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TRAN Rapport du Comité

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Comité permanent des transports, de l’infrastructure et des collectivités
Opposition officielle – Nouveau Parti démocratique du Canada

Examen du régime canadien de sécurité des transports :
Le transport des matières dangereuses et les systèmes de gestion de la sécurité

Opinion complémentaire

Le 6 juillet 2013, un train de marchandises à la dérive, comptant 74 wagons chargés d’un mélange mortel de pétrole brut mal identifié et de gaz volatils, a déraillé, pris feu puis explosé, à Lac-Mégantic, au Québec – fauchant sur son passage 47 vies, détruisant 30 édifices, contaminant une rivière et un lac, et incendiant une ville au point de la rendre méconnaissable. La tragédie qui a transformé Lac‑Mégantic s’est déroulée en quelques heures. Or, les circonstances qui ont mené à cette catastrophe ne se sont pas enchaînées du jour au lendemain, et elles étaient entièrement évitables.

Assurer la protection du public fait partie des responsabilités essentielles du gouvernement. L’opposition officielle est d’avis qu’en tant que législateurs, nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour que des drames comme celui de Lac-Mégantic n’arrivent plus jamais. À la suite de la catastrophe, le député de l’opposition officielle siégeant au Comité des transports a demandé que soit entreprise de toute urgence une étude visant à revoir toutes les recommandations des autorités compétentes et des experts auxquelles Transports Canada n’avait pas encore donné suite. Malheureusement, les députés conservateurs et libéraux du Comité n’étaient pas d’accord pour que l’on fasse d’urgence une étude sur la sécurité ferroviaire et notre proposition a été rejetée.

Heureusement, après cinq mois, le Comité a ensuite accepté de mener la présente étude sur le transport des marchandises dangereuses et les systèmes de gestion de la sécurité. Nous sommes reconnaissants à tous les témoins d’avoir pris le temps de nous faire part de leurs points de vue et de leur expertise dans le but d’améliorer la sécurité dans le secteur des transports. Le rapport intermédiaire majoritaire du Comité résume d’ailleurs bien leurs témoignages. Veuillez noter que seulement le rapport final contiendra des recommandations. 

L’opposition officielle voudrait quand même attirer l’attention sur plusieurs domaines essentiels dans lesquels Transports Canada doit prendre des mesures immédiates pour renforcer la sécurité dans le secteur canadien du transport ferroviaire.

Inspections et vérifications

Depuis 2009, les expéditions de pétrole brut par rail ont connu une croissance fulgurante, passant d’à peine 500 wagons-citernes par année à 160 000 l’an dernier seulement – soit une augmentation de plus de 300 fois. Le rapport intermédiaire majoritaire indique que les expéditions par train devraient augmenter pour atteindre l’équivalent de 510 000 wagons-citernes par an d’ici 2016. Ce sont de bonnes nouvelles pour les compagnies ferroviaires, mais l’industrie et Transports Canada ont tardé dangereusement à réagir aux nouveaux risques inhérents à cet accroissement de l’activité.

La première mission d’un gouvernement est d’assurer la sécurité de la population. Sous les gouvernements libéraux et conservateurs successifs, les vérifications requises, les inspections aléatoires et l’application rigoureuse de la réglementation, qui sont nécessaires pour respecter des normes de sécurité de base, ont été reléguées au second plan. Le Bureau de la sécurité des transports (BST) du Canada a recommandé que les principales voies ferrées soient inspectées deux fois par année, et les voies secondaires, au moins une fois par année. La ministre des Transports a confirmé que cette recommandation serait mise en œuvre. Dans son rapport de l’automne 2013, le vérificateur général du Canada a sévèrement critiqué le gouvernement pour avoir négligé la sécurité ferroviaire, à cause d’un manque de surveillance, d’inspections inadéquates et de l’absence de mesures d’assurance de la qualité. Se contenter de ne faire qu’une des quatre vérifications de la sécurité ferroviaire prévues revient à compromettre sérieusement la sécurité du public.

« Transports Canada devrait déterminer et élaborer une stratégie pour s’assurer que le nombre d’inspecteurs qui possèdent les capacités et les compétences nécessaires est suffisant pour planifier et assurer la surveillance des compagnies de chemin de fer de compétence fédérale, y compris la surveillance des systèmes de gestion de la sécurité (SGS). » Rapport de l’automne 2013 du vérificateur général du Canada

Infractions et exemptions

Avec plusieurs années de retard, et sous la pression des experts et du NPD, le gouvernement a finalement mis en œuvre la réglementation permettant d’imposer des sanctions aux compagnies de chemin de fer qui enfreignent les règles de sécurité. De telles dispositions sont déjà en vigueur aux États-Unis depuis des années. Transports Canada a documenté des infractions aux normes de sécurité commises par la Montreal, Maine and Atlantic (MMA), la compagnie ferroviaire impliquée dans la tragédie de Lac-Mégantic, en 2004, 2009, 2001 et 2012. Il est absolument inacceptable que l’on n’ait pas disposé plus tôt d’un instrument réglementaire permettant d’imposer des sanctions. Cette impunité a contribué au relâchement de la culture de sécurité ferroviaire au Canada. La ministre doit se faire rassurante auprès des Canadiens en leur garantissant que désormais, ce nouvel instrument sera utilisé en cas d’infractions.

Aussi, la ministre doit faire preuve de retenue dans la délivrance d’exemptions aux compagnies ferroviaires qui voudraient éviter de se conformer aux pratiques réglementaires en vigueur. La réglementation existe pour une raison : assurer la protection du public; mais quand des exemptions sont accordées, les risques qui pèsent sur le public augmentent. M. Richard Boudreault, représentant le Syndicat des Métallos, a déclaré que la sécurité « est mise en danger lorsqu’un ministre des Transports accorde des exemptions aux sociétés ferroviaires comme s’il distribuait des bonbons à l’Halloween ». Actuellement, on ne divulgue pas suffisamment d’information sur ceux qui bénéficient d’exemptions, les motifs pour lesquels ils reçoivent ces exemptions et le moment auquel ils comptent se plier à la réglementation existante. Cela doit cesser.

Transports Canada a accordé à la MMA une exemption lui permettant de n’avoir qu’un seul conducteur à bord de ses trains; plusieurs témoins ont déclaré que c’était totalement inacceptable.  La plus récente version de la Loi sur la mise en œuvre du budget, C-31, accorde également au ministre le droit d’adopter des règlements avec moins de consultations publiques préalables. Le NPD est préoccupé par le fait que le système en sera moins transparent.

Meilleures planification et préparation aux situations d’urgence

Comme l’ont confirmé le groupe de travail sur le Plan d’intervention d’urgence (PIU) et le vérificateur général, Transports Canada pâtit d’un manque généralisé d’information. Le Ministère ignore la destination des quelque 400 000 wagons qui transportent des produits dangereux, ce que contiennent ces wagons et quelles voies ils empruntent. Il est donc impossible, pour le gouvernement, de savoir quelles communautés courent des risques. Transports Canada doit mettre à la disposition du public des données de meilleure qualité, afin d’aider les municipalités et les premiers répondants à protéger la population en cas d’urgence; il faut également que le programme du PIU soit financé adéquatement, de manière à ce qu’on puisse revoir, approuver, inspecter et surveiller tous les plans de façon efficiente et efficace.

Transports Canada doit aussi s’assurer que les organismes municipaux et gouvernementaux compétents, le personnel des compagnies ferroviaires, les entrepreneurs privés et d’autres intervenants concernés suivent les exercices d’entraînement essentiels, afin d’être prêts à intervenir en cas d’incidents liés au transport de matières dangereuses. Les municipalités doivent recevoir le soutien financier nécessaire pour mettre en œuvre le PIU. Il convient également de finaliser la réglementation sur les passages à niveau et les plans de gestion environnementale, en plus de mettre en œuvre un système de collecte et d’analyse de données sur le rendement en matière de sécurité ferroviaire.

Systèmes de gestion de la sécurité (SGS)

Douze ans après la déréglementation des normes de sécurité ferroviaire, dans le cadre du régime de gestion de la sécurité, le gouvernement fédéral n’est plus en mesure de garantir la sécurité des chemins de fer canadiens. C’est ce qu’ont confirmé le vérificateur général, en 2013, et de nombreux témoins, tout au long de l’étude qu’a menée le Comité.

« Nous avons dit très clairement aujourd'hui que le système de gestion de la sécurité n'existe pas. Il n'y a aucune culture de sécurité. Les chemins de fer ne sont pas sûrs. »  M. Phil Benson, lobbyiste, Teamsters Canada

« On a également exprimé des préoccupations liées au fait que le SGS permet aux sociétés de s’autoréglementer, ce qui retire au gouvernement la capacité de protéger les Canadiens et leur environnement et qui permet à l’industrie de cacher à la population et au gouvernement des renseignements essentiels en matière de sécurité. » M. Emile Therien, ancien président, Conseil canadien de la sécurité, à titre personnel.

La ministre doit publier les modifications destinées à resserrer la réglementation applicable au SGS, élaborer un plan d’action pour la mise en œuvre intégrale du SGS et mettre au point un outil pour assurer une surveillance continue de cette mise en œuvre. Il faut également faire davantage pour protéger les dénonciateurs et veiller à ce que les compagnies ferroviaires respectent les normes sur la gestion de la fatigue. 

« D’après ce que je comprends, il y a actuellement des lacunes en matière de protection pour les employés de sociétés de chemins de fer qui dénoncent des infractions liées à la sécurité à Transports Canada. On ne leur permet pas de contourner le SGS de leur société. Si cette société a déjà conclu que la plainte présentait un risque tolérable, on ne peut rien faire, et Transports Canada n’en entendra jamais parler. Il faut intégrer la protection des dénonciateurs à la Loi sur la sécurité ferroviaire, et il faut le faire rapidement. » M. Emile Therien, ancien président, Conseil canadien de la sécurité, à titre personnel.

Déjà, en 1994, le Bureau de la sécurité des transports du Canada avait découvert que les wagons DOT-111 sont de conception plutôt médiocre, de sorte qu’ils « se rompent souvent lorsqu’ils sont mis en cause dans des accidents ». Après des années pendant lesquelles se sont succédé les incidents, les recommandations d’experts et les pressions du NPD, le gouvernement a finalement accepté de retirer graduellement les wagons DOT-111 de la circulation pour le transport des matières dangereuses. Bien que nous nous réjouissions de cette annonce, nous demandons un plan d’action détaillé sur la façon dont le secteur atteindra cet objectif d’ici trois ans, et voulons que Transports Canada s’assure que les compagnies commencent immédiatement à se débarrasser progressivement de ces wagons non adaptés au transport de produits très volatils, comme le pétrole hautement inflammable qui a causé la dévastation de Lac-Mégantic. Il est vraiment désolant de voir qu’il a fallu une tragédie de cette ampleur pour que le gouvernement daigne enfin agir.

Le BST a également recommandé que l’on analyse les risques reliés aux itinéraires  afin de déterminer les routes et les vitesses les plus sécuritaires. Il semble que le gouvernement s’en remette aux compagnies ferroviaires pour cette analyse. Nous nous demandons pourquoi Transports Canada n’est pas impliqué dans ce processus.

Le Comité permanent des transports, de l’infrastructure et des collectivités doit faire des recommandations fermes dans son rapport final, reflétant les témoignages qu’il a recueillis. Le NPD s’attend du gouvernement qu’il informe régulièrement la population des progrès accomplis dans la mise en œuvre des recommandations du vérificateur général. Le Bureau de la sécurité des transports devrait publier bientôt son rapport d’enquête final sur la tragédie de Lac-Mégantic. Le gouvernement du Canada devra donner suite sans tarder à toutes les recommandations que le Bureau aura formulées.

Il ne faut plus jamais qu’une catastrophe comme celle qui a frappé Lac-Mégantic se produise ailleurs. Les Canadiens et les Canadiennes ont le droit d’obtenir la meilleure protection possible et l’assurance que nos chemins de fer sont sécuritaires. Nous n’exigerons rien de moins lorsqu’il en va de la sécurité de nos collectivités et de nos familles.