CIIT Rapport du Comité
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OPINION DISSIDENTE NOUVEAU PARTI DÉMOCRATIQUE DU CANADA INTRODUCTION Le NPD remercie les membres du Comité, le personnel, les analystes, les témoins et les dizaines de milliers de Canadiens qui ont participé, sur une période d’un an et à la grandeur du pays, à cette étude de l’Accord du Partenariat transpacifique (PTP). Le NPD croit que la promotion du commerce avec la région de l’Asie-Pacifique est importante pour la prospérité économique du Canada. Nous prônons le resserrement des relations commerciales avec les partenaires clés de cette région, afin d’ouvrir de nouveaux débouchés aux exportateurs canadiens et de générer ainsi de l’emploi et de la croissance économique pour les travailleurs et les collectivités du Canada. Le PTP fait bien plus que réduire les droits : il touche également à la réglementation publique de l’investissement, à la propriété intellectuelle et même à l’immigration. De plus, des analyses indépendantes montrent que le Canada perdrait des dizaines de milliers d’emplois, principalement dans les secteurs de l’automobile et des produits laitiers, si le PTP entrait en vigueur. Évidemment, l’Accord n’entrera pas en vigueur tel qu’il a été négocié, puisque les États‑Unis ont décidé de s’en retirer. Certains voudraient qu’on supprime les dispositions qui exigent la ratification des États-Unis, mais il serait insensé que le Canada ratifie un accord ainsi révisé. En effet, les États-Unis sont l’architecte du PTP; le Canada ne s’y est joint qu’après de nombreuses années et séries de négociation. Cette entrée tardive du Canada signifie qu’il a dû accepter toutes les modalités négociées jusque-là. Or, comme le montre le rapport du Comité – et la présente opinion dissidente du NPD développe ce point –, de nombreuses dispositions du texte négocié final font un affront à l’intérêt public du Canada. On peine à croire qu’après une année d’étude, de consultation et d’analyse, le gouvernement libéral n’est pas encore prêt à rejeter le PTP. Le NPD demande au gouvernement du Canada de se retirer officiellement du PTP et de poursuivre autrement le renforcement et l’approfondissement des relations commerciales dans la région de l’Asie-Pacifique. LE PROCESSUS DES COMITÉS Le NPD met en garde le gouvernement contre l’utilisation des comités comme outils de consultation. Il est louable que les comités entreprennent des études approfondies qui visent à inviter publiquement les Canadiens à se prononcer sur des enjeux majeurs de politiques publiques, mais on a clairement vu tout le long du processus que notre Comité n’était pas équipé pour mener la consultation à grande échelle que les Canadiens méritent et qu’on leur avait promise. Les exemples de difficultés rencontrées ne manquent pas : les dizaines de milliers de courriels envoyés par la population ont excédé les limites des serveurs; on a manqué de ressources pour traduire tous les mémoires dans les deux langues officielles, alors que le bilinguisme est la norme des comités; les audiences sur place se sont limitées à une seule ville par province, sans passer par les territoires; les Canadiens dans leur ensemble ne savaient pas que le Comité tenait des audiences dans leur province ou leur ville, puisque les préavis étaient trop courts et que l’événement n’était pas publicisé; et des audiences à l’extérieur d’Ottawa ont eu lieu sans diffusion vidéo et audio. De plus, l’un des principes essentiels de toute consultation publique est que les commentaires de la population pourront influer sur la décision qui sera finalement prise à l’égard de l’enjeu discuté. Or, si notre comité peut faire rapport au Parlement de ses consultations, il n’a aucune influence directe sur les politiques du gouvernement. LA TRANSPARENCE Le NPD réclame depuis longtemps que les négociations des accords commerciaux soient soumises à une transparence accrue. On a beaucoup reproché au gouvernement conservateur précédent d’avoir négocié le PTP à huis clos. C’est en effet inacceptable quand il s’agit d’un accord de si grande portée, qui s’applique à tellement de secteurs de l’économie et de la société du Canada, dont plusieurs domaines de politiques qui n’ont jamais jusqu’à présent fait l’objet d’un accord commercial. Le gouvernement doit donc lever le voile du secret qui entoure les négociations commerciales. « Je voudrais souligner que notre travail d'éducation des Canadiens au sujet du PTP n'a pas été une tâche facile, car les détails de cet accord ont été tenus secrets jusqu'à ce que le texte complet soit publié il y a moins de six mois. Notre seul moyen d'obtenir de l'information consistait à lire dans le marc de café de documents ayant fait l'objet de fuites et à solliciter de l'information auprès de sources internes. Du moment où le PTP a été publié — le 5 novembre 2015 — à celui de sa signature — le 5 février 2016, les experts et le public canadiens ont disposé de moins de 90 jours pour évaluer les conséquences de cet accord de plus de 7 300 pages. J'avais l'intention d'apporter les 7 300 pages au complet aujourd'hui afin que vous puissiez les consulter, mais cela m'aurait coûté plus de 1 100 $ pour l'impression seulement. » –Meghan Sali (spécialiste des droits numériques, OpenMedia) Dans un rapport récent, le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international a proposé plusieurs mécanismes qui permettraient d’accroître la transparence des négociations commerciales, dont l’établissement d’un processus de consultation officiel au moment de la définition du mandat de négociation, et la présentation de rapports aux comités permanents concernés de la Chambre et du Sénat tout le long du processus de négociation. Le gouvernement libéral s’est engagé à accroître la transparence des négociations commerciales, et le NPD l’appelle à concrétiser cet engagement. Nous n’avons pas constaté de progrès à cet égard dans le cadre de l’accord Canada-UE, mais nous continuerons de réclamer des améliorations pour les négociations de libre‑échange à venir avec la Chine, et dans les pourparlers en cours sur l’Accord sur le commerce des services (ACS). LES CONSULTATIONS GOUVERNEMENTALES Bien que son étude ait été qualifiée de consultation publique, le Comité s’attarde bien peu, dans son rapport, aux commentaires formulés par les membres du grand public. Ainsi, on ne trouve nulle part dans ce rapport d’analyse ni de ventilation des quelque 50 000 courriels et lettres reçus par le Comité. Il importe pourtant de souligner que chacun des particuliers qui a pris la parole aux audiences ouvertes au public a exprimé des préoccupations à l’endroit du PTP, et la plupart s’y sont dits complètement opposés. De plus, malgré qu’Affaires mondiales Canada ait reçu plus de 30 000 communications du public entre le 19 octobre 2015 et le 24 juin 2016, la ministre des Affaires internationales n’a fourni au Comité aucune analyse ni ventilation des résultats de ces consultations. Le niveau de consultation gouvernementale a été une question fréquemment soulevée pendant l’étude du Comité. De nombreux groupes du secteur de l’industrie se sont dits satisfaits de la façon dont ils ont été consultés, mais beaucoup d’autres ont exprimé l’opinion inverse, et certains ont même dit qu’on avait refusé leurs demandes de rencontres avec des représentants du gouvernement. De nombreux témoins ont fait valoir avec raison qu’il était inutile de proposer des changements au PTP puisque le gouvernement avait déjà exprimé clairement que le texte final ne serait pas modifié. Par ailleurs, le gouvernement ne respecte toujours pas, dans le domaine des accords commerciaux, ses engagements au regard de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, et c’est là un autre sujet de préoccupation sérieux. « Le gouvernement devrait consulter immédiatement toutes les Premières Nations, surtout celles qui seront touchées directement, au sujet de l'impact du PTP sur les droits des Premières Nations, et en particulier le droit à l'autodétermination. » – Le chef national Perry Bellegarde (chef national, Assemblée des Premières Nations) À l’avenir, le gouvernement devrait consulter la population lorsqu’il est encore temps de changer l’accord. Les consultations devraient être vastes, significatives et proactives. Elles devraient mettre à contribution des Canadiens de tous les secteurs et horizons, et pas seulement les associations de l’industrie amies du pouvoir. Enfin, le gouvernement devrait prendre au sérieux son devoir envers les peuples autochtones, qui est d’obtenir leur consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause avant de signer un accord commercial. LA PROTECTION DES INVESTISSEMENTS ET LE RDIE Le NPD estime que les dispositions sur les différends entre les investisseurs et l’État qui privilégient les entreprises d’une manière contraire à l’intérêt public n’ont pas leur place dans les accords commerciaux. Ces dispositions permettent aux investisseurs étrangers d’éviter les systèmes judiciaires nationaux. Les tribunaux d’arbitrage, qui n’ont pas à rendre de compte, peuvent alors ordonner aux gouvernements de dédommager les investisseurs qui se disent floués par les politiques publiques ou la réglementation d’un pays. Le Canada est le pays qui essuie le plus de poursuites en vertu du règlement des différends entre investisseurs et États (RDIE) du chapitre 11 de l’ALENA. En effet, plus de 70 % des plaintes formulées dans le cadre de l’ALENA depuis 2005 ont eu pour cible le Canada. Or, il est coûteux de se défendre devant les tribunaux, et la peur d’être poursuivi a suffi à dissuader les gouvernements canadiens de légiférer dans l’intérêt public (c’est ce qu’on appelle la « frilosité réglementaire »). Le fait que le PTP doive exempter expressément les mesures de lutte contre le tabagisme des dispositions de son RDIE montre les implications potentielles que peuvent avoir de telles dispositions sur la capacité des pays à adopter des mesures en matière de santé publique et d’environnement. Les témoins ont été nombreux à exprimer ce type d’inquiétudes au Comité; pour eux, les règles du PTP sur la protection des investissements sont un affront à la souveraineté canadienne. LES DROITS DE PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE De nombreux témoins ont émis des craintes quant aux changements majeurs que le PTP se propose d’apporter aux droits de propriété intellectuelle (PI), sur le plan du droit d’auteur, des brevets et des marques de commerce. Bon nombre des dispositions en la matière profiteraient non pas aux consommateurs ou aux innovateurs canadiens, mais plutôt à de grandes entreprises américaines. Outre les témoignages éloquents – cités dans le rapport – de témoins comme Michael Geist et Jim Balsillie, ainsi que de groupes de défense de la santé et des travailleurs, le Comité a reçu à ce sujet des exposés et mémoires de la part de dizaines de Canadiens représentant une grande diversité de secteurs de la société. Les médicaments sur ordonnance Le PTP enchâsse une série de politiques sur le PI (exclusivité des données, prolongation de la durée des brevets) mises en œuvre récemment par le gouvernement conservateur. Or, ces politiques font que le Canada continuera d’arriver deuxième parmi les pays de l’OCDE où le coût des médicaments par habitant est le plus élevé. L’annexe du PTP sur la santé contient des dispositions qui saperont sérieusement la capacité des gouvernements de tenter de recourir à l’achat massif pour améliorer leur position de négociation et obtenir de meilleurs prix des grandes sociétés pharmaceutiques. Les droits numériques Le PTP oblige les pays membres à créer des sanctions pénales pour les personnes qui contournent les « verrous numériques » et l’information sur le régime des droits, par exemple en se servant de logiciels pour copier des DVD dans un ordinateur. L’Accord empêchera aussi les gouvernements d’exiger que les données soient stockées sur des serveurs canadiens au Canada. Cela signifie que rien n’empêchera des données canadiennes sensibles d’être stockées sur des serveurs aux États-Unis, où les autorités américaines pourront les consulter en application de la Patriot Act. LES EMPLOIS DANS LE SECTEUR AUTOMOBILE On estime que le PTP entraînera la disparition de 20 000 emplois dans le secteur de la construction automobile au Canada, en raison de la révision des règles sur la teneur en valeur régionale des véhicules et des pièces, et de l’élimination graduelle asymétrique des droits au Canada et aux États-Unis. De nombreux témoins ont souligné la nécessité de rejeter les dispositions du PTP qui ne respectent pas la nature intégrée du secteur automobile en Amérique du Nord. De plus, les maires de vingt collectivités de l’Ontario ont appelé le gouvernement libéral à protéger l’emploi dans l’industrie de l’automobile en ne compromettant pas la compétitivité de ce secteur, qui emploie directement plus de 115 000 personnes. LE SECTEUR DES PRODUITS LAITIERS En poursuivant dans la même veine que l’AECG, le PTP affaiblira le système de gestion de l’offre du Canada. L’accroissement des importations permises entraînera la perte de milliers d’emplois et une chute importante des revenus des agriculteurs et producteurs canadiens. Le gouvernement conservateur précédent avait promis des mesures d’indemnisation de 4,3 milliards de dollars pour les agriculteurs désavantagés par l’AECG et le PTP dans les secteurs soumis à la gestion de l’offre. Or, ce ne sont que 350 millions de dollars que le gouvernement libéral a finalement annoncés pour les producteurs laitiers, ce qui est bien loin de compenser les pertes que subira le secteur. Par ailleurs, le rapport du Comité ne contient nulle mention de l’accord parallèle au PTP qui obligera le Canada à travailler en vue d’harmoniser avec les États-Unis la réglementation sur la salubrité des produits laitiers. Des témoins ont averti qu’il pourrait en résulter la vente au Canada de lait produit par des vaches traitées aux hormones de croissance bovine. L’ADMISSION TEMPORAIRE DES GENS D’AFFAIRES Le chapitre 12 du PTP élargit les échappatoires qui permettent aux entreprises de faire venir des travailleurs étrangers temporaires sans processus de permis ni étude de l’incidence sur le marché du travail. À cet égard, le rapport du Comité résume bien les préoccupations soulevées par les syndicats, qui craignent que des travailleurs étrangers ne remplacent les travailleurs qualifiés canadiens dans les chantiers canadiens. Les dispositions du PTP à ce sujet sont sans précédent. Selon les Syndicats des métiers de la construction du Canada, « jamais auparavant les travailleurs manuels comme les gens de métier n'avaient été directement nommés dans un accord commercial du Canada ou touchés par un tel accord ». Le Canada aurait dû suivre l’exemple des États-Unis et refuser de souscrire à ces dispositions. LES PRISES DE CONTRÔLE PAR DES INTÉRÊTS ÉTRANGERS Aux termes du PTP, le seuil à partir duquel les prises de contrôle par des intérêts étrangers doivent être soumises à un examen passera de 600 millions de dollars à 1,5 milliard de dollars (plus du double). Beaucoup moins de prises de contrôle subiront donc quelqu’examen que ce soit. Cela signifie qu’il y aura un moindre apport des Canadiens, moins de transparence et une moindre assurance que les prises de contrôle par des intérêts étrangers sont dans le meilleur intérêt du Canada. RECOMMANDATIONS DU NPD
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