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CIMM Rapport du Comité

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Rapport dissident de l’Opposition officielle de Sa Majesté Le Parti conservateur du Canada

Enjeux et possibilités liés à la migration pour le Canada au 21e siècle : étude sur le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières et le Pacte mondial pour les réfugiés

L’hon. Michelle Rempel, députée de Calgary Nose Hill

Larry Maguire, député de Brandon—Souris

David Tilson, député de Dufferin—Caledon

Introduction

Étant donné que le gouvernement du Canada avait annoncé son intention de ratifier au nom du Canada le Pacte mondial pour les migrations des Nations Unies, mais qu’il n’a pas facilité d’étude ni de débat au Parlement, le 30 octobre 2018, l’hon. Michelle Rempel a présenté au Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration une motion portant étude du Pacte mondial pour les migrations et du Pacte mondial pour les réfugiés.

De nombreux Canadiens ont soulevé des préoccupations au sujet de ces pactes. Jusqu’à présent, le gouvernement a rejeté ces préoccupations au lieu de tenter de les régler.

Cela étant, la motion prévoyait l’examen des répercussions potentielles sur les taux d’immigration, le soutien aux frais de réinstallation, le coût potentiel sur les programmes sociaux (comme l’aide sociale, le logement abordable, les refuges régionaux pour sans-abri et les banques alimentaires) et la souveraineté du processus décisionnel sur la politique d’immigration. Cette motion, qui a été adoptée, prescrivait en outre que l’étude soit terminée avant la ratification du Pacte mondial pour les migrations en décembre 2018, et que le Comité présente un rapport provisoire, sur cet aspect de l’étude, à la Chambre des communes.

Après examen attentif du peu d’information fourni au Comité sur ces pactes, de nombreuses questions restent sans réponse et des préoccupations subsistent au sujet des répercussions des pactes sur le Canada, en particulier :

  • l’étendue des répercussions des pactes sur la souveraineté de la politique d’immigration du Canada;
  • la pertinence de laisser l’Organisation des Nations Unies influencer la politique d’immigration;
  • les répercussions potentielles sur la liberté de la presse;
  • les coûts qu’engagerait le Canada, si le gouvernement devait choisir d’adopter toutes les mesures que prévoit le Pacte mondial pour les migrations.

Finalement, faute de données concrètes et au vu de la récente destruction par le gouvernement libéral de l’intégrité de nos frontières et de notre système d’immigration, nous sommes en désaccord avec la conclusion du rapport du Comité, et avons, par conséquent, présenté une opinion dissidente.

Le rôle du Canada dans les migrations internationales

Nous croyons que le Canada devrait administrer un système d’immigration équitable et humanitaire, étayé, comme il se doit, par la protection de nos frontières afin d’assurer la sécurité des Canadiens et de permettre la sélection soigneuse des personnes qui entrent au pays en tant qu’immigrants.

Nous croyons d’autre part que le Canada a un rôle à jouer dans la prévention des causes des migrations forcées dans le monde.

Le Pacte mondial pour les migrations énonce des objectifs valables qui aideraient le Canada à ces deux égards, que ce soit : « lutter contre les facteurs négatifs et les problèmes structurels qui poussent des personnes à quitter leur pays d’origine »; « munir tous les migrants d’une preuve d’identité légale et de papiers adéquats »; « prévenir, combattre et éliminer la traite de personnes dans le cadre des migrations internationales »; « coopérer en vue de faciliter le retour et la réadmission des migrants en toute sécurité et dignité, ainsi que leur réintégration durable ». Ce sont là des principes sur lesquels le gouvernement devrait concentrer son action, tout en administrant un système d’immigration équitable, ordonné et souverain.

La suite de ce rapport porte sur les aspects préoccupants des pactes.

L’étendue des répercussions des pactes sur la souveraineté du Canada

Des témoins des Nations Unies et de l’Organisation internationale pour les migrations ont présenté des témoignages contradictoires en réponse aux questions concernant les répercussions des pactes sur la souveraineté canadienne. D’une part, ils ont affirmé que les accords n’étaient pas contraignants; d’autre part, ils ont déclaré que si les accords n’étaient pas ratifiés, il serait difficile de coordonner la politique d’immigration à l’échelle mondiale, révélant ainsi la véritable intention derrière ces pactes.

Lorsque le Comité leur a demandé directement si le Canada devrait ratifier l’accord s’il n’est pas contraignant, leurs réponses n’étaient pas concluantes. C’est troublant, car nous croyons fermement que sont les Canadiens qui doivent contrôler leur politique d’immigration, et non des entités étrangères.

Le secrétaire parlementaire du ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, Matt DeCourcey, a répondu à cette critique en soulignant que les pactes reposent sur le postulat que les États conserveront le droit souverain de décider qui peut entrer et séjourner sur leur territoire, et à quelles conditions, mais en faisant remarquer, à juste titre, que les décisions que prennent les États doivent respecter les obligations juridiques internationales[1].

Le gouvernement reconnaît ainsi que des accords non contraignants comme le Pacte mondial pour les migrations peuvent devenir des éléments de droit coutumier et éclairer l’interprétation du droit intérieur. Cela signifie que les juges canadiens pourront citer les pactes dans leurs décisions. On le constate dans des jugements comme Baker c. Canada [1999] 2 RCS 817, R. c. Hape [2007] 2 RCS 292, et Ordon Estate c. Grail [1998] 3 RCS 437. Il est donc raisonnable de conclure que, même si aucune mesure législative précise n’est prescrite pour le moment, les pactes peuvent néanmoins influencer le droit intérieur canadien.

Il nous paraît profondément troublant que le gouvernement n’ait pas effectué, ou du moins n’ait pas fourni aux Canadiens, une évaluation détaillée des répercussions attendues des pactes sur la souveraineté canadienne à cet égard, et qu’il compte néanmoins ratifier cet accord.

C’est d’autant plus inquiétant dans l’état actuel de la politique d’immigration sous le gouvernement libéral en place. Depuis 2017, le gouvernement a laissé près de 40 000 personnes entrer illégalement au Canada à partir des États-Unis d’Amérique et demander l’asile ensuite, entraînant des coûts de 1,1 milliard de dollars pour le gouvernement fédéral. Résultat : un allongement vertigineux des délais de traitement par la Commission de l’immigration et du statut de réfugiés qui atteignent maintenant six ans, selon les projections. Ces délais font peser un lourd fardeau sur les régimes d’assistance sociale des provinces et créent un problème potentiel pour les parents prêts à aider. Ces divers facteurs ont probablement fait du Canada un pôle d’attraction pour ceux qui voudraient abuser du système d’octroi de l’asile.

Le Canada pourrait toujours améliorer ses propres processus, mais s’il ratifie le Pacte mondial pour les migrations, les Nations Unies pourraient potentiellement lui reprocher de ne pas répondre à leurs critères ou à leur philosophie, alors que le système d’immigration canadien est déjà l’un des plus généreux au monde et que l’Organisation des Nations Unies devrait examiner les problèmes suivants qui découlent de ses pactes.

D’autre part, les pactes ne tiennent pas compte des répercussions de migrations incontrôlées sur les pays hôtes sur le plan des coûts d’assistance sociale, de l’intégration, etc. Cet aspect est inquiétant compte tenu des projections selon lesquelles les personnes qui franchissent illégalement la frontière au chemin Roxham pourraient coûter 1,1 milliard de dollars au gouvernement fédéral sur trois ans.

La pertinence de laisser l’Organisation des Nations Unies influencer la politique d’immigration

Depuis la Seconde Guerre mondiale, des organisations multilatérales comme les Nations Unies ont joué un rôle important dans le maintien de la paix et de la sécurité dans le monde.

Cela dit, l’Organisation des Nations Unies a fait l’objet dernièrement de critiques fondées pour son inertie et parfois son silence presque absolu à l’égard de certains des conflits et des régimes les plus pernicieux qui suscitent des migrations de nos jours. À l’époque où des conflits et des troubles au Soudan du Sud, au Yémen, en Ukraine, en Iraq, en Syrie, en Afghanistan, au Venezuela, au Congo et au Myanmar, parmi bien d’autres, forcent des populations à fuir leur foyer, on pourrait soutenir que l’Organisation des Nations Unies est devenue une entité trop bureaucratique dont l’action n’a pas eu d’effet quantifiable sur l’élaboration de solutions durables à long terme dans ces régions, ni, par conséquent, sur la prévention des causes des migrations. Les pactes n’y changeront rien.

Par ailleurs, l’Organisation des Nations Unies n’a guère fait d’effort pour modifier ses propres processus de sélection des réfugiés à réinstaller. Or, ces processus défavorisent peut-être les minorités ethniques et religieuses, comme en témoigne le peu de yézidis dirigés vers les pays hôtes ces dernières années. L’Organisation des Nations Unies ne s’étant pas montrée disposée à entreprendre un examen ou une réforme en profondeur de ses propres processus, c’est une décision contestable que de lui céder potentiellement une part de la souveraineté canadienne. Les pactes n’y changeront rien.

Pour constater des changements dans le monde à terme, il faudra probablement militer en faveur d’une réforme de l’Organisation des Nations Unies, sur le plan de la portée de son action, de son mandat et de ses fonctions, tout comme il faudrait apporter d’importantes réformes au système d’immigration canadien pour rétablir l’ordre et l’équité qui ont été perdus sous le gouvernement actuel.

Enfin, les Nations Unies n’ont pas assumé un rôle de leadership notable pour aider l’Union européenne à apporter des réformes raisonnables à son système d’octroi de l’asile, en réponse aux pressions qu’il subit. À l’heure où les régimes d’assistance sociale, les systèmes de traitement des demandes d’immigration et les programmes d’intégration de pays hôtes comme le Canada croulent sous des pressions énormes, l’Organisation des Nations Unies, dans ses messages, n’a pas su reconnaître ces défis ni aider à les maîtriser. Au contraire, un peu comme le gouvernement libéral actuel au Canada, l’Organisation des Nations Unies se concentre davantage sur les chiffres et l’accueil, par opposition à la recherche de solutions à long terme à des pressions migratoires dont les coûts ont été pleinement évalués.

Coûts associés au Pacte mondial pour les migrations

Comme on l’a vu, le Pacte ne tient pas compte adéquatement des répercussions de migrations incontrôlées sur les pays hôtes sur le plan des coûts d’assistance sociale, de l’intégration, etc. Cet aspect est inquiétant compte tenu des projections selon lesquelles les personnes qui franchissent illégalement la frontière au chemin Roxham pourraient coûter 1,1 milliard de dollars au gouvernement fédéral sur trois ans.

Les membres conservateurs du Comité constatent avec inquiétude que les témoins n’ont pas pu fournir de détails sur les coûts de mise en œuvre du Pacte mondial pour les migrations. En réponse à la question de la députée Salma Zahid sur les coûts associés au Pacte, M. Glen Linder, du ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration a dit que la mise en œuvre de l’accord ne comporte pas de coûts immédiats, puisque tout dépend de la manière dont le gouvernement choisira de le mettre en œuvre[2]. Cette réponse est tout à fait inadéquate aux fins de l’analyse des coûts qu’engendrerait pour le contribuable la ratification par le Canada du Pacte mondial pour les migrations, car elle ne renseigne nullement sur les coûts de mise en œuvre. Par contre, M. Linder a évoqué la possibilité que des contributions engendrent des coûts quand il a expliqué que le gouvernement pourrait verser des contributions pour le renforcement des capacités ou pour financer l’Organisation internationale pour les migrations afin de faciliter une partie du travail de coordination que le Pacte lui confiera. Il ajoute, toutefois, que le gouvernement du Canada n’est pas tenu de verser ces contributions et qu’aucune décision n’a encore été prise quant à savoir si le gouvernement les versera[3].

Bien que le Ministère affirme que ni le Pacte ni les exigences connexes n’entraînent de coûts directs, il indique clairement que la mise en œuvre dépend entièrement du gouvernement en place. Ainsi, le gouvernement actuel pourrait décider de mettre en œuvre tous les objectifs du Pacte et de verser des contributions financières considérables pour les mesures que contient l’accord. De toute évidence, agir ainsi comporterait des coûts. Or, les fonctionnaires du Ministère n’ont fourni aucune projection à ce sujet. Les membres conservateurs du Comité sont loin d’en être rassurés, surtout dans le contexte du déficit considérable du gouvernement.

Le Pacte mondial pour les migrations et les médias

Le paragraphe 33.C du Pacte mondial pour les migrations prévoit les mesures suivantes pour la mise en œuvre de l’objectif 17 :

« Promouvoir une information indépendante, objective et de qualité, y compris sur Internet, notamment en sensibilisant les professionnels des médias aux questions de migration et à la terminologie afférente, en instituant des normes déontologiques pour le journalisme et la publicité et en cessant d’allouer des fonds publics ou d’apporter un soutien matériel aux médias qui propagent systématiquement l’intolérance, la xénophobie, le racisme et les autres formes de discrimination envers les migrants, dans le plein respect de la liberté de la presse[4] ».

L’hon. Michelle Rempel a posé des questions aux fonctionnaires sur la façon dont le gouvernement compte mettre en œuvre l’objectif 17. Le représentant du Ministère, M. Glen Linder, a indiqué en guise de réponse qu’ils préparent une initiative qui consiste notamment à publier des données qui démontrent l’incidence de l’immigration sur le Canada, par exemple, les avantages économiques et sociaux de l’immigration au Canada[5]. La députée Rempel a poursuivi en demandant s’il existait un cadre indiquant comment ces données se traduiraient en publicité ou en relations avec les médias. M. Linder a dit qu’il n’était pas en mesure de répondre à cette question[6]. Cet échange illustre le fait que les fonctionnaires n’étaient pas en mesure de fournir de détails sur la manière dont le paragraphe 33.C du Pacte se traduirait par des cadres et des politiques pour « sensibiliser les médias ».

Cependant, quand la députée Rempel a interrogé la témoin Michele Klein Solomon, directrice à l’Organisation internationale pour les migrations, sur cet élément du Pacte, la témoin a mentionné que le discours des médias canadiens sur les migrations comportait des lacunes. Mme Solomon a affirmé que les médias présentent parfois des suppositions ou des mythes concernant les migrations ou les réfugiés[7]. Les membres conservateurs déplorent le fait qu’une témoin ait accusé des journalistes de propager délibérément des mythes concernant les migrations, et ils craignent que la mise en œuvre du Pacte ne serve à réglementer leurs pratiques journalistiques.

En termes clairs, nous croyons que la presse au Canada doit être libre de scruter l’action du gouvernement en matière d’immigration, à l’abri de toute influence de la part d’une organisation internationale.

Conclusion

Le Canada ne devrait pas ratifier les pactes. Il devrait plutôt s’engager dans une réforme de son propre système d’immigration bancal, en vue d’y rétablir l’ordre et l’équité. Le Canada devrait également travailler à l’intérieur de sa propre politique souveraine, de concert avec d’autres pays, à atténuer les causes des migrations internationales forcées, comme on l’a vu plus haut. Le Canada devrait aussi militer en faveur de la réforme d’organisations multilatérales telles que les Nations Unies.

Recommandations

  1. Que le gouvernement cesse de rejeter les préoccupations des Canadiens concernant cet accord.
  2. Que le gouvernement ne ratifie pas le Pacte mondial pour les migrations des Nations Unies.
  3. Que le ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration entreprenne une analyse des coûts totaux associés à la mise en œuvre complète de ce pacte, en particulier en ce qui a trait au soutien à la réinstallation, aux répercussions sur les programmes sociaux (comme l’aide sociale, le logement abordable, les refuges régionaux pour sans-abri et les banques alimentaires).
    • a)    Que le ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration rende publics les résultats de cette analyse.
  4. Que le gouvernement supprime l’échappatoire que contient l’Entente sur les tiers pays sûrs avec les États-Unis d’Amérique.
  5. Que le gouvernement apporte des réformes concrètes aux programmes d’immigration du Canada en vue de rétablir l’ordre et l’intégrité dans notre système.
  6. Que le gouvernement travaille à l’intérieur de sa propre politique souveraine, de concert avec d’autres pays, à atténuer les causes des migrations internationales forcées.
  7. Que le gouvernement envisage une série d’ententes sur les tiers pays sûrs avec d’autres pays avancés sur le plan économique, afin de prévenir les mouvements migratoires liés au phénomène du « magasinage » d’un pays d’accueil.
  8. Que le gouvernement milite pour la réforme d’organisations multilatérales comme les Nations Unies.

[1] M. Matt DeCourcey, secrétaire parlementaire, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, lors de sa comparution devant le Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration, le 26 novembre 2018, 1610.

[2] M. Glen Linder, directeur général, Relations internationales et intergouvernementales, ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration, lors de sa comparution devant le Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration, le 26 novembre 2018, 1710.

[3] M. Glen Linder, directeur général, Relations internationales et intergouvernementales, ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration, lors de sa comparution devant le Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration, le 26 novembre 2018, 1710.

[4] Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières, Projet de document final, 30 juillet 2018, page 30.

[5] M. Glen Linder, directeur général, Relations internationales et intergouvernementales, ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration, lors de sa comparution devant le Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration, le 26 novembre 2018, 1630.

[6] M. Glen Linder, directeur général, Relations internationales et intergouvernementales, ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration, lors de sa comparution devant le Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration, le 26 novembre 2018, 1630.

[7] Mme Michele Klein Solomon, directrice, Pacte mondial pour les migrations, Organisation internationale pour les migrations, lors de sa comparution devant le Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration, le 22 novembre 2018, 1605.