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AGRI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire


NUMÉRO 069 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 26 septembre 2017

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Français]

     Je souhaite à tous la bienvenue à cette réunion du Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire.
    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous poursuivons l'étude sur une politique alimentaire pour le Canada.
    Nos invités d'aujourd'hui vont certainement nous aider dans notre étude.
    Nous accueillons M. Shawn Pegg, qui est directeur de la politique et de la recherche au sein de l'organisme Banques alimentaires Canada.
    Bienvenue, monsieur Pegg.
    Nous recevons également Mme Diana Bronson, qui est directrice générale du Réseau pour une alimentation durable, ainsi que Mme Amanda Wilson, qui est analyste politique et coordonnatrice à l'engagement communautaire au sein du même organisme.
    Bienvenue, mesdames.
    Nous recevons aussi le président de l'Union des producteurs agricoles, M. Marcel Groleau.
    Bienvenue, monsieur Groleau.
    Enfin, nous accueillons Mme Annie Tessier, qui est coordonnatrice de la Coalition pour la souveraineté alimentaire.
     Vous disposerez tous de sept minutes pour livrer votre présentation. Nous passerons ensuite à la période de questions et réponses.
    Nous allons commencer par M. Pegg, de Banques alimentaires Canada.

[Traduction]

    Vous avez sept minutes.
    Merci beaucoup de m’avoir invité à parler devant vous aujourd’hui.
    J’aimerais commencer par dire que les banques alimentaires de partout au pays se réjouissent que le gouvernement fédéral élabore une nouvelle politique alimentaire pour le Canada. Les banques alimentaires ont changé au fil du temps. Elles privilégient une nouvelle approche à l’égard de la nourriture, y compris en ce qui concerne les types et la diversité des denrées alimentaires qu’elles sont en mesure de fournir, et elles veulent aussi voir évoluer le gouvernement fédéral au fil du temps.
    Nous louons le gouvernement fédéral pour la structure inclusive du nouveau cadre stratégique de la politique alimentaire nationale et nous louons aussi le fait que la politique s’attachera principalement à la sécurité alimentaire du ménage. Dans un pays où les aliments sont relativement abordables, mais où les agriculteurs ont du mal à joindre les deux bouts, où les travailleurs agricoles représentent certains de nos résidents les plus vulnérables, où quatre millions de personnes souffrent d’insécurité alimentaire, et où plus de 860 000 personnes font appel à des banques alimentaires chaque mois, il est clair que nous devons trouver de nouvelles idées.
    J’aimerais aborder deux points importants cet après-midi. J’aimerais d’abord parler du coût abordable des aliments et, ensuite, de l’insécurité alimentaire des populations autochtones et du Nord.
    Commençons par le caractère abordable des aliments. Les Canadiens du Sud consacrent environ 10 % de leurs dépenses à l’achat de nourriture, 14 % si on compte les sorties au restaurant. C’est un des endroits au monde où on consacre le moins d’argent à la nourriture. Lorsqu’on voit que le document de consultations sur la politique alimentaire fédérale parle de rendre les aliments plus abordables qu’ils le sont actuellement, cela nous rend un peu nerveux, car ce serait difficile de le faire pour le consommateur moyen. Si vous essayez de faire baisser le prix des aliments, il est probable que ce soit au détriment des agriculteurs et des travailleurs de l’alimentation au Canada et dans le monde entier.
    De bien des façons, l’insécurité alimentaire ne concerne pas du tout les aliments. La principale façon d’accroître l’accès, en particulier, des Canadiens à faible revenu à des aliments nutritifs et salubres est de hausser les revenus, qui est une responsabilité qui relève clairement de la prochaine stratégie de réduction de la pauvreté.
    Nous étions très heureux de voir qu’il existe des liens étroits entre l’élaboration de la politique alimentaire nationale et la stratégie de réduction de la pauvreté. C’est une très bonne nouvelle.
    Banques alimentaires Canada a publié aujourd’hui un nouveau rapport concernant la réduction de la pauvreté intitulé « Personne sur qui compter ». Ce rapport examine le cas des 1,3 million d’adultes seuls vivant dans la pauvreté qui ont de la difficulté à se payer à manger au Canada et il formule des recommandations pour leur faire rejoindre le courant économique général. C’est une des choses dont Banques alimentaires Canada tient compte dans ses efforts de défense et ses relations gouvernementales.
    Parce qu’on ne saurait trop insister, je le répète: seule la hausse des revenus améliorera l’accès à des aliments nutritifs et salubres à grande échelle. Lorsqu’un adulte célibataire bénéficiaire de l’aide sociale vit avec 8 000 $ par année — comme c’est le cas de centaines de milliers de personnes au Canada — nous sommes très loin, en effet, des aliments abordables.
    Bien sûr, la situation dans le Nord est assez différente. Les coûts des aliments dans cette région sont plus de deux fois supérieurs à ceux du Sud et les niveaux d’insécurité alimentaire sont aussi beaucoup plus élevés. Dans les territoires, une personne sur cinq souffre d’insécurité alimentaire, et les chiffres sont plus élevés parmi les populations indigènes. Le Nunavut compte le niveau le plus élevé d’insécurité alimentaire indigène de tous les pays à revenu élevé dans le monde.
    Les discussions concernant l’insécurité alimentaire dans le Nord ont tendance à porter sur Nutrition Nord Canada, et nous sommes ravis de voir que le gouvernement fédéral projette d’apporter des changements à ce programme. Nous avons hâte de voir à quoi cela ressemblera. Cependant, Nutrition Nord Canada est une initiative modeste et limitée d’environ 120 millions de dollars, montant qui est vraiment écrasé par l’ampleur du problème. Pour répondre réellement à l’insécurité alimentaire dans le Nord, nous devons aller au-delà de cette initiative.
    Il est évident qu’il faut rehausser les revenus — cela constitue une partie essentielle de la solution, mais ce n’est pas la seule. J’encouragerais le Comité à étudier de près les façons dont nombre de collectivités du Nord traitent leurs problèmes alimentaires en faisant appel à leurs pratiques traditionnelles, dont la chasse, le piégeage et la pêche, ainsi que les façons dont le gouvernement fédéral pourrait appuyer ces initiatives.
(1535)
    Dans les travaux de recherche que Banques alimentaires Canada a menés, nous avons observé que les programmes communautaires dans le Nord ont énormément de difficulté à se maintenir à flot d’une saison à l’autre. Il y a un besoin pressant de nouvelles sources de financement pour des projets qui offrent des avantages démontrables et considérables aux collectivités.
    Merci beaucoup. Je me réjouis à la perspective de répondre à vos questions.
    Merci, monsieur Pegg.

[Français]

     Nous passons maintenant à Mme Bronson, du Réseau pour une alimentation durable.
    Bonjour. Je vous remercie beaucoup de nous avoir invitées à comparaître devant votre comité aujourd'hui.
    Je représente le Réseau pour une alimentation durable, un réseau pancanadien d'organisations et d'individus qui travaillent à l'atteinte de trois objectifs: la faim zéro; une alimentation saine et salubre; et un système alimentaire durable pour l'ensemble des Canadiennes et des Canadiens. Nous voyons ces objectifs comme étant interreliés.
    Au cours de la dernière décennie, nous avons abordé avec plusieurs milliers de citoyens la question d'une éventuelle politique alimentaire. Or il est ressorti de façon évidente de ces consultations que nous avions besoin d'une approche pangouvernementale.
    Nous devons travailler de concert avec l'ensemble des partenaires pour bâtir une vision commune, des objectifs communs et des priorités communes. Nous félicitons le ministère de l'Agriculture d'avoir inclus 16 agences gouvernementales et ministères dans le dossier du développement d'une politique alimentaire.
    Pourquoi cette approche pangouvernementale est-elle si importante?
    Dans le domaine de l'alimentation, nous sommes l'un des plus grands exportateurs. Pourtant, comme vient de le préciser M. Pegg, quatre millions de personnes au Canada souffrent d'insécurité alimentaire. Les maladies chroniques liées à une mauvaise alimentation représentent, en coûts directs et indirects, environ 26 milliards de dollars par année. Parmi 41 pays affichant des revenus élevés, nous occupons le 37e rang pour ce qui est de l'accès à une alimentation saine pour les enfants. Je pourrais continuer à vous citer des statistiques, mais je préfère passer à nos recommandations. Nous allons déposer d'ici la fin de la semaine un mémoire complet comportant de nombreuses recommandations détaillées à l'intention du gouvernement fédéral. Je pense néanmoins qu'il est plus pertinent de parler aujourd'hui de grandes orientations.
(1540)

[Traduction]

    La première chose que nous aimerions voir dans la politique alimentaire nationale est la reconnaissance officielle du droit à l’alimentation. C’est en 1976 que le Canada a signé le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, et pourtant, nous n’avons toujours pas atteint ses objectifs ou mis à jour les recommandations que le Rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à l’alimentation a formulées lorsqu’il est venu au Canada en 2012.
    C’est la première orientation: reconnaissons officiellement le droit à l’alimentation.
    Deuxièmement, ce n’est pas seulement une question d'opinion, mais bien un fait historique que, dans le passé colonial du Canada, la nourriture a servi d’arme contre les peuples autochtones. Il suffit de prendre le rapport de la Commission de vérité et de réconciliation et de lire les témoignages pour constater que la privation de nourriture, la suppression des cultures autochtones et le travail forcé ont tous fait partie de cette histoire.
    La nourriture rassemble aussi les gens et a le grand potentiel de rétablir cette relation en s’assurant que les peuples autochtones au Canada ont plus de pouvoir sur les décisions qui influent sur leur sécurité alimentaire.
    Troisièmement, nous pensons aussi que la politique alimentaire du Canada doit prioriser les enfants et la jeunesse. J’ai mentionné le rapport de l’UNICEF, qui nous a placés au 37e rang sur une liste de 41 pays à revenu élevé. Nous n’offrons toujours pas une saine alimentation en milieu scolaire aux petits Canadiens, même dans les réserves, qui relèvent clairement de la compétence fédérale. De concert avec la Coalition pour une saine alimentation scolaire, nous demandons la création d'un programme universel de saine alimentation scolaire à frais partagés qui appuierait le droit de tous les enfants à un bon apprentissage grâce à une alimentation saine dans les écoles.
    Quatrièmement, nous pensons que le Canada doit mieux appuyer la prochaine génération d’agriculteurs et promouvoir plus clairement la diversité des pratiques agricoles. Nous avons actuellement un nombre plus élevé d’agriculteurs de plus de 70 ans que nous en avons de moins de 35 ans, et 92 % d’entre eux n’ont pas de plan de relève. Les jeunes ou les nouveaux immigrants qui souhaitent se lancer dans le domaine de l’agriculture ou travailler dans l’industrie des pêches ont des défis de taille à relever pour accéder aux terres, aux capitaux et à la formation dont ils ont besoin. Ce devrait être une orientation fondamentale de notre nouvelle politique alimentaire.
    Cinquièmement, nous demandons la mise en place d’une nouvelle institution — un nouveau conseil de la politique alimentaire nationale.
    Il y a fort à dire à ce sujet, et vous en entendrez beaucoup plus parler au cours des mois qui viennent, car nous sommes nombreux à avoir parlé à des hauts fonctionnaires du gouvernement, mais aussi à des intervenants de réseaux de l’industrie et de la société civile. Nous n’allons pas tout régler dans cette nouvelle politique alimentaire nationale. On s’attend à ce qu’elle soit prête d’ici à mai prochain. Il y aura une foule de questions que nous n’aurons pas le temps de traiter, mais pour diverses raisons, certains d’entre nous estiment que tous les intervenants ont besoin de s’asseoir à la même table, pas seulement avec les fonctionnaires du ministère de l’Agriculture, mais aussi avec ceux du ministère de la Santé, du Développement social, des Affaires autochtones, et des Pêches et des Océans. Tous ces joueurs gouvernementaux doivent se joindre aux discussions, tout comme les intervenants de l’industrie et de la société civile, les meilleurs chercheurs universitaires et les bailleurs de fonds.
    Nous avons collaboré avec nos partenaires, Maple Leaf Foods, la Fédération canadienne de l’agriculture, l’Institut canadien des politiques agroalimentaires, l'Arrell Food Institute à l’Université de Guelph ainsi qu’un certain nombre d’autres intervenants, à formuler des recommandations claires à cet égard, et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions à ce sujet.
    Sixièmement, je sais que l’innovation est un thème qui importe vraiment à ce gouvernement, lequel a, en notre nom, accordé des ressources considérables à l’innovation de l’industrie agroalimentaire. Nous nous en réjouissons. L’innovation ne se fait pas qu’au plan technologique, mais aussi au plan social. Nous croyons que, en plus d’avoir investi 65 millions de dollars dans l’industrie agroalimentaire, nous devrions en faire autant pour appuyer l’innovation sociale dans notre système alimentaire. Parmi les membres de mon réseau, il y a des personnes qui transforment les banques alimentaires, qui mettent à l’essai de nouvelles techniques agricoles, qui trouvent de nouvelles façons de donner aux gens la nourriture dont ils ont besoin, et qui gèrent des programmes novateurs dans les écoles, les universités et les hôpitaux. Je pense que c’est le type de travail qui a besoin de votre soutien.
    Merci beaucoup.
(1545)
    Merci, madame Bronson.

[Français]

     Nous passons maintenant à M. Groleau ou à Mme Tessier, de l'Union des producteurs agricoles.
    Je suis président de l'Union des producteurs agricoles, mais je suis aussi coprésident de la Coalition pour la souveraineté alimentaire.
    Cette coalition existe au Québec depuis neuf ans et compte aussi des membres ailleurs au Canada. Actuellement, 62 organisations sont membres de notre coalition. Plusieurs de nos membres représentent aussi des secteurs qui viennent de s'exprimer ici. Notre coalition est très soucieuse de tous les aspects d'une future politique alimentaire au Canada.
    Selon nous, cette politique alimentaire canadienne doit se faire en collaboration et conjointement avec les gouvernements des provinces, parce que l'agriculture et l'alimentation sont des compétences partagées. Le commerce interprovincial agricole est de compétence fédérale, mais tout ce qui concerne l'agriculture relève des provinces.
    Lorsqu'on parle d'une politique nationale alimentaire, une question vient tout de suite à l'esprit. J'aimerais qu'on nous explique de quelle façon le Canada, de concert avec les provinces, pourra remplir ses engagements et réaliser cette politique alimentaire dans le contexte de la fédération canadienne. C'est quand même une question importante.
    Par ailleurs, il y a aussi la régulation des marchés. Nous sommes une coalition pour l'exception agricole et alimentaire. Les gouvernements ont deux façons d'intervenir, soit par la réglementation, puisqu'ils sont des législateurs, soit financièrement. En effet, le gouvernement peut offrir du soutien, de l'investissement et de l'accompagnement. Ce sont les deux façons dont un gouvernement peut intervenir.
    Nous pensons qu'en matière de réglementation, le gouvernement doit mieux réguler les marchés agricoles pour veiller, comme cela a été mentionné un peu plus tôt, à ce que les prix soient justes et équitables pour l'ensemble des citoyens, peu importe où ils vivent et leur situation. L'accès aux aliments en soi n'est pas suffisant, encore faut-il qu'ils soient abordables pour l'ensemble des citoyens canadiens.
    On a parlé du droit à l'alimentation et je n'y reviendrai pas. Je vais plutôt parler de l'aspect multisectoriel de cette politique.
    C'est vrai qu'elle est chapeautée par le ministère de l'Agriculture, mais il faut vraiment qu'elle devienne une politique gouvernementale, c'est-à-dire que chaque ministère et organisme de l'État devra en tenir compte au moment de prendre toute décision pouvant avoir un impact sur l'alimentation et l'agriculture au Canada.
    Je vais souvent mentionner les mots « agriculture » et « alimentation », parce que nous considérons qu'ils sont indissociables dans notre réflexion sur une politique alimentaire.
    Je vais maintenant aborder le volet producteurs. Les citoyens sont aussi des consommateurs. Les sondages faits auprès des citoyens révèlent qu'ils sont très exigeants: ils veulent vivre dans un environnement sain, que les pratiques agricoles soient les plus propres possible, qu'on protège l'eau, les nappes phréatiques et les rivières, qu'il y ait une diversité d'agriculture, et ainsi de suite.
    Or, quand on analyse les comportements du consommateur, on voit qu'ils ne sont pas toujours conformes à ce que le citoyen demande. Ce sont souvent les prix qui déterminent le comportement du citoyen. Les gouvernements interviennent auprès des producteurs selon la volonté du citoyen, mais nous, comme producteurs, avons parfois de la difficulté à répondre à l'objectif premier du consommateur: payer le prix le plus bas possible pour ses aliments.
(1550)
     Or vous devez prendre en compte ce dilemme. Au Canada, on impose des pratiques exigeantes en matière d'agriculture, mais on permet l'importation de produits pour lesquels ces pratiques ou exigences n'ont pas à être respectées. Cela met l'agriculture canadienne dans une situation difficile par rapport à ses concurrents.
     Je vais maintenant aborder la question du cadre stratégique. C'est cette année que va prendre fin l'actuel cadre stratégique en matière d'agriculture. En 2018, nous aurons une nouvelle politique agricole. Une entente fédérale-provinciale a été conclue en juillet dernier à cet égard. Or le gouvernement canadien a déjà déterminé que les sommes dont bénéficiera le futur cadre agricole seront les mêmes que celles dont dispose le cadre actuel, qui date de 2013. En outre, par rapport au cadre stratégique adopté en 2008, celui de 2013 avait été réduit de 260 millions de dollars par année. On se targue de mettre en oeuvre une nouvelle politique alimentaire alors que notre principale politique agricole, le cadre stratégique, va bénéficier d'un soutien inférieur à ce qu'il était en 2008. Par conséquent, je m'inquiète quant à la capacité des producteurs agricoles de faire face aux exigences des consommateurs dans le cadre de cette future politique alimentaire.
    L'étiquetage des aliments est aussi un élément important de cette politique. Je crois que l'étiquetage doit être national, de façon à permettre aux consommateurs de s'y retrouver. Actuellement, Il y a beaucoup de pressions concernant l'étiquetage des OGM au Québec. Or l'Union des producteurs agricoles et la Coalition pour la souveraineté alimentaire sont d'accord pour que l'étiquetage des OGM soit appliqué, pourvu qu'il soit national. On ne peut pas se permettre des étiquetages très différents d'une province à l'autre.
    Monsieur Groleau, pouvez-vous terminer votre présentation? Vos sept minutes sont presque écoulées.
    Je vais terminer en disant que les attentes des citoyens sont élevées, que les inquiétudes des producteurs sont réelles et que les besoins sont très précis. Les intervenants précédents vous en ont fait part.
    Le gouvernement a entre les mains un projet intéressant, mais il va devoir tenir compte d'une multitude de facteurs s'il veut que ce soit un succès.
    Je vous remercie, monsieur Groleau, d'avoir soulevé tous ces points intéressants.
    Nous allons maintenant passer à la période de questions et réponses.
    Monsieur Berthold, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je pourrais facilement passer une demi-heure avec vous, particulièrement avec M. Groleau, qui est le président de l'Union des producteurs agricoles, bien sûr, mais qui est aussi un résidant de ma circonscription. C'est également le cas du ministre provincial de l'Agriculture. Le centre de l'agriculture, au Canada, c'est Mégantic—L'Érable.
    Des voix: Ah, ah!
    M. Luc Berthold: Enfin, je tiens simplement à le souligner à mes collègues.
     J'ai retenu un bon nombre de vos commentaires. D'abord, il est en effet inacceptable que les Canadiens n'aient pas accès à de la nourriture de qualité, quel que soit leur rang social ou l'endroit où ils se trouvent. J'ai travaillé beaucoup auprès des banques alimentaires dans ma circonscription et je trouve vraiment horrible de voir à quel point ces banques doivent répondre à un besoin primaire dans la population. C'est un réel problème.
    Vous avez souvent soulevé le problème de l'accès à la nourriture. J'ai apprécié que l'on souligne le fait que le prix n'est pas la seule question à considérer et que celle des revenus doit aussi être prise en compte. Dans le cadre de cette future politique alimentaire, on entend beaucoup parler des exigences, des nombreuses normes qu'on veut imposer aux agriculteurs. Le fait est que tout cela a un prix. Plus on ajoute de normes liées à la nourriture, plus on doit augmenter le prix de cette dernière. Il s'agit là d'un effet pervers. Je pense que cela demande beaucoup de réflexion.
     Je sais qu'à l'heure actuelle, le ministère fait une étude exhaustive sur la politique alimentaire. Nous effectuons la même étude, en même temps, et j'espère que nous allons nous croiser un jour. J'aimerais bien obtenir une copie de votre rapport et de vos recommandations.
    En outre, j'aimerais bien que vous nous fassiez parvenir votre documentation, madame Bronson.
    À mon avis, nous sommes en quelque sorte en train de mettre la charrue avant les boeufs, ici au Comité. Nous aurions dû attendre de recevoir le résultat de l'analyse du ministère et étudier ensuite l'ensemble de ses recommandations. Nous aurions pu ainsi bénéficier de toute la consultation qu'il a menée.
    Permettez-moi maintenant d'aborder un sujet d'actualité avec M. Groleau.
     Nous avons parlé d'accès à la nourriture. Or une autre question préoccupe beaucoup les agriculteurs en ce moment, et c'est la survie des fermes familiales. Cette question est liée aux propositions de changements fiscaux qu'a présentées le ministre des Finances. La période de consultation a été très courte et on a manqué de temps. Les producteurs ne sont pas encore sensibilisés à la situation. Je sais, pour avoir assisté à des assemblées de l'UPA, que la majorité des gens ne sont vraiment pas au courant de ce qui est en train de se passer.
    Monsieur Groleau, pour que la nourriture soit abordable, il faut effectivement jouer sur les coûts. Or les taxes représentent un coût important pour les producteurs.
(1555)
     En fait, en ce qui concerne le principe d'une fiscalité équitable, on ne peut pas être contre. Je ne me prononcerai pas au sujet des autres secteurs économiques au Canada, mais pour ce qui est du secteur agricole, la différence est que la valeur des actifs en agriculture pour produire un dollar de revenu est très élevé. Huit dollars d'investissement sont nécessaires pour produire un revenu de un dollar. Il est donc certain que les mesures fiscales en agriculture sont importantes pour le revenu familial, qui est somme toute relativement bas comparativement au revenu familial moyen au Canada.
    Récemment, la Fédération canadienne de l'agriculture est intervenue auprès du ministre Morneau et de l'UPA. Nous avons soumis certaines questions au cours de la consultation actuelle. C'est surtout important à cause de la valeur des actifs, justement. Beaucoup de petites entreprises en agriculture sont incorporées. Les mesures fiscales servent vraiment à rémunérer les membres de la famille. Il est certain que, pour nous, c'est important.
    Au cours de mes consultations des dernières semaines, j'ai entendu beaucoup de propriétaires de petites fermes exprimer une réelle inquiétude relativement à la relève. Vous avez soulevé le problème de relève en agriculture au Canada. C'est effectivement le cas. On m'a dit que, de fait, ces mesures peuvent nuire à la passation de propriété au sein d'une même famille.
    Du côté du l'Union des producteurs agricoles, est-il important qu'on puisse assurer une relève agricole au sein de la famille au Québec? Ceux qui vivent dans les régions savent comment cela se passe. On connaît la famille d'un rang et on sait quels jeunes veulent prendre la relève de la ferme. C'est important, et l'accès à cette nourriture produite par les fermes en région est ce qui assure en partie la survie de nos marchés publics de nos différentes régions.
    En fait, j'ai parlé du cadre stratégique agricole. Je dirais que les coupes qu'on y a effectuées dans le cadre stratégique agricole, dans la gestion des risques et dans le soutien à différents programmes, comme Agri-investissement, ont certainement eu depuis les dernières années plus d'impact sur les petites entreprises agricoles que les changements fiscaux mesurables, par exemple.
    Comme je l'expliquais, il y a eu des coupes de 260 millions de dollars. On va se retrouver, en 2018, avec un budget inférieur à celui de 2008 pour soutenir les risques en agriculture au Canada, alors que les risques augmentent à cause des changements climatiques et d'une volatilité plus grande des prix des marchés.
    Les petites entreprises agricoles, devant des risques plus importants et avec moins d'accompagnement de l'État, verront donc certainement leur situation se compliquer. C'est évident.
    En tous cas, comme je l'ai mentionné, j'entends beaucoup de commentaires à ce sujet. Je crois que ce qui se passe en ce moment constitue une préoccupation grave, pas seulement au Québec, mais partout au Canada. Je vais suivre cela attentivement au cours des prochaines semaines, monsieur Groleau.
    Je vous remercie beaucoup de vos témoignages. Comme je l'ai dit, si vous pouvez nous donner d'autres informations que vous avez pu communiquer dans le cadre de l'analyse du ministère, il nous fera plaisir d'en prendre connaissance.
(1600)
    Merci, monsieur Berthold.
    Monsieur Breton, vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie tous les témoins d'être ici, aujourd'hui.
    Vos commentaires et vos préoccupations sont extrêmement importants dans le cadre de l'étude que nous menons actuellement.
    Je vais commencer par vous, monsieur Groleau et madame Tessier.
    Vous avez parlé du prochain cadre stratégique. Évidemment, ce sera un gros morceau, en 2018 et durant les cinq années subséquentes. Vous avez parlé d'une entente avec les provinces, en juillet 2016. C'est bien cela?
    C'était en juillet 2017.
    En juillet 2017, pardon.
    Qu'en est-il du financement des provinces dans ce cadre? Vous dites que c'est un dossier bipartite.
    En fait, ce sont des programmes à frais partagés entre les provinces et le gouvernement fédéral. La part du gouvernement fédéral est de 60 % et celle des provinces de 40 % en ce qui concerne les programmes financés par le gouvernement fédéral.
    Par ailleurs, si une province veut lancer un programme qui lui est propre, cela demeure son choix. En juillet, on vient d'établir le cadre de la prochaine entente qui va débuter en 2018. Il reste maintenant une négociation bilatérale à conclure avec chacune des provinces pour que le gouvernement fédéral signe une entente d'ici 2018 avec chacune d'elles.
    Les provinces ont-elles déjà mis de l'argent mis sur la table?
    L'argent provenant des provinces va nécessairement suivre l'entente fédérale-provinciale dont on conviendra.
     Très bien.
    On parle beaucoup d'achat local, qui est une expression très à la mode.
    Madame Bronson, vous pourrez peut-être répondre à ma question.
    On a beau discuter d'achat local dans nos communautés, il ne faudrait pas penser que le seul fait de sensibiliser les gens à l'importance de consommer des produits locaux les incitera soudainement à le faire.
    Que pourrait faire le gouvernement en ce sens? Que pourrait-il mettre dans sa politique alimentaire qui changerait vraiment la donne relativement à l'achat de produits agricoles locaux?
    L'intervention la plus importante qu'il pourrait faire serait d'inciter les institutions publiques à s'approvisionner localement. Un nombre incalculable d'expériences d'approvisionnement local sont menées dans les hôpitaux et sur les campus universitaires. On pourrait même faire de telles expériences dans les édifices gouvernementaux, et pourquoi pas au Parlement.
    Il faut privilégier l'achat local. M. Groleau pourra peut-être vous en dire davantage là-dessus, mais un des défis auxquels font face les petits producteurs est trouver un marché régulier où vendre leurs produits.
    Je ne parle pas de n'importe quel produit local non plus, mais d'aliments produits de manière écologique et d'aliments sains. Au Canada, on ne produit pas suffisamment de fruits et de légumes. Quand la devise américaine monte et qu'en conséquence, le prix des fruits et légumes monte en flèche au Canada, cela nous rend très vulnérables. On voit que cela préoccupe énormément les consommateurs et les citoyens.
    La plus importante intervention à faire serait que la ministre de la Santé mette en place des incitatifs, que ce soit en établissant des prix ou en faisant des règlements, à l'intention du secteur de la santé pour qu'il s'approvisionne localement. C'est d'ailleurs ce qui se fait à l'Institut de cardiologie de Montréal.
    Différentes expériences sont menées actuellement en ce sens. Par exemple, il y a le programme Nourrir la santé , qui est une collaboration de la Fondation McConnell, du Réseau pour une alimentation durable et d'autres organismes. Vingt-cinq expériences sont en cours.
    Il y a aussi Meal Exchange, un regroupement d'étudiants universitaires qui mettent de la pression sur leurs universités respectives pour qu'il y ait une meilleure offre alimentaire. Cela se fait à l'Université de Toronto, à l'Université Concordia, à l'Université Ryerson et sur de nombreux autres campus d'un bout à l'autre du Canada.
    Je trouve cet exemple intéressant.
    Il me reste quelques minutes et j'aimerais entendre les commentaires de M. Groleau, qui représente des milliers de producteurs au Québec dans ce dossier.
    La politique agricole qu'avait mise sur pied M. Gendron, l'ancien ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec, comportait un volet lié à l'approvisionnement local dans les institutions publiques. Les institutions publiques constituent certainement un marché important. Plusieurs pays européens ont instauré l'obligation, dans leurs appels d'offres, d'acheter une portion d'aliments produits localement ou à une certaine distance des institutions. C'est sûr que cela crée des marchés. Cela va dans le sens de ce que je disais, à savoir que les gouvernements ont la possibilité de réguler et de donner certaines indications. C'est là un exemple concret.
(1605)
    C'est souvent une question de prix. À petite échelle, on veut acheter localement. On veut au moins pouvoir payer le même prix qu'on paierait pour un produit non local. Cela revient un peu à ce que vous disiez tout à l'heure. C'est souvent le prix qui détermine le comportement du consommateur ou du citoyen, au bout du compte.
    Je vous remercie.
    Merci, monsieur Breton.
    Madame Brosseau, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais poursuivre sur le même sujet, l'achat local.
    Au cours de la 41e législature, ma collègue de Salaberry—Suroît a déposé un projet de loi visant à demander que les institutions gouvernementales s'approvisionnent en aliments locaux. Je pense qu'elle va bientôt déposer un projet de loi similaire. Je ne peux pas parler de tous les détails parce qu'il n'a pas encore été déposé à la Chambre, mais il serait intéressant d'étudier un tel projet de loi.

[Traduction]

    J’aimerais revenir au rapport du Rapporteur spécial qui est venu en 2012, l’année où j’ai commencé à siéger au comité de l’agriculture, à l’époque où le gouvernement conservateur était au pouvoir. Lorsque le Rapporteur spécial est venu au Canada et qu’il a présenté son rapport de 19 pages avec recommandations, peu de mesures ont été prises pour y donner suite. Maintenant, nous avons un nouveau gouvernement qui a promis d’instaurer une stratégie alimentaire, ce qui est très bien, et notre comité procède à la présente étude.
    Pouvons-nous revenir à ce qui a été dit en 2012? Avons-nous réalisé des progrès? Parmi les quatre priorités annoncées par le ministre de l’Agriculture, il n’est pas précisément question du droit à l’alimentation. Je pense que ce devrait être mentionné et qu’il n’est pas trop tard pour le souligner davantage.
    Pourriez-vous formuler des commentaires à cet égard, je vous prie, madame Bronson?
    Je pense que la visite d’Olivier De Schutter au Canada en 2012 a été une occasion très stimulante. Il a traversé le pays et rencontré de nombreuses personnes. Il a terminé par un rapport contenant une série de recommandations qui a, sauf votre respect, été présenté à plusieurs reprises aux hauts fonctionnaires qui travaillent à la politique alimentaire du Canada.
    Il en a été question au Sommet de l’alimentation, et il en sera question encore et encore au cours des mois qui viennent. Nous avons présenté nos cinq grandes idées au début de ce processus, et notre premier argument était que nous devrions reconnaître le droit des personnes à l’alimentation. Pourquoi? Parce que cela ne fait pas de l’alimentation une oeuvre de charité, mais bien une question de dignité humaine. Si nous ne reconnaissons pas l’alimentation comme un droit de la personne, nous opterons toujours pour la solution des programmes alimentaires de bienfaisance offerts par les banques d’alimentation à ceux qui n’ont pas les moyens de se nourrir.
    Lorsque nous avons signé le Pacte, nous n’avons pas dit que plus personne ne souffrirait de la faim du jour au lendemain. Nous avons dit que le Canada s’engageait à accorder progressivement le droit à l’alimentation. Cela voudrait dire que, d’une année à l’autre, le nombre de personnes affamées diminue. Malheureusement, ce n’est pas ce qui s’est passé.
    La première recommandation d’Olivier De Schutter a été d’instaurer une stratégie relative au droit à l’alimentation. Le gouvernement au pouvoir a annoncé une politique alimentaire, alors nous pensons que nous avons besoin d’y inclure le principe du droit à l’alimentation. Énonçons-le clairement, comme nous l’avons fait dans le cas des soins de santé. Nous avons affirmé au pays que les soins de santé sont universels, gratuits, accessibles, transférables — et je ne suis pas une spécialiste de la Loi canadienne sur la santé.
    Si nous énonçons clairement que l’alimentation est un droit fondamental de la personne et que le gouvernement et ceux qui lui succéderont ont l’intention d’assurer le respect de ce droit pour tous les Canadiens, sans discrimination, je pense que nous romprions vraiment avec le passé, ce qui nous permettrait de souscrire à cette vision et de travailler à la concrétiser.
    Il a aussi recommandé l’examen de l’initiative Nutrition Nord, programme alimentaire universel dans les écoles, et un meilleur appui gouvernemental à l’égard de la diversité des pratiques agricoles. Il vaut certainement la peine de retourner lire ce rapport. Il n’est pas bien long; il fait peut-être 15 pages, dont une page et demie de recommandations, et je pense qu’elles sont toujours valides.
(1610)
    Merci, madame Bronson.
    Monsieur Pegg, pouvez-vous vous prononcer sur l’importance du droit à l’alimentation?
    Peut-être que vous pourriez aussi parler d’une stratégie de réduction de la pauvreté. Les personnes qui font appel aux banques alimentaires sont des travailleurs, des étudiants, parfois des aînés. Souvent, lorsque je visite des groupes communautaires et des banques alimentaires, on me dit que le nombre de personnes n’est pas à la baisse, qu’il augmente plutôt d’année en année.
    Pouvez-vous parler des progrès réalisés par le gouvernement concernant une stratégie de réduction de la pauvreté et de l’importance de la faire avancer en prenant des mesures concrètes?
    Nous sommes très heureux de voir le gouvernement fédéral prendre des mesures à divers égards dans le cadre d’une politique alimentaire, d’une stratégie de réduction de la pauvreté et d’une stratégie nationale pour le logement. Bien que ces initiatives soient toutes prometteuses, il est difficile de prévoir ce qui se passera avec la stratégie lorsque vous n'en connaissez pas exactement le contenu. Le contenu sera très important.
    Un secteur dans lequel le droit à l’alimentation au Canada laisse, à mon avis, le plus à désirer est parmi les populations autochtones. Puisqu’il s’agit d’une réunion fédérale, je pense qu’il convient le plus de parler des peuples autochtones qui vivent dans des réserves étant donné que le gouvernement fédéral est responsable de nombre de ces collectivités.
    Vous avez dit que bien des gens qui font appel aux banques alimentaires sont des travailleurs, des aînés et des enfants, ce qui est tout à fait vrai. J’ajouterais que nombre de personnes qui s’en remettent aux banques alimentaires sont des bénéficiaires d’aide sociale ou d’aide à l’emploi — le nom varie d’une province à l’autre, selon l’endroit où vous êtes — et le gouvernement fédéral a l’habitude d’offrir dans les réserves les mêmes taux d’aide sociale que dans les provinces et les territoires.
    Si vous êtes célibataire au Canada et que vous traversez une période difficile — vous perdez votre emploi en raison d’une blessure, et peut-être que vous avez du travail à temps partiel ou temporaire depuis deux ou trois ans — vous pouvez toucher de l’assurance-emploi pendant cinq ou six mois, et ensuite, que pouvez-vous faire si vous n’allez pas assez bien pour retourner au travail? Vous devez vous en remettre à l’aide sociale, ce qui n’est pas une situation idéale, car si vous vivez seul, vous devez trouver une façon de vivre avec 8 000 $ par année.
    Merci, monsieur Pegg. Malheureusement, c'est tout le temps que vous aviez.
    La parole est maintenant à M. Longfield pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous les témoins ici présents.
    Je vais poursuivre dans la même veine que certains de mes collègues. Je veux commencer par la question de l’innovation. L’innovation retient toujours mon attention.
    Je vais revenir à la campagne. Je pense que nous avons eu 11 débats de candidats. Le premier a été organisé par Sécurité alimentaire Canada à Innovation Guelph. C’est un centre dont je suis le cofondateur. Il faisait chaud cet après-midi-là. Nous avions six candidats, et Sécurité alimentaire Canada voulait s’assurer qu’ils parlent d’alimentation. Et nous voici maintenant —à une différente réunion, dans une pièce où il ne fait pas aussi chaud bien que la température soit probablement la même à l’extérieur.
    Le sixième point que vous avez soulevé, madame Bronson, concernait l’innovation.
    La Children’s Foundation à Guelph gère un programme appelé Food and Friends. Celui-ci fait la collecte des sapins de Noël, soit environ 4 000 par année. L’an dernier, il a recueilli environ 50 000 $. Il sert des repas à 16 000 étudiants, soit 1,9 million de repas par année. Il s’agit d’une innovation au plan social. Ce programme a été lancé parce que la ville a dit qu’elle ne ferait plus la collecte des sapins de Noël, alors la Children's Foundation a pris le relais et décidé de trouver des bénévoles pour faire la collecte des sapins. On a demandé aux gens de payer cinq ou 10 $ par arbre pour recueillir des fonds afin d’aider les enfants.
    C’est un exemple d’innovation sociale qui n'émane ni du gouvernement ni des grands programmes. Il existe probablement d’autres programmes communautaires. Coopération agroalimentaire Nouveau-Brunswick en est un autre exemple.
    Votre organisme fait-il le suivi des exemples d’efforts déployés à l’échelle communautaire pour faire en sorte que les enfants reçoivent de bons repas dans leurs écoles? Est-ce quelque chose que nous pouvons intégrer à notre étude sur la politique alimentaire? Si le gouvernement pouvait aider en coulisses, car les programmes sont gérés à l’échelon communautaire, y a-t-il un rôle que le financement de l’innovation sociale ou la mise en commun des idées pourrait jouer?
    C’est une longue question.
    Oui. J’aime beaucoup le fait que vous soyez revenu à la campagne « Je mange donc je vote ». Simplement un citoyen et un organisme sans but lucratif… Cette campagne a eu lieu pendant les élections.
(1615)
    C'était une bonne campagne.
    J'ai également rencontré M. Poissant par la même occasion, et le fait d'être parmi vous ici aujourd'hui... J'aime à penser que c'est grâce à l'inclusion de la politique alimentaire dans la lettre de mandat. Je suis très satisfaite de la mobilisation qui a eu lieu durant la période électorale. Merci de cette observation.
    Il n'existe aucune évaluation exhaustive, entre autres, des programmes de repas gratuits à l'école dans l'ensemble du pays. Il n'y a aucune feuille de route. Ce que nous avons actuellement, c'est un ensemble disparate de programmes. Certains enfants reçoivent des boissons gazeuses et des beignes, alors que d'autres se font servir des légumes frais et du houmous. Il y a toutes sortes de programmes partout au pays.
    Il s'agit, pour la plupart, de programmes très innovateurs, très près des gens, et les intervenants font de leur mieux avec ce qu'ils ont à leur disposition. Je crois que c'est exactement le modèle qui est visé, comme vous le dites, par la Coalition pour une alimentation scolaire. Il s'agit d'un modèle ascendant. Ce n'est pas un nouveau programme fédéral unique de grande envergure, assorti de toutes sortes de règles complexes que tout le monde doit respecter.
    La Coalition affirme, par exemple, que tous les enfants devraient avoir le droit à une saine alimentation. Nous travaillons à créer un fonds d'innovation sociale, dans le cadre duquel les conseils scolaires, les organismes sans but lucratif et les municipalités peuvent présenter une demande en vue de miser sur ce qu'il y a de mieux dans leur collectivité. Il existe des programmes extraordinaires à cet égard. Certains d'entre eux permettent d'obtenir des résultats tout simplement incroyables, selon une approche de la ferme à l'assiette.
    Très bien. Je suis heureux d'entendre votre témoignage au moment où nous sommes à rédiger notre rapport. Nous recueillerons les données à mesure que nous avancerons. J'espère que nous pourrons y inclure ce volet.
    On trouve aussi à Guelph une nouvelle entreprise d'innovation sociale, appelée 10C, qui se veut un incubateur pour l'innovation sociale et qui inclura une cuisine pour aider les réfugiés à apprendre comment préparer des repas en utilisant des produits locaux, à changer leurs habitudes alimentaires ou peut-être à répondre à leurs besoins alimentaires en collaborant avec les épiceries locales. Nous sommes en train d'examiner un centre au coeur de Guelph pour appuyer l'innovation alimentaire.
    S'agissant de supergrappes, notamment dans le secteur agroalimentaire, vous avez dit dans votre exposé que les fonds d'innovation actuels devraient correspondre aux fonds d'innovation sociale. Avez-vous quelque chose à ajouter à ce sujet?
    Je crois qu'on prend parfois un raccourci quand on parle d'innovation. Tout le monde songe à la technologie. Bien entendu, la technologie est importante. Je suis assise ici, mon iPhone à portée de la main, et je ne nie pas ce fait. Cependant, l'esprit innovateur des gens avec qui je travaille par l'entremise des banques alimentaires, des programmes de repas gratuits à l'école, des agriculteurs et des pêcheurs, se manifeste d'un bout à l'autre du pays. Tous ces intervenants manquent désespérément de fonds. Je vous dirai ceci: ils se débrouillent avec presque rien.
    Ils font un travail admirable.
    En effet, et ils ont un potentiel immense pour faire croître l'économie.
    J'aimerais passer rapidement à M. Pegg. J'étais à la banque alimentaire de Guelph vendredi dernier, dans le cadre de la campagne de sensibilisation à la faim, menée partout au Canada. La banque alimentaire dessert 22 organismes à Guelph. Elle concentre tous ses efforts sur le gaspillage alimentaire, en collaboration avec les épiceries locales. Elle n'a pas encore commencé à travailler avec les restaurants. Y a-t-il un lien entre le gaspillage alimentaire et les banques alimentaires?
    Nous examinons le gaspillage alimentaire dans le cadre de notre politique alimentaire. Les banques alimentaires canadiennes pourraient-elles nous aider, d'une façon ou d'une autre, dans cette partie de notre étude?
    Je crois que les banques alimentaires jouent un rôle très actif à ce chapitre. Elles recueillent des excédents alimentaires sains et salubres depuis de nombreuses années. Je crois qu'elles auraient préféré ne pas avoir à le faire, malheureusement. Cela fait un peu un cliché, mais je pense que c'est important de le dire.
    Elles n'ont pas le choix. Très bien, merci.
    Nous avons eu droit à d'excellents exposés. Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Longfield.
    C'est maintenant au tour de M. Peschisolido; vous avez six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur Pegg, tout comme à Guelph, on trouve, dans la circonscription de Steveston—Richmond-Est, plus précisément à Richmond, une banque alimentaire phénoménale. Le directeur général, Alex Nixon, est un homme extraordinaire. Il s'implique dans la collectivité. Nous étions en train de parler du même genre de sujet; nous n'avons pas dit exactement la même chose que vous — à savoir que l'insécurité alimentaire ne concerne pas du tout les aliments —, mais que la croissance économique est nécessaire pour une société progressiste.
    M. Nixon m'a parlé, entre autres, de la notion d'achat local. Dans le contexte de notre politique alimentaire, nous exportons des aliments, mais nous tenons à la sécurité alimentaire; c'est pourquoi nous voulons acheter des produits locaux. Avez-vous des suggestions ou des réflexions sur la façon dont nous pouvons adopter une approche d'achat local pour ensuite peut-être l'étendre à l'échelle régionale et l'intégrer dans notre système économique lié à la production alimentaire? Les deux sont-ils incompatibles?
(1620)
    Je dirais que cette question ne relève pas de mon champ de compétence. Je vais laisser Mme Bronson y répondre, si vous le voulez bien. Elle est, en quelque sorte, l'experte en la matière.
    Absolument, ou si quelqu'un d'autre voudrait...
    Amanda souhaite peut-être intervenir, elle aussi, mais je vous renvoie à un excellent rapport intitulé Dollars and Sense, où l'on explique comment l'argent et les investissements consacrés aux aliments locaux circulent dans toute l'économie à maintes reprises, d'où le grand potentiel de créer de bons emplois.
    Vouliez-vous ajouter quelque chose à ce sujet?
     Chose certaine, il ne s'agit pas de choisir entre l'un ou l'autre de ces deux objectifs, et je crois que la plupart des agriculteurs et des intervenants du système agroalimentaire aimeraient que le secteur alimentaire local, le secteur alimentaire régional et le secteur agricole à vocation exportatrice ne soient pas aussi diamétralement opposés. Souvent, les agriculteurs cultivent des produits pour l'exportation et pour l'économie régionale.
    Je crois que, pour nous, l'orientation consiste à déterminer comment nous pouvons exercer un effet de levier et accroître la production locale et régionale, sachant que l'exportation continuera d'être, bien sûr, un aspect important du secteur agricole canadien. Nous espérons pouvoir rehausser l'un de ces deux éléments, tout en reconnaissant que l'autre se poursuivra.
    Madame Bronson, dans votre déclaration, vous avez parlé de l'importance de l'éducation, dès l'école primaire. J'aimerais vous parler davantage de l'éducation postsecondaire. À Richmond-Est, ma circonscription, il y a un merveilleux établissement appelé l'Université polytechnique Kwantlen, rebaptisée KPU. Kent Mullinex dirige le département de l'agriculture de l'université, et il s'est penché sur ce dont vous parlez, à savoir la création de la relève agricole. Le programme est suivi, chaque année, par 25 étudiants qui se rendent dans la collectivité. En Colombie-Britannique, comme vous le savez peut-être, il y a ce qu'on appelle le système de réserve agricole...
    C'est la réserve de terres agricoles, oui.
    Il y a beaucoup de terres disponibles là-bas; les gens s'y installent et se lancent dans l'agriculture. Ce n'est pas une coopérative, mais le programme dans son ensemble. Il s'agit d'un programme de deux ans.
    Avez-vous d'autres observations sur des idées de ce genre que nous pourrions intégrer dans notre politique alimentaire?
    J'aimerais revenir sur l'idée d'appuyer l'innovation. Je vais donner l'exemple d'un organisme remarquable, appelé FarmStart, qui est maintenant fermé en raison du manque de fonds. Situé à Guelph, cet organisme préparait la relève agricole grâce à une formation en affaires afin de voir qui était doté des habiletés nécessaires pour pouvoir vraiment tenir le coup, apprendre beaucoup de choses et établir des partenariats avec des exploitations agricoles sans cesse renouvelées. M. Longfield en sait probablement autant que moi. Toutefois, l'organisme a dû fermer ses portes, faute de financement suffisant.
    On trouve aussi de très bons programmes au Québec; il s'agit probablement des programmes les plus solides pour appuyer la relève agricole, mais rien n'a encore été fait.
    Là encore, Amanda pourrait avoir quelque chose à ajouter. Elle travaille avec un groupe de jeunes agriculteurs.
    Oui, selon de récents résultats de recherche, à l'échelle nationale, la plupart des nouveaux agriculteurs ne viennent pas du milieu agricole; par conséquent, certains n'ont pas de ferme familiale à prendre en charge. Ils doivent relever une série de défis particuliers, notamment l'accès à la formation, aux capitaux et aux terres, défis qui ne diffèrent pas tant de ceux auxquels font face les agriculteurs déjà en activité. Comme les nouveaux agriculteurs viennent surtout d'un milieu non agricole, nous avons besoin d'autres mesures de soutien pour leur offrir de la formation et les intégrer dans la collectivité agricole, alors qu'avant, il était un peu plus facile de prendre la relève.

[Français]

     Monsieur Groleau, vous avez parlé du rôle du gouvernement fédéral. Si ma mémoire est bonne, vous avez mentionné deux choses: on peut réguler les marchés et on peut donner de l'argent.
    Je ne connais pas la situation au Québec, parce que je viens de la Colombie-Britannique. Pouvons-nous faire des suggestions au gouvernement fédéral dans notre plan alimentaire, afin d'en arriver à une approche pancanadienne tout en tenant compte des différences?
    En fait, en matière d'agriculture, l'outil privilégié du gouvernement fédéral est le cadre stratégique pour l'agriculture. Par le financement des programmes, le gouvernement fédéral peut influencer les choix que vont faire les provinces. C'est l'un des éléments. Par exemple, si vous souhaitez mieux investir dans l'environnement, vous préparer aux changements climatiques et assurer une meilleure sécurité alimentaire aux Canadiens, parce que c'est important, le gouvernement fédéral peut très bien introduire ces éléments dans le cadre stratégique, en financer une partie et inciter les provinces à investir également dans ces volets.
    La relève agricole est un bel exemple. Le Québec a des programmes de relève agricole plus généreux que ceux d'autres provinces, mais c'est un choix qu'il a fait. Le gouvernement fédéral pourrait faire de même et inciter les autres provinces, par l'entremise du financement, à offrir également des programmes plus généreux pour la relève agricole. Il y a un autre élément relatif à la relève agricole, et c'est l'accès aux terres. C'est un enjeu bien réel. Le prix des terres a beaucoup augmenté, d'une part. D'autre part, on dit souvent qu'on manque de relève agricole, mais ce n'est pas le cas. En fait, la relève agricole n'a pas les moyens d'accéder aux terres.
(1625)

[Traduction]

    Bien dit.

[Français]

    Les écoles sont pleines d'étudiants qui veulent travailler en agriculture, mais présentement, la relève n'a pas de moyens suffisants pour acheter une terre ou accéder à des terres agricoles et démarrer une entreprise.
     La protection des terres agricoles est l'un des éléments importants d'une future politique agricole, en raison des menaces de réchauffement climatique. Évidemment, la pression sur les pays producteurs va augmenter, tout comme la valeur des terres et tout le reste.
    Je vous remercie, monsieur Groleau.
    Il nous reste seulement quelques minutes. Si le Comité est d'accord, nous pourrions entendre une question rapide provenant d'un député de chaque côté de la table. Êtes-vous d'accord? Je sais que M. Poissant avait demandé à poser une question. Je vais quand même commencer par donner brièvement la parole à Mme Boucher.
    Bonjour à tous. Je vous remercie d'être ici aujourd'hui.
    Depuis tantôt, nous parlons de ce que nous devons faire pour avoir une bonne politique alimentaire, mais j'aimerais vous poser la question inverse. Que ne devons-nous pas faire, en ce qui a trait à une future politique alimentaire, afin d'avoir des aliments abordables? N'oublions pas que les citoyens sont surtaxés, au Québec comme ailleurs. Tout le monde sait cela, tout le monde en parle.

[Traduction]

    Je crois que nous voulons tous l'admettre pour dresser notre liste.

[Français]

    N'importe quel témoin peut répondre à la question.
    Nous avons beaucoup parlé de ce qu'on doit faire, mais je veux savoir ce qu'on ne doit pas faire. Qu'est-ce qu'on ne devrait pas voir dans cette politique?
    Je dirais qu'il ne faut pas ne pas écouter nos recommandations.
    C'est bon, cela. Vous voyez, c'est une bonne réponse.
    Au-delà de cela, que ne devons-nous pas faire?

[Traduction]

    Je dirais que si jamais nous devions nous retrouver avec une politique creuse qui ramasserait de la poussière sur une tablette, sans qu'elle soit mise en oeuvre par une institution, alors cela ne ferait pas l'affaire. J'ajouterais que si nous devions poursuivre dans la même voie en prétendant que le statu quo est acceptable et que les changements climatiques ne sont pas imminents, ce serait là une grave erreur. Si nous devions croire que le marché parviendrait à tout résoudre sans aucune intervention de l'État, ce serait également une grave erreur. De plus, nous devons cesser de travailler en vase clos, comme c'est le cas maintenant: les ministères de la Santé, de l'Agriculture, de l'Environnement et du Commerce ne communiquent pas entre eux, car les différents ministères et ordres de gouvernement visent des buts opposés. Nous devons sortir des sentiers battus.
    Merci, madame Bronson.

[Français]

    Je donne maintenant la parole à M. Poissant le temps d'une brève question.
    Merci, monsieur le président.
    Je vais essayer d'être bref. Tous ces gens ont participé à la table ronde que j'ai faite dans ma circonscription. J'aurais voulu poser trois questions tout aussi importantes les unes que les autres, mais je vais m'en tenir à une seule.
    Vous avez soulevé une idée qui m'intrigue beaucoup, soit le fait d'avoir une nouvelle institution qui regrouperait les 16 agences et ministères. J'aimerais en savoir un peu plus à ce sujet.
     Nous parlons d'un conseil des politiques, d'une institution paragouvernementale. Dans mon esprit, cela devrait être créé par une loi du Parlement, de la même façon que le Parlement a créé d'autres institutions comme Droits et démocratie, l'Institut international du développement durable ou de nombreuses autres institutions.
    Nous parlons d'un lieu où l'industrie, la société civile, le milieu de la recherche et les différents paliers et ministères gouvernementaux se rencontrent. Nous ne parlons pas d'une centaine de personnes dans une salle, à ne rien faire. Il s'agirait plutôt de groupes de travail et de comités, qui fonctionneraient de manière transparente et redevable et qui seraient représentatifs de leurs membres, tout comme M. Groleau représente ses membres ici aujourd'hui.
     L'institution devrait aviser le gouvernement, commanditer des recherches, développer des consensus et maintenir tout le monde sur la même longueur d'ondes. Nous ne serons pas magiquement en accord sur tout du jour au lendemain, mais, actuellement, il y a très peu de lieux où l'industrie, la société civile, le gouvernement et le milieu de la recherche se rencontrent.
(1630)
    Merci, madame Bronson. Nous sommes obligés de vous interrompre.
    Madame Brosseau, vous pouvez poser une question rapidement.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Groleau, ce fut un plaisir de vous voir lors du 5 à 7 à Longueuil pour annoncer la 15e édition des Portes ouvertes sur les fermes du Québec.
    Vous êtes aussi venu chez nous pour visiter la Ferme vallée verte 1912. J'adore les fromages qui y sont fabriqués.
    Cela a été mentionné à plusieurs reprises, mais j'aimerais souligner que le cadre stratégique est un outil important pour les producteurs. Or, encore une fois, on conserve le même niveau de financement. Il est important de le souligner une fois de plus parce que c'est le même financement que celui accordé en 2008, si je ne me trompe pas.
    Le financement est inférieur à celui de 2008.
    Il est donc inférieur à celui de 2008.
    Nous avons beaucoup parlé du prochain cadre stratégique, nous avons mené des consultations en comité et nous avons émis des recommandations. Pouvez-vous me parler de l'importance de s'assurer que les producteurs auront les outils nécessaires? Les programmes de gestion des risques comme Agri-investissement vont devoir fournir les bons outils pour permettre aux producteurs de faire face à une panoplie d'imprévus.
    J'aimerais également savoir ce qu'il arrive en situation de catastrophe. Nous pouvons prendre l'exemple de Montréal. Supposons que les ponts sont fermés et que nous n'avons pas les moyens d'envoyer de la nourriture dans l'île de Montréal. Le Canada est-il prêt à gérer une crise d'une telle ampleur? Comment allons-nous assurer la sécurité alimentaire? S'agit-il d'un élément qui devrait être inclus dans nos réflexions sur la politique alimentaire ou est-ce plutôt la responsabilité du ministre de la Sécurité publique?
    Comme je l'ai mentionné au sujet des programmes de gestion des risques, moins ceux-ci interviennent, plus c'est difficile pour les petits producteurs. Nous avons deux programmes forts au Canada: le programme Agri-stabilité et le programme Agri-investissement.
    Le programme Agri-stabilité est devenu un programme catastrophe, au bout du compte. Il n'intervient plus suffisamment pour protéger les producteurs contre les variations des prix du marché. Actuellement, le Canada soutient moins son agriculture, par dollar produit, que les États-Unis le font, alors que nous avons une agriculture plus petite et plus nordique.
    Il est entendu que nous avons été chanceux puisque, jusqu'à maintenant, les prix ont été relativement bons. Nous n'avons pas eu de crises importantes à gérer autres que celles provoquées par le climat ou les intempéries. Nous avons donc été chanceux depuis l'année 2013.
    Toutefois, nous sommes vraiment à risque au Canada: s'il y avait une chute importante des prix des céréales, nous vivrions une crise grave dans le secteur agricole.
    Merci, monsieur Groleau. Nous devons conclure puisque nous entamons la deuxième heure de nos travaux.
    Je remercie les témoins. Vous étiez très intéressants, nous aurions pu passer les deux heures avec vous.
    Nous entreprenons maintenant la deuxième partie de la séance.
(1630)

(1635)
     Nous nous retrouvons pour la deuxième heure de notre réunion sur l'étude de notre politique alimentaire.
    Nous avons avons nous Mme Annie Bérubé, directrice des relations gouvernementales chez Équiterre.
    Bienvenue, madame Bérubé.
    De chez Moisson Outaouais, nous recevons Mme Sonia Latulippe.
    Bienvenue, madame Latulippe.
    Nous accueillons aussi Mme Shannon Benner, qui est directrice générale de 4-H Canada.
    Soyez la bienvenue, madame Benner.
    Nous allons commencer en accordant à chacun une période de temps allant jusqu'à sept minutes pour une présentation initiale.
    Madame Bérubé, vous pouvez commencer.
    Bonjour et merci d'avoir invité Équiterre à témoigner dans le cadre de votre étude sur la politique alimentaire pour le Canada.
    Nous avons, pour la première fois au Canada, une réflexion nationale sur la qualité de notre alimentation et la provenance de nos aliments. Aujourd'hui, nous voulons vous parler d'une menace à la pérennité et la durabilité de l'agriculture au Canada, une menace à l'abondance et à la qualité des aliments que nous produisons.
    C'est une menace trop souvent négligée dans nos conversations, qui peut et doit être abordée dans le contexte de la politique alimentaire au Canada. Cette menace, c'est la dépendance aux pesticides synthétiques en agriculture.
(1640)

[Traduction]

    On ne saurait trop insister sur l'importance de la politique alimentaire nationale. Nous reconnaissons enfin que la sécurité alimentaire des Canadiens est liée à la viabilité des exploitations agricoles canadiennes ainsi qu'à la conservation des fondements écologiques à la base de notre production alimentaire, comme la santé des sols, la salubrité de l'eau, la biodiversité et la présence de populations de pollinisateurs en santé.
    Malheureusement, notre dépendance grandissante envers les pesticides en agriculture menace tout cela. Même si les ventes de pesticides continuent d'augmenter au Canada, le dernier recensement de l'agriculture révèle que les profits des exploitations agricoles ne sont pas à la hausse. Notre approvisionnement alimentaire dépend de la viabilité des entreprises canadiennes, et nous devrions tous être préoccupés par la montée des coûts des intrants agricoles, sans oublier le coût d'une dépendance excessive à l'égard des pesticides synthétiques.
    Ce que nous vous recommandons aujourd'hui, c'est que le Comité propose une stratégie nationale complète de réduction de l'utilisation des pesticides dans le cadre de la politique alimentaire nationale. Permettez-moi de vous expliquer brièvement pourquoi une telle stratégie s'impose et comment nous pouvons y arriver.
    Tout d'abord, le mythe selon lequel les pesticides sont essentiels pour nourrir une population mondiale grandissante n'est plus appuyé par des éléments de preuve. C'est plutôt le contraire. Le rapport important découlant de l'évaluation internationale des connaissances, des sciences et des technologies agricoles pour le développement, menée en 2008 par l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture et la Banque mondiale, a permis de conclure, d'après l'expérience de 80 pays, que l'agriculture industrielle, malgré sa forte dépendance à l'égard des pesticides, ne parviendrait pas à nourrir notre population croissante. Ce qui améliorera la santé humaine et assurera la sécurité alimentaire pour la population mondiale grandissante, ce sont plutôt les pratiques agricoles qui sont adoptées à l'échelle locale et qui tiennent compte des écosystèmes. Depuis, plusieurs autres études de grande envergure ont été publiées à l'échelle internationale, et elles révèlent que le rendement des cultures diminue, et chute parfois même, lorsque la santé des sols et les fonctions naturelles des écosystèmes atteignent un point critique après des années d'utilisation excessive de pesticides synthétiques.
    La rapporteuse spéciale des Nations unies sur le droit à l'alimentation, Mme Elver, a publié un rapport plus tôt cette année afin de dénoncer le mythe selon lequel les pesticides sont nécessaires pour nourrir la population mondiale. Elle blâme l'industrie des pesticides pour le déni systématique des dommages causés, en affirmant que « les pratiques commerciales agressives et contraires à l'éthique, ainsi que les pressions énormes exercées auprès du gouvernement pour empêcher l'application de restrictions nationales et internationales concernant l'utilisation des pesticides, créent une menace pour la sécurité alimentaire nationale. » Ce sont les paroles de la rapporteuse spéciale, et non les miennes.
    Elle propose plusieurs recommandations que votre comité devrait prendre en considération, notamment le besoin urgent d'adopter des stratégies nationales pour la réduction de l'utilisation des pesticides en agriculture.
    À l'échelle mondiale, nous savons que les pesticides synthétiques menacent la sécurité alimentaire, mais ici au pays, l'utilisation excessive des pesticides menace la viabilité de l'agriculture canadienne. Tout d'abord, les pesticides détériorent la qualité des sols, ce qui est essentiel pour la croissance des plantes et le stockage du carbone. Les pesticides tuent les champignons et les bactéries qui sont nécessaires à la croissance des plantes et au rendement de la production. Nous savons, à la lumière des dernières données d'Agriculture Canada, que les petites matières organiques sont en baisse dans plusieurs régions du Canada.
    La qualité de l'eau au Canada se détériore, elle aussi, parce que les pesticides s'infiltrent de plus en plus dans les bassins hydrographiques partout au Canada. Par exemple, l'atrazine est maintenant présente dans la vaste majorité des cours d'eau canadiens, et elle est même décelée dans l'eau potable au Canada. C'est d'ailleurs la contamination de l'eau qui a mené à l'interdiction complète de l'atrazine dans l'Union européenne il y a 13 ans; pourtant, les producteurs de maïs de l'Union européenne demeurent concurrentiels. De nombreuses études révèlent maintenant que l'atrazine au Canada ne fait que contribuer, au mieux, à une croissance de 3 % du rendement des cultures, mais, dans la plupart des cas, ce produit n'entraîne aucune croissance du rendement agricole.
    Les pesticides menacent également les services écosystémiques dont dépend l'agriculture, notamment la santé des pollinisateurs, qui jouent un rôle vital en agriculture. Le déclin des populations de pollinisateurs comme les abeilles et les papillons monarques découle, en partie, des effets de l'exposition aux insecticides. Les néonicotinoïdes constituent les insecticides les plus couramment utilisés au Canada. On a découvert qu'ils sont 5 000 à 10 000 fois plus toxiques pour les abeilles que le DDT, un produit qui a été aboli il y a 45 ans.
    La semaine dernière, le Groupe de travail sur les pesticides systémiques a rendu publique son évaluation mondiale des effets écologiques des néonicotinoïdes, et les auteurs se sont rendus à Ottawa, à Montréal et à Toronto pour présenter les résultats de leur recherche, lesquels sont vraiment alarmants.
    Sachez également que la France sera le premier pays à interdire complètement les néonicotinoïdes, non seulement parce que cela a du bon sens au chapitre de la préservation de la biodiversité, mais aussi parce que les agriculteurs reconnaissent la nécessité de la pollinisation pour une production agricole réussie. L'interdiction des néonicotinoïdes en France va de pair avec une stratégie visant à réduire l'utilisation des pesticides à l'échelle nationale, parallèlement à un financement et à un appui destinés aux agriculteurs.
    Comme le Comité l'a vu dans le cas de l'interdiction proposée des imidacloprides au Canada, les producteurs agricoles sont souvent vulnérables lorsque nous devons restreindre ou interdire un pesticide. Ils sont laissés pour compte sans aucune autre solution. Si nous avions les fonds, le financement et les programmes nécessaires pour réduire l'utilisation des pesticides en agriculture à l'échelle planétaire, il serait beaucoup plus facile pour les producteurs agricoles de s'adapter et de réagir à une restriction imposée à l'utilisation de certains pesticides lorsqu'il est nécessaire de le faire pour protéger l'environnement et la santé humaine.
    Agriculture Canada et les ministères provinciaux de l'Agriculture doivent partager la responsabilité de réduire l'utilisation des pesticides, et c'est là qu'une politique alimentaire nationale peut apporter une contribution importante.
    En conclusion, j'aimerais vous présenter nos recommandations détaillées — et j'espère que vous les avez tous reçues — pour réduire la dépendance à l'égard des pesticides synthétiques au Canada. Je tiens à signaler brièvement que le Québec s'est doté d'une stratégie de réduction de l'utilisation des pesticides, assortie d'objectifs, et la province serait maintenant prête à proposer un projet de loi pour atteindre ces objectifs. Le Danemark, pour sa part, s'est engagé à réduire de 50 % son utilisation nationale de pesticides en agriculture, et le pays a atteint cet objectif en 1989. La France dispose également de très généreux programmes de financement et d'assurance-récolte afin de réduire l'utilisation des pesticides en agriculture. Il existe une foule d'exemples à l'échelle internationale.
(1645)

[Français]

     Je vous remercie, madame Bérubé. Il nous faut poursuivre.

[Traduction]

    C'est tout pour moi. Merci beaucoup.

[Français]

    Nous cédons la parole à Mme Latulippe de Moisson Outaouais pour sept minutes.
    Je vous remercie de votre invitation.
    Je suis heureuse de participer à ces consultations et d'avoir la chance de présenter notre point de vue, notamment au regard de l'accessibilité à des aliments de qualité à prix abordables pour les personnes en situation d'insécurité alimentaire.
    Je suis ici en tant que représentante de mon organisme. Mes propos ne reflètent pas nécessairement le point de vue des organismes de ma région.
    En tant que banque alimentaire régionale, Moisson Outaouais est le principal fournisseur de denrées destinées à l'aide alimentaire pour la région de l'Outaouais. Nous fournissons un réseau de 32 organismes qui répondent à des milliers de demandes par mois.
    Nous travaillons avec des entreprises agroalimentaires, nous nous attaquons au gaspillage alimentaire en récupérant les produits non vendus dans les supermarchés et nous établissons des partenariats avec le monde corporatif. De plus, nous sensibilisons la population au problème de la faim et développons sans cesse de nouveaux projets dans un effort collectif pour soulager la faim, tout en favorisant autant que possible l'autonomie alimentaire.
    Notre appartenance à un grand réseau structuré, Les banques alimentaires du Québec, lui-même affilié à Banques alimentaires Canada, nous permet d'avoir accès à d'importantes quantités d'aliments provenant d'ententes de dons avec l'industrie et de bénéficier des retombées de campagnes nationales de financement.
    Voici quelques chiffres sur la situation en Outaouais: chaque mois, de 7 000 à 10 000 personnes ont recours à l'aide alimentaire; le tiers des personnes desservies sont des enfants; la moitié sont des personnes vivant seules; enfin, plus de 80 % des usagers reviennent de mois en mois, et dans 28 % des cas, ils reviennent plus d'une fois par mois.
    Le nombre de personnes immigrantes, de personnes âgées et de personnes invalides est en progression constante d'année en année.
    En ce moment, nous redistribuons plus de 600 000 kilogrammes de denrées par an. Malgré tous nos efforts pour améliorer notre offre et répondre aux besoins, l'an dernier, 37 % des organismes de notre réseau ont manqué de nourriture. En redonnant essentiellement ce qui nous est donné, notre offre alimentaire comporte des carences en matière de quantité, mais aussi de qualité. Nous manquons notamment régulièrement de lait, d'oeufs et de fruits et de légumes frais.
    La pauvreté force les gens à recourir à l'aide alimentaire. La nourriture est disponible en abondance dans les marchés, mais les personnes à faible revenu n'ont pas accès à cette nourriture, faute de moyens. Une grande majorité de personnes qui recourent à l'aide alimentaire vivent de prestations gouvernementales, qu'il s'agisse de pension de vieillesse, de rente d'invalidité, d'aide sociale ou d'assurance-emploi. Cela montre que ces programmes sont inadéquats car ils sont largement insuffisants pour répondre aux besoins de base.
    Je voudrais toutefois témoigner ici du fait que les mesures récentes prises par le gouvernement canadien relativement au Supplément de revenu garanti pour les personnes âgées et l'allocation canadienne pour enfants ont entraîné une légère baisse de ces clientèles dans les banques alimentaires.
    Les banques alimentaires ont été créées principalement dans les années 1980 pour faire face à une situation économique difficile qui se voulait temporaire. Trente ans plus tard, elles sont plus actives que jamais et répondent à des besoins vitaux réels pour contrer l'insécurité alimentaire. C'est encore plus vrai depuis la récession de 2008, alors que l'achalandage est monté en flèche et s'est maintenu à un niveau élevé.
    Le bilan alimentaire de la population n'est pas très reluisant. Le Rapporteur spécial sur le droit à l'alimentation des Nations unies s'est chargé de nous le rappeler lors de sa mission de 2012.
    On estime à 7 % le taux de prévalence des ménages canadiens touchés par l'insécurité alimentaire modérée et grave. En Outaouais, cela représente environ 30 000 personnes. De ce nombre, le tiers recourt à l'aide alimentaire. Ce sont les plus gravement touchées. Avant d'en arriver là, elles ont épuisé toutes leurs ressources. Elles ont déménagé dans un logement moins cher, pris des avances sur leur salaire, se sont endettées et ont des défauts de paiement. Elles ont sauté des repas et eu recours à des amis et à la famille. Quand elles arrivent dans une banque alimentaire, elles sont extrêmement démunies.
    L'alimentation est la partie la plus élastique du budget. Quand on doit se serrer la ceinture, c'est là qu'on coupe. On ne peut courir le risque de perdre son logement ou de voir sa voiture saisie, surtout quand on vit en région, là où il n'y a pas beaucoup de transport en commun.
    Le recours aux banques alimentaires est une façon ni valorisante ni normale de se nourrir. Pourtant, 863 492 personnes au Canada, dont 171 800 par mois au Québec, y ont recours parce qu'elles n'ont pas d'autre choix.
(1650)
     Les dépannages et les repas fournis par les organismes d'aide font donc partie de leur alimentation. Si elles étaient privées de cette aide, leur santé et leur vie même seraient compromises, mais également la cohésion et la stabilité sociale et politique du pays.
    S'il en coûte moins cher de se procurer certains biens de consommation qu'il y a de cela 30 ans, il en va autrement pour les produits alimentaires. Notre pouvoir d'achat a diminué. En outre, l'écart entre les plus riches et les plus pauvres s'est creusé.
    Le prix des aliments force les plus démunis à faire des choix qui peuvent compromettre la qualité de leur alimentation. Les aliments les plus économiques sont également les moins bons pour la santé. Les boissons gazeuses sont plus économiques que le lait. Un sac de biscuits coûte moins cher qu'un sac de pommes. La malbouffe étant plus répandue et plus accessible que les aliments sains, c'est donc la diète quotidienne de nombreux petits enfants canadiens. La conséquence en est que nos enfants souffrent de plus en plus d'un surplus de poids et que la prévalence des maladies chroniques ne cesse d'augmenter dans la population.
    L'alimentation est le principal déterminant de la santé. À l'heure actuelle, trois décès sur quatre sont dus à des maladies chroniques qui pourraient être retardées ou évitées. De plus, les maladies chroniques affectent différemment les groupes sociaux selon la situation de leur fortune, les plus pauvres étant les plus touchés. La politique alimentaire canadienne peut renverser cette tendance en agissant de façon préventive en amont des problèmes.
    Le projet de politique alimentaire canadienne cherche à instiller un changement sociétal. Pour réussir, cette politique doit être transversale et interministérielle et engager les ordres de gouvernement fédéral, provincial et municipal. De plus, elle doit forcément aborder le problème de l'insécurité alimentaire et, plus largement, de la pauvreté.
    Votre temps est presque écoulé, madame Latulippe.
    Ce projet est ambitieux, mais il est faisable. Il répond aux aspirations des Canadiens à un système alimentaire durable, juste et respectueux des ressources de la terre. Cette politique canadienne fait rêver, mais va-t-elle tenir ses promesses? Nous le souhaitons de tout coeur.
    Je vous remercie, madame Latulippe.

[Traduction]

    Nous allons maintenant entendre Mme Shannon Benner, qui représente les 4-H; vous avez sept minutes.
    Bonjour. Merci beaucoup de nous avoir invités à témoigner aujourd'hui devant le Comité.
    Je m'appelle Shannon Benner et je suis présidente-directrice générale des 4-H du Canada. Je sais que certains d'entre vous entretiennent des liens avec des clubs ou des associations des 4-H et que vous collaborez avec eux dans les collectivités. Pour ceux d'entre vous qui ne nous connaissent pas bien, je vais très brièvement vous expliquer qui nous sommes et ce que nous faisons.
    Nous sommes un organisme national pour les jeunes. Nous sommes actifs auprès des jeunes dans quatre domaines. Nous comptons 25 000 jeunes membres répartis dans 2 000 clubs au Canada, et nous avons 7 500 dirigeants bénévoles qui encadrent ces jeunes. Nous le faisons dans quatre principaux domaines, soit nos piliers: l'agriculture durable et la sécurité alimentaire, les sciences et les technologies, la communication et l'engagement communautaire et l'environnement et les modes de vie sains. Ce sont tous des éléments très pertinents à la discussion d'aujourd'hui; nous vous remercions donc de votre invitation.
    Les 4-H ont été fondés il y a 100 ans pour aider les jeunes à connaître du succès à la fois sur la ferme et à l'extérieur. Cela signifie que l'organisme est parti du principe non seulement d'inculquer aux jeunes des compétences dans le domaine agricole — en leur donnant littéralement un sac de semences de pommes de terre il y a 104 ans —, mais aussi de leur montrer comment être des leaders dans leur collectivité et développer les traits de caractère connexes. C'est encore aujourd'hui ce que nous faisons essentiellement.
    Les 4-H collaborent avec 7 millions de jeunes dans le monde en ce qui concerne les principaux piliers que sont l'agriculture durable et la sécurité alimentaire et les sciences et les technologies. C'est donc très pertinent pour nous tant à l'échelle internationale qu'à l'échelle communautaire.
    Nous pouvons facilement voir le succès de notre programme non seulement par le nombre de jeunes grandement engagés que nous voyons au Canada, les domaines auxquels ils veulent participer et les sujets dont ils veulent parler, mais aussi par les millions d'anciens au pays. Que ces gens soient des olympiens ou des parlementaires, nous constatons que ce sont des sujets très importants et que les membres des 4-H tiennent vraiment à jouer un rôle actif et à participer aux discussions.
    Ce qui rend les 4-H uniques, c'est que nous avons un partenariat public-privé. Peu importe où vous êtes, que vous soyez en Colombie-Britannique, où le ministère de l'Agriculture s'associe aux 4-H de la Colombie-Britannique, ou aux États-Unis — le département américain de l'Agriculture s'associe aux 4-H aux États-Unis —, c'est toujours ce partenariat public-privé qui offre aux jeunes les programmes ayant trait à l'agriculture et à la sécurité alimentaire.
    Nous croyons que cela nous aide à être très flexibles, à nous adapter en fonction des nouveaux enjeux qui intéressent les jeunes et à collaborer avec eux dans ces domaines. Par exemple, en 2014, nous avons fait un sondage auprès de nos jeunes membres canadiens. Plus de 80 % ont indiqué être conscients des carrières dans le domaine agricole, et plus de 50 % ont indiqué vouloir faire carrière dans ce domaine.
    Si nous regardons les statistiques relatives aux lacunes sur le plan des compétences et de la main-d'oeuvre dans le domaine agricole, nous croyons que les 4-H peuvent contribuer à relever certains défis et à les transformer en occasions.
    Par contre, l'un de nos principes importants est que nous ne les considérons pas comme les leaders de demain; ce sont les leaders d'aujourd'hui. Nous félicitons donc le gouvernement de sa décision de faire participer les jeunes à cette table et de les inclure dans ces discussions.
    Nous constatons également que les jeunes sont vraiment désireux de se pencher sur ces nombreux autres thèmes transversaux. Je vais parler de la génération Z, parce que c'est vraiment ceux que nous côtoyons. La génération Z représente tous les jeunes de moins de 18 ans. C'est une génération unique. C'est la génération la plus branchée de l'histoire. Ces jeunes ont une très forte conscience sociale. Ils sont ouverts sur le monde. Ils se voient comme un « nous » et non comme un « je ». Ils incarnent vraiment la capacité de penser en fonction de la planète et de passer à l'action dans leur collectivité. Nous le voyons partout.
    Je vais prendre l'exemple de la foire de Carp qui vient d'avoir lieu en fin de semaine. La société agricole avait réservé un lopin de terre, et les jeunes ont fait pousser des récoltes qui ont été remises à la banque alimentaire. Les jeunes ont acquis des habiletés entrepreneuriales; ils ont vendu une partie des récoltes au marché; ils ont appris à diriger une entreprise; ils ont déposé les recettes à la banque et les ont remises à un organisme de bienfaisance. Nous voyons là une énorme occasion de faire participer les jeunes à ces discussions. Ce sont des jeunes de 9 à 15 ans qui veulent prendre part aux discussions.
    J'aimerais formuler quelques recommandations au Comité au nom des 4-H; nous croyons que ces recommandations mèneront à l'adoption d'une politique nationale sur les jeunes.
    Premièrement, nous recommandons de véritablement inclure les jeunes et de nous assurer qu'ils souscrivent à une politique nationale sur les jeunes. Si nous voulons que cette politique dure longtemps — c'est la génération que cette politique touche; il faut non seulement nous assurer que les jeunes peuvent avoir accès à des aliments aujourd'hui, mais aussi veiller à une mise en oeuvre qui permettra le succès de cette politique pour de nombreuses générations à venir —, nous devons donc inclure les jeunes dans le processus pour nous assurer que les jeunes de partout au Canada souscrivent à la politique et l'adoptent.
    Deuxièmement, nous recommandons d'harmoniser nos objectifs avec les objectifs de développement durable. Que nous le fassions en laissant des membres des 4-H prendre la parole lors de l'assemblée générale de l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture ou en tenant des réunions sur la scène internationale pour les écouter parler du sol, de la sécurité alimentaire, de l'eau, de l'air et de la culture de plus d'aliments de qualité supérieure, les jeunes veulent participer aux discussions de haut niveau. Nous constatons que les objectifs de développement durable s'avèrent très intéressants et très pertinents pour la génération Z.
(1655)
     Comme dernière recommandation, nous suggérons que la politique alimentaire nationale — à l'instar de 4-H — soit transversale. Elle devrait englober de nombreux ministères et faire abondamment appel à la collaboration. Enfin, comme c'est le cas pour 4-H, la politique devrait miser sur des partenariats public-privé et sur une responsabilité partagée entre de multiples ministères et portefeuilles.
    Merci beaucoup d'avoir pris le temps de nous écouter.
(1700)
    Merci, madame Benner.
    Nous allons maintenant passer aux questions.

[Français]

     Monsieur Barlow, c'est votre tour.

[Traduction]

    Vous avez six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'ai deux questions à poser à nos témoins, mais je vais d'abord revenir sur la motion que j'ai proposée la semaine dernière. J'aimerais maintenant déposer cette motion pour qu'elle soit mise aux voix. Si le président n'y voit pas d'inconvénient, je vais la lire pour les besoins du compte rendu.
    Voilà:
Que le comité entreprenne immédiatement une étude du document de consultation du gouvernement intitulé « Planification fiscale au moyen de sociétés privées » rendu public le 18 juillet 2017;

Que le comité entende des témoins à ce sujet à 15 rencontres;

Que les audiences soient axées sur l'impact potentiel des consultations, notamment rendre plus facile la vente d'une ferme familiale à un étranger qu'à un membre de sa famille et les conséquences sur l'économie agricole et agroalimentaire du Canada;

Que les conclusions soient soumises à la Chambre; et

Que le gouvernement donne suite aux recommandations du comité.
    La raison qui me faire dire que cela est primordial, monsieur le président, c'est qu'à peu près tous les témoins que nous avons entendus dans le cadre de la présente étude ont souligné à quel point il est important que la nourriture abordable soit une plateforme clé et une pierre d'assise de notre étude et, selon moi, de notre politique alimentaire future.
    À mon avis — et assurément de l'avis de tous les agriculteurs et de tous les éleveurs à qui j'ai parlé ces dernières semaines —, les gens se demandent sérieusement comment ils pourront continuer à arriver avec les modifications fiscales que le ministre des Finances a proposées, mais ils se questionnent aussi sur leur habileté à planifier leur succession et à léguer la ferme familiale à leurs enfants. Dans certains cas, les familles travaillent sur ces exploitations depuis quatre ou cinq générations. Ils sont enthousiastes à l'idée de léguer leur ferme à la prochaine génération.
    Je trouve décontenançant d'entendre une telle inquiétude monter des familles propriétaires de fermes et de ranchs, partout au Canada. Je sais que mes collègues de l'autre côté ont reçu les mêmes appels téléphoniques que nous. Encore une fois, je crois que c'est la mission de notre comité de se faire la voix de ces agriculteurs et de ces éleveurs qui s'inquiètent.
    Il devient de jour en jour de plus en plus plus évident que le ministre des Finances ne va pas prolonger la période de consultation au sujet de ces modifications fiscales. Je crois que le Comité devrait profiter de l'occasion pour prendre l'initiative, étudier les modifications proposées et revenir avec des réponses pour expliquer clairement aux agriculteurs et aux éleveurs l'impact économique que ces modifications vont avoir sur eux. Voilà la raison pour laquelle j'accorde une telle importance à la réalisation de cette étude, monsieur le président.
    Merci.
    Merci, monsieur Barlow.
    Y a-t-il des questions ou des commentaires?
    Monsieur Longfield, nous vous écoutons.
    C'est dommage, mais il y a des témoins ici présents. J'aimerais que nous restions focalisés sur eux.
    Le comité des finances mène actuellement cette étude sur les impôts. Des représentants du monde agricole y ont été entendus, hier. Nous ne ferions que dupliquer l'étude que ce comité est présentement en train de faire.
    Du reste, nous sommes au milieu d'un processus de consultation. Nous ne pouvons pas examiner une politique pendant que nous en sommes là. D'une façon ou d'une autre, il serait prématuré de nous pencher là-dessus alors que nous sommes au beau milieu d'une consultation.
    Merci, monsieur Longfield.

[Français]

    Y a-t-il d'autres commentaires ou d'autres questions?
    Monsieur Barlow, vous avez la parole.

[Traduction]

    Je comprends ce que mon collègue essaie de dire, mais le comité des finances n'entendra que deux ou trois personnes de l'industrie agricole au sujet de ces modifications; nous avons l'occasion de parler à des gens de tous les secteurs de l'industrie — des agriculteurs, des éleveurs et des propriétaires d'entreprises agricoles de partout au Canada —, et pas seulement deux ou trois, mais des douzaines. Je crois que c'est ce qui est important ici. Je ne voudrais pas que nous nous contentions de dire que nous y avons jeté un coup d'oeil avant de poursuivre notre chemin. Je crois qu'en tant que Comité de l'agriculture, nous nous devons d'examiner cette question et que nous ne devrions pas nous contenter des deux ou trois témoignages « agricoles » qui seront entendus par le comité des finances. Ces questions méritent qu'on les approfondisse bien davantage.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Barlow.

[Français]

    Y a-t-il d'autres questions ou commentaires?
    Peut-on tenir un vote par appel nominal, monsieur le président?
    D'accord.
    Nous procédons au vote par appel nominal.
    (La motion est rejetée par 5 voix contre 4.)
(1705)
     Merci.

[Traduction]

     Monsieur Barlow, vous avez deux minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis sensible à cela et je suis conscient du fait que des témoins se sont déplacés pour être ici aujourd'hui.
    Je sais que mon collègue s'excuse, mais je crois qu'il s'agit d'un enjeu très important dont nous devrions discuter. Je vous sais gré de votre indulgence à cet égard.
    Je voudrais poser certaines questions à Mme Benner.
    Je sais que vous avez dit des choses très intéressantes sur la mobilisation des jeunes, mais avant d'arriver à vous, je veux simplement m'assurer que Mme Bérubé d'Équiterre comprend bien que la France n'est pas en train de bannir les néonicotinoïdes. Cette décision est en suspens. Même l’Organisation des Nations-Unies pour l’alimentation et l’agriculture a dit que les populations d'abeilles étaient revenues à des sommets record. L'Allemagne, la Grande-Bretagne et certains autres pays examinent également la possibilité de revoir ces décisions à la lumière de l'effondrement de l'industrie du canola chez eux. Je veux simplement qu'il soit clair que le fait de dire que tous ces pays ont banni les néonicotinoïdes... Je crois qu'ils ont réalisé qu'il fallait ramener certaines de ces choses pour préserver la vitalité de leur industrie agricole.
    Madame Benner, je crois que l'une des choses dont nous devons parler très rapidement, c'est le fait que vous accordez de l'importance à la mobilisation des jeunes.
    Monsieur Barlow, je m'excuse, il vous restait une minute, alors que je croyais qu'il vous en restait deux. Je vais toutefois laisser la chance de répondre à celui ou celle qui le voudra.
    Non, ça va.
    Madame Benner, comment voyez-vous la chose? Comment pouvons-nous inciter la jeunesse des villes à s'impliquer dans le secteur de l'agriculture et à en apprendre davantage à ce sujet?
    Je vais vous donner un très bon exemple. Je crois que les partenariats public-privé jouent un rôle important à cet égard. Par exemple, à Vancouver, l'Université de la Colombie-Britannique a fait exactement la même chose. Elle a fait don d'un terrain. Des instructeurs ont été amenés sur place, et l'on a maintenant des enfants qui viennent de différentes villes pour travailler dans des jardins communautaires.
    Cela répond à un certain nombre d'objectifs: faire des choix santé, en apprendre davantage sur l'alimentation et sensibiliser les jeunes à l'existence de la chaîne qui va de la ferme à la fourchette. Il s'agit aussi de faire pousser des aliments avec efficacité et efficience. Puis il y a l'acquisition d'une certaine employabilité et de compétences entrepreneuriales. Les jeunes apprennent à intégrer ces choses à une démarche scolaire ou à un programme d'alimentation santé, ou à faire la mise en marché ou la vente de ces produits. Je crois que c'est une formidable occasion à saisir. Les 4-H travaillent pour amener ces programmes aux villes. Depuis un an, nous pilotons un projet ici, à Ottawa, et nous avons des programmes dans la plupart des centres urbains.
    Merci, monsieur Benner.
    Maintenant, nous avons M. Peschisolido, pour six minutes.
    Monsieur le président, merci beaucoup.
    J'aimerais poursuivre avec Mme Bérubé.
    L'utilisation des mots « une menace » m'a surpris. Ce sont des mots de lutte. Ce sont des mots que nous n'avons pas l'habitude d'entendre au comité sur l'agriculture. Ma circonscription est urbaine à 80 % et rurale à 20 %. La portion est de Richmond et la partie sud de Steveston sont occupées par des fermes.
    Pouvez-vous nous expliquer brièvement pourquoi vous dites que les pesticides sont une menace pour la viabilité de notre système agricole? Avant que vous répondiez, je tiens à ce que vous sachiez que j'ai eu vent de ce débat dans ma circonscription. La portion occidentale est de votre avis. La portion orientale dit: « Non, on n'a rien à reprocher aux pesticides. »
    Je ne dirais pas que les pesticides sont une menace pour l'agriculture canadienne. J'ai dit que la surutilisation et l'usage extensif des pesticides synthétiques ainsi que la surdépendance à l'égard de leur utilisation comme premier outil de lutte antiparasitaire sont le problème, alors que les pratiques de gestion bénéfiques, la lutte antiparasitaire intégrée et les pratiques agricoles biologiques devraient être nos premières armes pour contrôler les ravageurs.
    Ces produits sont une menace, car lorsque nous homologuons de nouveaux pesticides synthétiques au Canada, l'industrie est tenue d'en démontrer l'efficacité. Aux termes de la loi, il faut que le nouveau produit contribue à l'augmentation du rendement, mais seulement de façon marginale. Des années plus tard — après 10, 20 ou 30 ans d'utilisation dans le monde réel —, ce que nous constatons dans les faits, c'est que la promesse d'un rendement augmenté ne s'est pas matérialisée; les résultats sont marginaux ou nuls, comme je l'ai expliqué à titre d'exemple avec l'utilisation de l'atrazine sur le maïs.
    Il convient aussi de parler des recours non essentiels aux pesticides dans l'agriculture canadienne. Par exemple, je pourrais évoquer l'utilisation du glyphosate en prémoisson pour le blé et les céréales, un agent dont la seule fonction est de dessécher la récolte, mais qui est la cause principale de la contamination des aliments au glyphosate.
    Ce que nous disons essentiellement, c'est que lorsqu'il est question de la viabilité à long terme de l'agriculture, c'est-à-dire la préservation de sols, d'écosystèmes, de populations de pollinisateurs et de bassins hydrographiques sains — tous ces éléments qui sont vraiment la base d'une agriculture à long terme —, il nous faut revoir le recours aux pesticides synthétiques comme outil de choix chaque fois que nous cherchons à prévenir ou à gérer un problème parasitaire.
(1710)
     Madame Bérubé, si nous laissons tomber les pesticides pour quelque chose d'autre, pour un système biologique, quel rôle la politique alimentaire nationale et le gouvernement fédéral devraient-ils jouer pour favoriser cette transition?
    Notre mémoire contient de nombreuses recommandations bien précises à cet égard. Il faut repenser bon nombre des programmes de soutien agricole en place qui encouragent l'utilisation de pesticides synthétiques en agriculture. Prenez par exemple les programmes d'assurance-récolte. Vous n'êtes admissibles à l'assurance-récolte que si vous utilisez un certain pourcentage d'intrants agricoles et que vous pratiquez la monoculture à grande échelle. Si vous souhaitez passer à une agriculture plus diversifiée — si vous voulez faire la rotation des cultures, par exemple —, vous perdez votre admissibilité à certains de ces programmes. Comme cela a été démontré en France, nous savons qu'en ce qui concerne l'assurance, il est à long terme moins coûteux de diversifier les cultures et d'en faire la rotation. L'assurance-récolte est un outil très simple.
    Une autre chose qui revient constamment, et je suis convaincue que votre comité en a déjà entendu parler, c'est qu'une grande partie de l'innovation et des outils mis au point pour réduire l'utilisation des pesticides sont le fait des producteurs agricoles. Or, à cet égard, le marché de l'innovation est déficient, puisqu'il n'est pas rare que les producteurs agricoles ne soient pas en mesure de tirer quoi que ce soit de leurs innovations. Ils ne peuvent obtenir ni brevets ni droits de propriété intellectuelle pour les pratiques qu'ils mettent au point. Il faut du financement, de la recherche et de l'aide au développement pour aider les producteurs à innover et leur permettre d'échanger les pratiques exemplaires de réduction des pesticides avec leurs pairs.

[Français]

     Madame Latulippe, vous avez parlé des divers ordres de gouvernement, du rôle des municipalités, des provinces et du fédéral.
    Pourriez-vous maintenant nous parler de ce que nous, en tant que gouvernement fédéral, pourrions faire pour contribuer à éliminer le problème de la faim?
    Vous avez parlé du fardeau que sont les coûts pour certaines personnes.
    Je disais principalement que cette politique devrait inclure une stratégie de réduction de la pauvreté. Il va de soi qu'en s'attaquant au problème de la pauvreté, on réduit l'insécurité alimentaire. Il est nécessaire que les trois ordres de gouvernement soient mis à contribution parce qu'ils interviennent dans des champs de compétence différents. Les municipalités, par exemple, sont très proches des citoyens. La qualité de vie est surtout valable dans le milieu où vivent les gens, donc dans les municipalités.
    Du côté du gouvernement fédéral, il y a certainement des retombées économiques. En fait, il s'agit d'adopter une approche de concertation. Il y a le financement, bien sûr, mais dans le cas qui nous occupe, c'est le travail de concertation qui est nécessaire. Il faut qu'une politique alimentaire soit adoptée par tous les ordres de gouvernement, qu'ils y adhèrent, poursuivent des buts communs et travaillent ensemble.
    Merci, madame Latulippe.

[Traduction]

    Malheureusement, monsieur Peschisolido, c'est tout le temps que nous avons.

[Français]

    Madame Brosseau, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Chez nous, en Mauricie, Moisson Mauricie fait affaire avec des banques alimentaires depuis un bon moment déjà. Cet organisme fait de la récupération d'invendus. À Maskinongé, on fait affaire avec plusieurs groupes et organismes sur le territoire. Plus récemment, Moisson Lanaudière a annoncé qu'il travaillait de concert avec les épiceries IGA, Metro et Sobeys sur le territoire. Récupérer les aliments invendus pour aider les personnes dans le besoin est vraiment une initiative formidable.
    Madame Latulippe, pourriez-vous nous parler des besoins des banques alimentaires et de quelles façons une politique et une stratégie pour la réduction de la pauvreté pourraient leur venir en aide?
(1715)
     Même une réduction de la pauvreté ne fera pas disparaître les banques alimentaires. Il y aura toujours des personnes indigentes, très vulnérables et malades, qui ont des problèmes de santé mentale ou de toxicomanie, qui vont avoir besoin des banques alimentaires.
    J'ai mentionné le programme de récupération des produits invendus auquel nous avons aussi adhéré. C'est un programme extraordinaire puisque nous avons des ententes à l'échelle provinciale avec les grandes chaînes alimentaires, comme Loblaws, Metro et Sobeys, qui nous aident énormément en matière d'approvisionnement en récupérant les produits invendus.
    Pour ce qui est de réduire le gaspillage, il y a toute la question des dates de péremption. Les dates de péremption sont de ressort fédéral. Il est donc question d'étiquetage. D'une certaine manière, cela favorise le gaspillage alimentaire parce que nous jetons beaucoup de produits qui sont encore bons. Actuellement, cela fait l'affaire des banques alimentaires parce que nous récupérons beaucoup de produits à la suite de ce gaspillage. Malgré tout, comme je le mentionnais tout à l'heure, il y a des carences dans notre offre alimentaire. Il est très important de tenir compte de cela.
    Une étude de Banques alimentaires du Québec a révélé qu'environ 12 à 15 % de l'alimentation des usagers des banques alimentaires provenaient de ces mêmes banques. Ce n'est pas un mince apport, c'est beaucoup. Il faut donc s'assurer de fournir un panier de dépannage qui soit nutritif et sain. Nous avons de la difficulté à offrir un panier de cette qualité puisque, comme je le disais, il nous manque continuellement du lait, nous n'avons pas d' oeufs — il faut les acheter — et nous n'avons jamais de fruits frais, spécialement dans la région de l'Outaouais, qui n'est pas agricole.
    Il y a certainement des encouragements fiscaux qui peuvent être mis en place pour favoriser les dons d'agriculteurs. En ce qui concerne le gaspillage alimentaire, en France, en Belgique ou en Italie, des mesures sont en place qui obligent carrément les supermarchés d'alimentation a donner leurs produits invendus aux banques alimentaires. Je crois que des mesures semblables commencent à être mises en place ici, mais il faut pousser la machine un peu plus loin.
    Est-ce que je peux poser une question, monsieur le président?
    Oui, allez-y.
    C'est fantastique, j'ai eu peur de ne pas avoir le temps. J'ai beaucoup de questions en tête.
    Madame Bérubé, pouvez-vous nous expliquer la situation au Québec. Une stratégie de réduction de l'utilisation des pesticides est en place depuis 2015 et le sera jusqu'en 2018. Pouvez-vous nous expliquer la situation au Québec et de quelle façon nous pouvons nous en inspirer?
    Depuis des décennies, le Québec a des objectifs de réduction de l'utilisation des pesticides en agriculture. Cela fait partie de la Stratégie phytosanitaire québécoise en agriculture 2011-2021.
    La leçon à apprendre du Québec est que, sans projet de loi, sans financement et sans programmes d'appui, nous ne pouvons pas atteindre des objectifs de réduction de l'utilisation des pesticides par miracle.
     La bonne nouvelle, au Québec, est que le ministère du Développement durable, de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques a finalement déposé un projet de loi qui mettra en place des mesures de soutien aux producteurs agricoles afin de répondre aux objectifs de réduction de l'utilisation des pesticides en agriculture. Le gouvernement du Québec vise principalement 10 pesticides qu'il considère à haute toxicité sur le territoire québécois, entre autres l'atrazine et les trois néonicotinoïdes homologués au Canada.
    Le projet de loi propose, entre autres, du financement aux producteurs agricoles pour pouvoir consulter et mettre en place des pratiques de luttes intégrées contre les parasites. Il prévoit aussi interdire toute utilisation de ces 10 pesticides dangereux sans la prescription d'un agronome. Ce sont les principales mesures dont le gouvernement du Québec veut se doter.
    Nous nous inquiétons de cette recommandation, principalement en ce qui touche l'indépendance professionnelle de plusieurs agronomes. Nous préférerions des services-conseils indépendants qui soutiendraient les agriculteurs dans la réduction de l'utilisation des pesticides.
    C'est là qu'en est le débat au Québec, et le projet de loi vient tout juste d'être déposé.
(1720)
     Madame Benner...
    Merci. C'est tout le temps que vous aviez. On l'a étiré autant que possible.
    Je donne maintenant la parole M. Drouin pour six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être ici aujourd'hui.
    Madame Latulippe, je suis curieux. Selon les statistiques, environ 50 % du gaspillage se font à la maison. Malgré tous les programmes qu'on pourrait mettre sur pied, il y aurait quand même du gaspillage à la maison, peu importe les raisons.
    Il y a les dates de péremption!
    Par exemple, je pourrais prévoir être chez moi un mardi soir, mais ne pas y être pour une raison quelconque. Il y a aussi le fait que les ménages manquent de temps. D'après certaines études que j'ai consultées, à l'avenir, il n'y aura presque plus de préparation de nourriture par simple manque de temps.
    Comment peut-on favoriser une bonne alimentation quand les familles manquent de temps? Avez-vous mis des programmes sur pied en ce sens? Je suis curieux de savoir si vous avez trouvé des solutions dont je ne suis pas au courant.
    Ce n'est pas le cas spécifiquement à Moisson Outaouais, mais plusieurs organismes de notre réseau se tournent en effet vers des alternatives alimentaires. Elles visent principalement des familles à faible revenu. Pour cette tranche de la population, cela consiste principalement à cuisiner ensemble dans des cuisines collectives ou à participer à des ateliers de cuisine économique. Cela fonctionne, mais il n'y a pas beaucoup de moyens pour mettre sur pied de tels programmes. Il faut aussi animer ces groupes. C'est sûr qu'il faut investir du temps, mais la grosse production qui s'y fait permet de préparer des repas pour une semaine, par exemple.
    Au bout du compte, tout le monde est gagnant. Les familles gagnent du temps et cela leur coûte beaucoup moins cher. De plus, c'est une façon de s'entraider et de réapprendre à cuisiner. C'est une habileté qui s'est beaucoup perdue, malheureusement. On ne cuisine plus, on ne sait plus cuisiner, et c'est un problème. On se tourne vers les plats préparés, malheureusement, car plus la nourriture est manipulée, moins elle est nutritive.
    D'après ce que vous avez constaté, y a-t-il des jeunes qui participent à ces cuisines collectives?
    Oui. Dans les maisons de jeunes et les maisons de quartier, par exemple, il y a des groupes qui font cela. Il y a aussi des groupes intergénérationnels.
     Tous les organismes de l'Outaouais que je connais ont de la difficulté parce que ces programmes ne sont pas subventionnés. Pourtant, l'avenir est à l'autonomie alimentaire des personnes parce que cette autonomie appartient à l'individu avant tout. Il ne faut pas lui enlever ce pouvoir. Beaucoup d'initiatives sont des modèles de réussite.
    Merci beaucoup.

[Traduction]

     Madame Benner, mon collègue et moi étions à la foire agricole qui s'est tenue à Woodstock, il y a deux semaines. L'une des choses qui ont retenu notre attention, c'est l'agriculture de précision. Nous avons discuté avec certaines personnes au sujet des obstacles qui empêchent les agriculteurs d'adopter de nouveaux outils.
    Il existe des technologies qui permettent de réduire la pulvérisation. Un agriculteur disait qu'il avait mis de l'engrais trois ans d'affilé, même s'il n'avait pas besoin de le faire, jusqu'à ce que son partenaire le convainque de s'abstenir.
    C'est son partenaire qui l'a convaincu, mais lui ne l'aurait jamais admis. Une chose commence à transparaître, c'est que les jeunes sont prêts à adopter ces nouvelles technologies probablement beaucoup plus rapidement que la génération qui les précède. J'aimerais savoir comment vous travaillez avec les jeunes et si vous tentez d'utiliser l'agriculture de précision comme moyen de les attirer dans l'industrie et de fournir des exploitations agricoles aux prochaines générations.
    Les sciences et les technologies sont un nouveau volet pour nous. Nous en sommes à notre troisième année. L'offre d'une programmation pertinente à l'intention des jeunes et la focalisation sur l'agriculture ont été tout à fait intentionnelles. Nous avons des entrées directes auprès de l'Expo-sciences pancanadienne, et nous cultivons un partenariat solide avec cette organisation afin d'inciter les jeunes acteurs du secteur agricole et de milieux agricoles traditionnels à prendre part à la conversation sur les sciences et les technologies.
    Par exemple, cet après-midi, la Colline accueille une fille qui est récipiendaire nationale de l'expo-science du premier ministre. Originaire de l'île du Prince-Édouard, cette jeune personne était découragée de voir les quantités de carapaces de homards qui se gaspillaient. Elle a donc mis au point une méthode avancée pour extraire les polymères de ces carapaces. Dans nombre de nos programmes et notamment dans nos programmes de science et technologie, nous constatons jour après jour que les jeunes manifestent un vif intérêt et qu'ils veulent s'investir dans ces domaines, en particulier dans l'agriculture de précision.
    En ce qui nous concerne, je dirais qu'il fait s'assurer que les jeunes se mobilisent et participent. Pour que les mentalités changent, il faut que les jeunes soient inclus dans ces conversations et qu'ils y exercent une influence.
(1725)
     Est-ce que les jeunes vous disent que l'agriculture est enseignée au niveau secondaire? Est-elle encore enseignée? Il y a quelques projets pilotes dans ma circonscription, mais je ne sais pas si c'est quelque chose qui se fait à l'échelle du pays.
    Je crois que cela varie selon les régions. Nous sommes très loin du modèle académique, alors nous ne sommes pas au fait du système d'éducation, mais à cet égard, je crois que les choses varient grandement d'une province à l'autre.
    Merci beaucoup.
    Nous sommes presque à court de temps, mais je sais que nous avons dû abréger les choses pour ce groupe. Si tout le monde est d'accord, nous pourrions poser chacun une question rapide, quitte à prendre quelques minutes de plus.

[Français]

     Cela convient à tout le monde?
    Nous allons commencer par Mme Nassif, puis ce sera au tour de Mme Boucher.
    Merci, monsieur le président.
    Étant nouvelle à ce comité...
    Une seule question, madame Nassif.
    D'accord.
    Je remercie les témoins de leur présentation.
    Madame Bérubé, dans votre recommandation no 13, vous soulignez le problème de l'offre et de la demande pour les produits biologiques. Un témoin précédent a affirmé que le prix élevé des produits biologiques était justement attribuable à ce problème.
    Quels sont vos commentaires sur ce constat?
    Au Canada, les produits agricoles biologiques occupent environ 4 % du marché de la vente d'aliments. Le secteur de l'agriculture biologique au Canada reçoit moins de 0,2 % du financement fédéral à la production, à la recherche et à l'innovation. Si on veut stimuler ce marché en pleine croissance, pour lequel il y a une demande des consommateurs, il faut investir. En ce moment, la part de marché de ce secteur est beaucoup plus grande que le soutien financier que les gouvernements lui accordent. C'est un problème important.
    Un des obstacles souvent observés dans le secteur de l'agriculture biologique est le coût élevé de la certification biologique.
    Plusieurs principes de l'agriculture biologique peuvent être appliqués à grande échelle et ne nécessitent pas nécessairement de passer par le processus très rigoureux de certification. Nous voulons qu'il y ait de la recherche et du financement pour que les agriculteurs de produits biologiques puissent déployer leurs pratiques et leurs innovations dans tous les secteurs agricoles au Canada.
    Puis-je poser une autre question?
    Vous aviez droit à une question seulement.
    Madame Boucher, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    J'ai plusieurs questions en tête, mais ma question s'adressera à vous, madame Bérubé.
    J'ai déjà travaillé à Santé Canada. Sur le site de ce ministère, on peut lire ceci: « Les pesticides sont strictement réglementés au Canada. Santé Canada homologue seulement les produits qui ne sont pas néfastes pour la santé humaine et l'environnement. »
    Vous avez beaucoup parlé des pesticides synthétiques et de la menace qu'ils représentent. S'il y a une menace, avez-vous un plan B? Que proposez-vous et combien cela coûterait-il?
    Souvent, quand on parle de remédier à une menace ou de rectifier un problème, on a une solution et on sait ce qu'il en coûtera pour l'appliquer.
    C'est une grande question, mais je vais essayer d'être très brève.
    Prenons le cas des pesticides néonicotinoïdes, qui ont été introduits sur le marché pour remplacer les organophosphorés en agriculture au Canada. On espérait que les pesticides néonicotinoïdes seraient moins toxiques que les organophosphorés. Or on se rend compte maintenant que ce n'est pas nécessairement le cas.
    On est un peu sur ce qu'on appelle un « tapis roulant toxique ». On attend toujours l'alternative synthétique à un produit qui doit être restreint, comme ce fut le cas de l'imidaclopride, pour lequel la ministre de la Santé avait conclu que les risques qu'il posait pour l'environnement étaient inacceptables.
    Nous préconisons que la gestion des parasites doit passer par la rotation, la diversité des cultures, la lutte intégrée et la prévention et que le produit chimique doit être l'outil de dernier recours, utilisé très brièvement et simplement. C'est ce que notre stratégie nationale recommande.
(1730)
    Madame Brosseau, vous pouvez poser une seule question.
    D'accord.

[Traduction]

    La question que je voulais vous poser tout à l'heure concerne les jeunes, parce que c'est quelque chose que nous entendons de plus en plus souvent. Cela ne fait pas partie des quatre priorités annoncées par le gouvernement relativement aux consultations en vue de l'élaboration de la stratégie alimentaire. Nous devons inclure la jeunesse.
    Il y a récemment eu un projet de loi d’initiative parlementaire qui aurait aidé au transfert des fermes familiales, mais il a malheureusement été défait par la Chambre des communes.
    Pouvez-vous formuler une recommandation que nous pourrions inclure dans le rapport que nous allons présenter à notre premier ministre, qui est aussi le ministre de la Jeunesse? J'aimerais vous entendre sur ce que nous pourrions faire.
     Je ne leur ai pas demandé leur avis précis à cet égard, alors je ne vais pas me risquer à parler au nom des jeunes du Canada sur cet enjeu particulier.
    En revanche, je dirai que, quelle que soit la question, les jeunes veulent être intégrés et prendre part à la conversation. Je recommanderais d'emblée de les consulter à ce sujet.
    Merci, madame Benner, et merci à vous tous d'avoir été des nôtres aujourd'hui.

[Français]

     Votre contribution va certainement enrichir notre rapport.
     Je remercie Mmes Bérubé et Latulippe de leurs témoignages.

[Traduction]

    Madame Benner, merci infiniment d'avoir été là.
    La séance est levée.
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