CIIT Rapport du Comité
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ACCORD SUR LES BOIS D'OEUVRE RÉSINEUX ENTRE LE CANADA ET LES ÉTATS UNISINTRODUCTIONLa production du secteur forestier représente un moteur important de l’économie canadienne et constitue la principale activité économique dans plusieurs régions du pays. Comme c’est le cas dans bien d’autres secteurs de l’économie canadienne, le commerce international est indispensable à la vitalité économique du secteur forestier canadien. En 2015, la valeur des exportations de produits forestiers du Canada était évaluée à 32,9 milliards de dollars; les exportations de bois d’œuvre résineux représentant 26,1% de ce total avec des exportations de 8,6 milliards[1]. À cet égard, le principal marché d’exportation du bois d’œuvre résineux canadien se trouve aux États-Unis, où le bois d’œuvre résineux sert principalement à la construction résidentielle[2]. Dans ce contexte, le 18 février 2016, le Comité permanent du commerce international de la Chambre des communes (ci-après le Comité) a décidé d’entreprendre une étude sur l’Accord sur le bois d'œuvre résineux entre le gouvernement du Canada et le gouvernement des États-Unis d'Amérique (ABR) qui est entré en vigueur en 2006 et qui est arrivé à échéance le 12 octobre 2015. Dans le cadre de son étude, le Comité a tenu deux audiences au printemps 2016 afin d’entendre le point de vue d’intervenants du secteur forestier canadien relativement à l’impact que l’ABR a eu sur ce dernier et de déterminer quelles devraient être les prochaines étapes envisagées par le gouvernement canadien maintenant que l’accord est échu. Le présent rapport fournit de l’information sur le sujet examiné, résume les témoignages que le Comité a entendus et fournit des recommandations au gouvernement fédéral. CONTEXTELors du plus récent différend sur le bois d’œuvre résineux entre le Canada et les États-Unis qui remonte au début des années 2000, les producteurs américains ont fait valoir que le prix que demandaient les gouvernements provinciaux aux producteurs pour avoir le droit de récolter le bois sur les terres publiques provinciales – prix qu’on appelle le droit de coupe – était trop faible et que cela constituait une subvention pour les producteurs canadiens, nuisant ainsi aux producteurs américains[3]. En 2002, en réponse à une pétition présentée par un groupe de producteurs américains de bois d’œuvre résineux, le département américain du Commerce a imposé des droits compensateurs et des droits antidumping sur les expéditions de bois d’œuvre résineux provenant du Canada[4]. Ces droits ont été révoqués lorsque le Canada et les États-Unis ont conclu l’ABR en 2006. Cet accord prévoyait, entre autres, les mesures suivantes :
L’ABR est arrivé à échéance le 12 octobre 2015. D’une durée de sept ans au départ, il avait été prolongé de deux ans d’un commun accord entre le Canada et les États-Unis. Conformément à l’Article XVIII de l’ABR, les États-Unis ne peuvent pas ouvrir d’enquêtes visant l’imposition de droits compensateurs ou antidumping aux importations de bois d’œuvre résineux en provenance du Canada pour une période d’un an après l’échéance de l’Accord. Cette période prendra fin le 12 octobre 2016. Le 10 mars 2016, le premier ministre Trudeau et le président Obama ont mandaté leurs ministres de déposer un rapport d’ici 100 jours concernant les « principaux éléments qui permettraient de dénouer cette question »[7]. EXPORTATIONS CANADIENNES DE BOIS D’ŒUVRE RÉSINEUXTel qu’illustré dans la figure 1, la valeur des exportations canadiennes de bois d’œuvre résineux vers les États-Unis a connu une diminution marquée dans les années qui ont suivi l’entrée en vigueur de l’ABR en 2006 avant d’effectuer une remontée au cours des dernières années. En effet, de 2006 à 2009, une période durant laquelle le nombre de mises en chantier était en baisse aux États-Unis, la valeur de ces exportations est passée de 7,2 milliards de dollars à 2,4 milliards de dollars respectivement avant de remonter à un niveau de 5,9 milliards de dollars en 2015. La valeur des exportations canadiennes de bois d’œuvre résineux vers les autres pays est demeurée relativement stable entre 2006 et 2015, outre une hausse marquée de la valeur des exportations vers la Chine à partir de 2010. L’évolution de la valeur des exportations canadiennes de bois d’œuvre résineux vers les États-Unis lors de la période de couverture de l’ABR a semblé être corrélée avec l’évolution du prix composite de bois de charpente, lui-même tributaire en grande partie de la vigueur du secteur de la construction résidentielle aux États-Unis. L’évolution du prix composite de bois de charpente durant la période 2006-2015 est également représentée dans la figure 1. Figure 1 – Valeur des exportations canadiennes de bois d’œuvre résineux, par destination, et moyenne annuelle du prix composite du bois de charpente, 2006–2015. Note : Le prix composite du bois de charpente est une mesure générale des prix des bois de charpente consommés aux États-Unis. Ces prix, qui sont disponibles en dollars américains, ont été convertis en dollars canadiens selon les taux de change annuels historiques $US–$CAN. Sources : Statistique Canada, Base de données sur le commerce international canadien de marchandises, consultée via Données sur le commerce en direct, le 19 mai 2016. Random Lengths, Random Lengths Framing Lumber and Structural Panel Composite Prices, by month, 29 avril 2016. Banque du Canada, “Taux de change étranger en dollars canadiens, Banque du Canada, annuel (dollars)”, CANSIM (base de données), consulté le 20 mai 2016. Des 7,2 milliards de dollars d’exportations de bois d’œuvre résineux destinées aux États-Unis en 2006, 60,1% provenaient de la Colombie-Britannique alors qu’en 2015, cette proportion était passée à 55,8%. Toujours en 2015, la proportion des exportations canadiennes de bois d’œuvre résineux vers les États-Unis en provenance du Québec et de l’Ontario, des provinces des Prairies et des Provinces de l’Atlantique était de 24,5%, 11,4% et 8,3% respectivement. Aucune exportation en provenance des territoires n’a été enregistrée en 2015. La figure 2 démontre la répartition régionale des exportations canadiennes de bois d’œuvre résineux à destination des États-Unis au cours de la période 2006-2015. Figure 2 – Valeur des exportations canadiennes de bois d’œuvre résineux destinées aux États-Unis, par province/territoire, 2006–2015 (milliards de $) Source : Statistique Canada, Base de données sur le commerce international canadien de marchandises, consultée via Données sur le commerce en direct, le 19 mai 2016. POINTS DE VUE EXPRIMÉS PAR LES INTERVENANTS DU SECTEUR FORESTIER DE LA COLOMBIE-BRITANNIQUELes intervenants du secteur forestier de la Colombie-Britannique ont expliqué au Comité que les producteurs de bois d’œuvre résineux de la province ont dépensé beaucoup d’énergie au cours des dernières années afin de réduire leur dépendance vis-à-vis du marché américain. Mme Susan Yurkovich, présidente, B.C. Lumber Trade Council, a mentionné que les exportations de la province vers la Chine ont augmenté de façon significative au cours de la dernière décennie, en partie grâce à un partenariat avec Ressources naturelles Canada et avec la province de la Colombie-Britannique. Aux exportations vers la Chine s’ajoutent les exportations vers les autres pays de l’Asie, notamment le Japon. Malgré ces efforts toutefois, la proximité du marché américain et la grande utilisation du bois comme matériau de construction aux États-Unis font en sorte que ce pays demeure le principal marché pour le bois d'œuvre résineux de la Colombie-Britannique et l’accès au marché américain revêt une importance cruciale pour la prospérité du secteur forestier de la province. Selon les intervenants du secteur forestier de la Colombie-Britannique que le Comité a entendus, l’ABR de 2006, même s’il n’était pas parfait, a garanti un accès prévisible au marché américain. Tel qu’articulé par M. Duncan Davies, président et directeur général, Interfor Corporation, coprésident, B.C. Lumber Trade Council et coprésident, Alliance canadienne pour le commerce du bois d’œuvre, la gestion d’une entreprise qui dépend de l’exportation du bois d’œuvre résineux est difficile lorsque l'on ignore les règles d'accès au principal marché mondial. Selon lui, l'un des principaux avantages d'un accord commercial administré avec les États-Unis est qu’il permet aux entreprises concernées de se concentrer sur la gestion de leurs affaires, le succès de l’entreprise et l'élargissement de leurs marchés. En particulier, M. Davies a dit : L'accord sur le bois d'œuvre de 2006 nous a garanti l'accès au marché des États-Unis au cours d'un des pires ralentissements économiques que nous ayons vus depuis la Crise de 1929. Cela a stimulé le développement de marchés outre-mer et a fourni aux industries du Canada et des États-Unis l'occasion de travailler ensemble de façon constructive pour élargir le marché des produits forestiers par rapport aux produits concurrents comme l'acier, le ciment et les composites. L'accord a permis aux entreprises comme la mienne de faire, dans ses usines au Canada, des investissements qui ont été très bénéfiques pour la viabilité économique de ces établissements, et d'offrir une plus grande sécurité d'emploi aux personnes qui y travaillent. L'accord de 2006 n'était pas parfait, mais il a apporté la garantie d'accès aux producteurs des deux côtés de la frontière pendant près d'une décennie. Le Comité s’est fait dire à plusieurs reprises que l’absence d’un nouvel ABR avec les États-Unis paverait la voie à une nouvelle période de litiges commerciaux entre les deux pays. Selon M. Davies, de tels litiges auraient comme conséquence d’affaiblir le secteur du bois d’œuvre résineux de la Colombie-Britannique. Plus précisément, selon Mme Yurkovich, le paiement de droits compensateurs ou de droits antidumping en l’absence d’un ABR pourrait empêcher les compagnies du secteur forestier qui opèrent dans les différentes régions du pays d'investir dans des usines et de l'équipement, de faire de la formation et de recruter du personnel. Indépendamment du résultat des négociations qui ont lieu actuellement entre les gouvernements canadien et américain relativement à un nouvel accord entre les deux pays, M. Cameron Milne, gestionnaire de l'approvisionnement en fibre, Harmac Pacific, une entreprise qui utilise des copeaux de bois provenant de scieries de bois d'œuvre résineux, a insisté sur l’importance d’envisager également des solutions à long terme afin d’éviter d’avoir à recommencer à discuter avec les Américains tous les cinq ou six ans pour un nouvel accord sur le bois d’œuvre résineux. Tel qu’expliqué précédemment, l’ABR de 2006 permettait aux provinces canadiennes assujetties aux mesures de l’accord affectant les exportations de choisir entre une taxe à l’exportation ou un amalgame d’un contingent et d’une taxe à l’exportation moins élevée. À cet égard, les intervenants du secteur forestier de la Colombie-Britannique qui ont comparu devant le Comité ont parlé d’une même voix en mentionnant que ce choix offert représentait une formule adéquate puisqu’elle a permis de répondre aux besoins et aux intérêts respectifs des diverses provinces en plus de leur permettre de s’adapter à l’évolution de leur situation. Cela dit, à la lumière des témoignages entendus lors de l’étude, il semble que ce soit l’option de la taxe à l’exportation qui soit avantageuse pour la Colombie-Britannique. Tel qu’expliqué par M. Harry Nelson, professeur adjoint, Faculté de foresterie, Université de la Colombie-Britannique, témoignant à titre personnel, « si vous êtes un petit producteur qui n'a pas de quota, vous ne pouvez pas avoir accès au marché des États-Unis et vous ne tirez donc aucun avantage d'un prix plus élevé. Avec la taxe à l'exportation, si vous pouvez couvrir vos coûts de production, vous pouvez au moins en bénéficier un peu. À mon avis, en tout cas, c'est la raison pour laquelle la taxe est plus avantageuse, même pour les petits producteurs ». M. Milne a affirmé préférer la taxe à l’exportation pour les mêmes raisons. En ce qui a trait au processus de négociation entre les gouvernements canadien et américain, des témoins ont expliqué aux membres du Comité que les négociateurs devront faire preuve de bonne volonté. À ce chapitre, M. Nelson a affirmé que l’implication du premier ministre canadien et du président américain dans le dossier et leur engagement d’établir les bases d’un nouvel accord représentait un élément positif. M. Nelson a également partagé l’opinion que le contexte actuel était favorable à la conclusion d’un bon accord. Il a dit : « je pense que certaines des craintes américaines de voir déferler une avalanche de bois en provenance de la Colombie-Britannique ou de l'Ouest du Canada se sont peut-être calmées, ce qui laisse place à un accord raisonnable nous accordant une certaine souplesse comme c'était le cas de l'ancien accord. Je trouve cela assez encourageant ». M. Davies, lui, a rappelé aux membres du Comité que le temps pressait afin de conclure un nouvel accord avec les États-Unis en raison du cycle politique américain et de l’élection présidentielle qui se tiendra en novembre 2016. Celui-ci a dit espérer que les éléments d’un nouvel accord seront connus à la mi-juin. Bien que tous les intervenants du secteur forestier de la Colombie-Britannique qui ont comparu devant le Comité ont partagé le souhait qu’un nouvel accord soit conclu dans les plus brefs délais, Mme Yurkovich a toutefois spécifié que s’il s’avérait impossible de conclure un tel accord, les membres qu’elle représente étaient prêts à travailler en collaboration étroite avec le gouvernement du Canada et l'industrie forestière canadienne afin de défendre les pratiques et les politiques forestières canadiennes contre tout litige commercial que les États-Unis pourraient intenter. M. Nelson a également mentionné qu’il était important que le Canada conserve sa marge de manœuvre lui permettant d’élaborer des politiques qui ne font pas que répondre aux objectifs américains, mais qui servent plutôt les intérêts du pays. Toujours selon M. Nelson, il faut éviter qu’un nouvel accord empêche la Colombie-Britannique et les autres régions du pays de gérer leurs forêts en fonction de nouveaux partenariats, avec les communautés autochtones par exemple. POINTS DE VUE EXPRIMÉS PAR LES INTERVENANTS DU SECTEUR FORESTIER DU CENTRE DU CANADACertains intervenants du secteur forestier du centre du Canada ont partagé une opinion différente de leurs homologues de la Colombie-Britannique en ce qui a trait aux résultats de l’ABR de 2006. Selon eux, cet accord a été dommageable pour le secteur du bois d’oeuvre du Québec et de l’Ontario. Ainsi, plutôt que de négocier un nouvel accord avec les États-Unis qui prolongerait le commerce administré du bois d’œuvre résineux, la majorité des intervenants du secteur forestier du centre du Canada ont affirmé que le gouvernement canadien devrait plutôt tenter d’établir le libre-échange du bois d’œuvre résineux entre le Canada et les États-Unis, du moins entre le centre du Canada et les États-Unis. M. Richard Garneau, président et chef de la direction, Produits Forestiers Résolu, a affirmé que l’ABR n’a pas procuré la stabilité et la prévisibilité recherchées et « fut incroyablement destructeur pour le centre du Canada ». Selon lui ainsi que selon M. André Tremblay, président-directeur général, Conseil de l’industrie forestière du Québec, le Canada a obtenu gain de cause dans les litiges commerciaux sur le bois d’œuvre résineux qui l’a opposé aux États-Unis avant que l’ABR entre en vigueur en 2006. Pour cette raison, ceux-ci auraient préféré que le Canada poursuive les processus juridiques entamés qui étaient en cours avant l’entrée en vigueur de l’ABR en 2006. Tel que décrit par M. Tremblay : « malgré les victoires répétées du Canada … le gouvernement canadien décidait de renoncer au libre-échange en faveur d'un accord visant à offrir la paix commerciale et la prévisibilité. Avec le recul, on peut affirmer que cette alternative à l'approche juridique s'est avérée coûteuse pour l'industrie du Québec ». Ces deux témoins se sont montrés particulièrement critiques envers la mise en vigueur, voire l’absence de mise en vigueur, de l’Article XII de l’ABR[8]; un article qui n’a jamais été appliqué comme il aurait dû selon eux. Tel qu’expliqué par M. Tremblay, le Québec a instauré un nouveau régime de droits de coupe en 2013 afin d’exempter ses producteurs de bois d’œuvre résineux des mesures frontalières de l’ABR. En vertu du nouveau régime, celui-ci a soutenu que « les volumes de bois en provenance de la forêt publique se transigent directement au moyen d’enchères ou par une transposition des informations financières découlant de ces ventes ». Tant M. Tremblay que M. Garneau ont affirmé que le nouveau système québécois est basé sur le marché et se conforme aux changements demandés par les États-Unis. M. Garneau et M. Tremblay ont indiqué que le Québec et ses producteurs de bois d’œuvre résineux ont demandé à plusieurs occasions au gouvernement canadien d’entamer une vérification du nouveau régime québécois concernant les droits de coupe en vertu de l’article XII de l’ABR sans jamais recevoir de réponse. Afin d’éviter qu’une telle situation se reproduise, M. Tremblay a indiqué qu’un nouvel accord devrait inclure un mécanisme permettant à une province de faire examiner son régime au regard des changements qu’elle a apportés. M. Tremblay a d’ailleurs expliqué aux membres du Comité que le nouveau régime québécois s’est traduit par une hausse du prix du bois québécois, rendant même celui-ci parmi les plus élevés en Amérique du Nord. Ainsi, il a soutenu que les producteurs du Québec ont assumé les conséquences financières de ce nouveau régime étant donné que ces derniers ont dû continuer à se conformer aux dispositions de l’ABR. Le commentaire suivant de M. Tremblay résume l’argument du secteur forestier québécois : « le Québec ne peut se permettre d’entrer dans un nouvel accord qui restreindra en aval son accès au marché américain, tout en contraignant en amont son approvisionnement en fibres par une majoration substantielle de ses coûts d’approvisionnement ». M. Garneau a également cité l’exemple de l’industrie du bois d’œuvre de l’Ontario afin de démontrer que les producteurs de bois d’œuvre résineux du centre du Canada agissent en conformité avec les engagements internationaux du Canada en matière de commerce. Il a expliqué aux membres du Comité qu’un groupe spécial de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) a effectivement déterminé en 2005 que les producteurs de bois d’œuvre en Ontario ne bénéficiaient pas de subventions et devaient ainsi être exempts des droits compensateurs que les États-Unis ont prélevés au bois d’œuvre résineux en provenance de cette province avant l’entrée en vigueur de l’ABR. M. Garneau a mentionné deux autres facteurs qui expliquent pourquoi un nouvel ABR axé sur le commerce administré pourrait être plus dommageable pour les producteurs de bois d’œuvre résineux du centre du Canada que pour les producteurs de la Colombie-Britannique. Premièrement, les producteurs du centre du Canada n’ont pas un accès aussi facile aux marchés asiatiques que les producteurs de la Colombie-Britannique. Deuxièmement, selon lui, les producteurs de la Colombie-Britannique ont acheté une quarantaine de scieries aux États-Unis au cours des dernières années, ce qui aurait comme effet de les protéger en partie contre de possibles mesures frontalières de la part des États-Unis dans le futur. D’après M. Garneau, l’élimination des restrictions sur les exportations de billes pourrait servir de monnaie d’échange afin d’obtenir un libre accès au marché américain pour les producteurs de bois d’œuvre du centre du Canada étant donné que ces restrictions représentent un irritant majeur pour les États-Unis. M. Kevin Edgson, président et directeur général, Eacom Timber, membre de l’Alliance canadienne pour le commerce du bois d’œuvre, a émis un son de cloche différent quant à la possibilité d’établir le libre-échange du bois d’œuvre résineux entre le Canada et les États-Unis en soutenant que même si le libre-échange représentait un « merveilleux principe », dans les faits, il n’est pas réalisable. Afin d’illustrer les risques associés au fait de ne pas reconduire l’ABR de 2006 ou de négocier un nouvel accord avec les États-Unis, M. Edgson a suggéré aux membres du Comité de prendre connaissance du litige actuel au sujet du papier supercalandré[9]. M. Edgson a néanmoins concédé que le Canada ne devrait pas conclure un accord à n’importe quel prix. Il a dit : « Je ne suis pas certain que la partie adverse soit prête à se montrer raisonnable. Si elle ne le fait pas, nous devrons protéger notre industrie contre les attaques ». Dans l’éventualité où un nouvel accord ne serait pas conclu, on a expliqué au Comité qu’il est envisageable qu’une nouvelle bataille juridique puisse voir le jour. Si tel était le cas, M. Tremblay a affirmé que le gouvernement fédéral canadien pourrait appuyer le secteur canadien du bois d’œuvre résineux en offrant des garanties de financement leur permettant de payer les droits que les États-Unis pourraient imposer. Même si certains intervenants du secteur canadien du bois d’œuvre résineux ont indiqué que de telles batailles juridiques pourraient être coûteuses, M. Garneau a soutenu que le commerce administré avait lui aussi un prix, en faisant référence aux taxes d’exportation payées par le secteur du bois d’œuvre canadien. M. Garneau a partagé l’opinion que l’ALENA pouvait servir de cadre juridique au commerce du bois d’œuvre entre le Canada et les États-Unis, comme c’est le cas pour la majorité des autres biens qui font l'objet de commerce entre les deux pays. En fait, selon M. Garneau, « pratiquement chaque industrie jouit du libre-échange en Amérique du Nord [en vertu de l’ALENA], à l’exception du bois d’œuvre ». M. Garneau a toutefois concédé que les groupes spéciaux de l’ALENA avaient eu de la difficulté dans le passé à rendre leur verdict dans les délais stipulés dans le texte de l’accord. Selon lui, le gouvernement canadien devrait s’assurer du bon fonctionnement de l’ALENA, y compris son système de règlement des différends. POINTS DE VUE EXPRIMÉS PAR LES INTERVENANTS DU SECTEUR FORESTIER DES PROVINCES DE L’ATLANTIQUELes membres du Comité ont également entendu un témoin représentant les producteurs de bois d’œuvre résineux des provinces atlantiques. Celui-ci, M. Gaston Poitras, président, Atlantic Lumber Producers, a expliqué que plus de 50 % du bois des provinces des Maritimes provient de ces terres. En outre, il a affirmé que les droits de coupe des terres publiques dans les provinces des Maritimes étaient fixés en fonction de la valeur marchande du bois récolté. M. Poitras a mis l’accent sur le fait que les provinces des Maritimes améliorent constamment leurs méthodes d’enquête afin de s’assurer que les données qui déterminent les droits de coupe sont aussi exactes et à jour que possible. M. Poitras a aussi pris le soin de préciser que les provinces des Maritimes avaient été exemptées des mesures frontalières de l’ABR[10]. Il a expliqué que dans le cadre des litiges ayant eu lieu au cours des 35 dernières années entre le Canada et les États-Unis sur le bois d’œuvre résineux, le United States Trade Representative et le département du Commerce américain n’ont jamais considéré la production de bois d’œuvre des provinces des Maritimes comme étant subventionnée parce qu’une part importante du bois des provinces des Maritimes se situe sur des terres privées. Ainsi, M. Poitras a soutenu que le Canada devrait essayer de conclure un nouvel accord, mais puisque la majorité des terres forestières des provinces des Maritimes sont privées et considérant que les provinces des Maritimes continuent d’améliorer leur système qui détermine les droits de coupe sur les terres publiques, le bois d’œuvre résineux de ces provinces devraient continuer d’être exempté des mesures relatives à l’exportation du bois d’œuvre d’un éventuel accord. CONCLUSIONSur la base des témoignages qu’il a entendus dans le cadre de son étude sur l’ABR entre le Canada et les États-Unis, le Comité estime qu’il est dans l’intérêt des producteurs de bois d’œuvre du Canada ainsi que des autres intervenants du secteur forestier au pays que les gouvernements canadien et américain s’entendent rapidement sur les paramètres d’un nouvel ABR entre les deux pays. Cet accord devra prendre en considération l’intérêt des entreprises forestières canadiennes, mais également l’intérêt des employés qu’elles emploient et les communautés dans lesquelles les compagnies opèrent. L’importance de conclure un accord rapidement avec les États-Unis ne signifie toutefois pas que le gouvernement canadien devrait se priver de consulter adéquatement les différents intervenants qui seront affectés par un éventuel accord afin de s’assurer que celui-ci soit dans l’intérêt de tous les intervenants provenant de toutes les régions du pays. Ces consultations devraient s’étendre à certains intervenants qui auraient pu être laissés de côté dans le passé, les intervenants autochtones par exemple. Le Comité est d’avis qu’un éventuel accord avec les États-Unis devra refléter adéquatement les régimes de droits de coupe en place dans les provinces canadiennes et qu’il exempte le bois d’œuvre qui provient de provinces où le bois est obtenu en fonction des forces du marché de toute mesure frontalière qui aurait comme effet de restreindre l’accès du bois d’œuvre résineux canadien au marché américain. De plus, le Comité a constaté que d’importantes différences existent en termes de gestion forestière et en ce qui a trait à la structure du secteur du bois d’œuvre résineux dans les différentes régions du Canada. Ainsi, il sera important qu’un éventuel accord avec les États-Unis soit flexible et qu’il offre la possibilité aux différentes régions du pays qui ne sont pas exemptées des mesures frontalières de choisir une formule qui reflète leurs particularités en ce qui a trait à ces mesures. En conséquence, le Comité recommande : Recommandation 1 Que le gouvernement du Canada établisse de façon prioritaire et dans les plus brefs délais les paramètres d’un nouvel accord sur le bois d’œuvre résineux avec son homologue américain. L’accord devrait refléter les intérêts des Canadiens. Recommandation 2 Que le gouvernement du Canada s’assure que ses consultations dans le cadre des négociations visant à conclure un nouvel accord sur le bois d’œuvre résineux avec les États-Unis incluent certains intervenants qui auraient pu être laissés de côté dans le passé, particulièrement les intervenants autochtones et les petits producteurs. Recommandation 3 Que le gouvernement du Canada insiste sur le fait que les provinces dont le régime de coupe du bois reflète les forces du marché soient exemptées de toute mesure frontalière d’un éventuel accord sur le bois d’œuvre résineux avec les États-Unis, si ces mesures ont comme effet de contraindre les exportations de bois d’œuvre résineux de ces provinces. Recommandation 4 Que le gouvernement du Canada insiste pour qu’un éventuel accord sur le bois d’œuvre résineux avec les États-Unis soit flexible et offre la possibilité aux régions du Canada qui ne seraient pas exemptées des mesures frontalières d’un éventuel accord de se prévaloir d’une option en matière de droits à l’exportation ou de limitation du volume. Recommandation 5 Que le gouvernement du Canada évalue, à l’avenir, les options permettant de trouver une solution à long terme relativement au commerce du bois d’œuvre résineux du Canada avec les États-Unis. Dans le cadre de cette évaluation, le gouvernement devrait envisager des mesures qui offriraient des opportunités d’exportation vers d’autres marchés. [1] Valeurs calculées à partir de données de Statistique Canada, Base de données sur le commerce international canadien de marchandises, consultée via Données sur le commerce en direct le 19 mai 2016. [2] Ressources naturelles Canada, Demandes en produits forestiers, 2016. [3] Peter Berg, Le différend Canado-Américain sur le bois d’œuvre, publication no TIPS-98F, Ottawa, Service d’information et de recherche parlementaires, Bibliothèque du Parlement, 10 juin 2004. [4] Les exportations de bois d’œuvre résineux des provinces de l’Atlantique ont été exonérées des droits compensateurs, mais non des droits antidumping. [5] Daowei Zhang, The Softwood Lumber War: Politics, Economics, and the Long U.S.–Canada Trade Dispute, Resources for the Future, Washington, 2007, p. 233. [6] L’Accord de 2006 visait les producteurs de bois d’œuvre résineux de la Colombie-Britannique, de l’Alberta, de la Saskatchewan, du Manitoba, de l’Ontario et du Québec. Dans le cas de la Colombie-Britannique, deux régions ont été désignées, la côte et l’intérieur, et chacune pouvait choisir entre les deux options. [7] Premier ministre du Canada, Fiche d’information : Canada – États-Unis : voisins, partenaires, alliés, 10 mars2016. [8] Les dispositions de l’article XII prévoyaient la création d’un groupe de travail sur les exemptions régionales qui serait tâché de définir « les critères de fond et les procédures permettant de déterminer si et quand une région utilise un régime d’établissement des prix du bois d’œuvre sur pied et un régime d’aménagement forestier en fonction du marché. » Après la définition des critères par le groupe de travail, les régions du Canada assujetties à l’accord et qui remplissaient les critères auraient pu exempter leur bois d’œuvre résineux des mesures frontalières de l’accord. [9] Le 30 mars 2016, le Canada a demandé l'ouverture de consultations avec les États-Unis dans le cadre du mécanisme de résolution des différends de l’Organisation mondiale du commerce au sujet des droits compensateurs prélevés par les États-Unis aux importations de papier supercalandré en provenance du Canada. Le papier supercalandré est un type de papier qui fait l'objet d'un traitement mécanique visant à obtenir une surface unie et brillante. Le Canada allègue que l’imposition de droits compensateurs et l'enquête à la base de l'imposition de ces droits dans ce cas sont incompatibles avec des dispositions de l’Accord sur les subventions et les mesures compensatoires de l’Organisation mondiale du commerce ainsi que de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994. [10] En vertu de l’ABR, le terme « Maritimes » fait référence aux quatre provinces canadiennes de l’Atlantique. |