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ACVA Rapport du Comité

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Rapport complémentaire du Parti conservateur du Canada sur les effets de la consommation de méfloquine chez les vétérans canadiens

La méfloquine fut autorisée au Canada pour consommation publique en 1993, mais son passé, bien plus sombre, débuta en Somalie lors d’une opération de maintien de la paix des Nations Unies connue sous le nom d’Opération Délivrance. Des quantités significatives de méfloquine furent administrées aux Forces armées canadiennes (FAC) afin de tester l’efficacité du médicament antipaludique. Finalement, l’essai clinique allait à l’encontre des paramètres de la mission et ne fut donc pas terminé, mais les membres des FAC étaient tout de même tenus de prendre le médicament, un refus nuisant à de possibles avancées professionnelles.

Sous les effets de la méfloquine, plusieurs atrocités, allant à l’encontre du code moral des gardiens de la paix canadiens, furent commises durant l’Opération Délivrance. La plus publicisée fut la torture et mise à mort de Shidane Abukar Arone. Ces événements devinrent connus comme l’affaire de la Somalie et furent examinés par la Commission d’enquête sur le déploiement des forces en Somalie qui rédigea par la suite un rapport intitulé Un héritage déshonoré : les leçons de l’affaire somalienne.

Au chapitre 41, le rapport fait état de la quantité limitée d’information scientifique qui était alors disponible sur la méfloquine et mentionne plusieurs inquiétudes soulevées concernant les effets du médicament sur la performance des membres des FAC. Dans ses observations finales, le rapport mentionne que « si la méfloquine a, en effet, causée ou contribué en partie à la mauvaise conduite […] les membres des FAC qui furent influencés par le médicament pourraient être partiellement ou totalement pardonnés pour leur comportement. » [1]

Cette observation traîna dans le vide durant des années à la suite de l’enquête avant qu’elle n’ait pu examiner cette observation et bien d’autres hypothèses.

En 2017, l’enjeu a été repris par le Comité permanent des anciens combattants de la Chambre des communes dans son étude La santé mentale chez les vétérans canadiens : une mission de famille. Dans cette étude, le Comité a reçu les témoignages individuels de soldats qui expliquaient en détail leur expérience avec la méfloquine et les chercheurs éminents du domaine. La majorité de ces témoignages individuels ont été retirés du rapport final parce qu’on les considérait, au mieux, comme anecdotiques. En ce qui concerne la plupart des témoignages scientifiques reçus par le Comité, ils furent jugés non scientifiques et non prouvés par les membres du gouvernement qui siégeaient au Comité et, en réponse au rapport déposé, le gouvernement ignora entièrement le sujet de la méfloquine.

À travers quatre études supplémentaires, des députés conservateurs ont continué d’aborder le sujet de la méfloquine à chaque fois que cela fut approprié pour les témoins devant eux. Cette détermination obtint, en guise de résultat, l’appui d’une motion afin d’entreprendre une étude dédiée à la compréhension des effets de la méfloquine de la part du député Wagantal. L’étude serait intitulée Les effets de la consommation de méfloquine chez les vétérans canadiens. Cette étude se concentra sur les dernières recherches dans le domaine et sur les récentes expériences de nos alliés.

Il y a eu des moments importants concernant la méfloquine tant au Canada qu’à travers le monde, durant les dernières années, incluant principalement les suivants :

  • En mars 2019, l’Australie annonce une initiative de 2,1 millions de dollars qui comprend une étude approfondie des risques de santé que courent les vétérans qui ont pris des médicaments antipaludiques. La Repatriation Medical Authority d’Australie a recommandé que le bénéfice du doute soit donné au lien possible entre la méfloquine et 14 conditions médicales répertoriées.
  • En décembre 2016, l’Allemagne a retiré la méfloquine de la liste de médicaments à prescrire à ses soldats. Cette décision fut prise à la suite de la publication de deux rapports indépendants : le rapport de la USFDA de 2013 ainsi que le rapport de l’Agence européenne des médicaments.
  • En août 2016, en Grande-Bretagne, les députées ont dénoncé la « faiblesse lamentable » dont le ministère de la Défense a fait preuve dans son devoir de protéger les soldats, marins et aviateurs. Ils ont demandé que de nouvelles études indépendantes soient menées puisque les recherches militaires qui leur avaient été fournies ne concordaient pas avec les protestations publiques dont ils avaient eu vent.[2]
  • En août 2016, Santé Canada a discrètement fait mention que des « symptômes psychiatriques […] à quelques reprises […] ont été répertoriés comme ayant continué longtemps après la cessation de la prise de méfloquine » et que « pour un petit nombre de patients, des étourdissements, des vertiges et des pertes d’équilibre puissent continuer plusieurs mois, voire plusieurs années, après la discontinuation de la méfloquine et que, dans quelques cas, les dégâts vestibulaires causés peuvent être permanents ».[3]
  • En 2013, une mise en garde encadrée ajoutée sur l’étiquette de la méfloquine, aux États-Unis, indique que le médicament peut causer « des réactions neuropsychiatriques indésirables qui peuvent persister après la cessation de la consommation de méfloquine. » Les conseils de prescription recommandent l’arrêt de la consommation du médicament à la première apparition de symptômes neuropsychiatriques à cause d’un risque de « réactions psychiatriques ou de troubles neurologiques indésirables plus sévères » qui pourraient survenir à la suite d’une consommation prolongée du médicament. Les étiquettes de médicaments aux États-Unis indiquent désormais que des réactions « allant de l’anxiété, la paranoïa et la dépression jusqu’à des hallucinations et des troubles psychotiques peuvent survenir avec la consommation de méfloquine » et « ont été déclarées permanentes dans certains cas ».[4]
  • En 2014, des organismes de réglementation à l’Agence européenne des médicaments (AEM) ont fortement recommandé que des avertissements similaires à ceux des États-Unis soient diffusés à travers le réseau réglementaire de la médication européen. L’AEM a conclu qu’il y avait suffisamment de preuves qui « soutiennent un lien de causalité entre la méfloquine et l’apparition d’effets neuropsychiatriques d’effets à long terme et, même, permanents » et a émis la spéculation que ces effets pourraient être le résultat de « lésions cérébrales permanentes ».[5]

Frustrés par les tergiversations du gouvernement, les vétérans font part de leurs frustrations et de leurs revendications aux tribunaux

  • En décembre 2017, l’Irlande règle un litige avec un vétéran pour les dégâts infligés à sa santé par le Lariam (une autre appellation de la méfloquine). Ce cas fut le premier de 57 en attente de poursuite pour avoir subi les mêmes dégâts.
  • En mai 2019, huit vétérans canadiens ont intenté des poursuites pour des dégâts occasionnés par la méfloquine après s’être fait ordonner d’en consommer sans avertissements adéquats concernant les effets secondaires possibles.
  • En 2019 et 2020, des centaines d’autres vétérans canadiens devraient aussi intenter des poursuites pour les dégâts causés par la méfloquine après s’être fait ordonner d’en consommer sans avertissements adéquats concernant les effets secondaires possibles.
  • Les vétérans organisent un rallye annuel pour soutenir la recherche et protester contre l’inaction du gouvernement en septembre, sur les marches du Parlement.

Depuis longtemps source de frustration, la réticence du ministère des Anciens Combattants (ACC) de reconnaître que leur condition est le résultat de la consommation de méfloquine est la cause des poursuites intentées par les vétérans contre l’ACC.

En réponse à la question sur l’admissibilité à une prime d’invalidité pour cause de cinchonisme ou d’intoxication à la méfloquine, le Dr Cyd Courchesne a affirmé : « Chez Anciens combattants Canada, le message demeure le même : tous les militaires qui ont contracté une maladie ou se sont gravement blessés en service peuvent faire une demande de prestation. Ceci inclut les demandes liées à la méfloquine, si prouvé qu’elle soit bien la cause de leurs maladies ou de leurs blessures.

« Nous ne compensons pas les causes, cependant. Nous ne compensons que les conditions médicales diagnostiquées. Il est possible que certains vétérans aient fait une demande de prestation pour un trouble de stress post-traumatique (TSPT), mais nous ne leur demandons pas la cause de leur TSPT. Si vous avez effectué votre service et avez par la suite été diagnostiqué avec un TSPT, vous obtiendrez votre prestation d’invalidité ainsi que les traitements et avantages. »[6]

Il s’agit cependant d’une fausse équivalence de taille colossale. Contrairement aux causes du TSPT, les vétérans se font prescrire de la méfloquine, dont les effets secondaires sont connus, et la consomment pendant une longue période. Même s’ils sont bien réels pour les vétérans, les effets secondaires de la prise de méfloquine ne sont pas reconnus comme des conditions médicales, comme l’a noté le Dr Doug Eyolfson, aux membres du Comité : « Il n’y a pas de critères publiés pour le cinchonisme ou l’intoxication à la méfloquine. » [7]

C’est l’ultime arnaque. Le gouvernement dit qu’il vous donne des médicaments qui vous rendent malade, mais puisque nous n’avons pas de définition de la maladie que nous vous avons donnée, nous ne pouvons pas vous aider.

La professeure Jane Quinn, doyenne associée à la recherche à la faculté des sciences de l’Université de Charles Stuart, et le Dr Jonathan Douglas, psychologue au Centre psychologique du centre de l’Ontario, ont expliqué que de ne pas reconnaître la cause d’une condition est encore plus problématique et potentiellement dangereux pour nos vétérans :

« La méfloquine cause des changements neurologiques et neuropsychiatriques chez une minorité assez importante de ceux qui en consomment. Plusieurs de ces vétérans se sont fait dire qu’ils avaient un trouble de stress post-traumatique qui résistait aux traitements, sans prendre en compte le fait que leurs symptômes étaient causés par une lésion cérébrale permanente […]

« Reconnaître que la méfloquine cause des lésions cérébrales à long terme ainsi que d’autres conditions médicales systémiques est un premier pas primordial dans la prestation de soins efficaces et appropriés, ainsi que dans l’apport d’un soutien médical continu à ceux qui sont atteints […]

« La maladie ne peut pas être identifiée par son nom dans les manuels de diagnostic sous un code discret que ce soit dans le DSM-5 ou l’ICD-10, mais ce n’est pas une raison suffisante pour décréter qu’elle n’existe pas.[8]

« Accepter que la méfloquine cause des problèmes à long terme est primordial afin de pouvoir résoudre les problèmes de ceux qui sont affligés, et je crois que ces preuves ne laissent aucun doute.[9]

« L’un des problèmes les plus importants des vétérans est le fait que le rôle qu’a joué le médicament dans la continuité de leur condition médicale n’a pas été formellement reconnu et n’a donc pas été pris en considération dans leurs traitements »[10]

La réticence de l’ACC de reconnaître le cinchonisme ou l’intoxication à la méfloquine crée des traumatismes supplémentaires : « L’idée que le niveau d’injustice que quelqu’un puisse vivre suivant une blessure est un bon indicateur de la durée du handicap lié à sa blessure. Cet indicateur est indépendant de la sévérité de la blessure physique encourue. Il s’applique autant aux troubles physiques qu’aux troubles psychologiques.

« Je n’ai absolument aucun doute que c’est véritablement une réaction commune chez quelqu’un qui se bat contre un système qui lui demande « prouve-moi que tu es malade ». Cette personne va se le faire dire éventuellement. Certains sortiront de cette expérience plus aigrie et, par le fait même, leurs blessures vont empirer. »[11]

Le temps est venu de reconnaître le cinchonisme ou l’intoxication à la méfloquine et de fournir aux vétérans qui en souffrent les soins dont ils ont besoin. La Légion royale canadienne a reconnu l’ampleur des problèmes causés par le cinchonisme ou l’intoxication à la méfloquine et a posé des gestes concrets au nom des vétérans en finançant une étude à l’Université de Saskatchewan et en donnant plus de 25 000 $ à la Quinism Foundation pour financer la recherche.

Le Parti conservateur du Canada soutient nos vétérans et la Légion royale canadienne dans leur appel au soutien concernant la méfloquine : « Pour plus de recherches sur sa consommation et ses conséquences à long terme, en particulier puisque cela concerne principalement les vétérans qui ont reçu ce médicament quand il a été déployé. Nous voulons que les individus affectés puissent recevoir les bons diagnostics ainsi que les soins et le soutien approprié. »[12]

Recommandations du PCC

  1. Que le gouvernement du Canada avertisse tous les vétérans à qui on a administré de la méfloquine des effets secondaires potentiels du médicament.
  2. Que le gouvernement organise une enquête indépendante pour étudier les effets du médicament antipaludique sur les membres des Forces armées Canadiennes.

[1] Un héritage déshonoré : les leçons de l’affaire somalienne (Page 1396)

[2] UK Telegraph, 31 août 2016

[3] Méfloquine [monographie du produit] Vaughan (ON): AA Pharma ; 4 août 2016

[4] Mode d’emploi de la méfloquine aux É.-U., 13 juin 2013.

[5] Comité de gestion des risques et de pharmacovigilance. AEM/63 963. Londres (G.-B.) : Agence européenne des médicaments, 2014. Rapport d’évaluation mis à jour du rapporteur sur la signalisation de troubles neurologiques (vestibulaires) permanents liés à la méfloquine.

[6] Dr Cyd Courchesne (Directeur général, division des professionnels de la santé, médecin-chef, ministère des Anciens Combattants) : ACVA, 6 mai 2019, 1620.

[7] Dr Doug Eyolfson (membre du comité), ACVA, 12 mai 2019, 1555.

[8] Prof. Jane Quinn, (Doyenne associée à la recherche, faculté des sciences de l’université Charles Sturt) ACVA, 13 mai 2019, 1530.

[9] Prof. Jane Quinn, (Doyenne associée à la recherche, faculté des sciences de l’université Charles Sturt) ACVA, 13 mai 2019, 1535.

[10] Prof. Jane Quinn, (Doyenne associée à la recherche, faculté des sciences de l’université Charles Sturt) ACVA, 13 mai 2019, 155-

[11] Dr Jonathan Douglas (psychologue, psychologie du centre de l’Ontario) ACVA, 29 avril 2019, 1645

[12] Programme de sensibilisation de la Légion royale canadienne 2019 – intoxication à la méfloquine (lariam).