUX SERVICES DE SANTÉ POUR LES COMMUNAUTÉS ÉLOIGNÉES DES PREMIÈRES NATIONS, PRINTEMPS 2015 – RAPPORTS DU VÉRIFICATEUR GÉNÉRAL DU CANADA

INTRODUCTION

L’accès aux services de santé provinciaux est limité dans les communautés éloignées des Premières Nations. Conformément à la Politique de 1979 sur la santé des Indiens, Santé Canada y finance la prestation de services de santé. Le soutien octroyé par le Ministère à ces communautés profite à 85 établissements de santé qui offrent des soins par l’entremise d’équipes de collaboration de soins de santé, sous la direction d’environ 400 infirmières. Ces établissements servent quelque 95 000 membres des Premières Nations. Santé Canada offre également des prestations de transport pour raison médicale aux membres des Premières Nations lorsque les services de santé requis ne sont pas offerts dans leur communauté. En 2013‑2014, le Ministère a consacré 103 millions de dollars aux services de soins cliniques et aux clients au Manitoba et en Ontario, de même que 175 millions de dollars aux prestations de transport pour raison médicale dans ces deux provinces[1].

Les membres des Premières Nations font face à des difficultés importantes sur le plan de la santé. Leur espérance de vie a certes augmenté entre 1980 et 2010, mais elle était de 8 ans inférieure à celle des autres Canadiens en 2010. En outre, les communautés des Premières Nations affichent des taux supérieurs de maladies chroniques et infectieuses, de problèmes de santé mentale et de toxicomanie. Dans ces communautés, la nature défavorable des déterminants sociaux – notamment le surpeuplement des logements, le taux élevé de chômage et les problèmes d’accès à l’eau potable – contribue à de mauvais résultats sur la santé[2].

Dans le cadre de ses rapports du printemps 2015, le Bureau du vérificateur général du Canada (BVG) a publié un rapport d’audit de performance dans lequel il a vérifié si Santé Canada avait l’assurance raisonnable que les membres des Premières Nations admissibles vivant dans des communautés éloignées du Manitoba et de l’Ontario avaient accès à des services de soins cliniques et aux clients, ainsi qu’à des prestations de transport pour raison médicale[3]. Le BVG n’a pas examiné la qualité des soins de santé et des services de transport fournis, et n’a pas cherché à déterminer si le financement fédéral était suffisant[4]. Il n’a pas examiné, non plus, les services de santé offerts en Colombie‑Britannique – cette province ayant récemment mis en place un modèle de fonctionnement différent par l’entremise de l’Autorité sanitaire des Premières Nations –, au Québec ou en Alberta[5].

Le Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes (le Comité) a consacré une audience à cet audit le 1er juin 2015[6]. Du BVG, il a entendu Michael Ferguson, vérificateur général du Canada, et Joe Martire, directeur principal. Santé Canada a été représenté par Sony Perron, sous‑ministre adjoint principal, Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits; Valerie Gideon, sous‑ministre adjointe, Opérations régionales, Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits; Scott Doidge, directeur général provisoire, Services de santé non assurés, Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits; et Robin Buckland, directrice exécutive, Bureau des soins de santé primaires, Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits.

POSTES DE SOINS INFIRMIERS

Les postes de soins infirmiers sont généralement, pour les habitants des communautés éloignées des Premières Nations, le premier point d’accès aux services de soins cliniques et aux clients[7]. Au Manitoba et en Ontario, le gouvernement fédéral finance 51 postes de soins infirmiers : de ce nombre, 46 sont exploités par le personnel infirmier de Santé Canada et 5 par des communautés des Premières Nations[8].

A. Formation

Le BVG a sélectionné un échantillon de 45 infirmières de Santé Canada travaillant dans des postes de soins infirmiers situés dans des communautés éloignées des Premières Nations, et il a examiné la documentation afin de déterminer si les infirmières étaient autorisées par l’organisme de réglementation provincial compétent et si elles avaient réussi les cinq cours de formation obligatoires exigés par Santé Canada dans des domaines tels que la vaccination, les soins en réanimation cardiovasculaire et la manipulation des substances contrôlées[9].

Le BVG a constaté que l’ensemble des infirmières examinées était autorisé par l’organisme de réglementation provincial compétent; cependant, une seule avait réussi les cinq cours de formation obligatoires de Santé Canada[10]. Ce problème a été signalé dans un rapport d’audit interne de Santé Canada en 2010[11]. Le BVG a dit craindre que cette carence dans la formation obligatoire du personnel infirmier ait une incidence néfaste sur les services de santé offerts aux membres des Premières Nations[12]. Il a donc recommandé que Santé Canada s’assure que ses infirmières réussissent les cours de formation obligatoires[13].

Robin Buckland, directrice exécutive du Bureau des soins de santé primaires de Santé Canada, a expliqué au Comité pourquoi des cours de formation étaient exigés. À leur sortie de l’école, les infirmières sont des généralistes. Comme elles sont souvent le seul fournisseur de soins de santé dans une communauté, elles doivent être en mesure de répondre à n’importe quel cas qui se présente, y compris une urgence ou un traumatisme[14]. Sony Perron, sous‑ministre adjoint principal de la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits de Santé Canada, a fait savoir au Comité que globalement, pour les provinces de l’Ontario, du Québec, du Manitoba et de l’Alberta, la proportion des infirmières du Ministère qui avaient suivi les cinq cours obligatoires était de 46 % en avril 2015. De manière plus précise, les taux de réussite étaient les suivants : 88 % pour la formation sur les substances contrôlées; 63 % pour les soins avancés en réanimation cardiovasculaire; 59 % pour les soins en traumatologie; 64 % pour les soins avancés en réanimation pédiatrique; et 61 % pour les compétences en immunisation[15].

M. Perron a dit que Santé Canada veut atteindre un taux de réussite de 100 % aux cours obligatoires, mais il faut rappeler que de nouveaux membres viennent régulièrement grossir les rangs du personnel infirmier[16] :

Le retard en matière de formation est essentiellement dû au caractère du recrutement et du maintien en poste. Nous avons un fort roulement d’infirmières. Notre priorité est de veiller à avoir des infirmières en poste pour assurer des services sans interruption. Ce n’est pas une excuse pour ne pas respecter nos propres normes de formation obligatoires, je l’admets, mais c’est un problème auquel nous nous efforçons de remédier. Parallèlement, nous déployons des efforts considérables pour améliorer nos résultats en matière de formation, tout en exécutant une stratégie de recrutement vraiment ambitieuse. Nous espérons être en mesure de stabiliser la main‑d’œuvre [...] Chaque fois que nous perdons une infirmière, il nous faut repartir à zéro, avec une nouvelle infirmière qui peut entrer en poste sans avoir ni l’expérience ni la formation voulues [...] [N]otre stratégie de recrutement commence à porter ses fruits et devrait nous permettre de stabiliser la main‑d’œuvre, ainsi que d’améliorer nos résultats en matière de formation[17].

Mme Buckland a fait la remarque suivante :

Nous travaillons fort — et je crois que cela répond en partie à la question de votre collègue qui se demandait comment nous avons réussi à nous rendre aussi loin sans suivre notre formation — mais le taux de roulement est très élevé. Nous recrutons dix infirmières puis nous en perdons cinq. C'est très difficile. Lorsqu'une infirmière quitte la collectivité pour obtenir sa formation, nous travaillons fort pour la remplacer afin de maintenir l'accès aux mêmes services dans la collectivité. On accomplit ceci de différentes façons pour s'assurer que le service se poursuive[18].

M. Perron, pour sa part, a observé que Santé Canada avait recours à beaucoup d’infirmières provenant d’agences, et que s’il pouvait maintenir davantage ses effectifs, le Ministère pourrait réinvestir des ressources dans le programme de soins cliniques[19]. Il a également dit :

Dans le cadre de la Stratégie de recrutement et de maintien en poste, nous essayons de plus en plus de renseigner les infirmières sur les conditions de travail et le type de travail qu'elles seront appelées à faire dans les collectivités. C'est ce que nous cherchons à faire lorsque nous investissons dans la formation et l'intégration de ces employés dans l'équipe de soins de santé afin qu'ils souhaitent rester dans le domaine et qu'ils n'aient pas de surprise une fois rendus sur place[20].

M. Perron a ajouté que, en réponse à ce problème, Santé Canada avait mis en place une Stratégie de recrutement et de maintien en poste des infirmières, qui regroupe quatre volets : le plan de marketing pour le recrutement du personnel infirmier, le programme de perfectionnement en soins infirmiers, le programme de sensibilisation des étudiants et le programme d’accueil[21]. La stratégie de recrutement sert notamment à décrire avec précision les conditions de travail; elle consiste également en une campagne de marketing qui vise à faire connaître les avantages d’une vie plus proche de la nature, de l’appartenance à une petite équipe de travail et d’un emploi qui amène à relever des défis[22]. De plus, Santé Canada attire l’attention sur le fait que, dans la plupart des communautés, des dispositions sont prises en matière de logement, et que les infirmières reçoivent une indemnité de poste isolé, une prime de maintien en poste ainsi que des avantages pour les heures supplémentaires et le rappel au travail, conformément à leur convention collective[23].

M. Perron a indiqué que l’important est de trouver les personnes qui se prêtent le mieux à ce type de travail et de les préparer au genre de soins infirmiers auquel elles doivent s’attendre[24]. Santé Canada s’affaire également à recruter plus de travailleurs de la santé d’origine autochtone parce qu’ils sont plus au fait de la dimension culturelle des services de santé dans les communautés des Premières Nations[25]. Selon M. Perron, depuis février 2015, Santé Canada a reçu plus de 500 candidatures à des postes d’infirmières; 200 d’entre elles sont passées à l’étape suivante de la sélection[26].

Étant donné que l’accès aux services de santé dans les communautés éloignées des Premières Nations dépend en partie du recrutement et du maintien en poste des infirmières, il importe de surveiller l’efficacité de la stratégie ministérielle en la matière. Par conséquent, le Comité formule la recommandation suivante :

RECOMMANDATION 1

Que, d’ici le 30 septembre 2016, Santé Canada fasse connaître au Comité permanent des comptes publics son taux annuel de roulement du personnel infirmier travaillant dans les communautés éloignées des Premières Nations.

B. Champ d’exercice

Les cadres provinciaux de réglementation définissent les activités que les infirmières sont autorisées à exercer lorsqu’elles fournissent des services de santé. Les infirmières sont responsables d’exercer leur profession conformément aux normes établies, tandis que l’employeur doit établir des politiques qui leur permettent de respecter cette exigence[27]. Le BVG a vérifié si les infirmières exécutaient des activités ne faisant pas partie de leur champ d’exercice régi par la législation provinciale[28].

Le BVG a constaté que, selon Santé Canada, les infirmières outrepassent parfois leur champ d’exercice pour offrir des services de santé essentiels; par exemple, elles prescrivent et délivrent certains médicaments, et elles réalisent des radiographies[29]. Le Ministère n’a toutefois pas mis en place de mécanismes – tels que des lignes directrices médicales – pour aider les infirmières à exécuter certaines tâches dans des circonstances particulières, et ainsi les autoriser à outrepasser leur champ d’exercice[30]. Le BVG a donc recommandé que Santé Canada s’assure que des mécanismes de soutien appropriés sont fournis aux membres de son personnel infirmier, afin qu’ils puissent offrir des services ne faisant pas partie de leur champ d’exercice régi par la loi[31].

Interrogé à ce sujet, M. Perron a confirmé que ni Santé Canada, ni son personnel n’avait fait l’objet de poursuite en justice après que des infirmières aient outrepassé leur champ d’exercice. Les lacunes observées par le BVG n’ont d’ailleurs eu aucun effet sur les tarifs d’assurance responsabilité civile professionnelle[32].

M. Perron a dit au Comité que Santé Canada tente de régler cette question, notamment en intégrant plus d’infirmières praticiennes, qui remplissent une plus grande variété de fonctions, à leurs équipes de soins de santé cliniques. En Ontario, le Ministère recrutera 10 infirmières praticiennes[33]. Santé Canada s’emploie aussi à améliorer son infrastructure électronique, notamment les dossiers médicaux électroniques et la télésanté. Grâce à ces outils, une petite équipe de soins cliniques peut se brancher au reste du réseau de la santé, et ainsi transférer des dossiers, aiguiller un patient vers un spécialiste et recevoir les résultats d’examens et de tests électroniquement[34].

C. État des postes de soins infirmiers

Santé Canada exige que les postes de soins infirmiers soient inspectés au moins une fois tous les cinq ans[35]. Ceux qui ne respectent pas les exigences en matière de santé et de sécurité ou les codes du bâtiment peuvent poser des risques pour les patients et le personnel[36]. Le BVG a examiné un échantillon de huit postes de soins infirmiers construits avant 2009 afin de déterminer s’ils avaient été inspectés au cours du cycle de cinq ans et si le Ministère avait pris des mesures pour corriger les lacunes observées relativement aux exigences en matière de santé et de sécurité[37].

Sur les huit postes construits avant 2009, le BVG en a trouvé cinq qui avaient été inspectés dans les cinq dernières années. Deux ont été inspectés en 2004, et un autre n’a jamais été inspecté[38]. Le BVG a examiné 30 lacunes que les inspections de la conformité aux exigences en matière de santé et de sécurité avaient mises en lumière, et il a constaté que 26 n’avaient pas été corrigées[39]. Par ailleurs, à l’occasion de ses visites dans les communautés, le BVG a pu remarquer certains problèmes touchant la santé et la sécurité, notamment l’absence de génératrice auxiliaire de secours, les mauvais joints d’étanchéité de la porte de la salle de radiologie et une résidence dont l’installation septique aurait dû être réparée il y a plus de deux ans[40]. Le BVG a donc recommandé que Santé Canada travaille avec les communautés des Premières Nations pour s’assurer que les postes de soins infirmiers sont soumis à des inspections régulières et que les lacunes relatives aux exigences en matière de santé et de sécurité ou aux codes du bâtiment sont corrigées promptement[41].

En réponse à une question sur le sujet, M. Perron a confirmé que Santé Canada n’avait pas fait l’objet d’enquêtes des commissions provinciales de la santé et de la sécurité au travail à la suite des infractions observées[42]. M. Perron a ajouté que le Ministère investit, au moyen des accords de contributions conclus avec les Premières Nations, environ 30 millions de dollars par année dans la réparation, la rénovation et la construction d’installations de santé, et 44 millions de dollars supplémentaires dans l’entretien et le fonctionnement des installations. Santé Canada s’affaire aussi à mettre en œuvre un meilleur système permettant de faire le suivi des inspections et de la résolution des lacunes[43].

Le BVG a aussi vérifié si les postes de soins infirmiers construits depuis 2009 respectaient les codes du bâtiment applicables[44]. Le Ministère a fourni des certificats d’exécution substantielle des travaux pour cinq des neuf établissements, mais le BVG a constaté que ces documents ne comportaient aucune mention attestant que l’établissement avait été construit selon les codes du bâtiment applicables[45]. Le BVG a donc recommandé que Santé Canada travaille avec les communautés des Premières Nations afin de s’assurer que les nouveaux postes de soins infirmiers sont construits conformément aux codes du bâtiment applicables[46].

Les installations de santé construites sur les réserves appartiennent aux Premières Nations selon la Loi sur les Indiens. Cependant, M. Perron a dit au Comité que Santé Canada finance chaque année la construction d’un ou deux projets de poste de soins infirmiers dans des communautés éloignées. Ces projets ont une valeur allant de 12 à 15 millions de dollars. La planification des projets dure de deux à trois ans, le temps que les matériaux de construction nécessaires soient livrés dans les communautés[47]. Santé Canada a révisé ses exigences relatives aux attestations de conformité des nouveaux postes de soins infirmiers aux codes du bâtiment. Valerie Gideon, sous‑ministre adjointe des Opérations régionales à Santé Canada, a fourni les précisions suivantes :

Nous avons toujours exigé que les ingénieurs et les architectes qui travaillent à un projet attestent par écrit que le code du bâtiment a été respecté. Cependant, à la lumière du rapport, nous veillons maintenant à ce que ce soit précisé dans nos protocoles d’entente avec la communauté, afin de recevoir à la fin du projet de construction un rapport attestant que les codes du bâtiment ont absolument été respectés. Cela a toujours fait partie de nos exigences[48].

D. Capacité d’offrir les services essentiels

Santé Canada doit savoir si les postes de soins infirmiers peuvent fournir les services essentiels, et les membres des Premières Nations, eux, doivent savoir quels services offrent les postes de soins infirmiers de leur communauté[49]. Le BVG a vérifié si le Ministère avait défini les services essentiels qu’offrent les postes de soins infirmiers et s’il avait communiqué aux membres des Premières Nations les services essentiels qui sont fournis[50].

Le BVG a constaté que, même s’il avait défini les services essentiels que chaque poste de soins infirmiers devrait offrir, Santé Canada n’avait pas évalué si chacun d’entre eux était capable de les fournir. Il a aussi remarqué que le Ministère n’avait pas communiqué aux membres des Premières Nations les services essentiels qui sont offerts par les postes de soins infirmiers[51]. Le BVG a donc recommandé que Santé Canada travaille avec les communautés des Premières Nations afin de s’assurer que les postes de soins infirmiers ont la capacité d’offrir les services de santé essentiels et de communiquer les services qu’offre chaque poste de soins infirmiers[52].

Dans sa réponse aux recommandations du BVG, Santé Canada a indiqué qu’il passerait en revue l’ensemble des soins cliniques en vue de mettre sur pied des équipes interprofessionnelles, et qu’il fournirait, en collaboration avec les Premières Nations, une liste de tous les services de soins cliniques offerts par chaque poste infirmier[53].

PRESTATIONS DE TRANSPORT POUR RAISON MÉDICALE

Santé Canada accorde des prestations de transport pour raison médicale afin que les membres des Premières Nations puissent obtenir des services de santé qui sont nécessaires sur le plan médical et qui ne sont pas offerts dans les communautés éloignées des Premières Nations. Ces prestations comprennent les déplacements par voie terrestre, aérienne ou navigable, les frais de subsistance, les frais de transport des professionnels de la santé, le transport d’urgence ainsi que les frais de transport et de subsistance d’un accompagnateur[54]. Le transport pour raison médicale est le plus souvent requis pour les situations d’urgence (24 % des cas), les services hospitaliers (10 %), les rendez‑vous avec un omnipraticien (7 %), et les services dentaires (5 %)[55]. Le BVG a examiné un échantillon de 50 demandes de prestations de transport pour raison médicale de Santé Canada pour déterminer si les membres des Premières Nations étaient inscrits dans le Système d’inscription des Indiens d’Affaires autochtones et Développement du Nord Canada et dans le Système de vérification du statut de Santé Canada. Il a aussi examiné un échantillon de 21 naissances déclarées au Manitoba au cours de l’année civile 2013, afin de déterminer si ces enfants étaient inscrits dans le Système d’inscription des Indiens[56].

Le BVG a constaté que les demandes de prestations de transport concernaient toutes des membres inscrits des Premières Nations[57]. Cependant, tous les enfants n’avaient pas été inscrits par leurs parents après la naissance[58]. Étant donné que les personnes non inscrites peuvent se voir refuser l’accès aux prestations de transport pour raison médicale, le BVG a recommandé que Santé Canada travaille avec les communautés des Premières Nations et avec Affaires autochtones et Développement du Nord Canada en vue de faciliter l’inscription des membres des Premières Nations[59].

Le BVG a également vérifié si la documentation constituée par les bureaux régionaux de Santé Canada était suffisante pour démontrer que les prestations de transport pour raison médicale étaient administrées selon le Cadre de travail sur le transport pour raison médicale (2005) du Ministère et conformément à la Directive sur la tenue de documents (2009) du Conseil du Trésor[60]. Le BVG a observé que cette documentation était insuffisante[61]. Il a donc recommandé que Santé Canada maintienne la documentation nécessaire pour démontrer que les prestations de transport pour raison médicale sont administrées conformément à la politique[62].

M. Perron a décrit le processus à suivre pour recevoir des prestations de transport pour raison médicale :

Chaque fois qu’une personne doit quitter une collectivité éloignée, elle va au poste de soins infirmiers. Le poste de soins infirmiers communique ensuite avec le Bureau régional de Santé Canada et dit que le patient doit se déplacer à un endroit pour un rendez‑vous avec un médecin, par exemple, pour un rayon X. Notre agent va vérifier si le client est inscrit et si la demande est admissible au titre du cadre, puis confirmera avec tous les fournisseurs qui vont aider le client à se rendre à son rendez‑vous que nous allons assumer les coûts de ces services[63].

M. Perron a expliqué que, si quelqu’un a besoin d’être transporté d’urgence, le service sera fourni, et Santé Canada confirmera par la suite l’inscription : « Dès qu’il est possible d’avoir un protocole avec les autorités de santé régionales ou le régime de santé provincial, nous laisserons ces partenaires décider du transport puis nous entrerons en jeu après le fait pour régler les détails administratifs et financiers pour que les gens obtiennent les services[64]. »

En ce qui a trait à la documentation, M. Perron a dit au Comité que le Ministère avait mis en application des lignes directrices afin de combler les écarts entre ses pratiques et le cadre de transport médical pour ce qui est du niveau de documentation requis[65]. En outre, de manière plus générale, Santé Canada mène conjointement avec l’Assemblée des Premières Nations un examen du programme de services de santé non assurés[66].

AFFECTATION DES RESSOURCES DE SOUTIEN ET ACCÈS COMPARABLE À DES SERVICES

Santé Canada s’est donné l’objectif suivant : s’assurer que les membres des Premières Nations vivant dans des communautés éloignées ont un accès aux services de soins cliniques et aux clients qui se compare à celui des autres résidants vivant dans des régions similaires[67]. Le BVG a examiné un échantillon de plans de santé de communautés des Premières Nations afin de déterminer si Santé Canada avait pris en compte les besoins en matière de santé des communautés éloignées des Premières Nations lors de l’affectation des ressources de soutien pour les services de soins cliniques et aux clients[68].

Le BVG a constaté que le nombre d’infirmières affectées à chaque poste de soins infirmiers était fondé sur les affectations passées – auxquelles on effectue des ajouts –, plutôt que sur les besoins actuels[69]. Le BVG a donc recommandé que Santé Canada collabore avec les communautés des Premières Nations et qu’il prenne en compte leurs besoins en matière de santé lors de l’affectation des effectifs infirmiers[70].

En réponse à cette préoccupation du BVG, M. Perron a fait valoir que Santé Canada bonifiera son « appui à la planification sanitaire afin d’améliorer l’intégration des programmes communautaires et des services cliniques lorsque ces services sont assurés par Santé Canada[71] ». Le Ministère dialoguera aussi avec les communautés des Premières Nations afin de revoir le modèle actuel de prestations des services et l’affectation de ressources aux soins cliniques[72].

En outre, le BVG a vérifié si Santé Canada avait l’assurance raisonnable que les membres des Premières Nations vivant dans des communautés éloignées ont un accès aux services de soins cliniques et aux clients qui se compare à celui des autres résidants de la province vivant dans des régions similaires[73]. Le BVG a constaté que le Ministère n’avait pas établi de critères précis et mesurables pour déterminer s’il avait atteint son objectif concernant l’accès comparable aux services de soins cliniques et aux clients[74]. Ce problème a aussi été signalé dans un rapport d’audit interne de Santé Canada en 2010[75]. Le BVG a donc recommandé que Santé Canada s’assure que les membres des Premières Nations vivant dans des communautés éloignées ont un accès comparable aux services de soins cliniques et aux clients[76].

M. Perron a fait savoir au Comité que Santé Canada renforcera son appui à la planification sanitaire afin d’améliorer l’intégration des programmes communautaires et des services cliniques[77]. Le Ministère favorise également la qualité du service fourni dans les institutions de santé au moyen de l’accréditation, qui exige d’appliquer des normes uniformes[78]. Mme Buckland a signalé que, jusqu’à présent, un seul poste de soins infirmiers – exploité par une Première Nation du Québec – avait reçu l’accréditation. Santé Canada s’est engagé à faire passer le nombre de postes accrédités à 18 d’ici 2018[79].

COORDINATION DES SERVICES DE SANTÉ ENTRE LES SECTEURS DE COMPÉTENCE

La responsabilité en matière de prestation des services de santé aux membres des Premières Nations est partagée entre les ministères fédéraux, les provinces et les territoires, de même que les organisations et les communautés des Premières Nations. L’absence de définition claire des rôles et des responsabilités des intervenants peut donner lieu à des lacunes dans l’offre de services et à des problèmes d’accès aux services de santé financés par les gouvernements fédéral et provinciaux[80]. Le BVG a vérifié si Santé Canada avait trouvé des solutions réalistes aux enjeux liés aux divers secteurs de compétence, comme le manque d’intégration des services, les problèmes liés au partage de l’information médicale et l’absence de définition claire de la responsabilité liée au financement du transfert des patients d’un établissement de santé à un autre[81].

Le BVG a observé que, au Manitoba et en Ontario, des comités et des groupes de travail officiels étudiaient ces questions, que des réunions avaient lieu et que des rapports provisoires avaient été produits sur le sujet[82]. Ces efforts n’ont cependant pas encore donné de résultats clairs pour les membres des Premières Nations. Par exemple, des comités formés de représentants de Santé Canada et d’autres intervenants du Manitoba n’ont pas réussi à trouver des solutions réalistes aux enjeux liés aux divers secteurs de compétence[83]. Le BVG a donc recommandé que Santé Canada collabore avec les organisations et les communautés des Premières Nations afin d’établir des mécanismes de coordination efficaces[84].

Selon M. Perron, Santé Canada utilise des « tables » de cogestion et des tables trilatérales afin d’engager des discussions avec ses partenaires des provinces et des Premières Nations, et ainsi de promouvoir les pratiques communes et de résoudre les problèmes systémiques[85]. Mme Gideon a parlé de ces tables :

[N]ous avons une table trilatérale en Ontario avec le ministère de la Santé et des Soins de longue durée. Nous avons aussi une table de concertation pour le Nord que nous avaient demandée les Premières Nations de cette région et, à cette table, qui se rencontre depuis cette année seulement, nous prévoyons que nous allons beaucoup parler des soins cliniques, des soins aux clients et du transport médical, et que nous allons collaborer avec les Premières Nations quant aux mesures de suivi qui seront prises. Au Manitoba, nous avions depuis plusieurs années un comité composé surtout de fonctionnaires subalternes, et il s’agit maintenant d’un comité regroupant des sous‑ministres adjoints, avec la province du Manitoba, le grand chef de l’Assemblée des chefs du Manitoba et moi‑même. De plus, grâce à cette table, nous allons faire participer les Premières Nations du Manitoba aux mesures que nous prendrons suivant ce rapport pour assurer que nous faisons la surveillance du progrès et du partenariat avec les Premières Nations[86].

RAPPORT SUR LES PROGRÈS RÉALISÉS

Dans son rapport d’audit, le BVG a présenté à Santé Canada 11 recommandations visant à améliorer l’accès aux services de santé pour les membres des Premières Nations vivant dans une communauté éloignée. M. Ferguson a expliqué pourquoi le BVG avait fait 11 recommandations : « Ces questions se prêtaient à des recommandations très précises et très concrètes pour lesquelles il devrait être facile de déterminer si le Ministère a pu mettre en place les mesures nécessaires pour y donner suite[87]. » Il a fait valoir comment le Ministère peut tirer parti des recommandations : « Si [Santé Canada] peut mettre en place des mesures pour régler les problèmes que nous avons relevés, pour suivre les recommandations que nous avons formulées, nous croyons qu’il est possible pour le ministère d’améliorer sensiblement les services offerts aux Premières Nations dans des régions éloignées[88]. »

Le Ministère a fourni au Comité un plan d’action détaillé indiquant comment il compte appliquer chacune des recommandations. Comme la plupart des mesures prévues dans le plan doivent être prises avant septembre 2016, le Comité formule la recommandation suivante :

RECOMMANDATION 2

Que, d’ici le 30 septembre 2016, Santé Canada présente au Comité permanent des comptes publics un rapport sur les progrès réalisés dans l’application des recommandations faites par le vérificateur général du Canada dans son Rapport 4 des rapports du printemps 2015.

CONCLUSION

Étant donné que les membres des Premières Nations vivant dans une communauté éloignée ont un accès limité au système de santé de leur province, il est important que le gouvernement fédéral veille à ce qu’ils aient accès aux services de santé essentiels, que ce soit par le biais des services de soins cliniques et aux clients fournis par les postes de soins infirmiers établis dans les communautés des Premières Nations, ou par celui des prestations de transport accordées pour recevoir des services de santé à l’extérieur de leur communauté.

Le BVG a conclu que, dans l’ensemble, Santé Canada n’avait pas l’assurance raisonnable que les membres des Premières Nations vivant dans des communautés éloignées avaient accès à des services de soins cliniques et aux clients, ainsi qu’à des prestations de transport pour raison médicale[89]. Le BVG a mis en lumière des problèmes concernant le taux de réussite des cours de formation obligatoires chez les infirmières et le fait que celles‑ci puissent outrepasser leur champ d’exercice établi par la loi. Par ailleurs, en ce qui a trait aux postes de soins infirmiers, Santé Canada ne s’est pas assuré que les lacunes relatives aux exigences en matière de santé et de sécurité ou aux codes du bâtiment soient corrigées, et il n’a pas vérifié si chaque poste était apte à fournir des services de santé essentiels[90]. Pour ce qui est des prestations de transport pour raison médicale, il s’est avéré que des membres des Premières Nations ne s’étaient pas inscrits et n’y avaient donc pas droit, et que Santé Canada n’avait pas maintenu la documentation nécessaire pour démontrer que les prestations sont administrées conformément à la politique[91]. Enfin, Santé Canada n’a pas tenu compte des besoins des communautés lors de l’affectation des ressources de soutien et il n’a pas atteint son objectif consistant à s’assurer que les membres des Premières Nations vivant dans des communautés éloignées ont un accès aux services de soins cliniques et aux clients qui se compare à celui des autres résidants vivant dans des régions similaires[92].

En réponse à l’audit, Santé Canada s’est engagé à augmenter le taux de réussite des infirmières aux cours obligatoires, ce qui exigera d’améliorer le recrutement et le maintien en poste des infirmières. Le Ministère a mis en œuvre un nouveau système permettant de déterminer si les lacunes mises en lumière lors des inspections des postes de soins infirmiers sont résolues. Il a également clarifié les exigences relatives aux attestations de conformité des nouveaux postes de soins infirmiers aux codes du bâtiment applicables. En outre, Santé Canada a établi des lignes directrices visant à combler les écarts entre ses pratiques et le cadre de politique pour ce qui est du niveau de documentation requis par les prestations de transport pour raison médicale. Le Ministère s’est engagé à dialoguer avec les communautés des Premières Nations afin de revoir le modèle actuel de prestations des services et l’affectation de ressources aux soins cliniques, et il s’affaire, en collaboration avec d’autres autorités responsables, à améliorer la coordination des services. Le Comité s’attend à ce que Santé Canada continue d’apporter les améliorations nécessaires pour que les membres des Premières Nations vivant dans une communauté éloignée aient accès aux services de santé dont ils ont besoin.

 


[1]             Vérificateur général du Canada, « Rapport 4 — L’accès aux services de santé pour les communautés éloignées des Premières Nations », Printemps 2015 — Rapports du vérificateur général du Canada, Ottawa, 2015, paragr. 4.3.

[2]             Ibid., paragr. 4.4.

[3]             Ibid., paragr. 4.5.

[4]             Ibid., paragr. 4.7.

[5]             Chambre des communes, Comité permanent des comptes publics, Témoignages, réunion no 62, 2e session, 41e législature, 1er juin 2015, 1550.

[6]             Réunion no 62.

[7]             Vérificateur général du Canada, Rapport 4, paragr. 4.14.

[8]             Ibid., paragr. 4.16.

[9]             Ibid., paragr. 4.22.

[10]           Ibid., paragr. 4.23-4.25.

[11]           Ibid., paragr. 4.26.

[12]           Ibid.

[13]           Ibid., paragr. 4.27.

[14]           Réunion no 62, 1600.

[15]           Ibid., 1540.

[16]           Ibid., 1655.

[17]           Ibid., 1600.

[18]           Ibid., 1605.

[19]           Ibid., 1625.

[20]           Ibid., 1635.

[21]           Ibid., 1540.

[22]           Ibid., 1650.

[23]           Ibid., 1650.

[24]           Ibid., 1650.

[25]           Ibid.

[26]           Ibid., 1540.

[27]           Vérificateur général du Canada, Rapport 4, paragr. 4.33.

[28]           Ibid., paragr. 4.32.

[29]           Ibid., paragr. 4.34.

[30]           Réunion no 62, 1530.

[31]           Vérificateur général du Canada, Rapport 4, paragr. 4.37.

[32]           Réunion no 62, 1620.

[33]           Ibid., 1635.

[34]           Ibid., 1640.

[35]           Vérificateur général du Canada, Rapport 4, paragr. 4.46.

[36]           Ibid., paragr. 4.42.

[37]           Ibid., paragr. 4.44.

[38]           Ibid., paragr. 4.48.

[39]           Ibid., paragr. 4.50.

[40]           Ibid., paragr. 4.51 et 4.52.

[41]           Ibid., paragr. 4.53.

[42]           Réunion no 62, 1620.

[43]           Ibid., 1540.

[44]           Vérificateur général du Canada, Rapport 4, paragr. 4.54.

[45]           Ibid., paragr. 4.55.

[46]           Ibid., paragr. 4.56.

[47]           Réunion no 62, 1555.

[48]           Ibid., 1705.

[49]           Vérificateur général du Canada, Rapport 4, paragr. 4.59.

[50]           Ibid., paragr. 4.61.

[51]           Ibid., paragr. 4.63.

[52]           Ibid., paragr. 4.64 et 4.65.

[53]           Ibid., paragr. 4.64 et 4.65.

[54]           Vérificateur général du Canada, Rapport 4, paragr. 4.68.

[55]           Réunion no 62, 1540.

[56]           Vérificateur général du Canada, Rapport 4, paragr. 4.74.

[57]           Ibid., paragr. 4.78.

[58]           Ibid., paragr. 4.79.

[59]           Ibid., paragr. 4.80.

[60]           Ibid., paragr. 4.86.

[61]           Ibid., paragr. 4.89.

[62]           Ibid., paragr. 4.91.

[63]           Réunion no 62, 1615.

[64]           Ibid.

[65]           Ibid., 1540.

[66]           Ibid., 1545.

[67]           Vérificateur général du Canada, Rapport 4, paragr. 4.95.

[68]           Ibid., paragr. 4.100.

[69]           Ibid., paragr. 4.105.

[70]           Ibid., paragr. 4.107.

[71]           Réunion no 62, 1545.

[72]           Ibid.

[73]           Vérificateur général du Canada, Rapport 4, paragr. 4.112.

[74]           Ibid., paragr. 4.113.

[75]           Ibid., paragr. 4.115.

[76]           Ibid., paragr. 4.116.

[77]           Réunion no 62, 1545.

[78]           Ibid., 1625.

[79]           Ibid., 1625.

[80]           Vérificateur général du Canada, Rapport 4, paragr. 4.120.

[81]           Ibid., paragr. 4.122 et 4.123.

[82]           Ibid., paragr. 4.124.

[83]           Ibid., paragr. 4.126-4.128.

[84]           Ibid., paragr. 4.131.

[85]           Réunion no 62, 1545.

[86]           Ibid., 1625.

[87]           Réunion no 62, 1705.

[88]           Ibid., 1615.

[89]           Vérificateur général du Canada, Rapport 4, paragr. 4.132.

[90]           Ibid., paragr. 4.133.

[91]           Ibid., paragr. 4.134.

[92]           Ibid., paragr. 4.135.