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CIMM Rapport du Comité

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Rapport complémentaire de l’Opposition officielle de Sa Majesté

Le Parti conservateur du Canada

Document d’information sur les enjeux liés à la réinstallation des femmes et des filles yézidies

Larry Maguire, député de Brandon – Souris

Michelle Rempel, députée de Calgary Nose Hill

David Tilson, député de Dufferin-Caledon

Je veux tous que vous oubliiez ces costumes pour un instant — juste un instant —, et que vous imaginiez un moment la douleur et la souffrance des yézidis.  À l'instant où nous parlons, il y a une fille qui crie à l’aide.  En tant que fière Canadienne, je vous supplie d’ouvrir vos cœurs et vos portes aux yézidis.[1]

Il faut accorder au gouvernement que la réinstallation des yézidis nécessitait une nouvelle façon de penser et de faire les choses.  Pour pouvoir identifier les yézidis, le gouvernement a dû surmonter les problèmes techniques de la réinstallation des personnes déplacées à l’intérieur du pays, chose que le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCRNU) ne fait pas habituellement.  Cela posait un problème, car le Canada dépend principalement du HCRNU pour dresser ses listes de réinstallation des réfugiés.  Surmonter cet obstacle était la première étape à franchir.

Pourtant, le gouvernement avait donné l’impression qu’il élaborerait un programme spécial pour les yézidis en raison de leurs traumatismes spécifiques et profonds une fois arrivés au Canada.  Le ministère d’État de Baden-Württemberg, en Allemagne, qui a été le premier à élaborer un tel programme, a partagé ses meilleures pratiques avec le gouvernement canadien en 2016.[2]  Quand ils ont témoigné en comité, des représentants d’Immigration, Réfugiés  et Citoyenneté Canada n’ont pas pu expliquer comment leur plan de réinstallation des yézidis différait de quelque façon que ce soit des plans pour les autres groupes de réfugiés.[3]  Cela a de quoi rendre perplexe puisqu’à la même rencontre, on a reconnu que les yézidis vivaient d’immenses souffrances, comme l’a expliqué Sean Boyd, le directeur exécutif des Relations avec le Moyen-Orient au ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement :

Les yézidis font l’objet d’atrocités horribles aux mains de Daesh.  Selon la Commission d’enquête internationale indépendante sur la République arabe syrienne des Nations Unies, ces actes de violence constituent un génocide.  Les membres de la communauté yézidie nous ont dit qu’ils ne se sentent pas en sécurité et qu’ils continuent à craindre les cellules dormantes de Daesh et d’autres formes d’extrémisme religieux.[4]

Les rencontres du Comité sur la réinstallation des yézidis étaient une occasion d’identifier des succès et les échecs de cette initiative, de concevoir et de comprendre les meilleures pratiques et d’améliorer la situation des yézidis.  Cependant, le rapport du Comité n’atteint pas ces objectifs.  Nous espérons que ce rapport complémentaire comblera les lacunes.

Interprétation

On a dit au Comité que la disponibilité et l’accessibilité des services d’interprétation étaient un problème pour les yézidis réinstallés.  COSTI Immigrant Services a dit au Comité que parmi les yézidis avec qui l’organisme travaille à Toronto, « deux tiers parlent divers degrés d’arabe, mais préfèrent communiquer en kurmanji.  L’autre tiers parle seulement kurmanji ».[5]  COSTI a tenté de trouver de nouveaux interprètes en kurmanji pour faciliter la réinstallation, mais ne peut satisfaire à la demande.  Cela a des conséquences négatives sur la capacité d’intégration des nouveaux arrivants.  COSTI a souligné qu’il n’y a pas de spécialistes de santé mentale qui parlent kurmanji dans la RGT, et qu’il y a des listes d’attente pour les services en arabe.[6]  Sans accès à ces services essentiels, le Canada n’aide pas les yézidis à s’intégrer.

Il faut également tenir compte du traumatisme des yézidis dans le cadre des services d’interprétation.  Plus précisément, on peut supposer que les yézidis ne veulent pas ou ne peuvent pas communiquer en arabe.  On a dit au Comité que pour certains yézidis, le fait de rencontrer des traducteurs gouvernementaux qui parlent arabe au Canada accentuait leur confusion et leur peur.  Certains ont même « pensé qu’ils étaient retombés entre les mains de Daesh » parce que c’est la langue de leurs anciens ravisseurs.[7]

Il faut également souligner que les interprètes doivent être agréés, car il a été dit en privé que les interprètes ne traduisent pas les désirs des gens avec exactitude.

Soutien à la santé mentale

Les survivants du génocide des yézidis vivent un traumatisme inimaginable.  Nombre des réfugiés réinstallés au Canada ont assisté au meurtre de leur famille immédiate, ont fait l’objet de viols et de torture, et ont été sujets à une discrimination et une déshumanisation.  COSTI a souligné que quand le financement d’un réfugié au titre du Programme fédéral de santé intérimaire expire, il est mis sur une liste d’attente pour une aide sociale pour l’accès à des services de santé mentale.[8]  Cela pose problème, parce que les besoins en soins de santé mentale de la communauté sont durables et continus.

Les conservateurs se préoccupent également du fait que le ministère aurait réduit le financement réservé à l’offre de services aux yézidis.  Dawn Edlund, sous-ministre adjoint délégué, Opérations, ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration, a dit au Comité que même si le budget de 2017 avait prévu 27,7 millions de dollars pour cette initiative, ce financement a ensuite été réduit de plusieurs millions.[9]  Cela nous inquiète, car le gouvernement fédéral n’a offert des services de conseil individualisés qu’à 5 yézidis.[10]

Pratiques exemplaires

La réinstallation des yézidis nécessitait une façon de penser innovatrice et l’élaboration de nouveaux processus et programmes.  IRCC, de même que les organisations de réinstallation et les parrains privés, devait répondre aux besoins de cette communauté, qui étaient différents de ceux des autres groupes de réfugiés.  Ces nouvelles connaissances institutionnelles pourraient être utiles dans le cadre des futures initiatives de réinstallation.  Aussi, le transfert des connaissances serait très utile à l’élaboration et au maintien de pratiques exemplaires.  Le Centre d’apprentissage interculturel de London a recommandé que les responsables de la réinstallation suivent une formation afin de mieux comprendre comment composer avec les divers degrés de traumatismes des yézidis et de partager les pratiques exemplaires.[11]  Il a souligné qu’il faut établir une capacité et une éducation dans les communautés hôtes, en se concentrant sur la prestation de soins de santé mentale.  « Il est important que les communautés hôtes comprennent les profils culturels, les expériences et les complexités des nouvelles communautés de migrants.  Nous avons récemment reçu des demandes d’éducation et de formation sur cette migration et l’engagement envers la réinstallation », explique le Centre.[12]

Dans un document d’information soumis au Comité, COSTI a donné un exemple d’une approche particulièrement efficace pour l’enseignement de la langue utilisée avec des familles de Toronto.  Le programme d’enseignement à domicile pour les parents de jeunes enfants d’âge préscolaire (HIPPY) offre aux mères des compétences de base qui les aident à répondre aux besoins éducatifs de leurs enfants.  Cela visait uniquement les mères yézidies.  Cependant, on a noté que ce programme n’est offert qu’à Toronto et n’est pas accessible aux clients de la région de York.[13]  Il serait utile que le gouvernement permette aux organisations comme COSTI de pouvoir partager leur réussite avec d’autres organisations de réinstallation et d’élargir la portée du programme.

De plus, l’élaboration de pratiques exemplaires permet de transférer les services et d’éviter les conflits entre les organisations communautaires.  Nous avons entendu qu’il peut y avoir des frictions entre des organisations à Winnipeg qui utilisent des approches différentes pour la réinstallation.

Réunification des familles

On a dit qu’il faut reconnaître la nature exceptionnelle de la situation des nombreux survivants du génocide des yézidis et des esclaves sexuelles nouvellement sauvées qui peuvent quitter l’État islamique seulement maintenant.[14]  Nombre d’entre eux ont de la famille au Canada maintenant, et d’autres ne peuvent pas retourner dans le Nord de l’Irak en raison de l’instabilité dans la région, sans solutions locales durables.[15]  Ces personnes devraient être traitées en priorité dans le cadre du processus de réinstallation au Canada, avec une plus grande capacité pour les yézidis de parrainer des familles au Canada.

La réunification des familles est une source de préoccupations pour tous les réfugiés réinstallés au Canada, mais nous avons entendu que les familles yézidies font face à des enjeux uniques quand elles tentent de parrainer une famille.  Par exemple, il arrive souvent que les membres d’une même famille ne soient pas déclarés dans les documents fournis à IRCC parce qu’ils étaient présumés morts ou disparus.[16]  Selon les règles actuelles, ces personnes ne peuvent pas être sujettes au Délai prescrit d’un an même si elles sont identifiées pendant leur première année au Canada.  Selon COSTI :

Il n’est pas inhabituel que les membres d’une famille manquants soient retrouvés après l’expiration du Délai prescrit d’un an, laissant peu de choix pour la réinstallation à part une demande pour des motifs humanitaires et de compassion, ce qui non seulement entraîne de frais, mais nécessite un avocat pour faire la demande.  Finalement, pour les membres d’une famille élargie vivant toujours dans leur pays d’origine (comme l’Irak et la Syrie), il n’y a aucun mécanisme pour réinstaller les réfugiés déplacés à l’interne autre que le parrainage dans la catégorie de la famille, qui comprend des obstacles inhérents pour les réfugiés.  Le HCRNU et le programme de formation pour le parrainage des réfugiés (PFPR) ont confirmé que sans documents officiels, il n’est pas possible de recommander les membres d’une famille yézidie élargie pour la réinstallation au Canada.  Il va sans dire que le stress d’être déconnecté de sa famille à l’étranger, en particulier quand celle-ci est dans une situation précaire, contribue à une mauvaise santé et à une mauvaise réinstallation, et fait en sorte qu’il est beaucoup plus difficile pour les nouveaux réfugiés de se concentrer sur leur intégration à la société canadienne.[17]

Opération Ezra fait écho à ces propos.[18]  Le gouvernement devrait s’occuper immédiatement de ce problème de la réunification des familles yézidies.

Réfugiés parrainés par le secteur privé

On a dit au Comité que des organisations ont les ressources nécessaires pour parrainer des yézidis supplémentaires, mais qu’elles sont limitées par le plafond imposé aux titulaires d’ententes de parrainage.  Lorne Weiss, d’Opération Ezra, a dit au Comité : « Nous avons toutefois un problème de logistique, parce que nous perdons beaucoup de temps à chercher des titulaires d’ententes de parrainage privé qui n’ont pas encore atteint leur quota et qui peuvent encore parrainer des familles.  C’est encore plus difficile pour nous que de trouver les fonds requis pour aider une famille pendant une année. »[19]  Il a ajouté que le plafond devrait être éliminé parce que « la limite va s’imposer d’elle-même, en fonction de la capacité de réunir des fonds ».[20]  Ainsi, la seule limite au nombre de réfugiés pouvant être parrainés serait la capacité de payer des parrains.

Dalal Abdallah a fait écho à ces propos : « À ce stade-ci, je crois qu’il ne faut pas limiter le nombre de places.  On n’en a pas fait assez pour les yézidis.  Il est temps. »[21]  De telles mesures permettraient de tirer profit de la générosité des Canadiens qui veulent aider ce groupe vulnérable, avec un coût très faible pour les contribuables.

Réfugiés parrainés par le gouvernement

Hadji Hesso a fait part de sa déception quant au nombre de yézidis réinstallés au Canada :

En février dernier, le gouvernement du Canada a promis de faire venir 1 200 yézidis. C’est à ce moment que tout a commencé, et nous avons rencontré 650 personnes à ce jour.  Il ne reste maintenant que deux mois avant la fin de l’année, et j’ignore si nous pourrons atteindre ce chiffre.  Il y a quelques années, lors de la guerre civile en Syrie, le gouvernement canadien avait accueilli 25 000 Syriens.  Nous ne pourrons pas accueillir 1 200 yézidis d’ici la fin de l’année, alors que des groupes religieux et minoritaires entiers tels que les yézidis et les chrétiens subissent tous ces massacres, ces viols et ces meurtres.  Les Nations Unies ont reconnu qu’il s’agit d’un génocide contre l’humanité.[22]

La plupart des témoins ont dit croire que le Canada peut et devrait faire plus, surtout en raison du fait que le gouvernement a raté son objectif de réinstaller 1 200 survivants de Daesh d’ici la fin de 2017.

Le génocide des yézidis

Parlant au nom d’une réfugiée yézidie, Dalal Abdallah a dit :

Quand je lui ai demandé ce qu’elle souhaitait obtenir du gouvernement canadien, elle m’a dit exactement ce qu’elle voulait : garder ses portes ouvertes pour faire venir plus de survivants au Canada, protéger ceux qui ne veulent pas quitter Shengal pour qu’ils puissent vivre dans la paix et, enfin, fournir toute aide nécessaire aux familles qui sont encore en Irak.  La dernière chose qu’elle m’a dite, c’est que de nombreux réfugiés qui viennent au Canada ont été séparés de leur famille en Irak.  Nous aimerions qu’il y ait un programme permettant aux yézidis de renouer avec les membres de leur famille restés là-bas, puis de les faire venir au Canada pour réunir la famille.[23]

Le Parti conservateur comprend la volonté de la communauté yézidie.  Il importe également de noter que le 25 octobre 2016, la Chambre des communes a voté à l’unanimité pour une motion visant à répondre au génocide des yézidis.  Cela comprenait l’acceptation des recommandations 210, 212 et 213 du rapport de 2016 du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme intitulé They Came To Destroy: ISIS Crimes Against Yazidis.  Matthew Barber et d’autres témoins ont recommandé que le gouvernement informe le Parlement des efforts qu’il déploie pour mettre ces recommandations en œuvre.[24]

Recommandations

  1.  Qu’IRCC examine la possibilité de créer un réseau d’intervention rapide pour l’offre de services de transport et d’interprétation afin de jumeler les organisations de réinstallation ayant un contrat avec le gouvernement et les réfugiés avec les organisations sans but lucratif qui ont les ressources requises.
  2.  Qu’IRCC élimine le plafond des titulaires d’ententes de parrainage privé pour l’Irak et la Syrie pendant un an.
  3.  Qu’IRCC continue à traiter en priorité les survivants du génocide dans les futures cohortes de réfugiés parrainés par le gouvernement.
  4.  Qu’IRCC permette aux yézidis de parrainer les membres de leur famille élargie au-delà du Délai prescrit d’un an compte tenu des circonstances exceptionnelles.
  5.  Que le gouvernement organise une conférence pour réunir les fournisseurs de services afin de discuter des pratiques exemplaires.
  6.  Qu’IRCC prolonge le programme spécial de réinstallation au Canada des yézidis déplacés à l’intérieur du pays.
  7.  Que le gouvernement du Canada demande aux Nations Unies de faire une étude de suivi du rapport de 2016 intitulé They Came to Destroy: ISIS Crimes Against yézidis afin de déterminer ce qui a été fait par la communauté mondiale, et de faire des recommandations à la communauté mondiale et aux États membres pour le soutien aux yézidis.
  8.  Que le gouvernement du Canada présente au Parlement une mise à jour des mesures prises pour mettre en œuvre les recommandations 210, 212 et 213 du rapport de 2016 intitulé They Came to Destroy, conformément au vote unanime de la Chambre des communes de 2016. 

[1] CIMM, Témoignage, 9 novembre 2017, 0915 (Dalal Abdallah).

[2] CIMM, Témoignage, 22 novembre 2016, 1015 (Dr Michael Blume).

[3] CIMM, Témoignage, 7 novembre 2017, 0905, (Dawn Edlund).

[4] CIMM, Témoignage, 7 novembre 2017, 0905 (Sean Boyd).

[5] CIMM, COSTI, Document d’information, p. 2.

[6] Ibid.

[7] CIMM, Mozuud Freedom Foundation, Document d’information, p. 2.

[8] CIMM, COSTI, Document d’information, p. 3.

[9] CIMM, Témoignage, 7 novembre 2017, 0905, (Dawn Edlund).

[10] Ibid.

[11] Ibid.

[12] CIMM, Centre d’apprentissage interculturel de London, Document d’information, p. 5.

[13] CIMM, COSTI, Document d’information, p. 2.

[14] CIMM, Centre d’apprentissage interculturel de London, Document d’information, p. 5.

[15] Ibid.

[16] CIMM, COSTI, Document d’information, p. 3.

[17] CIMM, COSTI, Document d’information, p. 3-4.

[18] CIMM, Opération Ezra, Document d’information, p. 4.

[19] CIMM, Témoignage, 9 novembre 2017, 0855 (Lorne Weiss).

[20] Ibid.

[21] CIMM, Témoignage, 9 novembre 2017, 0930 (Dalal Abdallah).

[22] CIMM, Témoignage, 9 novembre 2017, 0905 (Hadji Hesso).

[23] CIMM, Témoignage, 9 novembre 2017, 0910 (Dalal Abdallah).

[24] CIMM, Témoignage, 9 novembre 2017, 1050 (Matthew Travis Barber).