Le présent chapitre expose les différentes points
de vues et recommandations présentés au Comité au sujet des principes de la
participation et de l’accessibilité, tels que définis dans le mandat du
Comité :
- 2) Participation : que la mesure proposée
encourage le vote et la participation au processus démocratique, favorise une
civilité et une collaboration accrues au sein de la sphère politique, améliore
l’unité sociale et offre des possibilités d’inclusion des groupes
sous-représentés dans le processus politique;
- 3) Accessibilité et inclusion : que la mesure
proposée évite une complexité indue du processus de scrutin tout en respectant
les autres principes, et qu’elle favorise l’accès par tous les électeurs
admissibles, peu importe leur condition physique ou sociale[456];
Plus précisément, ce chapitre présente les
opinions diverses entendues par le Comité au sujet de l’amélioration de l’éducation
civique, de l’abaissement de l’âge du vote, de l’accessibilité
au vote et des solutions de rechange concernant le jour du scrutin.
Le Comité a entendu des témoins de toutes les
régions du pays qui ont avancé qu’en améliorant l’éducation civique, on
pourrait encourage[r] le vote et la participation au processus démocratique[457]. Des témoins ont soutenu que l’éducation civique contribuerait à
accroître la participation électorale, à mieux informer l’électorat et même à
renforcer la légitimité du gouvernement. Des témoins ont notamment suggéré de
rendre obligatoires les cours d’éducation civique dans les écoles secondaires[458] et de lancer une campagne nationale de sensibilisation du public
sur le système démocratique du Canada. De plus, lors de la visite du Comité
auprès de la Première Nation Tsartlip sur l’Île de Vancouver, de nombreux
leaders autochtones ont discuté de la nécessité de campagnes d’éducations
et de stratégies pour mobiliser les jeunes Autochtones afin d’augmenter leur
taux de participation.
Un grand nombre de témoins et de participants aux
assemblées publiques ont observé que la participation est étroitement liée à
l’éducation, et que des programmes d’éducation civique sont essentiels pour
accroître la participation des jeunes à la vie publique et démocratique. Par
exemple, Kuthula Matshazi, conseiller municipal à Iqaluit,
a déclaré :
Je pense que tout gouvernement, qu’il soit
libéral, conservateur ou néo-démocrate, souhaite susciter l’intérêt du plus
grand nombre de personnes possible. Si on adopte une démarche stratégique, une
des façons de s’y prendre consiste à se tourner du côté de la sensibilisation
des jeunes. SI on peut aider les gens lorsqu’ils sont encore jeunes et qu’on
leur fait comprendre pourquoi ils devraient participer au processus et à la
chose politique, ils comprendront pleinement leurs devoirs de citoyen une fois
arrivés à 18 ans. Ils comprendront pleinement ce que cela signifie pour
eux et ils seront alors capables de participer au système[459].
Divers experts s’entendaient sur le fait que l’on
investit dans l’avenir de la démocratie canadienne lorsqu’on offre aux jeunes
des cours d’éducation civique. Ils ont affirmé que l’éducation civique des
jeunes créerait un électorat mieux informé et plus motivé, et par conséquent un
gouvernement plus légitime. Comme l’a indiqué Maryantonnett Flumian :
Qui plus est, comme une augmentation du taux de
participation peut s’apparenter à la légitimité du gouvernement, les méthodes
pour améliorer l’accessibilité ne sont que l’une des solutions viables. Je
parle spécifiquement de l’éducation civique. Le Parlement a le devoir de
veiller à ce que les citoyens comprennent l’importance de leur participation à
renforcer les principes d’une bonne gestion publique. Avec une stratégie
d’éducation civique qui commence en ciblant les écoles primaires et secondaires,
nous pouvons nous assurer qu’il y aura plus d’électeurs qui votent pour la
première fois, quel que soit le système de vote que nous choisissions, et que
beaucoup d’autres vont devenir des électeurs la vie durant, continuant ainsi à
soutenir et à enrichir les fondements d’une gestion publique démocratique[460].
De plus, selon certains témoins, le faible taux de
participation électorale était en partie lié au fait qu’il manque de ressources
adéquates pour informer les électeurs au sujet du processus électoral. D’après
Dominic Vézina de l’Institut du Nouveau Monde, il devrait y avoir un cours
obligatoire sur l’éducation civique au niveau secondaire :
L’éducation à la citoyenneté est le moyen le plus
sûr d’intéresser les jeunes à la politique. Or l’une des principales raisons de
l’abstention électorale des jeunes est qu’ils ne comprennent pas en quoi la
politique est utile dans leur vie. Un cours obligatoire d’éducation à la
citoyenneté devrait être offert en 3e année du secondaire, par
exemple, un moment où l’école est obligatoire, pour s’assurer que tout le monde
y est sensibilisé[461].
M. Vézina a signalé
que les jeunes Canadiens ne sont pas suffisamment informés actuellement sur la politique
pour ressentir le besoin ou le désir de s’impliquer dans le processus politique
ou d’exercer leur droit de vote lorsqu’ils atteignent leur majorité.
Les jeunes peuvent s’intéresser davantage au
processus démocratique grâce à des expériences interactives. Les simulations de
parlement sont un exemple d’outils interactifs utilisés pour éduquer les jeunes
Canadiens. Selon M. Vézina « une simulation de vote devrait être
systématiquement offerte à tous les élèves, et ce, à chaque élection[462] ». Peter Russell, professeur à l’Université de Toronto, a
repris cette idée :
[C]e qu’ils (Paul Howe, Université du
Nouveau-Brunswick, et Henry Milner, Université de Montréal) proposent,
c’est d’améliorer le mode d’enseignement de la politique dans les écoles. Si
vous lisez leurs livres, vous vous rendrez compte que ce n’est pas seulement
une question d’enseignement, mais aussi de méthode d’enseignement. Les cours
doivent être interactifs et pas seulement magistraux. Il faut faire preuve
d’une grande créativité et offrir une forte interactivité, en simulant par
exemple le processus parlementaire[463].
Durant son témoignage, le directeur général des
élections, Marc Mayrand a ajouté que l’éducation civique était le
« facteur le plus influent » pour ce qui est des habitudes de vote
des jeunes Canadiens[464].
Ce constat a été repris tout au long de l’étude par le Comité. Plusieurs
témoins s’accordaient pour dire que les gouvernements provinciaux et fédéral
devraient travailler ensemble pour mettre au point un cours ou un programme
d’éducation civique qui serait mis en place dans les écoles secondaires à
l’échelle du pays. Sue Duguay, de la Fédération des jeunes francophones du
Nouveau-Brunswick, a tenu les propos suivants :
D’ailleurs […] dans
leur proposition, nos membres revendiquent […] l’ajout de cours obligatoires
d’éducation civique au programme scolaire. Ces cours sont immensément
importants afin de créer des générations d’électeurs qui comprennent pleinement
le système électoral. Il serait donc important que le gouvernement fédéral
voie, avec ses homologues provinciaux, à ce qu’une éducation civique adéquate
soit offerte en salle de classe[465].
Prenant la parole au Manitoba, Gina Smoke a indiqué
qu’il peut être particulièrement difficile pour les jeunes habitant dans des
collectivités marginalisées, comme les communautés autochtones, d’obtenir de
l’information sur le processus électoral et le système démocratique canadien:
Je pense que tout le
monde devrait savoir qu’il est important de voter. Je ne sais pas pourquoi nous
n’en parlons pas dans les écoles, parce que c’est quelque chose que nous
devrions tous faire lorsque nous atteignons l’âge auquel on peut voter. Dans
les réserves, nous n’en parlons pas. Pourquoi en parlerions-nous puisque notre
vote ne compte pas. C’est une idée qui est enracinée dans l’esprit des gens
depuis des années. […] Il existe encore un bon nombre de problèmes associés aux
pensionnats qui rendent quelque peu difficile de convaincre les gens qu’il est
important de s’occuper de la politique[466].
La nécessité d’utiliser l’éducation comme outil
pour augmenter la mobilisation démocratique a été soulevé par des leaders autochtones
locaux qui ont discuté avec
le Comité lors d’une visite à la Première Nation Tsartlip sur l’Île de
Vancouver[467]. Par exemple,
Mavis Underwood, membre du conseil de bande de la Première Nation Tsawout, a
parlé du besoin d’éduquer les jeunes sur les raisons et les manières de voter.
Elle a suggéré que les dialogues au niveau des communautés pourraient être une
façon d’y arriver. Le chef de la Première Nation Tsawout, Harvey Underwood, a
expliqué que puisque les Premières Nations n’ont obtenu le droit de vote que
dans les années 1960, cela reste un élément nouveau dans la vie des communautés
autochtones et que des initiatives en éducation sont donc nécessaires. Il a
également suggéré que cette éducation soit à double-sens, c’est-à-dire que les
politiciens devraient mettre les efforts nécessaires pour mieux comprendre les
préoccupations des Premières Nations. La chef Tanya Jimmy (Jones) de la
Première Nation Tseycum a recommandé l’utilisation de mentors pour enseigner le
processus électoral actuel ainsi que toute réforme proposée. Finalement, le
chef de Tsartlip Don Tom a parlé des succès d’une initiative commune entre
Élections Canada, l’Assemblée des Premières Nations (APN) ainsi que les leaders
des Premières Nations au niveau provincial pour éduquer, mobiliser et faire
sortir le vote lors de l’élection générale d’octobre 2015.
Des témoins ont recommandé d’améliorer l’éducation
civique du public en général, surtout en ce qui concerne les réformes
électorales proposées. Par exemple, Jane Hilderman de Samara Canada a fait
la suggestion suivante :
Premièrement, il faut renforcer la sensibilisation
du public à l’égard du système démocratique canadien, ce qu’on appelle souvent
l’éducation civique ou encore les connaissances civiques. Selon moi, il est
tout particulièrement important de le faire si on change le système électoral.
Actuellement, l’éducation civique relève en gros des programmes d’enseignement
provinciaux et est habituellement intégrée dans les programmes d’éducation
secondaire. C’est très utile, mais ce n’est pas suffisant. Il faut s’efforcer
de renforcer les connaissances civiques des adultes et dans le cadre de
l’intégration des nouveaux arrivants qui commencent leur vie publique
canadienne. Cependant, il y a très peu de ressources facilitant les efforts
nationaux d’éducation civique au Canada et on ne sait pas clairement quels ministères
ou quels organismes gouvernementaux devraient être responsables de l’atteinte
de cet objectif[468].
Mme Hilderman a souligné qu’il y a
peu de ressources pour renseigner les Canadiens à l’extérieur d’un cadre
officiel (comme l’école) au sujet du système démocratique du Canada. Il s’agit
là d’un problème lié à l’accessibilité auquel les gouvernements provinciaux et
fédéral et les organismes non gouvernementaux pourraient remédier en
travaillant de concert. J.P. Lewis, professeur à l’Université du Nouveau‑Brunswick,
a insisté sur l’importance de cette collaboration :
En examinant le rôle des organismes électoraux
canadiens en matière d’éducation civique, on constate clairement que la
majorité des politiques et des programmes en matière d’éducation civique que
lancent ces organismes se font souvent en partenariat avec d’autres
intervenants politiques. Les groupes tels que CIVIX, Samara et l’Apathie c’est
plate ont mené des campagnes éblouissantes contre l’apathie des électeurs[469].
À maintes reprises tout au long de l’étude du
Comité, des témoins ont suggéré d’abaisser l’âge minimal pour voter à
16 ans. Un grand nombre ont soutenu que cette mesure aurait pour effet
d’accroître la participation électorale ainsi qu’encourager les jeunes
électeurs à participer au processus démocratique et à continuer à le faire tout
au long de leur vie.
Depuis qu’Élections Canada a commencé à produire
des données démographiques sur la participation électorale en 2004, le plus
fort taux de participation électorale chez les jeunes de 18 à 24 ans a été
enregistré aux élections fédérales de 2015. Le taux pour ce groupe d’âge est
passé de 38,8 % en 2011 à 57,1 % en 2015[470].
Après les élections générales de 2011, Élections
Canada a publié un document de travail intitulé La participation électorale
des jeunes au Canada, rédigé par André Blais et Peter Loewen,
lesquels ont tous les deux témoigné devant le Comité. Cette étude a examiné les
causes et l’étendue de la participation électorale des jeunes au Canada,
abordait différents facteurs socioéconomiques pouvant influencer les habitudes
électorales. Selon cette étude, l’intérêt pour la politique et le degré
d’information sur la politique ont une grande incidence sur le comportement
électoral des jeunes[471].
Andy O’Neill, chef de la Commission
électorale de l’Écosse, a décrit l’expérience récente de son pays, qui a baissé
l’âge de voter à 16 à l’occasion du référendum de 2014 sur l’indépendance de
l’Écosse. M. O’Neill a fait l’observation suivante sur les électeurs de 16 et
17 ans : « [c]ette partie de l’électorat était très mobilisée. On a
cru que beaucoup plus que 90 % des 16-17 ans s’étaient inscrits et
que leur taux de participation serait
très élevé[472] ».
Les jeunes de 16 et 17 ans ont pu voter pour
la première fois aux élections parlementaires de mai 2016 en Écosse. Selon
la Commission électorale :
Environ 80 000 jeunes de ce groupe d’âge
se sont inscrits pour voter à ces élections, et ils étaient bien informés au
sujet du processus d’inscription. Voilà qui est encourageant, mais il demeure
que les jeunes sont plus susceptibles que les électeurs plus âgés de signaler
qu’ils n’ont pas voté[473].
Des témoins ont évoqué la réussite en Écosse pour
plaider en faveur de l’abaissement de l’âge du vote devant le Comité.
Un grand nombre de témoins qui préconisaient une
réduction de l’âge du vote ont soutenu qu’il y avait un lien étroit entre cette
mesure et la nécessité d’améliorer l’éducation civique. Ils estimaient que cela
augmenterait la participation électorale aux élections futures. Comme l’a
expliqué Victor Tootoo, à Iqaluit :
Si l’on abaisse l’âge du droit de vote à
16 ans, on verra un taux de participation des électeurs plus élevé en
pourcentage, dans cette cohorte de la population, ce groupe démographique
particulier, et du fait de leur accès instantané à de la formation, et de la
formation concernant notre système électoral, je crois que nous aurons des
électeurs mieux informés[474].
D’autres ont ajouté qu’en combinant l’éducation
civique et le droit de vote, les jeunes Canadiens s’intéresseront davantage au
processus démocratique et seront mieux outillés pour mettre en application ce
qu’ils ont appris à l’école[475].
Dans son mémoire, la Fédération de la jeunesse canadienne‑française
recommande au gouvernement fédéral d’abaisser l’âge de vote à 16 ans et de
collaborer avec ses partenaires provinciaux et territoriaux afin de mettre en
place des mesures d’éducation civique de façon à mieux préparer les jeunes à
leur première expérience en tant qu’électeurs[476].
Autre argument invoqué pour étendre le droit de
vote aux jeunes de 16 et 17 ans : les jeunes sont plus susceptibles
de continuer à voter s’ils commencent à le faire tôt. Sue Duguay,
présidente de la Fédération des jeunes francophones du Nouveau-Brunswick, a
expliqué :
Des études tendent à prouver qu’une personne qui
vote une fois sera portée à continuer à le faire tout au long de sa vie. De ce
fait, les jeunes de 16 ans, étant encore au sein du système scolaire et,
pour la plupart, vivant dans le foyer familial, auraient droit à un encadrement
qui les pousserait à voter, ne serait-ce qu’une première fois[477].
D’autres ont affirmé que voter une première fois
constitue un « rite de passage civique[478] » qui mérite d’être célébré. On a aussi soutenu que la
réduction de l’âge du vote pourrait mener à l’adoption de politiques plus stables
à long terme. Dans son mémoire, Chris Maxwell écrit que « si nous
leur accordions le pouvoir d’exprimer de façon significative cette
préoccupation, les gouvernements adopteraient une stabilité politique à plus
long terme (ou du moins une stabilité dans les politiques à long terme)[479] ».
Conformément au troisième principe énoncé dans son
mandat, le Comité devait étudier comment les réformes électorales proposées
peuvent promouvoir l’accessibilité et l’inclusivité et favoriser « l’accès
par tous les électeurs admissibles, peu importe leur condition physique ou
sociale ».
Le Comité a entendu des représentants de
différentes collectivités qui continuent de se buter à des obstacles lorsque
vient le moment de déposer leurs bulletins de vote[480]. Des particuliers ainsi que des groupes représentant des étudiants,
des personnes âgées, des Autochtones et des personnes ayant un handicap ont
fait ressortir les différentes difficultés auxquelles font face ces groupes
sous‑représentés lorsqu’il s’agit de voter et de se faire entendre.
Les jeunes Canadiens – en particulier les
étudiants – font face à des obstacles lorsque vient le temps de voter. Un grand
nombre d’étudiants quittent leur foyer pour poursuivre des études
postsecondaires et doivent aller aux urnes, souvent pour la première fois, dans
un cadre qui leur est étranger. Sue Duguay a soulevé ce point en parlant
du vote obligatoire :
Je trouve l’idée assez intéressante. Je pense
cependant que si l’on rend le vote obligatoire, il faudra aussi le rendre
accessible. C’est bien de vouloir que tout le monde vote, mais pour les gens
plus démunis et les jeunes, dont vous avez parlé, ce n’est pas nécessairement
facile. Comme on le disait, certains ne sont pas dans leur région d’origine au
moment du vote[481].
Mme Duguay a soutenu qu’il est
important de reconnaître les obstacles qui se posent pour les jeunes Canadiens
cherchant à exercer leur droit de vote et qu’il est important de rendre le
processus le plus accessible possible.
Maryantonett Flumian a proposé une solution
possible au problème décrit par Mme Duguay, une politique
« vote-partout » :
Nous pourrions avoir une politique vote-partout
qui faciliterait l’exercice du droit de vote, notamment pour les étudiants qui
quittent leur lieu de résidence permanente pour fréquenter un collège ou une
université à l’approche des élections, si nous nous en tenons au cycle actuel.
Les gens pou[rr]aient voter
n’importe où le jour du scrutin, plutôt que d’avoir à retourner à leur lieu
d’enregistrement ou d’avoir à modifier leur inscription dans leur nouvelle
résidence pour être en mesure de voter le jour venu[482].
Keith Archer, directeur général des élections de
la Colombie‑Britannique, a proposé la même solution que Mme Flumian
pour accroître l’accessibilité aux bureaux de scrutin :
Je pense qu’il y a beaucoup de choses que nous
pouvons faire pour améliorer l’accessibilité au bulletin de vote. Une des
choses qui existe dans les élections provinciales en Colombie-Britannique, mais
qui n’existe pas aux élections fédérales, c’est la possibilité pour l’électeur
de se présenter à n’importe quel bureau de vote pour voter. Si vous habitez
Prince-George et êtes en visite à Vancouver durant les élections, vous pouvez
trouver un bureau de vote à Vancouver et voter si vous le désirez[483].
De même, Fred-William Mireault, qui a témoigné
en tant que représentant du Regroupement des étudiants et étudiantes du Cégep
de Lanaudière, a préconisé l’installation d’isoloirs dans des endroits
très accessibles aux étudiants (comme les campus universitaires et collégiaux)
comme moyen d’améliorer l’accès au processus électoral :
Nous sommes en faveur du vote dans les campus
universitaires et collégiaux. Au palier provincial, lors de la dernière
élection, le directeur général des élections du Québec avait permis, pour la
première fois, ce genre de vote. Cela a eu un excellent effet : le taux de
participation chez les jeunes et les étudiants a augmenté. Je n’en ai pas parlé
plus tôt, mais c’est sûr que ce serait intéressant d’encourager la tenue de
scrutins dans les campus universitaires et collégiaux, et même dans les écoles
qui offrent des diplômes d’études professionnelles aux personnes majeures[484].
Les aînés, qui représentent un fort pourcentage de
la population[485],
se butent aussi à des difficultés lorsque vient le moment d’aller aux urnes.
Danielle Perreault de la Fédération de l’âge d’Or du Québec (FADOQ) a
discuté de certains des problèmes qui empêchent les personnes âgées d’exercer
leur droit démocratique de voter :
Nous insistions, entre autres, sur la grande
importance de la carte d’information de l’électeur. En fait, souvent, les aînés
n’ont plus de carte d’identité comme telle, c’est-à-dire que leur photo
n’apparaît plus sur la carte d’assurance-maladie. De plus, plusieurs aînés
n’ont plus de permis de conduire. En fait, il est difficile pour eux de pouvoir
s’identifier de façon adéquate.
Ces personnes devraient
avoir une carte d’identification de l’électeur. Je crois qu’elle existe, mais
elle est très peu connue ou très peu utilisée. Cela pourrait être un moyen
démocratique d’inciter davantage de personnes, surtout les aînés, à aller
voter, et ce, même si ces derniers sont majoritairement les personnes qui
votent le plus, comme nous le savons très bien. Cependant, il n’en demeure pas
moins que pour certains, c’est peut-être un frein puisque c’est très compliqué
de s’identifier.
Souvent, les aînés vendent
leur maison pour aller habiter en résidence et le fait de devoir se déplacer
pour aller voter peut s’avérer fort compliqué. Installer des bureaux de scrutin
dans les résidences pourrait représenter une solution intéressante[486].
Mme Perreault, rappelant la proposition
de M. Mireault, a suggéré l’installation d’isoloirs là où vivent les aînés :
Je reviens à l’accès au vote et à la possibilité,
pour plus de gens dans leur milieu, d’avoir des bureaux de vote à proximité de
l’endroit où ils habitent. Les étudiants pourraient voter sur les campus. Cela
se fait à certains endroits. Pourquoi les aînés ne pourraient-ils pas voter
dans leur milieu? Cela inciterait probablement davantage de personnes à poser
le geste de voter et à devenir des citoyens qui se préoccupent de leur
démocratie[487].
Selon Mme Perreault, en rendant le
vote plus accessible, on contribuerait à éveiller l’esprit politique et à
accroître la participation électorale des aînés.
Un grand nombre de témoins ont parlé de
l’importance d’améliorer l’accessibilité au vote pour les Canadiens
autochtones. Par exemple, selon Gina Smoke :
Il faudrait faciliter davantage les choses pour
les collectivités autochtones, en particulier celles du Nord; il leur est
beaucoup plus difficile d’exercer leur droit de vote. Pourquoi avons-nous rendu
les choses si compliquées? Nous savons qui sont les membres de ces
collectivités. Pourquoi nous obliger à toutes ces choses...? Il y a beaucoup
d’anciens qui ne parlent ni ne lisent l’anglais. Ils ne conduisent pas, alors
pourquoi leur demander d’avoir un permis de conduire? On retrouve la même
situation également dans la collectivité où j’ai grandi, et elle n’est pourtant
pas loin d’ici. Je pense simplement qu’il doit exister une meilleure façon de
faire les choses et il faut que nous travaillions tous ensemble pour y parvenir[488].
France Robertson du Centre d’amitié
autochtone de Lanaudière a donné des exemples de solutions à certains des
obstacles évoqués par Mme Smoke :
D’abord, la carte électorale est un défi en soi,
pour nous. Pourquoi ne pourrait-on pas se présenter simplement avec une pièce
d’identité? Pour les familles autochtones, ce serait beaucoup plus simple. Par
ailleurs, comme je vous l’ai dit plus tôt, les centres d’amitié sont des
organismes apolitiques. Comme il est important d’aller chercher les familles
autochtones, pourquoi ne créeriez-vous pas des bureaux de vote dans les centres
d’amitié? Étant donné que ce sont des organismes non partisans, ce serait des
lieux neutres. Je trouve cela intéressant. Cela permettrait d’aller chercher un
plus grand nombre de personnes autochtones et celles-ci pourraient exercer leur
droit de vote[489].
De plus, la langue peut représenter un obstacle
pour certaines personnes. Comme l’ont mentionné Mmes Smoke et
Robertson, certains Autochtones canadiens ne parlent ni le français ni
l’anglais :
Ils ne vont donc pas dans un bureau de vote parce
que ça se passe en français. Une directive, comme d’indiquer à quelqu’un
d’aller à tel ou tel bureau de vote et d’apporter un carton, est une chose
banale pour vous, mais c’est compliqué pour eux. Si une personne expliquait la
procédure en atikamekw, ce serait beaucoup plus facile pour eux[490].
Au cours de son témoignage devant le Comité,
Marc Mayrand a parlé des 3,5 millions de Canadiens ayant un handicap,
expliquant que le vote en ligne offrirait à ces personnes un moyen de voter de
manière secrète et autonome[491].
Carl Sosa du Conseil des Canadiens avec
déficiences a exposé certains des obstacles qui se dressent pour ce groupe de
Canadiens :
Des millions de Canadiens se prévalent de leur
droit de vote, mais les personnes qui ont des déficiences se heurtent à de
nombreux obstacles en participant au processus politique. L’un de ces obstacles
concerne l’accès à l’identification, surtout dans le cas des personnes qui
vivent dans la pauvreté ou qui ont un revenu fixe […] Les personnes malvoyantes
se heurtent aussi à des obstacles importants en participant au processus de scrutin,
car elles ne peuvent pas vérifier pour quel candidat elles ont voté […] L’accès
aux bureaux de vote pose aussi des problèmes. Il est absolument crucial que
l’on ouvre l’accès au scrutin à tous les Canadiens de plus de 18 ans[492].
Il est particulièrement difficile pour les
personnes à mobilité réduite de se rendre dans les bureaux de scrutin pour
déposer leur bulletin de vote. Il s’agit d’un grave problème au Nunavut, comme
l’a expliqué Victor Tootoo :
Dernièrement, il semble que les élections au
Nunavut n’ont jamais eu lieu pendant une chaude journée d’été, je ne me
souviens pas que cela se soit jamais produit, lorsqu’il est le plus facile pour
les personnes ayant une incapacité de se rendre quelque part. Vous avez marché
dehors ici aujourd’hui à Iqaluit, et vous avez pu constater comment c’est
glissant. Imaginez que vous êtes dans un fauteuil roulant et que vous essayez
de vous rendre à un bureau de scrutin en décembre au Nunavut. Et ici nous
sommes à Iqaluit, la capitale du territoire. C’est ce que notre territoire a de
mieux à offrir aux personnes ayant une incapacité […] C’est donc dire que si
l’on facilitait la tâche des électeurs au Nunavut, on augmenterait le taux de
participation[493].
Dans des témoignages et des mémoires, des membres
du public ont encouragé le Comité à recommander d’envisager la mise en place de
mesures pour faciliter l’exercice du droit de vote des Canadiens ayant un
handicap. Par exemple, Scott Allardyce, de la Canadian Disability Alliance,
a proposé de créer à Élections Canada un poste d’« ombudsman chargé des
questions liées à l’accessibilité » pour aider à régler certaines des
difficultés auxquelles font face les personnes ayant un handicap :
L’élément le plus
important, c’est que nous croyons qu’Élections Canada devrait créer un poste
d’ombudsman chargé des questions liées à l’accessibilité, de sorte que, lorsque
les personnes ayant un handicap éprouvent de la difficulté à voter ou des
problèmes au bureau de vote, elles peuvent s’adresser à une personne en
particulier à Élections Canada et lui faire savoir ce qui les a empêchées de
voter ou ce qui a rendu la tâche difficile[494].
Un certain nombre de témoins ont également abordé
la question du taux de participation traditionnellement bas des personnes à faible
revenu. Comme l’a indiqué Ruth Dassonneville, « [l]es études de sciences
politiques démontrent clairement que les personnes défavorisées votent moins
que les autres ».[495] Carlos Sosa a affirmé que
« les riches ont tendance à voter en plus grand nombre que les pauvres[496] ». Il a ajouté que l’un des principaux obstacles à la
participation des Canadiens à faible revenu est l’obtention d’une carte
d’identité et les difficultés à se rendre au bureau de scrutin. Particulièrement
pour ceux ayant un revenu fixe[497] Il a affirmé :
Je pense que nous devons nous attaquer aux
problèmes de la pauvreté. Une fois que nous aurons traité de ces questions, les
gens iront voter. Le fait est que le problème — et je vais me répéter — est
celui des obstacles qui empêchent de se rendre au bureau de vote. C'est l'accès
au transport adapté. C'est le coût d'obtenir une carte d'identité. C'est l'accessibilité
au bureau de vote[498].
Franco Buscemi a souligné les circonstances
particulières auxquelles font face les Canadiens à faible revenu à Iqaluit. Il
a dit au Comité :
La raison pour laquelle je soulève les problèmes
de crise de logement, de pauvreté et d’abus, c’est que si vous ne savez pas où
vous allez dormir, ou si vous dormez par roulement, et vous ne savez pas de
quoi votre prochain repas sera fait ni quand vous le prendrez, et si vous ne
savez pas non plus quand vous allez à nouveau faire l’objet d’abus sexuels ou
de violences physiques, qui se soucie de savoir quand auront lieu les
prochaines élections[499]?
Pour améliorer l’accessibilité et la
participation, les témoins ont notamment proposé d’offrir aux électeurs
d’autres occasions de déposer leurs bulletins de vote. Ils ont présenté
plusieurs suggestions, par exemple voter la fin de semaine ou créer un congé le
jour des élections.
À plusieurs reprises, le Comité a entendu que la
participation électorale pourrait être accrue si les élections avaient lieu
pendant le week-end. Par exemple, Patrice Dutil a recommandé de tenir les
élections le dimanche :
[ L]e vote dominical [est] une pratique
propre à l’Europe. Donnez aux gens une journée pour voter. Voter le dimanche
lorsque la plupart des gens ont congé, congé des enfants, de l’école, des
activités et de toutes les choses qui accaparent une famille normale en
semaine. Donnez-leur une chance d’aller voter[500].
Plusieurs témoins ont repris la suggestion de M. Dutil.
Paul Thomas a aussi recommandé de tenir le vote un dimanche en plus de
proposer plusieurs autres améliorations à caractère opérationnel « pour
que le vote soit plus pratique, plus accessible, etc.[501] ». Il a ajouté :
Élections Canada pourrait également faciliter le
vote en l’organisant le week-end et même le dimanche. Certains pourraient ne
pas être d’accord, mais d’autres pourraient trouver cela pratique. On pourrait
aussi avoir une inscription gratuite des jeunes et une automatisation des
bureaux de vote[502].
Mme Dassonneville a ajouté que
« [l]es études tendent à démontrer que la participation est légèrement
plus élevée les fins de semaine que pendant la semaine[503] ».
D’autres témoins ont suggéré de faire du jour des
élections un jour férié, comme c’est le cas dans d’autres administrations.
Selon certains, un tel congé contribuerait non seulement à accroître
l’accessibilité et la participation électorale, mais aussi à susciter chez les électeurs
un sentiment d’appartenance et de l’enthousiasme pour le rite électoral.
David Wasylciw d’OpenNWT a fortement
recommandé la création d’un jour férié pour les élections : « Je suis
un fervent partisan du congé électoral, faire du jour des élections vraiment un
gros événement et organiser des fêtes parrainées par Élections Canada ou quoi
que ce soit d’autre[504]. »
Des membres du public partageaient l’enthousiasme de M. Wasylciw :
Cela dit, la participation est également un
problème le jour des élections, car les gens disent qu’ils sont trop occupés.
Eh bien, s’ils sont trop occupés, nous pouvons créer un jour férié pour les
élections. Qu’est-ce qui nous en empêche? Nous avons la fête du Travail. Nous
avons le jour de la Famille. Nous avons des jours fériés ici et là. Pourquoi ne
pas en avoir un pour les élections[505]?
Enfin, selon Fred Bild, un congé le jour du vote
devrait être accompagné de l’ouverture des bureaux de scrutin pendant 24 heures
à la grandeur du pays :
Il y a moyen de régler […] la question du décalage
horaire pour tout le pays. On choisit un jour férié pour tout le pays, et les
bureaux de vote seront ouverts pendant 24 heures dans tout le pays. Ainsi,
personne n’aura un avantage et tous les résultats entreront en même temps[506].
Recommandation 7 [répétition]
Le Comité recommande que toute réforme électorale
vise à améliorer la possibilité d’augmenter le taux de participation et à
renforcer la capacité de se faire élire de membres de groupes historiquement
défavorisés (c.-à-d. les femmes, les personnes handicapées, les Autochtones,
les minorités visibles, les jeunes et les Canadiens plus démunis). [cette
recommandation est liée aux chapitres 7 et 8]
Recommandation 9
Le Comité recommande que, de concert avec les
provinces et les territoires, le gouvernement examine des manières dont les
jeunes de moins de 18 ans pourraient s’inscrire sur le Registre national
des électeurs, préférablement par l’intermédiaire du système scolaire, au plus
deux ans avant d’atteindre l’âge minimal pour voter.
Recommandation 10
Le Comité recommande que le gouvernement octroie à
Élections Canada le mandat supplémentaire d’encourager la participation
électorale, notamment au moyen d’initiatives comme Vote étudiant organisé par
Civix, et de meilleurs efforts de sensibilisation des Canadiens aux options de
vote avant le jour des élections (vote par anticipation, vote par la poste,
vote à n’importe quel bureau d’Élections Canada), et qu’il lui accorde les
ressources nécessaires pour s’en acquitter.