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Monsieur le Président, j'ai beaucoup à dire sur cette question.
Nous parlons du projet de loi C-2 aujourd'hui, celui sur les centres d'injection sécuritaire, et je parlerai en premier de ce que devrait être l'objet de ce projet de loi.
Je pense que le projet de loi devrait avoir pour objet de sauver des vies, de réduire l'incidence de maladies, de réduire les méfaits. Il devrait viser la santé publique et aussi la sécurité publique.
Pour tout dire, très souvent, c'est le gouvernement qui décide de l'orientation d'un projet de loi et nous répliquons en conséquence; toutefois, dans le cas présent, le projet de loi fait suite à une décision de la Cour suprême du Canada. Nous savons donc à l'avance ce sur quoi il devrait porter. Nous pouvons lire cette décision pour savoir ce que devrait viser le projet de loi. Toutefois, en examinant ce projet de loi, nous constatons qu'il ne va pas du tout dans le même sens. Il ne donne pas suite, comme il se doit, à la décision de la Cour suprême du Canada.
Comme les députés le savent probablement, la Cour suprême du Canada s'était penchée sur une affaire concernant le centre Insite, à Vancouver, un site d'injection sécuritaire supervisée. Cet établissement est exempté de l'application de l'article 56 de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.
Il y a eu contestation et la Cour suprême du Canada a décrit, sans équivoque, Insite comme un modèle pour d'autres centres d'injection sécuritaire. Je vais lire quelques citations sur cette affaire, car elles nous disent ce que devrait viser le projet de loi . Ce que le tribunal a dit est fascinant.
Le tribunal a bien déclaré que la décision du ministre de fermer Insite portait atteinte aux droits de sa clientèle en vertu de la Charte et qu'elle était « [...] arbitraire; elle va à l’encontre des objectifs mêmes de la Loi [réglementant certaines drogues et autres substances], notamment la santé et la sécurité publiques. »
La décision est arbitraire et je démontrerai, dans quelques minutes, que la mesure législative proposée est une réponse arbitraire.
Dans son jugement, le tribunal a aussi déclaré:
La violation en cause est grave; elle met en danger la santé, en fait, la vie, des demandeurs et des personnes qui se trouvent dans la même situation. On ne peut faire fi des graves conséquences qui peuvent découler d’une expiration de l’exemption constitutionnelle dont Insite bénéficie actuellement. Les demandeurs seraient engagés à nouveau dans le processus de demande qu’ils avaient entrepris et au bout duquel ils ont échoué, et ils devraient attendre la décision du ministre fondée sur un réexamen des mêmes faits.
La cour parle de danger pour la santé et la vie des demandeurs. Il est donc question de santé ici. Nous parlons des droits en vertu de l'article 7 de la Charte, qui dit que « [c]hacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit [...]. »
La cour a établi à qui le fardeau de la preuve incombe:
[...] le ministre devra exercer sa discrétion conformément aux limites imposées par la loi et par la Charte, en tentant d’établir un juste équilibre entre les objectifs de santé et de sécurité publiques. Suivant la Charte, le ministre doit se demander si le refus d’une exemption porterait atteinte aux droits à la vie et à la sécurité des personnes autrement qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale.
La cour va un peu plus loin:
Dans les cas où, comme en l’espèce, l’existence d’un site d’injection supervisée diminuera le risque de décès et de maladie et où il n’existe guère, sinon aucune preuve qu’elle aura une incidence négative sur la sécurité publique, le ministre devrait en règle générale accorder une exemption.
Remarquer le terme « devrait ». Il n'est pas dit que le ministre « peut »; il s'agit d'un terme contraignant. La cour a très fermement affirmé que le ministre « devrait en règle générale accorder une exemption ».
Or, le projet de loi dont nous sommes saisis renverse le fardeau de la preuve.
Les tribunaux ont dit que ces centres diminueront le risque de décès et de maladie et qu'il n’existe guère de preuve, voire aucune, qu’ils auront une incidence négative sur la sécurité publique. Or, la Chambre est saisie d'une mesure législative qui obligerait les demandeurs à prouver, après maintes démarches, les avantages qu'un tel centre aurait dans un quartier.
On renverse ainsi le fardeau de la preuve, alors que la cour a très clairement établi que rien n'indique que les centres d'injection sécuritaire auraient une incidence négative sur la sécurité publique. Le projet de loi exigerait que les demandeurs fournissent des preuves scientifiques des effets bénéfiques de tels centres sur la santé. Voyons donc! Nous savons que ces centres ont des effets bénéfiques sur la santé. Les ministres responsables devraient rédiger une lettre d'opinion et les demandeurs devraient fournir des renseignements sur les maladies infectieuses et sur les surdoses, une description des services de traitement de la toxicomanie et une description de l'incidence possible que le centre pourrait avoir sur la sécurité publique; la liste est longue.
Le gouvernement fait fausse route, car le projet de loi devrait plutôt porter sur la santé. Il devrait servir à sauver des vies. Il devrait servir à empêcher la propagation de maladies.
À mon avis, un tel projet de loi paralyserait le processus. Il existe un centre d'injection sécuritaire au Canada à l'heure actuelle, Insite, mais si des gens estiment qu'il serait judicieux qu'un tel centre ouvre ses portes dans leur quartier, ils devraient pouvoir l'ouvrir, parce qu'il a été prouvé que les stratégies de réduction des méfaits donnent des résultats. Je tiens à expliquer l'incidence que ce projet de loi, lequel nuirait aux stratégies de réduction des méfaits et empêcherait de sauver des vies, pourrait avoir dans une ville comme Halifax.
Halifax n'a pas de centre d'injection sécuritaire, mais les gens de cette ville adhèrent d'emblée au concept de réduction des méfaits. On y trouve de nombreux établissements de réduction des méfaits, notamment un centre d'échange de seringues, un programme destiné à trouver des logements pour les itinérants, un autobus de sensibilisation à la santé et une clinique ambulante de distribution de méthadone. Halifax comprend bien les avantages de la réduction des méfaits.
Nous n'avons pas de centre d'injection sécuritaire, et il n'est pas prévu pour l'instant d'en aménager un. Cependant, à la suite de cette affaire judiciaire, il a été passablement question, dans les médias, de l'opportunité de doter Halifax d'un centre d'injection sécuritaire, et de la porte que venait d'ouvrir le jugement de la Cour suprême du Canada. Aucun programme de ce genre n'est prévu actuellement en Nouvelle-Écosse, mais le médecin-hygiéniste en chef s'est réjoui publiquement de la décision des juges. Voici ses propos cités dans le journal The Chronicle Herald:
Nous sommes très heureux de cette décision, car elle nous donne le choix d'ouvrir un tel centre à l'avenir. Si les faits le justifient, c'est certainement une solution que nous envisagerons.
Cette déclaration est du Dr Robert Strang, notre médecin-hygiéniste en chef. Il est d'avis que la Cour suprême a pris une sage décision. Il se réjouit que nous puissions, au besoin, doter la Nouvelle-Écosse d'un établissement de ce genre.
Alors, pourquoi serait-ce problématique? Pourquoi les conservateurs réagissent-ils en présentant le projet de loi ? Pourquoi veulent-ils restreindre la liberté des autorités locales d'adopter des mesures pour atténuer les méfaits?
Au moment même où le projet de loi C-2 était déposé, le Parti conservateur du Canada lançait une intéressante petite campagne de financement sur le thème « Garder l'héroïne loin de chez nous ». J'ai le site Web sous les yeux actuellement. Sous le titre « Garder l'héroïne loin de chez nous », il est écrit ceci: « Ajoutez votre nom à la liste croissante de Canadiens qui veulent avoir leur mot à dire avant qu’un site de consommation de drogue supervisé soit ouvert près de là où vit votre famille. »
À première vue, une telle proposition peut sembler raisonnable, mais lorsqu'on jette un coup d'oeil plus loin, on s'aperçoit qu'il s'agit en fait d'une campagne de financement du Parti conservateur doublée d'une campagne de peur:
Voulez-vous d’un centre de consommation de drogue supervisé dans votre communauté ? Ce sont des endroits où des toxicomanes vont s’injecter de l’héroïne et consommer d’autres drogues illicites.
Je n’en veux pas près de chez moi.
Soit dit en passant, monsieur le Président, il n'est pas question d'aménager de tels centres dans des quartiers résidentiels.
Et le site dit encore ceci:
Oui, au moment où j’écris ces lignes, des groupes d’intérêts tentent d’ouvrir de tels sites d’injection supervisés dans des villes partout au Canada — faisant fi des objections des résidants et des forces de l’ordre.
Entre parenthèses, je pose la question suivante: Est-ce vraiment le cas? Quelles objections? Où ces centres ouvriront-ils? Où se trouvent les collectivités qui se dressent contre ces centres? On ne dit rien à ce sujet.
On peut lire: « [...] au moment où j'écris ces lignes, des groupes d'intérêts tentent d'ouvrir de tels [centres]. » Tenter d'assurer la survie des Canadiens constitue-t-il un intérêt spécial? Je ne le pense pas.
Je poursuis:
Nous en avons assez — voilà pourquoi il me fait plaisir de savoir que le gouvernement [de vous savez qui] agit afin de traiter la sécurité de nos communautés en priorité.
Si les députés pouvaient voir le site Web, ils verraient une photo d'une seringue vide sur le trottoir, une image qui nous effraie tous.
Lundi dernier, pendant la semaine d'intersession, je me suis rendue à mon bureau de circonscription à bicyclette. Qu'est-ce que j'ai vu sur le trottoir en face de mon bureau? Une seringue vide. Le North End Community Health Centre se trouve à quelques pas. Il dispose d'un contenant pour objets pointus et tranchants, dans lequel j'ai déposé la seringue.
C'est une histoire vraie. Des gens consomment réellement des drogues injectables dans nos rues.
En fait, je pense que ce ne sont pas les centres d'injection sécuritaire qui constituent une menace à la sécurité publique, mais plutôt le fait qu'il n'y a aucun endroit sécuritaire et supervisé où peuvent se rendre les gens ayant des dépendances, qui peuvent être sans abri et aux prises avec une multitude de problèmes.
J'ai parlé aux responsables de la Metro Non-Profit Housing Association, située un peu plus loin dans la même rue que mon bureau. Ils disent qu'ils trouvent des aiguilles dans leurs salles de bain. Comment cela se fait-il? C'est parce que c'est là que les gens peuvent aller. C'est un endroit privé, chaud et sécuritaire, ou plutôt le lieu le plus sécuritaire où ils peuvent aller. Ils peuvent fermer la porte et consommer leur drogue. Est-ce que c'est acceptable? Je pense que cette situation est davantage un danger pour la sécurité que les centres d'injection sécuritaire.
Derrière mon bureau, dans une ruelle sombre où il se passe des choses, un groupe communautaire a placé un contenant pour objets pointus et tranchants où les consommateurs de drogue peuvent jeter leurs seringues. Il faut être conscient de ce qui se passe dans nos villes. Des gens ont brisé le contenant pour prendre les seringues. Créer une réserve de seringues contaminées où on peut aller se servir, je n'appelle pas cela réduire les méfaits. C'est pourtant ce qui arrive dans nos collectivités.
À quelques pas de mon bureau, un café, qui a fermé ses portes il y a deux ou trois ans, avait dû placer un contenant pour objets pointus et tranchants dans les toilettes. À mon avis, qu'il y ait des seringues dans le café de mon quartier constitue une menace plus grande pour ma sécurité qu'un centre d'injection sécuritaire où l'activité est supervisée et où les seringues sont propres et éliminées comme il se doit. Je préfère nettement avoir un centre d'injection sécuritaire près de mon bureau que de savoir qu'il se trouve derrière mon bureau des seringues contaminées que des gens réutilisent.
C'est une question de sécurité et de santé publique. Je reviendrai sur la question de la santé publique dans un instant, parce que le projet de loi n'en fait mention nulle part et que c'est, d'après moi, inconcevable.
Sur la question de préserver la santé, de sauver des vies et d'endiguer la propagation de la maladie — ce que ce projet de loi devrait faire —, des statistiques existent. Le cente Insite fournit à ce sujet des données concrètes. Depuis son ouverture, le taux de décès par surdose a chuté de 35 % dans Vancouver-Est. C'est une preuve assez concluante. Il y a sûrement quelque chose qui fonctionne bien.
Il est possible de réduire les méfaits. Une étude sur une période d'un an a révélé que les injections dans ce centre n'avaient entraîné aucun décès. En un an, plus de 2 100 utilisateurs d'Insite ont été dirigés vers des services de consultation en toxicomanie ou d'autres services de soutien. Il n'y a pas de tels service d'aiguillage derrière mon bureau.
Ceux qui ont fréquenté Insite au moins une fois par semaine avaient 1,7 fois plus de chances de s'inscrire à un programme de désintoxication que ceux qui ne venaient qu'à l'occasion et probablement bien plus de chances de s'inscrire que les gens de mon quartier.
Un an après l'ouverture d'Insite, le nombre de gens qui se piquaient dans la rue, et la quantité de seringues et objets connexes qui y étaient laissés, a considérablement baissé.
Le risque d'échange de seringues est de 70 % inférieur parmi la clientèle d'Insite. Ce chiffre est énorme. Or, la réduction des échanges de seringues est mondialement considérée comme une pratique exemplaire pour faire baisser les taux de VIH et du sida.
Les usagers d'Insite sont plus susceptibles de se faire soigner, ce qui signifie moins de visites aux urgences et une amélioration des conditions, en santé publique.
J'ai entendu de grands soupirs lorsque je témoignais de ces faits, qui devraient parler d'eux-mêmes. Or, ce n'est pas le cas, puisque nous sommes saisis du projet de loi , qui rend plus difficile la réalisation de tels progrès dans les collectivités.
C'est sur des faits que nous devrions nous fonder, et ces faits montrent que la réduction des méfaits qu'entraînent les pratiques telles que les injections supervisées est réelle. Je suis très fière des initiatives qui sont prises en ce sens dans ma collectivité.
Nous avons le service Mainline Needle Exchange, où l'on peut obtenir des seringues stériles et même se faire adresser à d'autres services.
Nous avons le service Direction 180, qui est une clinique de méthadone. Dernièrement, la clinique a pu acheter un autobus pour desservir des quartiers autres que le North End de Halifax, et s'assurer ainsi que ceux qui ont besoin de méthadone l'obtiennent. Ces gens essaient de surmonter leur toxicomanie; ils essayent de s'améliorer. Il faut que ces programmes de réduction des méfaits soient en place pour qu'ils puissent réussir. Sinon quoi, la mort?
Nous avons aussi le service Mobile Outreach Street Health, ou MOSH, grâce auquel un camion va offrir des soins médicaux là où se trouvent ceux qui en ont besoin, sous les ponts, en pleine nature et dans les refuges pour sans-abri.
Voilà ce dont nous avons besoin. Malheureusement, la réduction des méfaits n'intéresse pas le gouvernement. En témoigne Cindy MacIsaac, qui dirige Direction 180, notre clinique de méthadone. Selon elle, en effet:
La nouvelle approche d'Ottawa consiste à criminaliser ce qui devrait être vu comme un enjeu de santé […] Lorsqu'on remplit une demande de financement au fédéral, on ne peut même plus utiliser le terme « réduction des méfaits ». Les cordons de la bourse se resserrent.
Le projet de loi vise avant tout à attiser la peur. Il n'a pas pour objectif de favoriser la bonne santé ni d'aider les malades à améliorer leur sort. Non: le projet de loi n'est qu'une question de pouvoir — plus de pouvoir pour la ministre, mais moins pour les membres les plus vulnérables de notre société.
Il existe un argument encore plus convaincant à l'encontre du projet de loi: l'opinion des résidants de ma circonscription et des autres Canadiens, qui, eux, savent à quel point les centres d'injection sécuritaire permettent de réduire les méfaits. Ils veulent qu'on puisse ouvrir de tels centres là où le besoin s'en fait sentir.
Les centres d'injection sécuritaire sont un moyen parmi d'autres de sauver des vies, de traiter des malades, d'aider les gens à prendre un nouveau départ, d'améliorer la qualité de vie dans les quartiers et de rendre nos villes plus sûres pour tout le monde. Contrairement à ce que ferait le projet de loi, il faut aplanir les obstacles aux programmes de ce genre. Le gouvernement fait en sorte qu'on ne puisse pas offrir d'aide aux gens qui en ont le plus besoin.
Je rappelle que la toxicomanie n'est pas un choix, c'est une maladie. Quiconque en souffre doit être traité avec la dignité et le respect manifestés envers tout autre malade chronique. Les débats sur les centres d'injection sécuritaire ou les programmes de réduction des méfaits font souvent abstraction du facteur humain, mais je tiens à ce que la Chambre le prenne en considération. Les Canadiens qui souffrent de la toxicomanie souffrent tout autant de la stigmatisation et de la discrimination que suscite cette maladie. Le projet de loi ne tient aucunement compte du facteur humain et compliquerait la mise sur pied de centres d'injection sécuritaire où les toxicomanes pourraient recevoir des soins doublés de compassion.
Pour préparer mon intervention, je me suis adressée à la mission Brunswick Street et au centre d'échange de seringues Mainline. On m'a dit que, dans ma collectivité, les gens dans le besoin sont de plus en plus jeunes, vivent dans des refuges, sont mal logés et présentent de graves problèmes de santé, y compris des problèmes de santé mentale. Or, on ne peut dissocier les problèmes que vivent les toxicomanes de ceux qui sont liés au logement, à la santé, à la pauvreté, à l'éducation ou à la dépendance, autant d'éléments inséparables qui ont le potentiel d'accabler n'importe qui.
Les centres d'injection sécuritaire font partie intégrante de la solution à l'ensemble de ces problèmes. Le programme offert au centre Insite de Vancouver ne concerne pas seulement l'usage de drogues. Les centres d'injection sécuritaire aident les gens en mettant à leur disposition un lieu sûr, des services d'appui par les pairs et des services de santé. Malheureusement, le projet de loi ne tient pas compte de la situation dans son ensemble. Il rend plus difficile l'établissement de centres d'injection sécuritaire au pays et fait en sorte qu'il soit plus difficile pour les collectivités de vouloir s'attaquer à la toxicomanie et aux problèmes connexes.
En l'absence de centre d'injection sécuritaire et de tout autre lieu sûr pour les gens aux prises avec la toxicomanie, nous repoussons ces gens en marge de la société, ce qui aggrave la pauvreté, l'itinérance et les problèmes de santé et de sécurité dans nos collectivités.
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Monsieur le Président, je voudrais communiquer aux députés quelques réflexions concernant le projet de loi . Commençons par l'idée générale que véhiculent les conservateurs au sujet de la consommation de drogue et de ce projet de loi. Quelle impression essaient-ils de transmettre aux Canadiens?
Les conservateurs ne croient pas aux données empiriques et scientifiques. Ils s'intéressent davantage à leur image de parti de justiciers en guerre contre toute forme de criminalité. Que le projet de loi soit justifié ou non n'a rien à y voir.
Le projet de loi est un exemple montrant que le gouvernement s'intéresse avant toute chose à des mesures qui ne correspondent pas nécessairement aux intérêts des Canadiens. Il veut faire résonner bien fort son credo, qui m'apparaît contraire à l'intérêt de l'ensemble des Canadiens. Premièrement, je tiens à exprimer ma déception envers la , qui est responsable de la santé publique et du bien-être des Canadiens. Elle a présenté un projet de loi qui n'est pas de nature à améliorer la santé des personnes ou des collectivités.
La me déçoit tout particulièrement parce que, pendant que les Canadiens s'inquiètent des services de santé, elle ne fait rien pour renouveler l'accord avec les provinces sur les soins de santé qui expirera en 2014. Partout au pays, les gens s'en inquiètent. Nous tenons à nos services de santé comme à la prunelle de nos yeux, et les conservateurs ignorent complètement ce dossier. Ils n'ont même pas rencontré les ministres pour en discuter. C'est un dossier qui nous touche tous de façon bien tangible, mais les conservateurs ont choisi de ne pas s'en occuper. Ils préfèrent propager leur credo, peu importe que ce ne soit pas dans l'intérêt des Canadiens.
La devrait avoir honte de nous présenter un tel projet de loi, tandis qu'elle ignore un dossier d'importance vitale pour tous les Canadiens. Nous mettons la ministre au défi de réfléchir aux préjudices qui pourraient résulter du projet de loi . Elle devrait s'occuper de l'accord sur les soins de santé, qui est très important.
Voilà où réside la différence entre un gouvernement libéral et un gouvernement conservateur-réformiste. Notre parti croit en la collaboration avec les principaux intéressés. Lorsque le centre d'injection supervisé a ouvert ses portes en Colombie-Britannique, le gouvernement libéral d'Ottawa a collaboré étroitement avec eux. Les libéraux ont manifesté leur désir d'aider les gens des quartiers où les aiguilles, les pipes et le reste de l'attirail des toxicomanes étaient jetés. Nous avons cherché à aider les gens qui souffrent grandement de ce problème: les vies détruites, les suicides commis, les surdoses d'héroïne, et ainsi de suite.
Les libéraux n'ont pas agi seuls. Les autorités policières, le gouvernement de la Colombie-Britannique et bien d'autres intervenants ont exprimé leur point de vue. Ils ont tous participé à l'exercice et ils ont conclu que le centre Insite serait utile et qu'il ferait du quartier un endroit plus sain.
Le gouvernement libéral fédéral n'est pas arrivé seul à cette conclusion. Nous nous sommes intéressés à ce que les autres intervenants avaient à dire et nous avons collaboré avec eux. Ce qu'il faut retenir, c'est que nous avons collaboré avec eux. Ce faisant, nous avons appuyé le centre Insite, qui s'est avéré très efficace. Les faits parlent d'eux-mêmes.
Selon ce que je sais, la n'est même pas allée voir ce centre. Pourquoi? Parce que si elle y allait et qu'elle parlait avec le personnel, elle pourrait constater que ce centre est efficace. Elle pourrait également discuter avec les policiers de Vancouver, qui, à ma connaissance, sont en faveur de ce centre. La ministre ne veut pas parler des faits.
La ne veut pas admettre l'utilité réelle de ce centre d'injection supervisée parce qu'il ne cadre pas avec le programme idéologique que veulent appliquer les conservateurs. Ils font fausse route en dépit des faits et des données scientifiques, ce qui est très regrettable. On aurait cru que la serait allée visiter le centre et qu'elle aurait collaboré avec les employés ou, du moins, qu'elle leur aurait parlé pour savoir ce qu'ils avaient à dire. Or, à ma connaissance, ce ne fut pas le cas.
Les autorités locales sont en faveur de ce centre, qu'il soit question du gouvernement provincial ou des policiers, et bien des professionnels de la santé en admettent les avantages et l'appuient eux aussi. En outre, les personnes qui ont recours aux services offerts y sont favorables; ils en ont besoin.
Nous pouvons parler des faits et des vies qui ont été sauvées. Nous pourrions aller visiter des installations, des centres communautaires, des écoles ou des allées et constater que les quartiers sont maintenant plus sûrs grâce à la présence du centre d'injection supervisée.
Il est important que nous soyons conscients de ce genre de choses. Toutefois, le gouvernement conservateur-réformiste fait la sourde oreille parce que cette question n'est pas conforme à son programme politique.
Nous savons à quel point le gouvernement tient à son programme politique. Quelques heures après que la ministre eut présenté le projet de loi, les conservateurs ont lancé une campagne de financement. Ils ont dit que les libéraux et les néo-démocrates souhaitaient qu'on implante des centres d'injection dans des collectivités partout au Canada et que la seule façon d'empêcher cela, c'était de donner de l'argent au Parti conservateur.
Les conservateurs se servent du projet de loi afin d'inciter des gens à faire des dons à leur parti. Ils manipulent la , depuis peu en fonction, afin de recueillir de l'argent, alors que celle-ci devrait s'occuper des problèmes auxquels les Canadiens souhaitent vraiment qu'elle s'attaque.
Une voix: Revenez-en.
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Monsieur le Président, j'ai le plaisir de prendre la parole au sujet du projet de loi, même si, à mon avis, nous tenons en ce moment un triste débat. Le débat démontre clairement que, dans ce cas-ci, l'idéologie s'oppose aux faits.
Le projet de loi , qui est denant nous, propose de modifier la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, ce qui ferait obstacle à la mise sur pied de sites d'injection supervisée et aux services offerts partout au pays.
J'aimerais aborder la question en me basant sur ce qui est fait présentement au Québec. J'ai entre les mains un rapport fourni par l'Agence de la santé et des services sociaux de Montréal. Au Québec, une démarche a été entamée il y a plus de 13 ans. Il y a plus de 13 ans que les acteurs du milieu de la santé et des services sociaux se mobilisent, étudient la question, mènent des projet pilotes et consultent les organismes pour voir comment le Québec voudrait ou ne voudrait pas intégrer les services comme ceux des sites d'injection supervisée. Tout un travail est fait au Québec, et je suis certaine qu'un tel travail est aussi effectué partout au pays.
Québec a donc, en 2000, à la demande du ministère de la Santé et des Services sociaux, créé un comité d'intervention auprès des cocaïnomanes. Le mandat de ce comité était de proposer des stratégies d'intervention afin d'améliorer la qualité de vie des cocaïnomanes. Un an plus tard, le comité a recommandé la mise sur pied d'un projet pilote. Ce n'est donc pas d'hier que ces consultations ont commencé.
En 2003, ce même ministère a mandaté l'Agence de la santé et des services sociaux de Montréal pour mener une étude de faisabilité relative à la création de lieux d'injection. Le comité consultatif a formulé deux propositions. Premièrement, un projet pilote visant la création d'un service d'accueil et d'insertion sociale des personnes UDI et, deuxièmement, l'évaluation de l'ajout d'un site d'injection supervisée aux services déjà existants.
Par la suite, il y a eu des essais et des consultations. En bref, il serait dommage que tout ce travail effectué au cours des 13 dernières années soit de plus en plus difficile ou qu'il soit jeté à l'eau à cause d'un projet de loi qui sort de nulle part et qui est basé sur l'idéologie conservatrice.
Ce sont des institutions comme l'Institut national de santé publique du Québec ou la Coalition réduction des méfaits, formées de 32 organismes communautaires, qui sont impliquées dans le processus. Le processus tient compte de l'avis des experts sur le terrain et de la réalité du Québec et de la ville de Montréal.
On ne fait pas cela avec des gros sabots, du jour au lendemain, sous le coup d'une impulsion ou parce qu'une base d'électeurs le propose. C'est une démarche sérieuse. Les étapes sont les suivantes. Il y a une consultation et la mise sur pied de projets pilotes. C'est une étape sérieuse. À mon avis, les conservateurs devraient s'inspirer de ce genre de processus qui tient vraiment compte des faits, de l'avis des experts ainsi que de la sensibilité et de la différence des milieux auxquels on fait face.
Cette démarche très sérieuse pourrait être caduque, c'est-à-dire qu'elle pourrait s'avérer inutile. Après 13 ans de consultations et de travail sérieux, le projet de loi des conservateurs met des bâtons dans les roues. C'est regrettable et ce n'est pas quelque chose qu'on devrait accepter.
Un article est récemment paru dans Le Devoir. L'article aborde justement la réaction des intervenants du milieu québécois en ce qui a trait au projet de loi . J'aimerais citer un extrait de cet article qui dit ceci:
L’organisme Cactus et le directeur de la santé publique, le Dr Richard Massé, craignent que leurs démarches se complexifient. Jusqu’à quel point des groupes minoritaires auront une écoute dans le cadre du projet de loi ? [demande le Dr Massé]. Ces services sauvent des vies. C’est trop tôt pour dire ce qui va se passer, mais ça m’apparaît mettre des barrières très hautes, alors que la Cour suprême a clairement dit que ne pas l’offrir contrevenait aux droits de la personne.
Les acteurs impliqués dans le processus sont inquiets et se demandent si cela va leur mettre des bâtons dans les roues, et ce, avec raison.
Je ne nomme que ceux-là. Cependant, tous les experts ayant comparu devant les membres du comité se sont prononcés contre ce projet de loi. Aucune raison ne nous permet de croire que ce projet de loi aurait une incidence bénéfique sur la santé des gens. Si la défend un tel projet de loi, c'est complètement ironique. En fait, on devrait voir le se lever et défendre son programme de la ligne dure contre le crime.
Franchement, le lien entre le projet de loi et la santé n'est pas minime; il est important. Or ce lien devrait nous pousser à voter contre le projet de loi C-2. Si la santé des Canadiens nous tient vraiment à coeur, eh bien, ce projet de loi n'a pas sa place.
Il existe un centre d'injection supervisée à Vancouver et on voit qu'il est efficace. Les preuves sont là. On voit que Vancouver a connu une diminution de 35 % des décès par surdose depuis l'implantation d'un tel centre de services. En outre, il a été établi que l'organisme InSite a entraîné une diminution de la criminalité, des taux d'infection aux maladies transmissibles et du taux de rechute de toxicomanie.
C'est ce dont je parle: si la santé des gens nous préoccupe vraiment, on comprend qu'un tel projet de loi, va à l'encontre du gros bon sens en ce qui a trait à la santé des gens. Si on veut vraiment aider les gens à être en santé, on va mettre des ressources à leur disposition afin d'intervenir auprès d'eux et de prévenir la criminalité, la mort et les maladies. Il est temps qu'on fasse confiance à nos experts se trouvant sur le terrain quand ils se prononcent pour ou contre un tel projet de loi.
J'aimerais porter à l'attention de la Chambre l'exemple bien concret d'un autre projet de loi que j'ai étudié. Ce projet de loi avait un beau titre et promettait de lutter contre l'abus chez les aînés. En réalité, il n'apportait qu'une petite modification au Code criminel, qui permettrait peut-être d'incriminer plus sévèrement les crimes d'abus commis contre les aînés, mais ce n'est pas certain. Le NPD a voté en faveur de ce projet de loi et l'a appuyé.
Toutefois, regardons vraiment le fond des choses. Des comités temporaires ont été mis sur pied dans le cadre du travail parlementaire fédéral et un comité formé de députés de tous les partis a mis en avant des pistes de solutions en disant qu'il fallait des programmes d'intervention et de prévention de l'abus contre les aînés. C'est à cela qu'il faut s'attarder si on veut vraiment lutter contre l'abus des aînés. Le projet de loi visait en grande partie à lutter contre l'abus des aînés et n'apportait qu'une petite modification qui ne changerait pas ce qu'on a besoin de faire dans ce dossier.
On retrouve la même chose ici. On met un sujet sur la table. Cependant, si on veut vraiment améliorer la santé des gens, ce n'est pas dans cette direction qu'il faut se diriger afin de poser un geste significatif en faveur des gens.
Je me permets de parler du groupe AJOI, créé dans l'Ouest de l'île de Montréal pour y aider les jeunes de la rue à risque. Tout d'abord, les gens pensaient qu'il n'y avait pas de cela dans l'Ouest de l'Île de Montréal. Cela a été long avant que les jeunes de la rue à risque d'être dans des milieux criminels aient accès à ce service. Grâce à des intervenants exceptionnels qui croyaient en ces projets, comme M. Langevin, le projet a été mis sur pied. Maintenant, ce centre compte plusieurs intervenants et il est bien connu du milieu. C'est le genre de projet qui a aidé concrètement des gens.
Par ailleurs, le Centre Bienvenue offre des appartements supervisés pour personnes ayant un handicap intellectuel. Ce centre a dû lutter pour exister. Les voisins disaient qu'ils n'en voulaient pas parce que cela allait augmenter la criminalité et diminuer la valeur immobilière de leur maison. Finalement, à force de se parler et de se consulter, les leaders du Centre Bienvenue ont pu convaincre les voisins et les informer de la réalité de la situation. Actuellement, grâce à ce travail sur le terrain, les gens peuvent bénéficier d'un tel centre.
Voilà ce que les conservateurs devraient faire. Plutôt que de répondre à la peur des gens et de propager de fausses informations, ils devraient informer les gens des bénéfices que les centres d'injection supervisée pourraient leur donner et aller de l'avant en rassurant la population. Voilà la bonne chose à faire pour les Canadiens et les Canadiennes.
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Monsieur le Président, ce n'est un secret pour personne, le projet de loi conservateur est l'aboutissement de l'opposition de ce gouvernement à la décision de la Cour suprême, qui a statué qu'il devrait maintenir l'exception qui permet que le centre d'injection supervisée InSite, de Vancouver, demeure ouvert.
Il s'agit du premier et du seul centre légal d'injection supervisée en Amérique du Nord. Il semble évident que malgré les nombreuses voix qui s'élèvent en faveur de l'ouverture d'au moins trois centres supplémentaires ailleurs au Canada — en particulier à Toronto et à Ottawa —, le projet de loi est tout simplement destiné à mettre des bâtons dans les roues à quiconque souhaiterait entreprendre de telles démarches.
Même l'Association médicale canadienne, dans son communiqué de presse, s'est dite « gravement préoccupée par le fait que la mesure proposée pourrait imposer des obstacles et des fardeaux inutiles à la création d'autres sites d'injection. »
Autant le Cour suprême que les experts de la communauté médicale ou les travailleurs de rue s'entendent pour dire que ce type d'approche « est au coeur d'une approche exhaustive de la santé publique visant à prévenir les maladies et à promouvoir la santé. »
Dans sa décision, la Cour suprême avait pourtant statué que la preuve révélait que l'existence d'un site d'injection supervisée diminuera le risque de décès et de maladie et que là où il n'existe guère, sinon aucune preuve, qu'elle aura une incidence négative sur la sécurité publique, le ministre devrait en règle générale accorder une exemption.
Or au fond, s'ils sont capables de gonfler les chiffres sur le crime, la récidive ou l'avortement, les conservateurs continuent simplement d'imposer leur programme politique et moral en faisant fi de toutes les preuves ou les tendances qu'on pourrait leur amener.
C'est dans des cas comme celui-ci que l'on comprend tout le danger de couper dans les études statistiques et psychosociales, dans la cueillette et l'analyse d'informations et dans les sciences sociales en général. On peut prendre des décisions sans tenir compte des faits, seulement en fonction de nos croyances ou de nos préjugés.
Plusieurs groupes estiment que ce projet de loi est irresponsable. Le Réseau juridique canadien VIH/sida a, dans un communiqué de presse conjoint avec la Coalition canadienne des politiques sur les drogues, formulé le commentaire suivant face au projet de loi :
Ce projet de loi constitue une initiative irresponsable, qui fait fi du vaste corpus de données probantes indiquant que de tels services de santé sont nécessaires et efficaces; de plus, il brime les droits humains des Canadien-nés aux prises avec une dépendance. De manière générale, ce projet de loi vise à créer de nombreux obstacles additionnels que les fournisseurs de services de santé doivent surmonter.
Le projet de loi impose effectivement plus d'une vingtaine de conditions préalables à l'émission d'une exemption en vertu de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, surtout en ce qui a trait à la consultation d'experts et de groupes. Les promoteurs du projet auraient donc l'entière responsabilité de répondre aux exigences en matière de consultation des intervenants du gouvernement et des communautés.
Cependant, l'ironie de la chose est que lors de l'établissement du centre Insiste, en 2003, le maire de Vancouver prétendait ceci, et je le cite:
[Traduction]
Le centre a été lancé à la suite de vastes consultations menées auprès des gens du quartier et de débats tenus à l'échelle de la ville, et ses programmes continuent d'être élaborés en fonction de la rétroaction que fournissent continuellement les résidants, les entreprises et les organismes de services des environs.
[Français]
Il s'agit d'un projet de loi entièrement basé sur la mauvaise foi et les préjugés, en plus d'être promu par une campagne de peur auprès des citoyens. Le jour même du dépôt du précédent projet de loi, soit le projet de loi , ce gouvernement a effectivement démarré une campagne choc intitulée « Pas dans ma cour ». Elle était destinée à dénoncer les centres d'injection supervisée, faisant fi de tous les arguments scientifiques, les statistiques et les recherches qui ont pu réussir à convaincre à l'unanimité les juges de la plus haute cour du pays.
On peut même lire ceci sur le site de la campagne:
[...] au moment où j'écris ces lignes, des groupes d'intérêts tentent d'ouvrir de tels sites d'injection supervisée dans des villes partout au Canada — faisant fi des objections des résidants et des forces de l'ordre. [...]. Ajoutez votre nom si vous voulez avoir voix au chapitre avant qu'un site de consommation de drogue supervisé soit ouvert près de là où vit votre famille.
Pour faire peur aux gens, c'est réussi.
Cette campagne a été vivement dénoncée, notamment par la Coalition canadienne des politiques sur les drogues qui considère cette initiative des conservateurs comme étant clairement ceci:
[Traduction]
[...] une tentative visant à susciter une vive opposition à l'égard de ces services, qui permettent de sauver des vies, et des gens qui les utilisent.
[Français]
Eux aussi ont critiqué le langage de la publicité qui vise et touche directement les familles, en remettant en question la sécurité de leurs proches.
C'est irresponsable et malhonnête. InSite n'est pas situé dans un quartier résidentiel à deux pas d'une école primaire. Il a pignon sur rue dans un des quartiers les plus pauvres et les plus violents au Canada, soit celui de Downtown Eastside Vancouver.
Plusieurs experts sont venus témoigner des bienfaits de ce centre sur les gens qui le fréquentent et sur leur environnement. En effet, je veux citer le médecin-chercheur Ahmed Bayoumi, qui se bat toujours pour l'établissement d'autres centres d'injection supervisée. Il disait ceci concernant InSite:
[Traduction]
[Le centre Insite] est associé à une réduction des injections faites en public. Il n'y a pas eu d'augmentation du flânage associé à la toxicomanie, ni d'augmentation du trafic de drogues, ni de changement au taux de criminalité. En outre, il n'y a pas eu de hausse du taux de rechute chez ceux qui ont cessé de s'injecter de la drogue, et le nombre de personnes mortes d'une surdose dans les quartiers situés près du centre Insite a diminué. Parmi les clients du centre Insite, on a observé une augmentation du nombre de personnes ayant été dirigées vers des centres de traitement de la toxicomanie ainsi qu'une diminution du partage du matériel d'injection.
[Français]
Inutile de dire que les réactions n'ont pas manqué, suite au dépôt de ce projet de loi, et qu'elles ne sont pas vraiment tendres à l'endroit du gouvernement.
Commençons par la Cour suprême, qui, dans son jugement du 29 septembre 2011 a ni plus ni moins accusé le gouvernement d'avoir agi de façon arbitraire et d'avoir surestimé le facteur de risque relatif à ce type d'établissements par rapport aux bienfaits qu'ils peuvent apporter. Selon la Cour suprême:
[Traduction]
Selon la Cour suprême, quand il est question du centre Insite, l'application de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances:
[...] est arbitraire; elle va à l’encontre des objectifs mêmes de la Loi, notamment la santé et la sécurité publiques. Elle est également exagérément disproportionnée: l’inaccessibilité éventuelle de services de santé et l’augmentation corrélative du risque de décès et de maladie auquel sont exposés les toxicomanes l’emportent sur tout avantage qui pourrait résulter du maintien d’une interdiction absolue de possession de drogues illégales dans les locaux d’Insite.
[Français]
Dans le même ordre d'idées, le Dr Bayoumi, pour sa part, affirme que le projet de loi :
[Traduction]
[...] érige des obstacles et met en place des mécanismes obscurs qui pourraient donner lieu à des décisions fondées sur une perspective étroite. Ce projet de loi constitue un recul pour ce qui est de la prise de décisions éclairées concernant les politiques de santé.
[Français]
Finalement, l'Association médicale canadienne, dans un communiqué de presse en réaction au dépôt du projet de loi , à l'époque, le projet de loi , écrit que ce projet de loi:
[...] repose sur une idéologie visant à empêcher la prise d'initiatives d'atténuation des défis bien réels et des graves préjudices liés à la consommation de drogues.
En fait, même le maire Robertson de Vancouver s'est porté à la défense du centre, en le considérant comme étant une ressource centrale faisant partie de toute bonne politique de santé publique. Il conclut son communiqué en disant:
[Traduction]
Je m'oppose vivement à tout changement législatif et réglementaire qui empêcherait le centre Insite de mener ses activités, d'autant plus que la Cour suprême a déterminé que le programme permet bel et bien d'éviter les décès par surdose et la propagation des maladies.
[Français]
Le gouvernement conservateur, dans sa façon de gérer cet enjeu, a démontré un immense mépris envers la Cour suprême qui a dû se charger de faire contrepoids à ses politiques idéologiques.
Les conservateurs n'hésitent pas à niveler vers le bas le débat autour des vrais arguments pour mettre en avant des rhétoriques ou des stratégies qui leur permettront d'arriver à leurs fins.
C'est non seulement déplorable, mais indigne de quelqu'un qui, par surcroît, doit porter les responsabilités d'un rôle de ministre de la Santé.
Ce gouvernement passe outre le jugement clair et unanime de la Cour suprême, en déposant un projet de loi qui déforme la nature des justifications avancées par les magistrats.
Une telle utilisation de notre rôle de législateurs est inadmissible et ne prouve qu'une seule chose: les conservateurs sont vraiment prêts à tout pour arriver à leurs fins.
Dans son ouvrage sur le et son modèle de gestion des affaires publiques, l'auteur Christian Nadeau disait une grande vérité qui conserve sa valeur: le premier ministre se donne quatre ans pour:
remodel[er] les institutions du pays pour s’assurer la plus grande marge de manoeuvre dans le domaine de la liberté citoyenne et de la sécurité, de la liberté de conscience et de la justice sociale [...]
Dans cette question dont nous discutons présentement sur les sites d'injection supervisée, si l'on s'en tient aux experts et aux gens sur le terrain, aux gens qui sont impliqués au quotidien dans cette difficile question qu'est la question de la dépendance envers les drogues, ce sont ces gens que nous devons appuyer et écouter. Nous devons prendre leur avis.
Le gouvernement ne se base sur absolument aucune étude scientifique pour avancer ses dires. Des sites comme ceux-ci ne sont pas là pour encourager la consommation de drogue, au contraire. Il est démontré clairement que ce genre de sites peuvent aider à réduire la consommation de drogue et la dépendance. Si l'on tient ces gens dans la clandestinité, de quelle manière les travailleurs de rue et les spécialistes de la santé peuvent-ils faire l'approche qui pourra permettre aux gens qui veulent s'en sortir de pouvoir le faire?
C'est grâce à ce genre de sites qui sortent les usagers de la clandestinité qu'on peut les rejoindre, les aider et, éventuellement, les aider à se refaire une vie.
J'encourage sérieusement le gouvernement à repenser son approche. Je les encourage encore une fois fortement à retirer le projet de loi , parce qu'il est clair que, du côté de l'opposition officielle, nous allons voter contre ce projet de loi, et ce, à toutes les étapes.
Ce projet de loi, à mon avis, causera des dommages extrêmement graves à la lutte contre la dépendance aux drogues.
:
Monsieur le Président, je suis heureux de parler de l'ancien projet de loi , qui est devenu le projet de loi .
Le projet de loi parle du respect des collectivités, mais ce n'est pas vraiment ce dont il est question. Le gouvernement tente de contourner une décision de la Cour suprême, qui lui a demandé de mettre en place des règles, en établissant celles-ci de manière à ce qu'il soit pratiquement impossible de se conformer à la décision, qui dit qu'on devrait permettre la création de ce genre d'établissement.
Encore une fois, le gouvernement ne tient compte ni des faits, ni des statistiques, ni des données probantes. N'oublions pas que le gouvernement a voulu faire disparaître les données probantes, notamment en éliminant le formulaire détaillé du recensement et en fermant la Région des lacs expérimentaux. Les conservateurs ne veulent pas de données probantes. Ils ne veulent pas que les Canadiens connaissent leurs intentions grâce à ce genre d'information.
Le gouvernement refuse constamment de fonder ses décisions sur des données probantes. Il refuse de fonder ses décisions sur des données scientifiques. Il refuse de prendre des décisions dans l'intérêt de la population. Ses décisions semblent plutôt répondre à sa propension à saisir les occasions de recueillir les fonds qui lui permettront de se faire élire afin qu'il puisse continuer de prendre des décisions qui ne sont pas dans l'intérêt de la population.
Voilà un autre geste qui montre que le gouvernement tente de semer l'inquiétude parmi les citoyens en se servant de circonstances qui pourraient toucher leur quartier ou non.
À ma connaissance, seulement trois municipalités ont demandé de se prévaloir des droits prévus par le projet de loi, quoiqu'elles n'aient pas encore eu à composer avec des exigences plutôt draconiennes. Il s'agit de Toronto, Vancouver et Ottawa.
Ma circonscription se trouve à Toronto, dans l'un des quartiers les plus pauvres de l'Ontario. Je tiens à le rappeler avant d'expliquer pourquoi le NPD considère que ce projet de loi fait fausse route, et qu'il va même à l'encontre de la décision de la Cour suprême du Canada.
La décision de la Cour suprême demandait au gouvernement de mettre en place des mécanismes afin que l'établissement de centres d'injection soit possible. Mais ce projet de loi fait le contraire, puisqu'il serait presque impossible pour une communauté, une agence de santé publique, un groupe de médecins ou des citoyens respectés d'établir un centre d'injection supervisée qui permettrait de réduire les risques que courent les personnes et les collectivités.
Si les conservateurs ne souhaitent pas réduire les risques, que font-ils au sein du gouvernement? Notre première raison d'être en tant que parlementaires, c'est de réduire les risques. Ce projet de loi aurait l'effet contraire: il augmenterait les risques là où il faudrait les réduire.
D'après les questions que j'ai entendues depuis le début de la journée, le gouvernement semble partir du principe que personne ne souhaite avoir un centre d'injection dans son quartier. Pour ma part, je me balade parfois dans un parc près de chez moi, un beau grand parc qui longe la rivière Humber. Il y a, sur le sol, des aiguilles laissées par des consommateurs de drogues qui n'ont accès à aucun centre sécuritaire. Il est dangereux de marcher dans ce parc, parce que le quartier n'offre aucun centre où les gens pourraient se rendre pour utiliser des drogues par injection, de manière à réduire les risques.
Les autorités médicales, la population, les compagnies d'assurance et des spécialistes réputés du domaine de l'invalidité reconnaissent que la dépendance à la drogue est une invalidité et non un crime. On ne devrait pas regarder cette dépendance avec condescendance. Il faut plutôt trouver des façons de venir en aide aux toxicomanes.
Une façon de les aider, c'est d'établir un centre d'injection sécuritaire, comme l'a démontré le succès connu à Vancouver. Les résultats montrent qu'un centre comme celui-là réduit les risques pour l'ensemble de la population et pour les toxicomanes, qui disposent alors d'un endroit sécuritaire pour l'injection de drogues qui, en d'autres circonstances, pourraient comporter des dangers.
Nous aimerions tous qu'il en soit autrement, mais ces choses-là existent, et la consommation non supervisée et non sécuritaire de drogues a accéléré la propagation d'autres maladies, notamment le VIH et l'hépatite C. Qui prendra soin de ces gens lorsqu'ils seront malades? Ce sont les Canadiens, et non les toxicomanes, qui paieront la facture.
Le gouvernement affirme que chaque sou compte. Or, ce projet de loi irréfléchi obligera les contribuables à payer davantage, alors que les conservateurs affirment les défendre. Les contribuables devront prendre soin des gens qui se retrouveront dans des hôpitaux ou dans des établissements médicaux parce qu'ils souffrent de maladies qui auraient pu être évitées ou dont la propagation aurait pu être limitée si nous avions pris des mesures plus énergiques en amont, lorsque ces gens ont commencé à s'injecter des drogues de façon non sécuritaire.
Nous devrions plutôt lutter contre la toxicomanie même. Comme nous avons pu le constater dans les médias tout récemment — et la nouvelle a fait grand bruit —, la toxicomanie est un grave problème dans ma ville. Le premier réflexe des toxicomanes est de nier la chose: ils n'ont aucun problème.
J'ai été représentant syndical pendant de nombreuses années, et j'ai vu bien des gens nier avoir un problème. Nous avons été capables d'en aider quelques-uns. Certains ont suivi des thérapies; d'autres, malheureusement, sont devenus un fardeau pour le réseau de la santé et un certain nombre d'entre eux sont décédés. Ces gens étaient un fardeau pour la société. Pourquoi? Ils auraient très bien pu obtenir de l'aide, mais ils niaient qu'ils avaient un problème.
Il en ira de même pour les gens qui demanderont de l'aide aux centres d'injection supervisée. Certains d'entre eux estiment qu'ils n'ont aucun problème. Comment pourrons-nous alors les convaincre qu'ils ont besoin d'aide si nous ne leur montrons pas le chemin? Voilà justement ce que les centres d'injection supervisée pourront faire. Les toxicomanes pourront y obtenir des services de counselling et être suivis par des infirmières et des médecins. On serait ainsi en mesure de les aider s'ils souhaitent s'affranchir de leur dépendance.
C'est ce genre de choses que Toronto demande au gouvernement fédéral. La Ville de Toronto se prononcera sur cette question lors du renvoi du projet de loi au comité parce que, suivant les conseils de son médecin hygiéniste, elle a recommandé que le conseil de la santé fasse connaître au gouvernement fédéral son opposition au projet de loi . Elle recommandera également de faciliter le processus de demande d'exemption à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances pour les services d'injection supervisée, en consultation avec les autorités provinciales en matière de santé et de sécurité publiques et les intervenants communautaires intéressés, notamment les toxicomanes.
Le conseil de la santé exhorte le gouvernement provincial à financer l'intégration des services d'injection supervisée à titre expérimental, mais il faut d'abord l'autorisation du gouvernement fédéral. Voilà le genre d'obstacles auxquels nous nous heurtons: un gouvernement qui, d'après les questions que j'ai entendues jusqu'à présent, s'oppose complètement à l'existence de ces services. En effet, à cause des dispositions prévues dans le projet de loi, il sera pratiquement impossible pour les villes canadiennes d'obtenir du gouvernement la permission de mettre en place un centre d'injection supervisée.
:
Monsieur le Président, avant de commencer mon allocution, j'aimerais faire une petite mise au point. Est-ce que les conservateurs sont au courant que, en septembre 2011, la Cour suprême a statué en faveur du site d'injection InSite? On en a reconnu l'efficacité et même la nécessité dans le quartier Est de Vancouver. Je ne comprends pas pourquoi on est encore ici à débattre d'une loi qui va faire en sorte que ces organismes ne puissent plus voir le jour au Canada.
Replaçons les choses dans leur contexte. On devrait d'abord commencer par raconter ce qui se passe dans les rues de ce quartier de Vancouver, comme dans bien d'autres villes du Canada, d'ailleurs, et essayer de comprendre pourquoi un site comme InSite est indispensable à la sécurité du quartier et quelles en sont les retombées bénéfiques.
Le quartier Downtown Eastside de Vancouver abrite des personnes parmi les plus démunies et les plus vulnérables au pays. Il compte à peu près 4 600 consommateurs de drogues intraveineuses, ce qui représente à peu près la moitié de tous les consommateurs de drogues intraveineuses de la ville, ce qui est énorme. Cette proportion n'a aucune commune mesure avec la taille réelle du quartier, qui est un très petit secteur où il y a très peu de maisons. La concentration de consommateurs de drogues dans ce secteur de la ville est due à plusieurs facteurs. On peut parler de la présence de plusieurs maisons de chambres, de la désinstitutionnalisation des personnes atteintes de maladies mentales, de l'effet de politiques antidrogue appliquées au fil des ans et certainement de la disponibilité de stupéfiants illicites dans la rue.
Avant la mise en place du site InSite, on pouvait voir dans la rue des images assez effarantes: des gens assis par terre, sur des marches, en train de se faire un garrot et de s'injecter des drogues. C'était le quotidien de ce quartier. On peut dire que ces personnes qui consomment des drogues ont toutes des histoires diverses et variées, mais elles ont toutes en commun une enfance difficile, des vécus lourds qui ont fini par les pousser à consommer. C'est ainsi qu'en se promenant dans les rues de ce quartier, des seringues souillées étaient à la portée de quiconque passait par là, et aussi à la portée de nos enfants.
Les chercheurs qui ont pensé à un projet comme InSite ont longtemps réfléchi à la mise en place d'un projet qui permettrait d'endiguer tous ces fléaux. Le projet InSite a été mis sur pied dans le cadre d'un projet de santé publique de la Vancouver Coastal Health Authority et de ses partenaires communautaires par suite de la multiplication par 12 du nombre de décès par surdose à Vancouver entre 1987 et 1993. À l'époque, la région de Vancouver assistait aussi à des hausses spectaculaires des taux de maladies transmissibles parmi les utilisateurs de drogues injectables. On parle de l'hépatite A, B et C, du VIH et ainsi de suite.
InSite a initialement obtenu une exemption en 2003 en vertu de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances pour être en activité à des fins médicales et scientifiques, à la fois pour fournir des services et pour mener des recherches sur l'efficacité des installations d'injection supervisée. L'article 56 de cette loi accorde au ministère le pouvoir d'approuver les installations utilisant des drogues à des fins médicales ou scientifiques ou aux fins de l'observation des lois. En 2007, le Centre de désintoxication OnSite a été ajouté au site.
En 2008, l'exemption d'InSite aux termes de l'article 56 est arrivée à échéance, et le a rejeté la demande d'InSite de renouveler cette exemption. Cette décision a déclenché une série de procès dans le cadre desquels la Cour suprême de la Colombie-Britannique a jugé qu'InSite devrait bénéficier d'une nouvelle exemption. Le gouvernement fédéral a porté la question à la Cour d'appel de la Colombie-Britannique, qui a également jugé qu'InSite devait rester ouvert. Enfin, en 2011, la Cour suprême du Canada a statué que la décision du ministre de fermer InSite violait les droits de ses clients garantis par la Charte et que la décision du ministre était « arbitraire; elle va à l'encontre des objectifs mêmes de la Loi, notamment la santé et la sécurité publiques ».
La cour a fondé sa décision sur l'article 7 de la Charte: « Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale. » La cour a déclaré ceci:
La violation en cause est grave; elle met en danger la santé, en fait, la vie, des demandeurs et des personnes qui se trouvent dans la même situation. On ne peut faire fi des graves conséquences qui peuvent découler d'une expiration de l'exemption constitutionnelle dont Insite bénéficie actuellement. Les demandeurs seraient engagés à nouveau dans le processus de demande qu'ils avaient entrepris et au bout duquel ils ont échoué, et ils devraient attendre la décision du ministre fondée sur un réexamen des mêmes faits.
La Cour suprême a établi qu'il faut accorder à InSite et à d'autres sites d'injection supervisée l'exemption prévue à l'article 56 quand l'ouverture de tels sites « diminuera le risque de décès et de maladie et où il n'existe guère, sinon aucune preuve qu'elle aura une incidence négative sur la sécurité publique ». Après cette décision, les autorités et des organismes de santé publique autant à Toronto qu'à Ottawa et à Montréal ont commencé à envisager d'ouvrir des sites d'injection supervisée.
Pourquoi sommes-nous ici à débattre de ce sujet puisqu'il est clair que nous n'avions pas à revenir là-dessus? Parce que, encore une fois, les conservateurs ont décidé de changer la loi pour qu'elle reflète leurs positions idéologiques. Ils ont pondu un projet de loi très imparfait fondé sur une idéologie antidrogue et sur de fausses craintes pour la sécurité publique. Il s'agit d'une autre tentative de rallier la base conservatrice, comme en témoigne leur campagne « Garder l'héroïne loin de chez nous », qui a été lancée à peine quelques heures après la présentation du projet de loi au Parlement. Ce projet de loi fera en sorte qu'il sera presque impossible d'ouvrir des sites d'injection sûrs et favorisera justement le retour de l'héroïne dans les quartiers.
Le NPD estime que les décisions à propos des programmes pouvant être bénéfiques pour la santé publique doivent reposer sur des faits, et non sur des positions idéologiques. La preuve a démontré que les sites d'injection supervisée réduisent efficacement les risques de contracter et de propager des maladies transmissibles par le sang, comme le VIH et l'hépatite C, ainsi que les décès par surdose. Elle a également montré que ces sites ne nuisent pas à la sécurité publique et que, dans certains cas, ils la favorisent en réduisant l'injection de drogue en public, et la violence qui y est associée, ainsi que les déchets découlant de l'utilisation des drogues. Les sites d'injection sûrs permettent d'établir un juste équilibre entre les objectifs de santé et de sécurité publiques. Ils relient également les personnes ayant un besoin urgent d'aide aux services de santé nécessaires, comme les soins de santé primaires et de traitement de la toxicomanie.
Ce projet de loi impose un fardeau beaucoup trop lourd aux collectivités, qui seraient tenues de démontrer les bienfaits de ces sites qui, malgré cela, pourraient se voir refuser une exemption. Ce projet de loi nous ramène à la décision arbitraire rendue par la ministre contre InSite en 2008, comme le souligne la Cour suprême.
Le NPD croit que tout projet de loi présenté par le gouvernement conservateur doit respecter la décision de la Cour suprême et établir un équilibre entre la santé et la sécurité publiques.
Ce projet de loi va directement à l'encontre de la décision rendue en 2011, qui appelait le ministre à envisager des exemptions pour les sites d'injection supervisée par souci de conciliation entre les questions de santé et de sécurité publiques. Cette décision appelait le ministre à examiner tous les éléments probants à la lumière des avantages des sites d'injection supervisée plutôt que d'établir une longue liste de principes sur lesquels baser ses jugements.
Pour conclure, je voudrais ajouter que le NPD estime que toute nouvelle législation concernant les sites d'injection supervisée doit respecter l'esprit de la décision de la Cour suprême, ce qui n'est pas le cas de ce projet de loi. Nous croyons que les programmes de réduction des méfaits, y compris les sites d'injection supervisée, doivent faire l'objet d'exemptions fondées sur des preuves de la capacité à améliorer la santé d'une collectivité et à préserver la vie humaine, et non sur des positions idéologiques.
:
Monsieur le Président, je suis heureuse de prendre la parole aujourd'hui à propos du projet de loi , autrefois connu sous le nom du projet de loi C-65.
Je suis contente d'avoir l'occasion de dénoncer ce projet de loi qui vise, ni plus ni moins, qu'à mettre fin au fonctionnement des sites d'injection supervisée. Cela va directement à l'encontre d'une décision de la Cour suprême en 2011.
Il s'agit d'un projet de loi qui trahit l'idéologie irrationnelle des conservateurs qui pensent que seule la répression peut venir à bout de ce fléau.
On n'est pas les seuls au monde à avoir pensé à cet enjeu. Dans le monde, il y a plus de 70 villes comptant un centre d'injection supervisée. On les retrouve principalement en Europe et en Australie. Au Canada, il n'existe actuellement qu'un seul site d'injection supervisée. Il s'agit d'Insite, qui a ouvert ses portes en 2003.
Pour avoir droit aux services d'InSite à Vancouver, les utilisateurs doivent avoir au moins 16 ans, signer un accord d'utilisation, adhérer à un code de conduite et ne peuvent être accompagnés par des enfants. Les utilisateurs apportent leur propre substance et les membres du personnel leur fournissent du matériel d'injection propre. Une aide médicale d'urgence est disponible si nécessaire et du personnel spécialisé est sur place afin d'offrir du soutien en matière de santé et de services sociaux.
En plus d'offrir des services aux consommateurs de drogues afin de minimiser les impacts sur leur santé et sur la santé publique, on y mène des recherches sur l'efficacité des installations d'injection supervisée.
Déjà, ce site d'injection supervisée a démontré son efficacité en contribuant de manière importante à la diminution des décès par surdose. On estime que ce genre de décès à Vancouver a diminué de 35 % depuis son ouverture. En plus de réduire l'incidence des surdoses, l'organisme contribue à réduire les taux de maladies transmissibles parmi les utilisateurs de drogues injectables. Pensons par exemple à l'hépatite A, B, et C et au VIH/Sida.
Dès son ouverture par la Vancouver Coastal Health Authority et ses partenaires communautaires, ce projet de santé publique a suscité la controverse. Ceux qui ne croient qu'à la répression y ont vu un encouragement à consommer des drogues.
Initialement, ce site a pu ouvrir grâce à une exemption en vertu de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances pour opérer à des fins médicales et scientifiques. En 2008, l'exemption d'InSite est arrivé à échéance et le ministre de la Santé a rejeté la demande d'InSite de renouveler cette exemption. Cette décision a déclenché une série de procès dans le cadre desquels la Cour suprême de la Colombie-Britannique a jugé qu'InSite devrait bénéficier d'une nouvelle exemption. Le gouvernement fédéral a alors porté cette cause en appel. Coup sur coup, la Cour d'appel de la Colombie-Britannique et la Cour suprême du Canada ont statué que la fermeture d'InSite violait le droit de ses clients garantis par l'article 7 de la Charte des droits et libertés prévoyant que chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne et qu'il ne peut être porté atteinte à ce droit en vertu des principes de justice fondamentale.
J'aimerais citer quelques extraits du jugement de la Cour suprême de 2011 démontrant la mauvaise foi des conservateurs dans ce dossier. Je cite ce qui suit:
[La décision du ministre de fermer InSite] est arbitraire; elle va à l’encontre des objectifs mêmes de la Loi, notamment la santé et la sécurité publiques.
Je vais également citer un autre extrait:
La violation en cause est grave; elle met en danger la santé, en fait, la vie, des demandeurs et des personnes qui se trouvent dans la même situation. On ne peut faire fi des graves conséquences qui peuvent découler d’une expiration de l’exemption constitutionnelle dont Insite bénéficie actuellement.
Par ailleurs, la décision de la Cour suprême ne concerne pas qu'InSite. Elle ouvre grande la porte à de nouveaux sites semblables. Je cite ce qui suit:
Lorsqu’il examinera les demandes d’exemption futures, le ministre devra exercer sa discrétion conformément aux limites imposées par la loi et par la Charte, en tentant d’établir un juste équilibre entre les objectifs de santé et de sécurité publiques. Suivant la Charte, le ministre doit se demander si le refus d’une exemption porterait atteinte aux droits à la vie et à la sécurité des personnes autrement qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale. [...[ Dans les cas où, comme en l’espèce, l’existence d’un site d’injection supervisée diminuera le risque de décès et de maladie et où il n’existe guère, sinon aucune preuve qu’elle aura une incidence négative sur la sécurité publique, le ministre devrait en règle générale accorder une exemption.
Cette décision du plus haut tribunal du pays a amené des organismes de santé publique de partout au pays, notamment I'Agence de la santé et des services sociaux de Montréal, à envisager d'ouvrir des sites d'injection supervisée.
Après avoir subi deux importantes défaites devant les tribunaux, voilà que les conservateurs tentent de contourner la Charte canadienne des droits et libertés et les juges de la Cour suprême en modifiant la loi par le biais du projet de loi .
La manière de faire des conservateurs est tout aussi répréhensible que le projet de loi lui-même. Certains n'hésitent pas à parler d'hypocrisie.
Comme on l'a vu à la Chambre au cours de la dernière session du Parlement, la stratégie des conservateurs est simple: multiplier les critères auxquels les sites d'injection supervisée devront se soumettre afin que le ministère puisse accorder une exemption. En vertu de ces critères, il sera beaucoup plus difficile pour les organismes d'ouvrir des sites d'injection supervisée au Canada. L'entêtement idéologique des conservateurs est pathétique.
À la Chambre, mes collègues m'ont souvent entendue rappeler l'importance d'appuyer les décisions politiques sur des faits probants. Contrairement aux conservateurs, j'ai étudié les faits. J'ai pu constater que 80 % des personnes interrogées, vivant ou travaillant dans la partie est du centre-ville de Vancouver, appuient InSite, notamment parce qu'on note une réduction importante du nombre de seringues jetées et du nombre de personnes s'injectant des drogues dans la rue.
Je peux citer d'autres chiffres et pourcentages. Le taux de décès par surdose dans Vancouver-Est a chuté de 35 % depuis l'ouverture d'InSite. On a aussi constaté que les utilisateurs de drogues injectables qui se rendent chez lnSite sont 70 % moins susceptibles de partager des seringues. En un an, 2 171 utilisateurs d'lnSite ont été orienté vers des services de consultation en toxicomanie ou d'autres services de soutien. Contrairement à la répression, lnSite ne marginalise pas les consommateurs et ne les pousse pas à l'isolement. Voilà des chiffres qui m'apparaissent concluants.
En fait, plus de 30 études examinées par les pairs et publiées dans des revues scientifiques prestigieuses comme le New England Journal of Medicine, The Lancet et le British Medical Journal ont décrit les bienfaits d'lnSite. En outre, des études portant sur plus de 70 sites d'injection supervisée analogues ont fait état de retombées positives.
Pour résumer ma pensée, je crois que la science et les faits sont assez clairs: les sites d'injection supervisée favorisent la santé publique parce qu'ils rejoignent les groupes vulnérables et sont acceptés par les communautés. Ils permettent d'améliorer l'état de santé de leurs utilisateurs et de réduire les comportements à haut risque, en plus de réduire le nombre de décès par surdose et la consommation de drogues dans les espaces ouverts.
J'estime surtout que les sites d'injection sûrs permettent d'établir un juste équilibre entre les objectifs liés à la santé et ceux liés à la sécurité publique. De plus, les sites permettent aux personnes ayant besoin d'aide d'avoir accès aux services de santé nécessaires, comme les soins de santé primaires et de traitement de la toxicomanie.
Les gens qui oeuvrent en première ligne sont sans équivoque: les centres d'injection supervisée sont nécessaires. La Pivot Legal Society, le Réseau juridique canadien VIH/sida et la Coalition canadienne des politiques sur les drogues ont émis une déclaration commune concernant ce projet de loi:
Ce projet de loi est une initiative irresponsable qui ne tient compte ni des multiples preuves démontrant que ces services de santé sont nécessaires et efficaces ni des droits de la personne des Canadiens en situation de dépendance.
Il est contraire à l'éthique, inconstitutionnel et dommageable, à la fois pour la santé et les finances publiques, de bloquer l'accès aux [centres] d'injection supervisée [...].