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ERRE Rapport du Comité

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CHAPITRE 9
SE LANCER DANS LA RÉFORME DU SYSTÈME ÉLECTORAL : UNE QUESTION DE PROCESSUS

La regrettée Jane Addams[507], travailleuse sociale pionnière, féministe et lauréate du prix Nobel de la paix en 1931, a écrit (au sujet de ses efforts pour assurer la paix et ravitailler les femmes et les enfants des nations ennemies au cours de la Première Guerre mondiale) que « les progrès sociaux dépendent autant du processus employé pour les réaliser que des résultats eux-mêmes[508] ». En effet, la légitimité démocratique perçue du processus de la réforme du système électoral compte parmi les considérations fondamentales examinées tout au long de l’étude du Comité. À de nombreuses reprises, les témoins ont souligné que le bien-fondé de toute proposition de réforme formulée par le Comité serait, pour reprendre les mots de Mme Addams, examiné « selon le processus employé pour arriver à la recommandation ».

Les travaux du Comité ont porté sur le besoin d’écouter ce que les Canadiens avaient à dire . L’importance des consultations comme élément fondamental du processus de réforme est établie dans le mandat du Comité, lequel demandait au Comité de :

  • consulter, de façon générale, les organisations et experts utiles, de tenir compte des consultations menées sur la question, d’examiner les études et documents pertinents et d’examiner les modèles en place utilisés ou mis au point dans d’autres administrations;
  • mettre au point le calendrier des consultations, les méthodes de travail et des recommandations sur la réforme électorale dans le but de renforcer l’inclusion de tous les Canadiens de notre société diversifiée, y compris les femmes, les peuples autochtones, les jeunes, les aînés, les Canadiens ayant un handicap, les nouveaux Canadiens et les résidents des collectivités rurales et éloignées;
  • mener un processus de mobilisation national qui comprend une consultation exhaustive et inclusive des Canadiens au moyen de présentations écrites et d’outils de participation en ligne[509].

En effet, comme il a été noté au premier chapitre de ce rapport, le Comité a tâché de consulter les Canadiens de manière vaste et générale au fil des six derniers mois. Au cours de son étude, le Comité a tenu 57 réunions et entendu 196 témoins experts de partout au Canada. En plus des réunions tenues à Ottawa, le Comité a consulté directement des citoyens (567 Canadiens ont participé aux audiences publiques) et des experts dans chaque province et territoire. En outre, le Comité a mis sur pied la Consultation électronique sur la réforme électorale afin de recueillir l’opinion des Canadiens sur le scrutin, les systèmes électoraux, le vote en ligne, le vote obligatoire et le processus de réforme électorale. Le site des consultations en ligne est demeuré actif du 19 août au 7 octobre 2016. Durant cette période, 22 247 Canadiens ont répondu au questionnaire[510]. En outre, le Comité a reçu et examiné 574 mémoires et plus de mille pièces de correspondance d’organismes, d’universitaires et de citoyens. Enfin, le Comité a reçu 172 rapports de la part des députés, ainsi que des rapports de caucus de la part du Parti conservateur ainsi que du Nouveau parti démocratique (NPD), concernant les assemblées publiques et autres consultations sur la réforme électorale.

Dans ces pages, le Comité s’est efforcé de consolider les renseignements, mémoires et témoignages qu’il a reçus. Le Comité a cerné les enjeux sur lesquels devrait porter la réforme électorale. Il a évalué les compromis inhérents aux cinq principes définis dans son mandat, et la manière dont ils se manifestent dans les différents systèmes électoraux étudiés. À l’aide de toute l’information recueillie, le Comité a tiré des conclusions et formulé des recommandations. Le présent rapport est le fruit de ses délibérations.

Une question demeure : Que faire maintenant? Quel processus devrait être appliqué pour déterminer si une proposition de réforme électorale obtient le soutien des Canadiens ?

La notion de « vaste soutien » pour les réformes électorales proposées a reçu l’appui des participants aux consultations en ligne du Comité. En effet, 72 % des participants à la consultation en ligne étaient soit fortement d’accord (55 %) soit en accord (17 %) avec l’affirmation : « L’éventuelle réforme du système électoral canadien devrait jouir d’un vaste appui public, en plus d’être approuvée par le Parlement[511] ».

L’éventuelle réforme du système électoral canadien devrait jouir d’un vaste appui public Échelle de cotation : 1 (fortement en désaccord) – 5 (fortement en accord); s.o.

L’éventuelle réforme du système électoral
          canadien 
          devrait jouir d’un vaste appui public
          Échelle de cotation : 1
          (fortement en désaccord) – 5 (fortement en accord); s.o.

Enfin, lors de son témoignage devant le Comité, Graham Fox, président et chef de la direction de l’Institut de recherche en politiques publiques, s’est prononcé sur la relation entre les délibérations du Comité et les étapes qui devront suivre. Après avoir applaudi les efforts du Comité pour « multiplier les occasions d’exprimer [l’]opinion [de la population] sur la question[512] » de la réforme électorale à l’aide des différents outils de consultation, il a abordé les étapes qui devraient suivre. Il a fait valoir que le « processus de consultation qui a maintenant été lancé permet la formulation d’intérêts, mais [qu’]on ne peut pas déterminer aussi clairement comment ces intérêts variés et parfois concurrents seront regroupés dans un consensus public sur la meilleure façon de procéder[513] ». Le défi de la prochaine étape consiste à déterminer « comment nous passons des consultations publiques à la mobilisation citoyenne[514] » au sujet de propositions de réforme électorale.

A.  L’éducation, une priorité

Une recommandation presque universelle parmi les témoins qui ont parlé du processus de réforme électorale reposait sur la nécessité de bien éduquer le public sur la réforme proposée (et sur le processus démocratique plus globalement), comme le montrent les exemples suivants :

  • Graham Fox, président et chef de la direction de l’Institut de recherche en politiques publiques : « [L]a dimension pédagogique de ce débat est essentielle pour la suite des choses. Les fascicules d’information qui portent sur les options de réforme et que le Comité a rendus publics sont fort utiles, mais éventuellement, il faudra également que le gouvernement fasse preuve de leadership pour convaincre les citoyens que la réforme est nécessaire et prioritaire[515]. » Il a ajouté croire « que c’est précisément parce qu’il n’y a aucune crise imminente que ce genre de travail doit être effectué maintenant. Toutefois, j’ajouterais que cela souligne l’importance de la sensibilisation du public et de la mobilisation des électeurs et des citoyens comme composante nécessaire d’un processus fructueux[516]. »
  • Marc Mayrand, directeur général des élections : « Une campagne d’éducation du public complète serait nécessaire pour que l’on puisse s’assurer que les Canadiens comprennent le nouveau système et qu’ils peuvent exercer leur droit d’être candidat et leur droit de vote[517]. »
  • Michael Boda, directeur général des élections de la Saskatchewan : « […] il faut vous assurer qu’il y a un mandat pour l’établissement d’un bon processus d’information publique concernant tout nouveau système[518] »; « Le mandat d’Élections Canada ou de tout organisme de gestion des élections doit exister; ces organismes ont la capacité d’informer la population sur les changements à venir[519]. »
  • Greg Essensa, directeur général des élections de l’Ontario : « Si le Comité décide qu’il faut changer le système électoral au Canada, je lui recommande fortement de donner à Élections Canada le mandat de fournir des renseignements concrets sur le nouveau système. L’organisme aurait alors le temps et les ressources nécessaires pour établir un vaste programme de communication visant à expliquer à tous les Canadiens ce que comporte le nouveau système électoral, les avantages et les considérations. Je recommande que le Parlement fournisse des fonds pour les campagnes du oui et du non. Si l’on décide de tenir un référendum sur la question, il faudrait que les deux campagnes soient financées de façon équitable de sorte que les bureaux de campagne puissent fournir de l’information pertinente aux Canadiens[520]. »
  • Kevin Dobie, directeur, Quebec Community Groups Network : « Nous recommandons que le gouvernement du Canada, en partenariat avec les provinces et les territoires, mette au point un cours d’instruction civique obligatoire pour les élèves canadiens du niveau de la quatrième année du secondaire ou de la 11e année. Après avoir suivi ce cours, les élèves seraient inscrits sur les listes électorales afin de pouvoir voter une première fois dès qu’ils auraient atteint l’âge de 18 ans[521]. »
  • Don Desserud, : « [I]l est absolument essentiel de sensibiliser dans les écoles […] Je pense que le gouvernement fédéral peut se porter à la défense de cette initiative et collaborer avec les ministres provinciaux, peut-être même offrir des incitatifs. Ceci est, à mon avis, incontournable[522]. »
  • Maryantonett Flumian : « Le Parlement a le devoir de veiller à ce que les citoyens comprennent l’importance de leur participation à renforcer les principes d’une bonne gestion publique. Avec une stratégie d’éducation civique qui commence en ciblant les écoles primaires et secondaires, nous pouvons nous assurer qu’il y aura plus d’électeurs qui votent pour la première fois, quel que soit le système de vote que nous choisissions, et que beaucoup d’autres vont devenir des électeurs la vie durant, continuant ainsi à soutenir et à enrichir les fondements d’une gestion publique démocratique. J’estime qu’Élections Canada devrait être institutionnellement placé pour jouer un rôle de premier plan dans cette stratégie[523]. »

B.  Au sujet de la légitimité du processus et de la légitimité démocratique

Des témoins ont fait valoir que la réforme électorale diffère de toute autre modification aux lois, puisqu’elle vise le cœur de la relation qui unit les citoyens à leurs représentants au Parlement et au sein du gouvernement : le vote. En effet, Graham Fox a noté que « la manière dont les Canadiens sont mobilisés dans le cadre de ce processus délibératif a une importance aussi cruciale par rapport à toute proposition éventuelle de réforme et à la légitimité qu’aura cette proposition aux yeux des électeurs[524] ».

Yasmin Dawood a fait écho à cette considération dans son témoignage[525], soulevant ce qui suit :

Une réforme électorale est différente de l’adoption d’une loi ordinaire parce qu’elle fixe les règles de base qui permettent d’obtenir le pouvoir politique. C’est la raison pour laquelle le processus de réforme électorale doit respecter une norme très élevée en matière de légitimité démocratique[526].

Selon Mme Dawood, bien qu’aucun processus particulier ne doive être suivi pour mener une réforme électorale, trois normes doivent être respectées pour que le processus ou les processus sélectionnés soient jugés « légitimes sur le plan démocratique » :

Ma principale conclusion est que la réforme électorale n’exige aucun processus ou mécanisme particulier, mais que le processus choisi doit être, et sembler être, légitime sur le plan démocratique. Pour acquérir une légitimité démocratique, le mécanisme doit respecter clairement trois principes : premièrement, la neutralité politique ou l’absence de partisannerie; deuxièmement, prévoir des consultations et troisièmement, organiser un débat[527].

Elle a ensuite décrit la première norme : « [L]a neutralité politique ou l’absence de partisannerie » est importante puisqu’elle « garantit la neutralité du processus, ce qui, à son tour, empêche le parti en place de renforcer son emprise en choisissant des règles qui le favorisent aux dépens des autres partis politiques ». Cette norme est « difficile à respecter », puisque la sélection du processus peut avoir des répercussions sur les types de résultats qui en viendront à être étudiés. Mme Dawood a ajouté qu’« un gouvernement majoritaire doit éviter de paraître protéger ses intérêts, en veillant à ce que le mécanisme soit aussi peu partisan que possible[528] ».

Enfin, Mme Dawood a fait trois remarques pour « renforcer davantage la légitimité démocratique et les normes en matière de neutralité politique, de consultation et de débat » :

  • Obtenir le consensus ou un degré de soutien relativement élevé de la part des partis politiques pour les réformes proposées;
  • Envisager le recours à un processus délibératif supplémentaire, comme une commission, une assemblée de citoyens ou un référendum (elle a toutefois noté qu’un référendum pourrait être problématique en pratique);
  • Envisager de repousser l’échéance du 1er décembre 2016 pour faire rapport au Parlement de manière à ce que le processus délibératif puisse se poursuivre moins hâtivement[529].

D’autres témoins ont soutenu le témoignage de Mme Dawood. Ces interventions peuvent se diviser en trois catégories : les répercussions que la capacité (ou l’incapacité) du Comité d’arriver à un consensus pourrait avoir sur la légitimité perçue des réformes proposées; l’utilité des processus délibératifs axés sur les citoyens pour déterminer et évaluer les réformes potentielles; et la perception qu’un plébiscite ou un référendum serait soit le meilleur processus pour assurer la légitimité de la réforme proposée, soit, pour reprendre les mots de Mme Dawood, une solution qui ne serait pas neutre sur le plan politique et qui risque de miner le processus de réforme.

Il est important de noter, par contre, que la légitimité demeure un concept subjectif sur lequel des personnes tout à fait raisonnables peuvent ne pas s’entendre pour des motifs réfléchis. Comme l’a noté Louis Massicotte :

La légitimité n’est pas un concept scientifique. C’est un concept normatif. Il y a un adage qui dit ceci : « Legitimacy is in the eye of the beholder. » Autrement dit, la légitimité dépend de la perspective de chacun[530].

Paul Thomas a ajouté que de multiples avenues vers la réforme peuvent être légitimes, mais qu’il faut employer le terme « légitimité » avec prudence :

Comme je le disais, la légitimité est une idée controversée qui fait l’objet de bien des débats entre philosophes et spécialistes des sciences sociales, depuis des siècles, et je n’apprécie pas particulièrement les déclarations à l’emporte-pièce qu’on retrouve dans les médias et qui reviennent à dire que, si l’on ne parvient pas à recueillir tel ou tel taux d’approbation populaire pour un projet particulier, c’est que celui-ci est illégitime ou alors que la seule façon de justifier les résultats d’un processus comme celui-ci consisterait à tenir un référendum. Il existe maintes méthodes de délibération et de prise de décisions dans le cas d’un sujet aussi important et aussi délicat que la réforme électorale, et un référendum peut éventuellement en faire partie. Je suis d’avis plutôt partagé à cet égard et il y a lieu d’employer avec prudence le mot « légitimité[531] ».

C.  Consensus, le Comité, le Parlement et la réforme électorale

La légitimité dépend peut-être de la perspective de chacun, mais des témoins ont fait valoir que, dans la démocratie représentative canadienne, la décision finale sur la réforme électorale reviendra au Parlement (qu’il se fonde ou non sur un processus délibératif ou un référendum)[532]. Éric Montigny, par exemple, a noté ce qui suit :

Je pense qu’il n’y a pas de convention constitutionnelle qui existe pour la tenue d’un référendum. Par ailleurs, il faut rechercher le plus grand consensus possible. Ce que je comprends, c’est que votre comité tente de parvenir à ce consensus. C’est ce qu’on jugera à la fin de l’exercice. C’est le premier élément à considérer.
Pour ce qui est du deuxième élément, sur le plan de légitimité et dans une démocratie représentative, les partis politiques qui se présentent devant l’électorat ont des éléments de proposition en lien avec des réformes démocratiques dans leurs programmes politiques. Donc, dans un système de démocratie représentative, si on fait la somme des partis politiques qui ont été élus avec une promesse de modifier le mode de scrutin, cela accorde aussi une légitimité au processus[533].

Louis Massicotte a abordé l’historique des réformes électorales dans les provinces :

Examinons la leçon historique de notre système, qui est quelque chose d’un peu plus solide. Dans l’histoire canadienne, plusieurs réformes du système électoral ont été réalisées. Elles ont commencé en 1920 au Manitoba et se sont terminées en 1956 en Alberta.
J’ai examiné les circonstances dans lesquelles chacune de ces réformes avait été adoptée. Dans chaque cas, soit en Alberta, au Manitoba et en Colombie-Britannique, c’est le Parlement provincial qui a procédé à une réforme, et ce, sans référendum. À cette époque, il n’a même pas été question de tenir un référendum. Suivant les mœurs du temps, il semble bien que cela se passait ainsi.
Ce sont les indications que je peux donner quant à savoir si le Parlement a, à l’heure actuelle, la légitimité démocratique pour agir ainsi. Nous vivons dans un régime de démocratie représentative. Il n’y a pas d’obligation légale de tenir un référendum, mais il peut parfois arriver que ce qu’on peut faire légalement soit perçu comme illégitime par une bonne partie de la population[534].

Alex Himelfarb, ancien greffier du Conseil privé, a souligné qu’un référendum constituerait l’un des différents outils permettant d’évaluer la légitimité politique. Le consensus au sein du Comité serait un autre indicateur de légitimité :

Monsieur le président, on m’a posé la même question au cours d’une conférence et j’ai répondu qu’il y aurait un référendum si nécessaire, mais pas nécessairement un référendum et l’assistance n’a pas vraiment aimé ma réponse, mais c’est à peu près ma position. Il est évident que ce n’est pas un hasard si nous voulons tous que la décision qui sera prise soit légitime et crédible pour la population. Je pense que la composition et l’ouverture du comité s’harmonisent très bien avec ces deux objectifs. Le fait que les citoyens puissent participer et contribuer à cette discussion favorisera également ces deux objectifs. On saura si tout cela sera suffisant d’après le consensus auquel en arrivera le comité. Je pense que c’est important et qu’avec le temps, il est possible de changer d’avis[535].

De nombreux témoins ont fait écho à la suggestion que, à l’échelle du Parlement, un consensus au sein du Comité et un certain appui multipartite concernant les propositions de réforme électorale contribueraient à leur légitimité perçue. Par exemple, Emmett Macfarlane a fait valoir que « si tous les partis en arrivaient à un consensus, nous pourrions éviter une partie [des] problèmes » liés à la légitimité perçue[536]. Il a ajouté : « Nous pourrions tous vous [les membres du Comité] enfermer dans la même pièce et ne pas vous laisser sortir tant que vous n’en serez pas arrivés à un compromis; ce pourrait être amusant. »

Patricia Paradis a noté qu’un consensus des députés concernant les propositions du Comité permettrait de faire d’énormes progrès:

Tout d’abord, d’après ce que je crois comprendre, ce comité spécial va déposer son rapport à la Chambre. Il sera très important que la Chambre elle-même comprenne et apprécie le travail que vous aurez réalisé en comité et qu’elle soit sensibilisée au fait qu’un grand nombre de Canadiens soient venus s’exprimer devant vous pour vous faire part de leurs points de vue, et qu’elle prenne véritablement votre rapport en compte. Nous ferions d’énormes progrès si nous pouvions dégager un certain consensus ou une certaine entente au sein de la Chambre[537].

L’honorable Ed Broadbent a indiqué que plus d’un parti devra appuyer le projet de réforme pour qu’il le juge légitime sur le plan démocratique :

La démocratie parlementaire n’exige pas que les citoyens participent directement aux décisions, il suffit qu’ils le fassent par l’intermédiaire de leurs représentants; c’est pourquoi il est important qu’il y ait un consensus entre plusieurs partis. Je suis convaincu qu’un parti au pouvoir qui présenterait un système qu’il est le seul à appuyer commettrait une erreur fondamentale. Cela ne serait pas légitime dans une démocratie, comme l’a déjà mentionné ma collègue universitaire[538].

D.  Processus délibératifs axés sur les citoyens : Assemblées de citoyens et autres processus

Depuis deux décennies, les gouvernements et les fournisseurs de services publics cherchent de plus en plus à rejoindre le public grâce à différents outils de mobilisation afin de « créer de meilleurs services publics, promouvoir la cohésion sociale et favoriser une démocratie prospère[539] ». La mobilisation délibérative permet à la population de travailler en commun pour développer des politiques publiques, des plans et des programmes :

[L]a délibération est une approche de prise de décision qui permet aux participants de prendre en considération l’information pertinente, de discuter des enjeux et des options et de développer leur pensée avant d’en arriver à une conclusion[540] [traduction].

Il existe différentes méthodes de mobilisation publique dans la conception ou la réforme de politiques. Les circonstances particulières telles que le calendrier et la géographie déterminent la manière dont est formé un processus délibératif, que ce soit par exemple les assemblées citoyennes en Colombie-Britannique et en Ontario ou le comité de citoyens au Québec. Les considérations suivantes peuvent aider à déterminer la nature et la portée d’un processus délibératif :

  • Le but du processus, et conséquemment la nature des résultats visés
  • Le nombre de personnes à impliquer
  • L’échéancier du processus
  • L’étendue géographique (locale, nationale, international)
  • Le moment auquel cette mobilisation a lieu dans le cadre du processus d’élaboration des politiques
  • Le caractère complexe, litigieux ou technique du sujet étudié
  •  Quel devrait être le ratio de spécialistes et de participants du public[541]. [traduction].

Un processus délibératif peut impliquer des participants à grande ou petite échelle, sur des périodes de temps variées:

Les processus de mobilisation publique délibérative peuvent s’appliquer à toutes les échelles; ils peuvent compter une dizaine de participants (par exemple, dans le cas d’un jury citoyen) ou des milliers de participants (par exemple, dans le cas d’un sommet de citoyens). Le processus peut être ponctuel ou s’inscrire dans le cadre d’une série d’activités étalées sur plusieurs années[542].[traduction].

Des témoins ont dit être d’avis qu’une forme de processus délibératif plus mobilisateur et axé sur les citoyens, qui viserait à évaluer ou à proposer des solutions de réforme électorale, renforcerait la légitimité démocratique des propositions. Yasmin Dawood a fait valoir ce qui suit :

[L]a légitimité démocratique réelle et perçue du mécanisme serait renforcée si l’on ajoutait un mécanisme supplémentaire comme une commission, une assemblée de citoyens ou un référendum.
[…]
Il serait peut-être préférable de retenir comme mécanisme supplémentaire une commission chargée de la réforme électorale. De nombreuses recommandations de la Commission royale Lortie sur la réforme électorale et le financement des partis de 1989, par exemple, ont été utilisées pour réviser les lois électorales, mais il n’est pas nécessaire que la commission ait une telle ampleur. Par exemple, le Nouveau-Brunswick et l’Île-du-Prince-Édouard ont chacun mis sur pied une commission de huit personnes, et la commission de l’Île-du-Prince-Édouard était formée en partie de citoyens. Au Québec, la commission parlementaire a bénéficié de l’assistance d’un comité composé de huit citoyens[543].

Comme décrit au chapitre 3, le Comité a eu l’occasion d’entendre des personnes qui ont pris part aux assemblées de citoyens de la Colombie-Britannique et de l’Ontario, qui ont participé aux initiatives de réforme électorale lancées au cours des 15 dernières années au Nouveau-Brunswick, à l’Île-du-Prince-Édouard et au Québec et qui étaient membres de la Commission du droit du Canada lorsque celle-ci a étudié la réforme électorale. Les participants aux assemblées de citoyens ont fait l’éloge de ce processus et ont considéré qu’il s’agissait d’un « honneur et [d’un] privilège » d’y participer[544].

L’un des inconvénients des assemblées de citoyens[545], est que, même s’il s’agit d’une expérience instructive et délibérative pour les participants qui mène à des recommandations, il peut être difficile de les appliquer à l’échelle nationale et elles ne sont pas adaptées à des échéanciers serrés[546]. D’autres témoins ont fait valoir qu’il est nécessaire, à la conclusion d’une assemblée, de diffuser les résultats au public pour qu’il puisse suivre le processus, comme l’a souligné Maryantonett Flumian :

La valeur d’une assemblée des citoyens réside dans son aspect de délibération intense. Le problème, c’est que ces délibérations se déroulent entre les personnes qui se trouvent dans la salle; en les regardant de l’extérieur, nous avons l’impression qu’ils ont gobé le Kool‑Aid. Ils n’ont pas suivi le même processus et ils ne le comprennent pas[547].

Il est important de noter qu’il existe d’autres mécanismes délibératifs permettant de mobiliser le public au sujet de la réforme électorale ou qu’il est possible d’en concevoir de nouveaux. Jean‑Sébastien Dufresne, par exemple, a proposé la création d’un « jury citoyen » :

La notion de jury citoyen pourrait être un compromis. Je vous invite à considérer cet aspect. C’est une sorte d’arbitrage qui permet à des groupes de citoyens pris aléatoirement de s’exprimer sur ces questions[548].

En outre, Larry LeDuc a proposé qu’une certaine forme de sondage délibératif comprenant un processus délibératif sur une période donnée constituerait un outil efficace :

Il y a un mécanisme appelé « scrutin délibératif » dont j’allais vous parler. On ne s’en est pas trop servi au Canada, mais il est maintenant plus facile de le faire grâce à l’utilisation accrue d’Internet pour l’administration de sondages. Si on devait établir des échantillons, comme on le fait pour les sondages d’opinion publique habituels, puis en élargir la portée en demandant aux gens de délibérer sur la question en ligne et d’échanger leurs réflexions, la technologie est là pour le faire.
Plusieurs livres intéressants ont été publiés aux États-Unis sur le sujet du scrutin délibératif. Ce mécanisme a été utilisé un peu partout, mais selon un modèle quelque peu différent de celui basé sur Internet. Toutefois, j’imagine qu’on peut étendre certains de ses principes, puisque les sondages ont une certaine crédibilité, à condition que l’échantillonnage soit bien effectué. Si on pouvait obtenir un échantillon qui n’était pas simplement un instantané des réponses données à une question, mais qui était fondé sur une sorte de processus délibératif intégré ayant eu lieu sur une certaine période, je crois que ce serait une possibilité envisageable[549].

Enfin, il y a lieu de noter que la majorité des participants qui ont répondu au questionnaire de consultation en ligne du Comité (qui est lui-même un outil de mobilisation, quoique volontaire, auquel ont participé près de 22 500 Canadiens) était fortement d’accord (31,9 %) ou d’accord (24,6 %) avec l’affirmation : « Le vaste appui public devrait être mesuré par […] la consultation en personne et en ligne de Canadiens représentatifs de la société canadienne (démographiquement et géographiquement)[550] ».

Le vaste appui public devrait être mesuré par la consultation en personne et en ligne Échelle de cotation : 1 (fortement en désaccord) – 5 (fortement enaccord); s.o.

Le vaste appui public devrait être mesuré
          par la consultation 
          en personne et en ligne
          Échelle de cotation : 1 (fortement
          en désaccord) – 5 (fortement enaccord); s.o.

Les participants ont exprimé un soutien moins solide à l’affirmation : « Le vaste appui public devrait être mesuré par […] la création d’une assemblée de citoyens », la proportion de personnes en accord étant relativement la même que celle des personnes en désaccord, et 18,9 % des participants se sont dits ni en accord ni en désaccord avec l’affirmation[551].

Le vaste appui public devrait être mesuré par la création d’une assemblée de citoyens Échelle de cotation : 1 (en désaccord) – 5 (d’accord); s.o.

Le vaste appui public devrait être mesuré
          par la création d’une assemblée de citoyens 
          Échelle de cotation : 1 (en
          désaccord) – 5 (d’accord); s.o.

E.  Tenir ou non un référendum?

La question de savoir s’il faudrait valider ou légitimer une proposition de réforme du système électoral par référendum ou plébiscite a fréquemment été abordée dans le cadre de l’étude du Comité.

Deux sondeurs ont présenté au Comité leurs conclusions concernant l’opinion des Canadiens au sujet de la nécessité de tenir un référendum. Lors de son témoignage le 31 août, Darrell Bricker, d’IPSOS Affaires publiques, a fait état devant le Comité d’un sondage dans lequel on posait la question suivante :

Certaines personnes disent que tout changement apporté au système électoral serait fondamental au point qu’il exigerait la tenue d’un référendum national. D’autres affirment qu’un programme rigoureux de mobilisation publique et d’examen parlementaire devrait être suffisant. Lequel des énoncés se rapproche le plus de votre point de vue[552]?

M. Bricker a indiqué que les résultats étaient très partagés, puisque 49 % des personnes sondées ont répondu qu’un référendum serait nécessaire et que 51 % ont dit qu’un programme rigoureux de mobilisation publique et d’examen parlementaire serait suffisant.

Dans le même sondage, les répondants étaient informés de l’actuel processus de mobilisation citoyenne du Comité spécial. On leur a posé alors la question suivante :

À votre avis, le processus de mobilisation publique et d’examen parlementaire que suit actuellement le gouvernement fédéral est-il suffisant pour lui donner le consentement public nécessaire pour apporter un changement fondamental à notre système électoral fédéral sans la tenue d’un référendum national, ou bien voulez-vous que le gouvernement obtienne le consentement du public concernant les changements qu’il proposera en tenant un référendum national[553]?

M. Bricker a résumé les réponses en ces termes :

 À cette question, la réponse “les consultations sont suffisantes” a chuté de six points de pourcentage pour s’établir à 45 %, et “référendum national” a augmenté de six points de pourcentage, pour s’établir à 55 %. Ce résultat m’amène à penser que, plus les gens en savent à propos de ce processus, plus ils veulent avoir leur mot à dire en y contribuant directement[554].

Il a ajouté :

La majorité des gens de toutes les catégories démographiques que nous avons étudiées — par sexe, âge, degré de scolarité, revenu et ayant ou non des enfants dans leur domicile — appuyaient la tenue d’un référendum. La majorité des gens qui avaient des enfants dans leur domicile ou qui n’en avaient pas — appuyait également la tenue d’un référendum[555].

Lors de son témoignage devant le Comité le 28 septembre 2016, Mario Canseco, d’Insights West, a rendus publics les résultats d’un sondage mené par sa firme plus tôt dans le mois et dans lequel on posait la question suivante :

Peu importe votre opinion au sujet de la réforme électorale, croyez-vous qu’une modification du régime actuel devrait être soumise à un référendum national ou qu’un vote à la Chambre des communes est suffisant pour régler la question[556]?

M. Canseco a indiqué que les répondants ont été 68 % à répondre qu’un changement au système actuel devrait faire l’objet d’un référendum, et que 21 % ont indiqué qu’un vote à la Chambre des communes serait suffisant (11 % des répondants étaient indécis)[557].

Lorsqu’on lui a demandé d’interpréter ces résultats, M. Canseco a dit:

Quel que soit le système qui sera ultimement adopté, 68 % des Canadiens croient qu’un référendum est nécessaire pour régler la question de la réforme électorale. Cette majorité de Canadiens englobe les deux sexes, tous les groupes d’âge, toutes les régions et les sympathisants des trois partis politiques actuellement représentés à la Chambre des communes. La demande d’un référendum n’est pas l’apanage d’un parti[558].

M. Canseco a aussi fait remarquer que « cette question a constamment suscité environ les mêmes résultats, si l’on tient compte de [la] marge d’erreur[559] », dans les trois sondages qu’a réalisés sa firme en février, juin et septembre respectivement.

Fait à noter, la majorité (près de 55 %) des répondants au questionnaire en ligne du Comité supportaient l’idée de tenir un référendum sur la réforme électorale. En effet, 43,9 % des répondants étaient fortement en accord, et 10,8 % étaient en accord, avec l’énoncé selon lequel « [l]e vaste appui public devrait être mesuré par […] un vote direct des Canadiens sur une ou plusieurs options de réforme du système électoral canadien (par plébiscite ou référendum)[560]. »

Le vaste appui public devrait être mesuré par un vote direct des Canadiens Échelle de cotation : 1 (fortement en désaccord) – 5 (fortement en accord); s.o.

Le vaste appui public devrait être mesuré
          par un vote 
          direct des Canadiens
          Échelle de cotation : 1 (fortement
          en désaccord) – 5 (fortement en accord); s.o.

1.   Arguments en faveur d’un référendum sur la réforme électorale

Les partisans d’un référendum avancent principalement que c’est aux Canadiens que devrait revenir le choix du nouveau mode de scrutin, et que les politiciens et les partis politiques sont trop motivés par leurs propres intérêts pour qu’on ait l’assurance qu’ils prendront la bonne décision. Emmett Macfarlane, par exemple, a exprimé ce qui suit :

La question est donc de déterminer qui aura le dernier mot. Avec tout le respect que je vous dois, les partis politiques ont trop d’intérêts qui leur sont propres pour qu’on leur confie la décision finale. Il y a déjà suffisamment de preuves anecdotiques du fait que les partis auxquels chacun d’entre vous appartient sont déjà enfoncés dans leurs points de vue au sujet du résultat de ce processus. Il serait absurde — surtout compte tenu des arguments formulés contre le système uninominal majoritaire à un tour — d’adopter un système électoral contre la volonté de la majorité des Canadiens.
Les promesses faites par le gouvernement durant la campagne électorale lui ont donné pour mandat de procéder à une réforme, mais elles ne lui ont pas donné pour mandat d’adopter un système électoral en particulier. Une modification électorale n’est pas comme l’adoption de toute autre loi ordinaire. Les Canadiens devraient avoir leur mot à dire dans la conception de l’élément fondamental qui les lie à l’État[561].

D’autres témoins, comme David McLaughlin, ont soutenu qu’un référendum légitimerait le processus de réforme électorale :

[L]a légitimité publique d’un nouveau système électoral est hautement souhaitable et l’emporte sur les intérêts des partis et des politiciens. La question concerne les citoyens et les électeurs dans une démocratie axée sur les citoyens. La tenue d'un référendum est la façon la plus simple, la plus claire et la plus acceptable de conférer une légitimité à long terme, non seulement au système, mais — et c’est encore plus important — aux résultats qu’il produit[562].

Dans une perspective de comparaison, Arthur Lupia a affirmé : « [p]artout dans le monde, des démocraties ont recours à des référendums pour légitimer et confirmer diverses propositions législatives et constitutionnelles[563]. »

Selon Benoît Pelletier, un référendum pourrait accroître la confiance des Canadiens dans les institutions démocratiques :

Je dois vous dire […] que je suis très favorable à la tenue d’un référendum en pareille matière. L’une des raisons principales est que si l’on veut faire une réforme du mode de scrutin, c’est pour la population elle-même et pour qu’elle ait davantage confiance en ses institutions démocratiques. Dans ce contexte, je vois mal comment on pourrait effectuer une réforme du mode de scrutin digne de ce nom, autrement dit, quelque chose de signifiant et de substantiel, sans demander l'opinion de la population[564].

Plusieurs autres ont affirmé qu’une décision d’une telle amplitude devrait seulement être prise directement par le peuple et non par les politiciens. Comme l’a indiqué Rodney Williams : « [p]our ce qui est de la réforme électorale, je suis d'avis qu'il faut laisser le peuple décider. J'aimerais que vous transmettiez ce message à la Chambre des communes[565] ». Suzanne Sexton a partagé ce point de vue :

Vous avez été placés ici par vos commettants […] et ils vous ont fait confiance pour faire votre travail. Donnez-leur le même droit de voter sur le changement dans notre démocratie. S'ils vous ont fait confiance, vous devriez leur faire confiance pour choisir le mode de scrutin et vous devriez avoir une question très claire à poser[566].

Dans le même ordre d’idées, Rémy Trudel a fait valoir qu’un référendum pourrait être un outil d’éducation publique nécessaire sur la réforme électorale proposée :

À mon avis, oui, il faut qu'il y ait une consultation de la population, parce que tout changement apporté ne sera pas mineur. Cela va impliquer de tourner la page sur un système qui est là depuis plus de 200 ans. Les institutions démocratiques sont concernées par ce changement. Il faut que la population soit consultée, mais j’insisterais davantage pour dire que le référendum est un instrument formidable d’éducation[567].

D’autres, tels que Arthur Lupia, ont dit que ce n’est pas simplement parce que les électeurs ont voté pour des candidats ou des partis qui préconisaient une réforme électorale dans leur programme électoral qu’ils ont nécessairement donné aux partis le mandat de procéder à une réforme :

Au terme d’une élection, il est très difficile de dire que la raison pour laquelle les électeurs ont choisi un candidat particulier était qu’une question particulière leur tenait à cœur. Pour certaines personnes, c’était le changement qu’ils jugeaient important, alors que pour d’autres, c’était peut-être l’économie, les inégalités, les questions sociales ou les choses de ce genre. D’une manière générale, il est difficile de trouver un seul enjeu qui explique le vote d’une majorité d’électeurs. Pour moi, il est impossible de le faire sans données[568].

Ainsi, un référendum serait la façon la plus claire de savoir que le public approuve un mandat de réforme. Toutefois, selon d’autres témoins, comme James T. Arreak, la tenue d’une élection subséquente, avec des propositions de réforme clairement énoncées, pourrait être une façon plus appropriée de procéder :

Plutôt que de tenir un référendum, on montrerait plus de respect pour le processus démocratique et notre histoire parlementaire si chaque parti majoritaire adoptait une position claire sur un programme détaillé de réforme électorale avant les prochaines élections fédérales et laissait les électeurs décider de ces propositions en exerçant leur droit de vote. Le Parlement suivant aurait alors un mandat lui permettant de poursuivre[569].

2.   Arguments contre un référendum sur la réforme électorale

Comme on le décrit en détail ci-dessous, les principaux arguments qu’ont soulevés les témoins ayant comparu devant le Comité contre la tenue d’un référendum ou d’un plébiscite sur la réforme électorale sont les suivants : un référendum ou un plébiscite est un instrument inadéquat, qui se prête mal au processus de réforme; il tend à engendrer de la désinformation et à favoriser le statu quo; il divise et son coût n’en vaut pas la peine.

Maryantonett Flumian a expliqué comment les référendums sont souvent des instruments inefficaces et peu utiles pour décider d’enjeux politiques complexes:

Il s'agit d’un instrument très inefficace qui nous mène à des choix binaires sur un enjeu très compliqué, alors que nous ne savons même pas encore quelles questions poser dans notre écosystème de gouvernance.
Je regarde autour de cette table, je regarde l’âge des membres de ce comité et mon âge. Je représente la génération, et vous représentez la génération de gens qui reçoivent des référendums nationaux et qui récupèrent des référendums dans un monde où nos référendums nationaux créent énormément de divisions, car ils ne reposent pas sur de la bonne volonté et sur une meilleure compréhension des enjeux. C’est pourquoi il est crucial que vous, parlementaires, assumiez sérieusement ce rôle dans tout ce que vous allez faire. Rien n’est plus important que cela[570].

Un certain nombre de témoins et de participants aux assemblées publiques se sont dits inquiets du fait que les référendums peuvent être source de division. Par exemple, James T. Arreak, s’exprimant d’Iqaluit, a fait remarquer ce qui suit :

Compte tenu de la faible population du Nunavut au Canada, notre voix aurait très peu de poids dans un référendum ou un plébiscite national. Ce serait un désavantage important en soi. De façon plus importante et plus grave, un référendum risquerait de diviser les Canadiens, de rouvrir les anciennes fractures et d’en créer de nouvelles[571].

D’autres témoins, dont Arthur Lupia, ont parlé du fait que la désinformation et la confusion sont très fréquentes dans les campagnes référendaires, notamment celles qui portent sur des questions jugées « ésotériques » ou « abstraites ». C’est pourquoi des groupes qui sont déjà sous-représentés dans le processus politique sont enclins à peu participer :

Si cela semble être une question abstraite et ésotérique qui n’a rien à voir avec leur vie, peut-être juste un débat pour les élites, c’est à ce moment-là qu’ils s’en tiennent loin. Même s’ils vont voter pour un autre candidat, il y a cette idée d’un abandon; ou si un référendum est trop abstrait ou compliqué, les gens s’en lavent les mains. C’est la principale variation. Je dirai aussi que, lorsque cela arrive, les personnes les moins portées à participer seront généralement au bas de l’échelle socioéconomique. Si vous êtes préoccupés par la participation des gens avec une éducation et un revenu plus faibles au processus, alors si vous avez une situation où le référendum est compliqué et que les groupes d’intérêts n’expliquent pas à la population ce qui se passe, les personnes qui sont les plus susceptibles de ne pas participer vont être celles qui ont un statut socioéconomique inférieur et un niveau d’éducation moins élevé[572].

Selon Arend Lijphart, le fait que les référendums apportent leur lot de désinformation et suscitent beaucoup d’émotions rend leurs résultats volatils et imprévisibles :

Je suis sceptique parce que les résultats des référendums sont souvent très volatils et imprévisibles. S’y mêlent souvent beaucoup d'émotion, de démagogie, et de mensonges purs et simples[573].

Dans la même veine, des témoins comme Yasmin Dawood ont fait remarquer à quel point les campagnes d’éducation référendaire ne permettent pas suffisamment aux électeurs de prendre des décisions éclairées :

Les travaux de recherche menés en ce domaine semblent démontrer l’insuffisance des moyens pédagogiques [et financiers] destinés à informer les gens des véritables enjeux d’un référendum. Ajoutons à cela que la population a plutôt tendance à se prononcer en faveur du maintien du système en place[574].

L’idée voulant que les référendums favorisent souvent le statu quo a été expliquée en plus amples détails par M. Lupia :

S’agissant de campagnes, la campagne du « non » a toujours l’avantage si elle joue ses cartes correctement parce que, si vous votez non, c’est quelque chose qui est connu qui se poursuit. Or, au moment des campagnes, le « oui » est une chose imaginaire. Oui est ce monde virtuel, cette chose que l’on doit vous décrire. Personne ne l’a encore vécue. Alors, le modus operandi pour une campagne du non est de monter en épingle un scénario du pire des cas et de s’y tenir. C’est très facile à faire si vous savez de quoi les électeurs ont peur. La campagne du oui doit trouver un message simple, direct et urgent et tenter de parler à la vie des gens. Cela est possible, mais c’est plus difficile. Je dirais que, si l’on donne aux deux camps le même budget, le camp du non continue d’être avantagé parce que cet avantage lui est simplement inhérent. Il milite pour quelque chose que les gens ont connu, alors que le camp du oui milite pour quelque chose que, au moins pour le moment, les gens ne peuvent qu’imaginer[575].

Il a ajouté qu’un référendum qui ne proposerait pas le statu quo comme option serait non traditionnel et remettrait en question la dynamique habituelle :

[Un référendum qui ne proposerait pas le statu quo serait] un référendum non traditionnel. Habituellement, une proposition est faite et les gens votent oui ou non. Si cela n’était pas sur la table, le statu quo... cette dynamique n’existerait pas. Alors, ce serait davantage comme une campagne électorale, où vous auriez en fait deux nouveaux candidats[576].

3. Considérations logistiques

L’un des sujets de discussions était l’aspect logistique en lien avec la tenue d’un référendum pour l’approbation d’un nouveau système électoral par la population. Deux des enjeux relevés par les témoins étaient le coût d’un référendum, ainsi que les limites de temps associées avec la tenue d’un référendum sur un nouveau système électoral, en vue d’une mise en œuvre lors de l’élection générale de 2019.

Lors de son témoignage devant le Comité le 7 juillet, le directeur général des Élections, Marc Mayrand, a affirmé, « la tenue d'un référendum coûterait environ 300 millions de dollars[577] ». Toutefois, M. Mayrand a indiqué que ces coûts pourraient être réduits si une législation était adoptée afin de permettre des innovations. En réponse à une question qui lui a été posée lors de cette rencontre, il a noté que :

[L]es référendums se font de plus en plus par la poste, ce qui réduit considérablement les coûts. Comme je l'ai dit déjà, il existe toutes sortes de scénarios, mais un débat sur les lois référendaires va être nécessaire[578].

Lors de son témoignage devant le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre le 4 octobre, M. Mayrand a affirmé :

L'autre question qui doit être prise en considération par ce comité — et ce n'est pas pour Élections Canada —, c'est de savoir si dans cette ère moderne, il existe des variantes dans la manière dont nous menons un référendum. Je crois comprendre qu'en Colombie-Britannique, on dirige des plébiscites par courrier. J'entends dire qu'à l'Île-du-Prince-Édouard, le mois prochain, on va mener un plébiscite en ligne et par téléphone. Aucune de ces solutions de rechange modernes n'est disponible en vertu de nos lois fédérales, ce qui entraîne un coût important pour un référendum fédéral[579].

Le directeur général des élections de la Colombie-Britannique, Keith Archer, a indiqué qu’une réduction des coûts associés à la tenue d’un référendum pourrait être rendue possible grâce au scrutin postal, se référant à son expérience de la gestion du référendum postal sur la taxe de vente harmonisée dans la province :

Un des arguments invoqués en Colombie-Britannique en faveur du scrutin postal est l'économie qu'un tel scrutin permet de réaliser. Aux dernières élections générales provinciales, nous disposions d'un budget d'environ 35 millions de dollars. Le référendum sur la TVH a été mené par scrutin postal à un coût d'un peu plus de 8 millions de dollars. C'est une option beaucoup moins coûteuse et, en Colombie-Britannique, nous avons confiance en l'intégrité du processus référendaire par scrutin postal[580].

De plus, il a précisé que « [l]e coût du plébiscite en 2015 était de 5,4 millions de dollars, ou 3,44 $ par électeur inscrit[581] ».

M. Archer a également noté que le coût de la tenue d’un référendum au même moment qu’une élection générale, ce que ne permet pas la loi fédérale actuellement, pourrait également réduire considérablement les coûts :

En 2005, le total des coûts d’Élections CB pour l’administration des élections générales s’élevait à 22,9 millions de dollars, soit juste un peu plus de 8 $ par électeur inscrit. Le coût du référendum était d’un peu plus de 1 million de dollars, ou 37 ¢ supplémentaires par électeur inscrit; donc, ce mince surplus n’est vraiment pas cher à administrer[582].

Enfin, de nombreux témoins ainsi que plus de 20 participants aux assemblées publiques ont soulevé l’idée de mettre en œuvre un nouveau système électoral par la voie d’une législation (c’est-à-dire sans référendum) et ensuite de tenir un référendum après un ou plusieurs cycles électoraux sous ce nouveau système. La justification invoquée est que cette approche éliminerait la tendance perçue par certains que les électeurs, par réflexe, votent en faveur du statu quo et contre toute proposition de nouveau système électoral. Lee Ward a expliqué ce point de vue ainsi :

Je suis favorable à la tenue d’un référendum. Je suis favorable à la tenue d’un référendum sur toutes sortes de questions. Par contre, je crois qu’il doit être fait de manière intelligente et qu’il faut comparer des pommes avec des pommes. Je crois que la loi devrait inclure une disposition de temporisation; après deux élections sous un nouveau système, nous aurions un référendum pour le comparer avec l’ancien système pour que la population ait un véritable choix. Je n’achèterais pas une voiture sans d'abord l’avoir essayée[583].

Aucun référendum de ce type n’a été organisé au Canada ou aux États-Unis. Questionné à propos de la tenue d’un référendum après un ou plusieurs cycles électoraux, M. Lupia a répondu :

La situation que vous décrivez est assez rare, c'est-à-dire, procéder au changement puis passer au vote plus tard. Ce qui est plus commun est la tenue d'un référendum consultatif. Tout d'abord, vous dites que vous allez soumettre cela à un vote, mais que vous ne le mettrez pas en œuvre tout de suite et que cela ne compte pas; vous voulez simplement consulter la population. C'est un peu plus fréquent comme solution de rechange aux référendums habituels où on passe au vote et où la proposition est mise en œuvre.
La situation que vous avez décrite se produit, mais c'est assez rare. Une fois que les gouvernements investissent dans un tel changement, ils sont généralement réticents à le changer. Cela s'est produit, mais c'est vraiment rare[584].

Par ailleurs, les expériences récentes suggèrent que la difficulté que rencontreraient les propositions de réformes pour obtenir l’appui de la majorité de la population lors d’un référendum ou d’un plébiscite pourrait avoir été surfaite. En effet, suite au plébiscite de novembre 2016 à l’Île-du-Prince-Édouard, les propositions pour remplacer le SMUT ont reçu la majorité des appuis des électeurs lors de deux votes sur cinq depuis 2005 (tel qu’indiqué plus haut, le référendum de 2005 en Colombie-Britannique a reçu l’appui de 57% des électeurs).

4.   Leçons apprises de référendums et de plébiscites antérieurs

S’il est décidé de tenir un référendum, la prochaine étape logique serait de déterminer de quelle manière ce référendum devrait s’appliquer. Comme il a été expliqué plus en détails au chapitre 3 (qui dresse un historique de la réforme électorale aux paliers fédéral et provinciaaux), les expériences de plébiscite en Colombie-Britannique, en Ontario et à l’Île-du-Prince-Édouard offrent des leçons utiles.

Des témoins ont souligné l’importance de la sensibilisation du public à la nature de la solution ou des solutions retenues dans le cadre d’un référendum ou d’un plébiscite. Par exemple, en vue du plébiscite à l’Île-du-Prince-Édouard, le directeur général des élections de la province a mis en place un site Web qui permettait aux électeurs de la province de mieux comprendre les aspects techniques de chaque système qui figurait sur le bulletin. Selon Jordan Brown, député de l’Île-du-Prince-Édouard et président du Comité spécial de l’Assemblée législative sur le renouvellement démocratique, ces mesures de sensibilisation ont été prises en raison de plaintes, à la suite du plébiscite de 2005, selon lesquelles la RPM était trop complexe[585].

Au sujet de l’expérience d’autres provinces qui ont tenu des référendums sur la réforme électorale, Brian Tanguay a fait valoir qu’ « un manque d’éducation et d’information et les partis eux-mêmes [qui] envoyaient des messages qui semaient la confusion [ont] créé un contexte loin d’être optimal pour la conduite du référendum[586]. » M. Tanguay est le principal auteur du rapport de 2004 de la Commission du droit du Canada intitulé Un vote qui compte : la réforme électorale au Canada et a été témoin expert devant les assemblées législatives de l’Ontario et du Québec au sujet de la réforme électorale.

Dans la même veine, Leslie Seidle a souligné qu’ « on ne peut dissocier un référendum d’une campagne de sensibilisation du public[587]. » Nicole Goodman a ajouté que « l’éducation et la sensibilisation doivent également être des éléments clés du processus référendaire[588]. » Michael Marsh a insisté sur les ressources importantes nécessaires pour éduquer le public lors d’une campagne référendaire:

Si vous tenez des référendums, vous devez déployer énormément de ressources pour informer les gens [...] Nous avons une commission référendaire chargée de mobiliser les électeurs et parfois, de démêler le vrai du faux. Elle ne fait pas campagne et elle ne publie plus, comme c'était le cas avant, une brochure disant exactement sur quoi porte le référendum […] Nous laissons maintenant cela aux partis et aux groupes de la société civile et la seule contrainte est qu’aucun fonds public ne peut être dépensé[589].

Ce conseil à propos de l’importance d’une solide campagne d’éducation a été offert au Comité dans l’objectif que l’électorat soit bien informé. Toutefois, un témoin a souligné un défi fondamental auquel sont confrontés les partisans d’un nouveau système électoral lorsqu’ils cherchent à rallier les électeurs à leur cause lors d’un référendum. M. Lupia a expliqué la situation en ces termes :

D’une manière générale, les campagnes du « oui » sont plus difficiles à mener que celles du « non ». Les campagnes du « oui » cherchent à persuader les citoyens que des changements invisibles et sans précédent amélioreront leur vie. Les campagnes du « non » cherchent au contraire à les persuader que le changement est inquiétant et dangereux.
Alors si vos membres veulent que la réforme électorale passe, la campagne du « oui » devra trimer dur pour relier les conséquences du changement aux aspirations et aux soucis quotidiens des citoyens canadiens. Si la campagne du « oui » offre des abstractions intellectuelles et celle du « non » des raisons émotionnellement essentielles de craindre ce même changement, le « non » aura un avantage important[590].

L’inquiétude qu’une campagne dépense bien plus que son adversaire dans le cadre d’un référendum a été souligné par plusieurs témoins. L’exemple le plus notoire des dépenses à grande échelle au cours d’un référendum a été présenté par M. Lupia :

[En 1988] cinq référendums différents [se trouvaient] sur le bulletin de vote dans un État, la Californie, et les montants dépensés par les deux camps dans le cadre de ces cinq référendums ont totalisé une somme plus élevée que les montants dépensés sur l’élection présidentielle à l’échelle nationale, laquelle se déroulait en même temps. [I]l est possible d’atteindre les 150 à 200 millions de dollars dans le haut de la fourchette[591].

Bien qu’aucun témoin n’ait indiqué que les dépenses de l’une ou l’autre des campagnes d’un référendum sur la réforme électorale atteindraient les sommes enregistrées en Californie, la nécessité de remplacer ou modifier la Loi référendaire[592], afin entre autres d’établir des limites aux dépenses des participants, a été soulevée. À l’heure actuelle, aucune limite n’est imposée[593].

En plus d’une campagne de sensibilisation du public, tout référendum devrait rendre le vote aussi accessible que possible. Jordan Brown a suggéré au Comité que le nombre restreint de bureaux de vote lors du plébiscite de 2005 à l’Île-du-Prince-Édouard a entraîné une diminution du taux de participation des électeurs, tout comme le fait que le vote n’ait été permis que pendant une journée. Pour le plébiscite de 2016, les électeurs disposaient de plusieurs jours pour voter et avaient la possibilité de voter de manière électronique ou par téléphone[594].

En outre, Élections Canada doit avoir suffisamment de temps pour régler les questions techniques liées à la tenue d’un référendum. Marc Mayrand a expliqué ces questions comme suit:

Il faudra […] élaborer le bulletin énonçant la question posée aux Canadiens. Il faudra réviser tout le matériel qui n’a pas été revu depuis 1992 et refaire tous les manuels de formation pour le personnel électoral. En effet, il faudra préparer le matériel pour former les 255 000 Canadiens qui travaillent aux élections.
Il faudra également revoir tous nos systèmes qui ne sont pas encore adaptés à un référendum. Nous estimons qu’une quinzaine de systèmes informatiques doivent être adaptés. En outre, certains éléments des contrats devront être établis en ce qui concerne les fournitures[595].

Selon les estimations de M. Mayrand, ces changements prendraient environ six mois, et, par conséquent, la tenue d’un référendum prolongerait le processus de mise en œuvre d’un nouveau système électoral[596]. Lors de son témoignage du 4 octobre 2016 devant le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, il a ajouté ce qui suit :

Nous devons tout d’abord modifier le règlement associé à la Loi référendaire. C’est la première chose à faire, parce que ce règlement prévoit les différentes tâches à accomplir et les différences avec la façon normale de mener une élection. La priorité d’Élections Canada sera de mettre à jour ce règlement. Le règlement n’a été mis à jour qu’une seule fois au cours des [10] dernières années et il doit être revu, mis à jour et déposé au Parlement[597].

Une autre question a été soulevée durant les témoignages devant le Comité : le seuil de 60 % établi pour le référendum de la Colombie-Britannique sur la réforme électorale. Comme l’a fait observer Gordon Gibson, le référendum de la Colombie-Britannique n’a pas été un échec puisqu’une proposition de réforme y « a reçu le soutien affirmatif de près de 58 % de l’électorat », a suscité un taux de participation de 61,5 % et « a obtenu une majorité absolue dans 77 des 79 circonscriptions[598]. » Craig Henschel a ajouté que des membres de l’Assemblée des citoyens étaient particulièrement préoccupés par le seuil de 60 %[599], et Diana Byford, membre de l’Assemblée des citoyens, était d’avis que ce seuil était un échec de la part du gouvernement de la Colombie-Britannique[600].

De son côté, le directeur général des élections de la Nouvelle-Zélande a répété que, en Nouvelle-Zélande, le seuil pour un référendum est de 50 %, « le même que pour l’élection des députés[601]. »

Au cours de l’étude du Comité[602], l’idée de permettre aux jeunes de 16 et de 17 ans de voter à l’occasion d’un référendum sur la réforme électorale a été soulevée. D’ailleurs, à l’Île-du-Prince-Édouard, les jeunes de 16 et de 17 ans ont eu le droit de voter lors du plébiscite de novembre 2016. M. Brown a ensuite expliqué que le droit de vote était accordé aux jeunes de 16 et 17 ans puisqu’« ils auront le droit de vote aux prochaines élections », qu’ils vont à l’école et qu’ils « se trouveront dans un environnement où, effectivement, une certaine structure leur permet d’apprivoiser la politique et la démocratie et d’y participer[603]. » De plus, l’Écosse a abaissé l’âge minimal du vote pour permettre aux personnes de 16 et 17 ans de voter au référendum sur l’indépendance tenu en septembre 2014, et le taux de participation a été élevé dans cette tranche d’âge[604]. Par la suite, le premier ministre britannique a accepté de fixer à 16 ans plutôt qu’à 18 ans l’âge du vote aux élections du Parlement écossais et des autres administrations locales écossaises[605].

Enfin, Katie Ghose, directrice générale, Electoral Reform Society United Kingdom, a fait part des réflexions de la société sur les récents référendums tenus au Royaume-Uni. Elle tire la conclusion suivante :

Quand ils sont bien faits, les référendums peuvent servir à fournir une information publique de grande qualité et à susciter des débats pendant la campagne menant au jour du référendum. Quand ils sont mal faits, les référendums peuvent oblitérer toute possibilité de débats publics et politiques, les questions de procuration l’emportant sur les enjeux mis aux voix.[606].

F.   Observation et recommandations

Recommandation 11 

Le Comité recommande qu’une réforme électorale soit accompagnée d’une étude exhaustive des effets sur les autres aspects de l’« écosystème de gouvernance » du Canada, à savoir :

  • la relation entre les pouvoirs législatif et exécutif du gouvernement, et leur fonctionnement respectif;
  • la relation entre la Chambre des communes et le Sénat, et leur fonctionnement respectif;
  • la procédure et les conventions parlementaires liées à la formation et à la dissolution des gouvernements;
  • le fonctionnement des partis politiques.

Recommandation 12

Observation : Le Comité reconnait que, de ceux qui voulaient du changement, la grande majorité des témoignages était en faveur de la représentation proportionnelle. Par ailleurs, le Comité reconnaît l’utilité de l’indice de Gallagher, un outil développé pour mesurer la disproportion relative entre les votes reçus et les sièges obtenus à l’intérieur d’un système électoral.

Par conséquent, le Comité recommande :

  • Que le gouvernement organise un référendum dans lequel le système actuel est sur le bulletin de vote ;
  • que le référendum propose l’implantation d’un système électoral proportionnel qui atteint une note de 5 ou moins sur l’indice ‘Gallagher’ ;
  • que le gouvernement complète la conception du système électoral alternatif proposé au référendum avant le début de la campagne référendaire.

Recommandation 13

Le Comité recommande qu’Élections Canada élabore et rende publique de la documentation sur tout nouveau système proposé, y compris des cartes des circonscriptions potentielles selon le nouveau système et le format du bulletin de vote, et ce, avant le début de la campagne référendaire.


[507]         « Jane Addams – Biographical », Nobelprize.org, Nobel Media AB 2014.

[508]         Jane Addams, Peace and Bread in Time of War. New York, Macmillan, 1922 [traduction].

[509]         Extrait de : Chambre des communes, Journaux, 1re session, 42e législature, 7 juin 2016.

[510]         Il convient de noter que la consultation électronique était un outil de mobilisation s’adressant aux personnes désirant prendre part au processus. Pour cette raison, la consultation n’est pas un sondage : les participants ont choisi par eux-mêmes d’y participer et ne constituaient pas un échantillon représentatif de la population canadienne. Le rapport complet sur les consultations électroniques se trouve à l’annexe X.

[511]         Annexe F : « Consultation en ligne sur la réforme électorale, sommaire des réponses », tableau 40 et figure 37.

[512]         ERRE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 1er septembre 2016, 1010 (Graham Fox, président et chef de la direction, Institut de recherche en politiques publiques).

[513]         Ibid.

[514]         Ibid.

[515]         Ibid.

[516]         Ibid., 1020.

[517]         ERRE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 7 juillet 2016, 1005 (Marc Mayrand).

[518]         ERRE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 19 septembre 2016, 1415 (Michael Boda, directeur général des élections, Élections Saskatchewan).

[519]         Ibid., 1450.

[520]         ERRE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 21 septembre 2016, 1445 (Greg Essensa, directeur général des élections, Élections Ontario).

[521]         ERRE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 3 octobre 2016, 1340 (Kevin Dobie).

[522]         ERRE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 6 octobre 2016, 1830 (Don Desserud).

[523]         ERRE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 28 juillet 2016, 1125 (Maryantonett Flumian).

[524]         ERRE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 1er septembre 2016, 1010 (Graham Fox).

[525]         Selon un article intitulé « The Process of Electoral Reform in Canada: Democratic and Constitutional Constraints » qui paraîtra dans la Supreme Court Law Review.

[526]         ERRE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 29 août 2016, 1430 (Yasmin Dawood).

[527]         Ibid.

[528]         Ibid.

[529]         Ibid., 1430–1435.

[530]         ERRE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 30 août 2016, 1520 (Louis Massicotte).

[531]         ERRE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 20 septembre 2016, 1945 (Paul Thomas).

[532]         Sous réserve des contraintes constitutionnelles, comme il est mentionné au chapitre 2 du présent rapport. Cependant, un témoin a indiqué que la convention consiste à tenir un référendum.

[533]         ERRE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 22 septembre 2016, 1920 (Éric Montigny).

[534]         ERRE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 30 août 2016, 1520 (Louis Massicotte).

[535]         ERRE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 27 juillet 2016, 1055 (Alex Himelfarb, greffier du Conseil privé, de 2002 à 2006, à titre personnel).

[536]         ERRE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 23 août 2016, 1120 (Emmett Macfarlane). Il a ajouté, à la blague : « Nous pourrions tous vous [les membres du Comité] enfermer dans la même pièce et ne pas vous laisser sortir tant que vous n’en serez pas arrivés à un compromis; ce pourrait être amusant. » (Il y a lieu de noter que, au cours de son témoignage, il a dit appuyer la tenue d’un référendum, non pas comme une obligation légale, mais comme nécessité politique.)

[537]         ERRE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 29 septembre 2016, 1350 (Patricia Paradis).

[538]         ERRE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 29 août 2016, 1445 (Ed Broadbent).

[539]         National Consumer Council, Deliberative Public Engagement: Nine Principles, Royaume-Uni, juin 2008, p 1.

[540]         Ibid., p 2.

[541]         Ibid., p 3.

[542]         Ibid.

[543]         ERRE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 29 août 2016, 1430–1435 Yasmin Dawood).

[544]         ERRE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 27 septembre 2016, 1520 (Craig Henschel) : « En 2004, j’ai eu l’honneur et le privilège de participer, pendant 11 mois, à l’Assemblée des citoyens de la Colombie-Britannique sur la réforme électorale, en compagnie de 159 autres électeurs choisis au hasard. Diana Byford et d’autres membres de l’Assemblée sont également présents ici. Mme Byford parlera davantage du processus de l’Assemblée au cours de la deuxième séance d’aujourd’hui. »

                ERRE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 27 septembre 2016, 1650 (Diana Byford) :

Mesdames et Messieurs, vous faites aujourd’hui un voyage que j’ai déjà fait. En 2004, j’ai eu le privilège d’être membre de B.C. Citizens’ Assembly on Electoral Reform. Comme vous l’avez entendu plus tôt, 160 citoyens ordinaires sélectionnés au hasard dans chaque circonscription de la province, y compris deux membres des Premières Nations, se sont réunis pour examiner notre système existant de scrutin majoritaire en vue de déterminer s’il répondait aux besoins des gens ou s’il avait besoin d’être changé.

[545]         Une assemblée de citoyens est un groupe composé d’un échantillon du public sélectionné au hasard et représentatif de la société canadienne (sur les plans démographique et géographique) et responsable d’évaluer les solutions possibles à un ou plusieurs enjeux d’intérêt national.

[546]         ERRE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 1er septembre 2016, 1040 (Graham Fox) : « Une assemblée citoyenne à l’échelle du Canada est probablement impraticable, étant donné notre géographie, entre autres, mais je crois qu’il existe d’autres manières de mettre un processus en place. »

[547]         ERRE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 28 juillet 2016, 1130 (Maryantonett Flumian).

[548]         ERRE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 30 août 2016, 1125 (Jean-Sébastien Dufresne, président, Mouvement Démocratie Nouvelle).

[549]         ERRE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 27 juillet 2016, 1535 (Larry LeDuc); Section de la région de la capitale nationale de Représentation équitable Canada, La tenue d’un sondage délibératif permettrait-elle de combler une lacune du processus de consultation publique?, sans date.

[550]         Annexe F : « Consultation en ligne sur la réforme électorale, sommaire des réponses », tableau 41 et figure 38.

[551]         Ibid., tableau 42 et figure 39.

[552]         ERRE, Témoignages, 1re session, 42législature, 31 août 2016, 1415 (Darrell Bricker, président, Ipsos Affaires publiques, à titre personnel).

[553]         Ibid., 1420.

[554]         Ibid.

[555]         Ibid.

[556]         Mario Canseco, Insights West, Présentation au comité spécial sur la réforme électorale, 28 septembre 2016.

[557]         ERRE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 28 septembre 2016, 1520 (Mario Canseco, vice-président, affaires publiques, Insights West, à titre personnel).

[558]         Ibid.

[559]         Ibid., 1535.

[560]         Annexe F : « Consultation en ligne sur la réforme électorale, sommaire des réponses », tableau 43 et figure 40.

[561]         ERRE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 23 août 2016, 0955–1000 (Emmett Macfarlane).

[562]         ERRE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 1er septembre 2016, 0950 (David McLaughlin).

[563]         ERRE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 25 octobre 2016, 1750 (Arthur Lupia, professeur Hal R Varian, science politique, Université du Michigan, à titre personnel).

[564]         ERRE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 22 août 2016, 1450 (Benoît Pelletier).

[565]         ERRE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 19 septembre 2016, 2030 (Rodney Williams, à titre personnel).

[566]         ERRE, Témoignages, 1re session, 42législature, 20 septembre 2016, 2035 (Suzanne Sexton, à titre personnel).

[567]         ERRE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 3 octobre 2016, 1520 (Rémy Trudel).

[568]         ERRE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 25 octobre 2016, 1925 (Arthur).

[569]         ERRE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 17 octobre 2016, 1350 (James T. Arreak)

[570]         ERRE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 28 juillet 2016, 1125 (Maryantonett Flumian).

[571]         ERRE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 17 octobre 2016, 1350 (James T. Arreak).

[572]         ERRE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 25 octobre 2016, 1830 (Arthur Lupia).

[573]         ERRE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 22 août 2016, 1505 (Arend Lijphart).

[574]         ERRE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 29 août 2016, 1635 (Yasmin Dawood).

[575]         ERRE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 25 octobre 2016, 1905 (Arthur Lupia).

[576]         Ibid., 1915.

[577]         ERRE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 7 juillet 2016, 1030 (Marc Mayrand).

[578]         Ibid., 1125.

[579]         Chambre des communes, Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, Témoignages, 1re session, 42e législature, 4 octobre 2016, 1220 (Marc Mayrand).

[580]         ERRE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 27 septembre 2016, 1535 (Keith Archer).

[581]         Ibid., 1515.

[582]         Ibid.

[583]         ERRE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 19 septembre 2016, 1935 (Lee Ward).

[584]         ERRE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 25 octobre 2016, 1910 (Arthur Lupia).

[585]         ERRE, Témoignages, 1re session, 42législature, 6 octobre 2016, 1340 (Jordan Brown).

[586]         ERRE, Témoignages, 1re session, 42législature, 25 juillet 2016, 1505 (Brian Tanguay).

[587]         ERRE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 27 juillet 2016, 1445 (Leslie Seidle).

[588]         ERRE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 23 août 2016, 1140 (Nicole Goodman).

[589]         ERRE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 26 juillet 2016, 1120 (Michael Marsh).

[591]         ERRE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 25 octobre 2016, 1925 (Arthur Lupia).

[592]         Loi référendaire (L.C. 1992, ch. 30)

[593]         Chambre des communes, Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, Témoignages, 1re session, 42e législature, 4 octobre 2016, 1135 (Marc Mayrand) :

Nous devons tout d’abord modifier le règlement associé à la Loi référendaire. C’est la première chose à faire, parce que ce règlement prévoit les différentes tâches à accomplir et les différences avec la façon normale de mener une élection. La priorité d’Élections Canada sera de mettre à jour ce règlement. Le règlement n’a été mis à jour qu’une seule fois au cours des dix dernières années et il doit être revu, mis à jour et déposé au Parlement.

[594]         ERRE, Témoignages, 1re session, 42législature, 6 octobre 2016, 1340 (Jordan Brown).

[595]         ERRE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 7 juillet 2016, 1040 (Marc Mayrand).

[596]         Ibid., 1045–1050.

[597]         Chambre des communes, Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, Témoignages, 1re session, 42e législature, 4 octobre 2016, 1135 (Marc Mayrand) :

Compte tenu des délais serrés, l’approche « susceptible d’être appliquée » pour mettre à jour le règlement associé à la Loi référendaire consisterait à la formulation par le directeur général des élections de recommandations de modifications, comme il l’a fait à certains moments dans le passé. Ces modifications seraient alors intégrées au règlement par décret. Par exemple, en ce qui concerne le taux des honoraires versés au personnel responsable d’un référendum, « [c]onsidérant que les tâches sont similaires lors des élections et lors d’un référendum, nous proposerions les mêmes honoraires ».

[598]         ERRE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 3 août 2016, 1425 (Gordon Gibson).

[599]         ERRE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 27 septembre 2016, 1530 (Craig Henschel).

[600]         Ibid., 1650 (Diana Byford).

[601]         ERRE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 26 juillet 2016, 2120 (Robert Peden).

[602]         Par les experts de l’Electoral Commission UK en Écosse, l’Electoral Management Board for Scotland, par des témoins à l’IPE, ainsi que dans des mémoires soumis au Comité.

[603]         ERRE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 6 octobre 2016, 1420 (Jordan Brown).

[604]        John Curtice, « So How Many 16 and 17 Year Olds Voted? », What Scotland Thinks, Economic and Social Research Council, 16 décembre 2014.

[605]        « David Cameron accepts Scottish Parliament votes at 16 », BBC News, 15 décembre 2014.

[606]         ERRE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 19 octobre 2016, 1935 (Katie Ghose, directrice générale, Electoral Reform Society United Kingdom). Elle a également présenté la récente publication de l’Electoral Reform Society UK : Will Brett, It’s Good to Talk Doing referendums differently after the EU Vote, Electoral Reform Society UK, Royaume-Uni, septembre 2016. On trouve aux pages 9 et 10 des recommandations sur la façon de mener un référendum réussi.