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CIMM Rapport du Comité

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Rapport supplémentaire du Nouveau Parti démocratique (NPD)

Préambule

Nous connaissons à l’échelle mondiale une crise migratoire comme il ne s’en est jamais vécu depuis la Deuxième Guerre mondiale. Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) estime qu’environ 68,5 millions de personnes ont été forcées de fuir leur foyer en raison de conflits, de persécutions et de catastrophes. De ce nombre, 25,4 millions sont des réfugiés. Le HCR fait d’ailleurs remarquer que la hausse du nombre de réfugiés de 2016 à 2017 bat tous les records d’augmentation sur une seule année, alors que 2,9 millions de personnes ont quitté leur pays d’origine au cours des 12 derniers mois[i].

Malheureusement, alors que les déplacements et les flux migratoires forcés augmentent, la volonté de partager la responsabilité de fournir à ces personnes vulnérables un lieu de refuge où rebâtir leur vie est en baisse. En fait, elle chute de façon particulièrement marquée parmi les nations les plus riches du monde. Le Canada ne s’est pas rallié à ce mouvement jusqu’à maintenant et s’est toujours affiché comme une nation accueillante. Le Nouveau Parti démocratique (NPD) croit que cela s’explique non seulement par la facette multiculturelle et humanitaire du Canada, mais aussi parce que les Canadiens respectent l’intégrité du système d’immigration et lui accordent leur confiance. Toutefois, il ne faut pas tenir pour acquis cette confiance et ce soutien, mais plutôt travailler continuellement à leur renouvellement.

Récemment, des chercheurs d’asile ont afflué au Canada depuis les États-Unis, afflux qui a taxé lourdement le système de détermination du statut de réfugié du pays et qui pourrait miner la confiance des Canadiens envers le système si la situation n’est pas gérée adéquatement. Le sous-financement chronique de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (CISR) et le défaut répété des gouvernements de pourvoir les postes vacants de la Commission se sont soldés par une capacité réduite de traitement des demandes en temps opportun. Alors qu’à la fin de 2017, 43 000 cas constituaient l’arriéré de cas de la CISR, au début d’avril 2018, il comptait 53 000 cas. L’arriéré s’amplifiait de plus de 2 000 cas par mois.

À la lumière de cette situation et des efforts de sensibilisation qu’a déployés le NPD depuis 2017 pour que la CISR se voie accorder un financement additionnel, le NPD aurait voulu que le présent examen passe en revue le financement de la CISR. Malheureusement, cela ne faisait pas partie du mandat du rapport.

La CISR vivait déjà une grande pression par son sous-financement chronique, mais depuis janvier 2018, ses activités ont été scrutées à la loupe à la suite d’une enquête de la presse d’investigation qui a mis au jour des renseignements troublants sur certains commissaires qui auraient dérogé aux normes rigoureuses qu’exigeait leur poste. Deux incidents ont fait les manchettes nationales, soit la conduite préoccupante de Mme Natalka Cassano[ii] et de M. Michael Sterlin[iii]. Il faut reconnaître le travail qu’ont fait les journalistes derrière ces histoires afin de mettre au jour ces faits, sans quoi le présent rapport n’aurait probablement pas été rédigé.

Contexte

La CISR est la clé de voûte du système d’immigration du Canada. Organisme indépendant du gouvernement, la CISR tient des audiences sur les demandes d’individus et de familles afin de déterminer s’ils sont admissibles à s’établir au Canada, sur les contrôles de la détention et sur l’octroi du statut de personne protégée. À moins qu’une décision puisse être contestée en cour fédérale, il revient à la CISR de prendre une décision à savoir si un individu ou une famille peut rester au Canada. Les décideurs de la CISR étant indépendants, ils peuvent examiner chaque cas en fonction de son mérite. À ce titre, l’approche adoptée par le modèle canadien, et par la CISR, s’est mérité un respect à l’échelle internationale. Cela est d’autant plus vrai s’agissant du système de détermination du statut de réfugié du Canada, compte tenu du rôle prépondérant que la CISR joue dans la préservation de l’intégrité du système. Quiconque soumet une demande d’asile au Canada, c’est-à-dire quiconque ne peut pas s’installer au Canada en bénéficiant du programme de réinstallation de réfugiés pris en charge par le gouvernement, du programme de parrainage privé des réfugiés ou du programme mixte des réfugiés désignés par un bureau des visas, doit comparaître devant la CISR pour réclamer le statut de réfugié. Si la demande est approuvée, le demandeur reçoit le statut de personne protégée au Canada. Si la demande est refusée, le demandeur peut faire appel de la décision au sein de la CISR, et en dernier recours déposer un appel en cour fédérale; mais toute demande refusée aboutira par le renvoi de l’individu ou de la famille du Canada.

Il est important que la CISR soit indépendante de l’administration fédérale. Dans le cadre du budget de 2017, le gouvernement avait chargé la CISR d’effectuer un examen indépendant de ses activités afin de cerner des pistes d’amélioration de l’efficience et de la productivité. L’examen devrait être achevé sous peu et sera rendu public au début du mois de juin 2018. Un rapport provisoire a tout de même été remis à la CISR et au ministre à la fin de 2017-début de 2018[iv]. Lors de consultations indépendantes auprès de parties prenantes, le NPD a appris que certains craignent une profonde restructuration, une réduction de l’indépendance ou même l’abolition pure et simple de la CISR. Le NPD a demandé à la CISR de déposer un exemplaire du rapport provisoire auprès du comité afin de tenir au fait les membres du comité alors qu’ils s’apprêtaient à participer à l’examen et de rassurer les témoins comparaissant devant le comité que les critiques en lien avec les processus de nomination et de plainte de la CISR ne se traduiraient pas par une réduction potentielle de l’indépendance de la CISR ou même par son élimination. Malheureusement, la CISR a refusé de le faire[v]. Il n’en reste pas moins que le NPD s’inquiète que certaines parties prenantes se soient gardé une certaine réserve dans leurs commentaires en raison de cette crainte.

Le NPD partage l’avis des parties prenantes qui ont témoigné de leur soutien envers la CISR et se range derrière ceux qui estiment qu’elle a sa raison d’être, qu’elle devrait demeurer indépendante, qu’elle devrait se caractériser par une transparence et une reddition de comptes et qu’elle devrait recevoir un financement adéquat pour pouvoir s’acquitter de son mandat en temps opportun et de façon efficace. Le NPD croit de toute bonne foi que l’examen cherchait à améliorer et à renforcer l’intégrité de la CISR, et non à y nuire.

Notre étude a cherché à examiner les processus de nomination, de formation et d’arbitrage des plaintes de la CISR, et a formulé des recommandations à l’intention de l’administration sur les meilleures façons de procéder. Bien que le NPD approuve l’orientation générale de la majorité des recommandations du rapport, il estime tout de même que certaines recommandations importantes émises par les témoins, qui demandaient un instrument de plainte et de surveillance disciplinaire réellement indépendant, ont été ignorées en raison de l’approche attentiste du comité. De même, le NPD est d’avis que de précieux conseils portant sur de nombreux sujets ont été écartés.

Pour remédier à cela, le NPD adresse d’autres recommandations qui permettraient de renforcer la CISR, d’offrir une meilleure formation aux commissaires et d’améliorer la transparence et la reddition de compte envers le public.

Processus de nomination

Comme nous l’avons énoncé dans le préambule, l’examen a été réalisé en raison des histoires ayant fait les manchettes nationales sur les comportements malséants et inacceptables de certains commissaires. Toutefois, il vaut la peine de réitérer qu’il vaut mieux prévenir que guérir; plus les candidats sont qualifiés, moins il est (théoriquement) probable que la CISR doive donner suite à des plaintes graves sur des comportements ou des décisions. Bien que le financement de la CISR n’ait pas été étudié dans le cadre de notre mission, il faut faire remarquer que cette question a été portée à l’attention du comité à la fois par M. Paul Aterman, président intérimaire de la CISR, et par Mme Crystal Warner, vice-présidente exécutive nationale du Syndicat de l’Emploi et de l’Immigration du Canada (SEIC). D’abord, sans financement, aucune nomination ne peut être faite. Pour s’en tenir à leurs propos, il est difficile de recruter des candidats qualifiés pour des postes à court terme sans sécurité d’emploi, surtout lorsque les candidats doivent se relocaliser dans des régions où le coût de la vie est élevé.

M. Aterman a expliqué au comité qu’il estimait que le plus ardu avec le financement était de trouver et d’embaucher des décideurs compétents qui sont prêts à siéger à court terme à la Commission[vi]. En réponse à une question sur les causes sous-jacentes des nominations à court terme, il a ajouté qu’il fallait agir ainsi parce que le financement n’est octroyé que sur un horizon de deux ans[vii].

Cette observation a d’ailleurs été étayée par Mme Warner, qui s’est exprimée ainsi :

« J’ai travaillé à Vancouver, sans doute la ville la plus chère du Canada. Vous essayez de nommer des gens qui ont des familles, qui ont des hypothèques astronomiques à payer dans des villes comme Vancouver, et vous essayez de trouver une personne prête à courir le risque d’accepter un mandat d’un an ou de deux ou trois ans. Le fait de se demander s’ils seront reconduits dans leurs fonctions ou non et les discussions entourant cette éventualité génèrent du stress chez ces gens — je peux constater ce stress. Nous ajoutons donc une tension incroyable aux décideurs qui sont déjà aux prises avec un travail exigeant et de nature sensible[viii]. »

Ces difficultés peuvent probablement expliquer pourquoi de si nombreux postes sont laissés vacants depuis bien longtemps. La députée néo-démocrate Jenny Kwan (Vancouver-Est) a souligné ce qui suit à M. Aterman :

« Selon l’information sur les nominations qu’on nous a fournie, il y a environ 26 postes vacants. Est-ce que la CISR a demandé au gouvernement de pourvoir ces postes par décret? Par exemple, à Calgary, il y a un poste vacant depuis 2 929 jours et un à Toronto depuis 534 jours[ix]. »

M. Aterman a ajouté : « Nous avons certainement fait part au gouvernement de nos besoins, oui[x]. » Le NPD estime que cela met en lumière le financement inadéquat octroyé à la CISR.

La question de la composition de la Commission a également été soulevée par Mme Warner et par Mme Preevanda Sapru, avocate spécialisée en droit de l’immigration. Les deux femmes étaient d’avis que la CISR devait faire davantage pour nommer des candidats issus de diverses collectivités afin de mieux refléter la société canadienne et les individus qui y comparaissent.

Mme Sapru s’est expliquée ainsi :

« La CISR traite avec des gens qui fuient des centaines de pays de cultures différentes, avec des normes, des façons d’être et des comportements différents. Il faut une représentation égale de différentes cultures — dans l’organisation même et pas seulement parmi les commissaires — pour qu’il y ait la compréhension et l’empathie nécessaires envers ces gens avec qui elle traite en permanence[xi]. »

Mme Warner a abondé en ce sens en ajoutant :

« Nous sommes d’accord avec bon nombre des observations que nous avons entendues au Comité. Les décideurs de la Commission devraient refléter les communautés des personnes qui comparaissent devant elle, de sorte que l’équité en matière de dotation pour les personnes LGBTQ, les personnes handicapées et les personnes des minorités visibles devrait être non seulement encouragée, mais obligatoire[xii]. »

Enfin, bien qu’il soit vrai que des efforts ont été déployés depuis quelques années pour que les nominations à la CISR soient moins imbues d’esprit de parti, le professeur Ronald Ellis signalait dans une soumission écrite un mécanisme de nomination potentiellement meilleur et plus impartial. M. Ellis exposait dans sa soumission la structure de la Judicial Appointments Commission (commission de nomination à la magistrature) du Royaume-Uni, qui se compose de commissaires en fonction, d’experts externes et de représentants du public. La commission informe ensuite le gouvernement de son choix et ce dernier peut décider d’offrir une nomination au candidat ou de recourir à des mécanismes lui permettant d’examiner la candidature ou de la refuser. M. Ellis souligne qu’au Royaume-Uni, depuis 2007, « pratiquement aucune recommandation [de la commission] n’a été refusée ou reportée[xiii] » [traduction].

En gardant ces propos en tête, le NPD recommande au gouvernement de prendre les mesures suivantes ayant trait au processus de nomination des commissaires à la CISR.

Recommandation 1

Que le gouvernement du Canada octroie un financement stable, approprié et à long terme à la CISR afin que des commissaires compétents puissent être recrutés et maintenus en poste.

Recommandation 2

Que tous les postes vacants de commissaires soient pourvus dans les plus brefs délais.

Recommandation 3

Que le gouvernement du Canada travaille avec la CISR pour mettre sur pied un programme d’embauche équitable afin d’accroître la diversité de la Commission et ainsi mieux refléter les individus qui y comparaissent.

Recommandation 4

Que le gouvernement du Canada travaille à la dépolitisation du processus de nomination en remplaçant le modèle de nomination par le gouverneur en conseil actuel par celui adopté par la commission de nomination à la magistrature du Royaume-Uni.

Formation

Notre monde évolue rapidement. L’intégration et les flux migratoires ont mené à la diffusion d’idées, de valeurs et de technologies, entre autres, à un rythme plus effréné que jamais. Dès lors, les normes sociales partout dans le monde changent, et ce, très rapidement. Certaines sociétés se tournent vers une approche progressive, en se montrant plus ouvertes, tolérantes et diversifiées. D’autres résistent et deviennent plus conservatrices sur le plan social, moins tolérantes et plus ségréguées. Un certain nombre de pays qui se montraient auparavant ouverts et qui accueillaient les nouveaux arrivants et les réfugiés sont désormais plus fermés et n’accordent plus l’asile. La nature des conflits est également en constante évolution.

C’est dans ce contexte que la CISR doit décider d’accorder ou non le statut de personne ou famille protégée au Canada, et c’est pour cela qu’il est primordial que les commissaires reçoivent continuellement de la formation de grande qualité et à jour. Même le candidat le plus chevronné peut prendre de mauvaises décisions s’il ne reçoit pas la formation adéquate et qu’il n’est pas au fait des questions touchant le dossier ou qu’il n’a pas appris les pratiques exemplaires ayant trait aux méthodes de détermination de la crédibilité d’un demandeur, entre autres.

Le NPD souscrit aux recommandations 4 et 5 du rapport principal.

Outre ces recommandations, le NPD aimerait attirer l’attention sur le témoignage de M. Maurice Tomlinson du Réseau juridique canadien VIH/sida, dans lequel ce dernier émettait les recommandations suivantes à l’égard de la formation de sensibilisation à la communauté LGBTQ et de la compétence sur le plan culturel :

« La première est une formation de sensibilisation aux LGBT de plusieurs jours à l’intention des commissaires de la CISR qui mobilise des personnes originaires de pays sources de réfugiés qui ont vécu une expérience. La deuxième est un dialogue constructif entre la CISR et les organismes et avocats qui servent les réfugiés LGBT afin d’établir des lignes directrices et des attentes plus claires. Le troisième est une occasion pour les demandeurs et les avocats, ou les deux, de fournir des commentaires après l’audience qui peuvent améliorer les questions des commissaires de la CISR et ne pas nuire aux demandes[xiv]. »

M. Tomlinson a insisté sur l’importance d’offrir de la formation et de la rétroaction sur une base permanente parce que, d’après son expérience à l’international, « nous leur demandons de procéder à un changement de culture, et cela ne se fait pas en trois heures[xv]. »

Mme Barbara Findlay, avocate spécialisée dans le droit de l’immigration, a souligné la nécessité de faire un suivi et d’évaluer la formation afin de s’assurer qu’elle atteint les objectifs attendus. Elle a dit :

« Je pense qu’il doit y avoir une certaine forme de suivi structuré et d’évaluation. Je crois certainement qu’il doit y avoir un certain type d’examen ou d’évaluation à la fin de la formation, de sorte que la Commission puisse être convaincue que son commissaire a en réalité retenu l’information et que le commissaire devrait subséquemment être évalué par rapport à la formation. C’est un problème dans tous les domaines de formation des juges[xvi]. »

Compte tenu de cette information, le NPD recommande au gouvernement d’aller au-delà de la recommandation 5 dans le rapport principal étant donné que cette dernière se contente de réclamer un examen de la compréhension et de l’application des apprentissages des commissaires. À ce titre, le NPD recommande ce qui suit.

Recommandation 5

Que le gouvernement du Canada travaille avec la CISR afin d’instaurer des examens périodiques des formations offertes aux commissaires à des fins de perfectionnement professionnel continu afin de veiller à ce que les apprentissages soient bien assimilés; dans le cas contraire, les commissaires doivent suivre sans tarder une formation de perfectionnement.

Plaintes

C’est sur cet aspect de l’examen que le point de vue du NPD diffère grandement de celui des représentants du gouvernement au comité et de la CISR elle-même. Lors de sa première comparution devant le comité, M. Aterman a expliqué que son organisme avait mené des consultations auprès de parties prenantes afin de s’enquérir de leur opinion sur l’instauration d’un nouveau mécanisme de plainte. Dans sa deuxième comparution, il indiquait au comité que siégeaient à la table permanente les parties prenantes suivantes : l’Association du Barreau canadien (ABC), l’Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés (ACADR), l’Association des avocats et avocates en droits des réfugiés, l’Association québécoise des avocats et avocates en droit de l’immigration, l’Association canadienne des conseillers professionnels en immigration et le Conseil canadien pour les réfugiés[xvii]. Il convient de signaler que M. Aterman a expliqué lors de sa première comparution que l’une des principales recommandations à laquelle la CISR n’a pas donné suite a trait au processus de plaintes, lesquelles devraient être traitées indépendamment, même s’il a reconnu qu’« [i]ls étaient d’avis que toutes les plaintes devaient être traitées par une personne à l’extérieur de l’organisation, un tiers indépendant[xviii]. »

Au cours de sa deuxième comparution, la députée néo-démocrate Jenny Kwan a insisté pour que M. Aterman explique pourquoi on n’avait pas donné suite à cette recommandation. Il a alors énoncé que : « La Commission est responsable de gérer ses employés et, fondamentalement, il incombe au président de le faire. Le président est rémunéré et est tenu d’agir dans l’intérêt de l’institution[xix]. »

Le NPD croit que le nouveau processus de dépôt d’une plainte, bien qu’il s’agisse d’un pas dans la bonne voie, ne représente tout de même pas un mécanisme indépendant si le président peut décider de traiter ou non une plainte. Avec un système pareil, un conflit réel ou perçu quant au processus de plainte continuera de jeter une ombre sur l’intégrité de la CISR. Bien que le NPD reconnaisse que le nouveau directeur de l’intégrité, qui est désormais responsable du traitement des plaintes, « est quelque peu isolé[xx] » parce qu’il ne participe pas aux réunions de l’équipe de gestion, il estime tout de même que la CISR aurait dû adopter un processus complètement indépendant comme ce qu’avaient recommandé les parties prenantes au processus de consultation qu’avait lancé le gouvernement. Un examen indépendant et impartial des plaintes est essentiel à l’ouverture et à la responsabilisation. Les témoins ci-après étaient du même avis :

  • - Mme Laverne Jacobs, professeure[xxi]
  • - Mme Cheryl Robinson, avocate spécialisée en droit de l’immigration[xxii]
  • - Mme Barbara Findlay, avocate spécialisée en droit de l’immigration[xxiii]
  • - Mme Preevanda Sapru, avocate spécialisée en droit de l’immigration[xxiv]
  • - Mme Nastaran Roushan, avocate spécialisée en droit de l’immigration[xxv]
  • - Mme Asiya Jennifer Hirji, avocate spécialisée en droit de l’immigration[xxvi]

Mme Roushan a parlé franchement lorsqu’elle a déclaré ceci :

« Vous ne pouvez pas qualifier d’indépendant un bureau de la CISR, peu importe l’endroit où il se trouve ou son degré “d’isolement”. Vous ne pouvez pas qualifier d’indépendant un système de plaintes quand le président a toute la discrétion de décider s’il doit même examiner ou non une plainte[xxvii]. »

Au cours de l’étude, des témoins ont soulevé la problématique que, dans certains cas, les plaintes en suspens avaient été réglées avant d’être finalisées parce que le membre avait quitté la CISR et qu’il n’était pas possible de maintenir la plainte. Lors de ses premières comparutions, M. Aterman a suggéré que la CISR ne pouvait changer la situation d’aucune façon. Or, lors de sa dernière comparution devant le comité, il a dit aux membres du comité que la CISR avait entendu les préoccupations à ce sujet et qu’elle continuait d’examiner les possibilités en vue de finaliser les cas qui mettaient en scène des membres de la CISR ayant quitté la CISR avec des plaintes en suspens contre eux[xxviii]. Il s’agit d’une bonne nouvelle qui devrait être reconnue.

Après le dépôt d’une plainte, certains témoins ayant comparu devant le comité ont souligné les difficultés qui pourraient découler d’une comparution devant un membre de la CISR contre lequel ils ont déposé une plainte active. Dans certains cas, il s’agirait du même client. Dans d’autres cas, il s’agirait d’un nouveau client, mais du même membre de la CISR. Puis, dans certains cas, il y aurait examen des retards supplémentaires ou, possiblement, du recommencement de tout le processus d’audience. La quantité de temps excessive qui a été nécessaire à la résolution des plaintes explique en partie cette situation. Mme Roushan a présenté la clarification suivante :

« Prenons, par exemple, le cas de Cassano. Une décision finale n’a pas été rendue avant 10 mois. Des audiences ont simplement été laissées pour compte; nous pouvons penser à celles qui étaient en cours et pour lesquelles elle n’avait pas pris de décision, puis celles qui étaient reportées à une autre date. Pendant environ 10 mois, certains demandeurs ne connaissaient pas la date de leur prochaine audience. Puis, près d’un an plus tard, ils recevaient une lettre disant ceci : “Vous pouvez recommencer le processus avec un nouveau membre.” Nous ne pouvons qu’imaginer les répercussions, alors qu’ils avaient déjà été si traumatisés de devoir attendre pendant ce temps[xxix]. »

Si une plainte est jugée fondée, toute une gamme de sanctions peut se produire. Au cours de l’étude, la possibilité de soumettre un membre à une formation supplémentaire sur les plaintes a été discutée. M. Aterman a constamment affirmé que l’examen de l’efficacité de cette formation supplémentaire avait été effectué pendant l’examen annuel. Toutefois, l’avocate spécialisée en droit de l’immigration, Mme Cheryl Robinson, s’est dite préoccupée par le manque actuel de suivi après la formation ou d’examen de l’efficacité. Elle donne la présente explication :

« Fondamentalement, vous utilisez les demandeurs de statut de réfugié, qui viennent après la plainte et la formation, comme des cobayes pour voir si la formation est entrée en vigueur. Je pense que si nous observions d’autres organismes, comme le Barreau, nous constaterions que les gens ne sont pas simplement laissés sans aucune surveillance lors de leur réintégration. Il existe des modalités pour la supervision et le suivi. Je pense que ce système serait plus adéquat à la suite d’une plainte[xxx]. »

Même si la révocation du Conseil est actuellement une sanction possible tant pour les membres du Conseil de la fonction publique que pour les membres du Conseil du GEC, Mme Donnalyn McClymont, secrétaire adjointe du Cabinet du secrétariat du personnel supérieur du Bureau du Conseil privé, a expliqué la nécessité d’un processus long et difficile et d’une barre fixe pour que la nomination d’un GEC à la CISR soit terminée[xxxi]. Lorsqu’on lui a demandé si cela était approprié, il a été noté que le processus devrait être équitable. Il a aussi été décidé qu’il devrait y avoir un processus raisonnable pour mettre fin à la nomination d’un GEC au Conseil d’administration pour inconduite. M. Brouwer a déclaré qu’« il doit aussi y avoir un éventail de conséquences claires en cas de mauvaise conduite, allant de la formation à l’élimination de tout rôle d’audience ou de prise de décision jusqu’à la résiliation complète[xxxii]. »

Finalement, des préoccupations ont été portées à l’attention du comité au sujet du rapport public sur les plaintes fondées contre les membres de la CISR. Dans son processus de gestion des plaintes, Mme Roushan a fait la remarque suivante :

« J’ai entre autres demandé à la CISR de m’informer sur le nombre de plaintes qui ont été déposées à son sujet [Cassano] dans le passé, la nature des plaintes et pourquoi rien n’a été fait à ce propos. Ils disent qu’ils n’ont pas besoin de fournir ces informations puisqu’elle n’est plus là[xxxiii]. »

Le NPD estime que les plaintes fondées et les sanctions qui en découlent devraient être publiquement signalées chaque année pour garantir la responsabilité et la transparence de la CISR et maintenir la confiance du public quant à l’institution. Cela ressemblerait aux pratiques d’autres organismes professionnels comme l’Association du Barreau canadien.

Dans ce contexte, le NPD fait les recommandations suivantes :

Recommandation 6

Que le gouvernement du Canada travaille avec la CISR pour mettre en œuvre un mécanisme d’enquête entièrement indépendant au sujet des plaintes.

Recommandation 7

Que l’organisme de plaintes indépendant fasse part de ses conclusions dans les 90 jours suivant le dépôt d’une plainte. Si l’organisme a besoin de plus de temps pour une enquête, les personnes concernées devraient en être avisées. De plus, elles devraient être informées de l’état de l’enquête.

Recommandation 8

Que le gouvernement du Canada travaille avec la CISR pour mettre en place un mécanisme permettant d’examiner l’efficacité de toute sanction imposée au membre de la CISR sanctionné avant que ce dernier soit pleinement réintégré. Cela aurait pour but de garantir une résolution adéquate de la problématique.

Recommandation 9

Que le gouvernement du Canada travaille avec la CISR pour réviser et mettre en œuvre une liste actualisée des sanctions et les lignes directrices qui décrivent le moment où chaque sanction est appropriée. Que les sanctions possibles puissent se rendre jusqu’à la résiliation, y compris pour les personnes nommées par le GEC.

Recommandation 10

Que le gouvernement du Canada travaille avec la CISR pour produire un rapport annuel public de toute plainte et des sanctions correspondantes contre les membres de la CISR.

Conclusion

Le NPD continuera d’accueillir toute possibilité pour examiner et produire les recommandations en vue d’améliorer l’efficacité de la CISR. Le NPD partage le point de vue des témoins qui ont exprimé leur soutien envers la CISR. Il pense que cette dernière devrait être maintenue et qu’elle devrait demeurer une entité indépendante du gouvernement. De plus, le NPD est convaincu que la CISR devrait être financée adéquatement afin qu’elle remplisse son mandat de façon opportune, efficiente et efficace. Des plaintes contre un nombre limité de membres de la CISR ont fait les manchettes à l’échelle nationale et ont nécessité des mesures fermes et rapides. Malgré tout, le NPD croit que la majorité des membres de la CISR exécutent leur travail important avec un professionnalisme admirable et beaucoup de soin et de sensibilité, compte tenu des personnes vulnérables pour qui ils prennent des décisions aussi influentes. La CISR joue un rôle vital dans le système d’immigration du Canada. Le système en soi dans son ensemble fournit un modèle vers lequel plusieurs pays du monde peuvent se tourner. C’est pour ces raisons que le NPD soutient l’examen continu de la CISR. Le gouvernement du Canada et la CISR doivent travailler fort pour répondre aux grandes attentes envers la Commission.



[i] Adrian Edwards, « 68,5 millions de personnes déracinées, un chiffre record aux conséquences massives sur les pays en développement », Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, 19 juin 2018.

[ii] Brian Hill et Andrew Russell, « Refugee judge accused of ‘incompetence’ in Global News investigation, ‘no longer an employee of the IRB’ », Global News, 8 mars 2018 [disponible en anglais seulement].

[iii] Brian Hill et Andrew Russell, « Lawyers allege ‘sexist,’ ‘aggressive’ behavior by powerful immigration, refugee judges », Global News, 29 janvier 2018 [disponible en anglais seulement].

[iv] Examen de la commission de l’immigration et du statut du réfugié – Cadre de référence, gouvernement du Canada.

[v] CIMM, Témoignages, 27 février 2018, 1205 (Paul Aterman).

[vi] CIMM, Témoignages, 20 mars 2018, 1145 (Paul Aterman).

[vii] CIMM, Témoignages, 20 mars 2018, 1200 (Paul Aterman).

[viii] CIMM, Témoignages, 24 avril 2018, 1120 (Crystal Warner).

[ix] CIMM, Témoignages, 27 février 2018 1205 (Paul Aterman).

[x] Ibid.

[xi] CIMM, Témoignages, 27 mars 2018, 1215 (Preevanda Sapru).

[xii] CIMM, Témoignages, 24 avril 2018, 1115 (Crystal Warner).

[xiii] CIMM, Soumission écrite, p. 10-11, Ronald Ellis.

[xiv] CIMM, Témoignages. 27 mars 2018, 1120 (Maurice Tomlinson).

[xv] CIMM, Témoignages, 27 mars 2018, 1230 (Maurice Tomlinson).

[xvi] CIMM, Témoignages, 17 avril 2018, 1140 (Barbara Findlay).

[xvii] CIMM, Témoignages, 27 février 2018, 1150 (Paul Aterman).

[xviii] CIMM, Témoignages, 27 février 2018, 1150 (Paul Aterman).

[xix] CIMM, Témoignages, 20 mars 2018, 1125 (Paul Aterman).

[xx] CIMM, Témoignages, 27 février 2018, 1150 (Paul Aterman).

[xxi] CIMM, Témoignages, 24 avril 2018, 1110 (Laverne Jacobs).

[xxii] CIMM, Témoignages, 17 avril 2018, 1140 (Cheryl Robinson).

[xxiii] CIMM, Témoignages, 17 avril 2018, 1250 (Barbara Findlay).

[xxiv] CIMM, Témoignages, 27 mars 2018, 1250 (Preevanda Sapru).

[xxv] CIMM, Témoignages, 22 mars 2018, 1100 (Nastaran Roushan).

[xxvi] CIMM, Témoignages, 22 mars 2018, 1110 (Asiya Jennifer Hirji).

[xxvii] CIMM, Témoignages, 22 mars 2018, 1100 (Nastaran Roushan).

[xxviii] CIMM, Témoignages, 24 avril 2018, 1225 (Paul Aterman).

[xxix] CIMM, Témoignages, 22 mars 2018, 1140 (Nastaran Roushan).

[xxx] CIMM, Témoignages, 17 avril 2018, 1140 (Cheryl Robinson).

[xxxi] CIMM, Témoignages, 20 mars 2018, 1225 (Donnalyn McClymont).

[xxxii] CIMM, Témoignages, 27 mars 2018, 1220 (Andrew Brouwer).

[xxxiii] CIMM, Témoignages, 22 mars 2018, 1100 (Nastaran Roushan).