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ESPE Rapport du Comité

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L’équité salariale : une question de justice

Rapport complémentaire présenté par le
Nouveau Parti démocratique du Canada

À la suite de l’adoption d’une motion du Nouveau Parti démocratique du Canada, le Comité spécial sur l’équité salariale a été créé pour « tenir des audiences sur l’équité salariale et […] proposer un plan d’adoption d’un régime fédéral proactif sur l’équité salariale, législativement et autrement ».

Depuis le mois de mars 2016, le Comité s’est imposé un horaire exténuant pour entendre une multitude de témoins, dont les ministres du Travail, de Condition féminine et du Conseil du Trésor, les coprésidentes du Groupe de travail sur l’équité salariale de 2004, des spécialistes, des employeurs, des syndicats et des particuliers possédant de l’expérience dans l’administration et la mise en œuvre de l’équité salariale.

Il y avait un large consensus entre les témoins sur les points suivants :

  • L’équité salariale est un droit de la personne, qui ne devrait pas faire l’objet de négociations collectives.
  • Le système actuel fondé sur les plaintes n’est pas accessible à tous et s’avère coûteux et long pour ceux qui y ont accès,  ce qui empêche un traitement juste et équitable en raison de délais pouvant s’étendre sur des décennies.
  • Les Canadiennes attendent l’équité salariale depuis trop longtemps et il ne devrait plus y avoir de délai.
  • Il faut une loi proactive pour assurer l’équité salariale, et le rapport de 2004 du Groupe de travail fournit un excellent modèle à cet égard.

Le rapport du Comité recommande que le gouvernement adopte une loi proactive sur l’équité salariale, mais nous estimons qu’il ne tient pas correctement compte de l’urgence exprimée par de nombreux témoins. Cela fait maintenant 12 ans que le Groupe de travail sur l’équité salariale a présenté son rapport au gouvernement et 11 ans que le Comité permanent de la condition féminine de la Chambre des communes a recommandé au gouvernement de mettre en œuvre l’intégralité du rapport, exigeant une loi proactive sur l’équité salariale dès le 31 octobre 2005. Comme l’a indiqué Mme Barbara Byers, secrétaire-trésorière du Congrès du travail du Canada, lors de son témoignage :

Au bout de ces 12 ans, les travailleuses méritent au moins une loi proactive sur l’équité salariale. Les travaux de votre comité se doivent d’aboutir dans les plus brefs délais au dépôt

d’un projet de loi. Le Groupe de travail a consacré tellement de temps, d’efforts et de ressources pour mener ses consultations et pour préparer son rapport. Nous ne pouvons plus nous permettre de le laisser s’empoussiérer dans les archives.

N’oublions surtout pas que les travailleuses attendent cela depuis plus de 12 ans. Nous attendons cela depuis des dizaines et des dizaines d’années, et pendant tout ce temps, la dette de celles qui ne peuvent pas s’extirper de la disparité salariale continue à s’accroître. Ce sont des femmes qui élèvent leurs enfants, qui méritent de vivre leur retraite avec dignité, qui subissent les formes multiples de discrimination qui se reproduisent autant dans les lieux de travail que dans la collectivité[1]

Le rapport du Comité, plutôt que d’accélérer la réalisation du droit à l’équité salariale, recommande que le gouvernement présente un projet de loi dix-huit mois après le dépôt de ce rapport. Cependant, comme Mme Robyn Benson, présidente de l’Alliance de la fonction publique du Canada, l’a fait valoir, l’inaction n’est pas justifiée : « Il y a eu beaucoup de discussions au cours des années. Maintenant, il est temps d’agir. Il est temps que le Comité encourage ou exhorte le gouvernement à agir sans tarder et à faire d’une loi proactive sur l’équité salariale une réalité[2] ».

Le rapport du Comité s’intitule C’est le temps d’agir, mais plutôt que d’inciter fortement à l’action, il encourage le délai. La majorité des témoins, cependant, a recommandé que le gouvernement présente rapidement un projet de loi, et ils étaient nombreux à dire qu’un délai de six mois était raisonnable.

Bon nombre de témoins ont souligné l’excellence du travail effectué par le Groupe de travail sur l’équité salariale et soutenu que le rapport de ce groupe, aussi appelé le rapport Bilson, constituait un excellent modèle que le gouvernement pourrait suivre. Selon Me Peter Engelmann, de l’Association canadienne des avocats de mouvement syndical, « Il n’est pas nécessaire de réinventer la roue[3] ». Mme Kate McInturff, du Centre canadien de politiques alternatives, a affirmé que le Groupe de travail avait « fourni un fondement solide pour aller de l’avant[4] ». Dans le même ordre d’idées, Mme Byers a qualifié le rapport d’« examen le plus complet en matière d’équité salariale qui ait été réalisé » et a conseillé d’avancer « dans le travail qu’il y a à faire[5] ».

Dans un tel contexte, d’autres consultations et la prolongation de la date d’échéance pour présenter un projet de loi ne serviraient qu’à retarder une fois de plus l’application de la justice pour les Canadiennes. Comme l’a fait remarquer Mme Margot Young, professeure à l’Université de la Colombie-Britannique : « Pour ce qui est de l’équité entre les sexes […], j’estime que des slogans comme “Nous sommes en 2015” resteront des paroles creuses tant que n’aura pas été adoptée une loi assurant la pleine équité salariale. Comme le gouvernement s’est engagé à prioriser l’égalité entre les sexes et qu’il en a même fait la promesse, il est essentiel qu’il effectue des réformes en vue d’atteindre l’équité salariale[6]. »

Pour reprendre une vieille expression, cela ne veut pas dire que les paroles ne coûtent rien. En fait, elles coûtent très cher aux femmes qui se voient toujours refuser un droit fondamental. Comme Mme Byers l’a rappelé au Comité :

N’oubliez pas que chaque jour qui passe, justice différée est justice refusée sur le plan économique, pour beaucoup de gens. Dès leur premier jour de travail, cela influe sur ce qu’ils tentent d’accomplir pour eux‑mêmes et leur famille et cela, jusqu’au jour de leur retraite. Si vous parlez à certaines femmes qui ont bénéficié d’une hausse de salaire grâce à l’équité salariale, vous le comprendrez encore mieux. Ne tardez pas à agir, car si vous vous souvenez de la cause Bell Canada, près de 16 % des femmes étaient décédées[7].

Mme Benson a aussi rappelé au Comité les coûts humains de l’actuel régime bancal d’équité salariale. « Il a fallu 15 ans pour régler notre plainte de 1984 contre le Conseil du Trésor. Notre plainte de 1983 contre Postes Canada n’a été réglée qu’en 2013, 30 ans plus tard, et seulement après l’intervention de la Cour suprême. D’anciens membres octogénaires nous ont téléphoné dans l’espoir de recevoir l’argent qui leur était dû avant qu’il ne soit trop tard. Malheureusement, je dois dire qu’il a été trop tard pour certains d’entre eux[8]. »

Selon Mme McInturff, il y a aussi un coût économique pour le pays si le Canada n’agit pas avec célérité pour assurer l’équité salariale :

La persistance du sous-emploi et de la sous-rémunération qui touche la main-d’œuvre féminine canadienne a un coût élevé que nous ne pouvons assumer. L’élimination des disparités entre les sexes est un aspect essentiel si on veut rétablir une économie canadienne à forte croissance et assurer la sécurité des Canadiens. Les projets de l’OCDE visant à réduire de moitié l’écart des taux d’emploi des hommes et des femmes pourraient représenter une contribution supplémentaire de 160 milliards de dollars à l’économie canadienne d’ici 2030. Selon les recherches publiées par la Banque mondiale, l’élimination de l’écart salarial entre les sexes pourrait représenter 10 % du PIB du Canada. Ce n’est pas négligeable, ni pour notre économie ni pour les femmes[9].

Par ailleurs, Mme Kathleen Lahey, professeure à l’Université Queen’s, a affirmé au Comité que la réalisation immédiate de l’équité salariale procurerait un avantage économique important :

[…] si une seule province, par exemple l’Alberta, commençait à faire des rajustements partiels au titre de l’équité salariale, cela générerait chaque année entre un demi-milliard et 4 milliards de dollars en recettes pour le gouvernement fédéral, à compter de 2016. Si on applique cette incidence à l’ensemble du pays et qu’on prend en compte l’impôt provincial et l’effet de recettes, on obtient des recettes encore plus considérables qui s’accroîtraient avec le temps[10].

Conserver le statu quo inutilement pendant encore un an et demi revient à refuser activement que justice soit faite aux femmes qui attendent déjà depuis trop longtemps.

L’équité salariale est un droit de la personne et les Canadiennes ne devraient pas devoir attendre plus longtemps pour voir la réalisation de leurs droits fondamentaux.

Par conséquent, le Nouveau Parti démocratique recommande que le gouvernement fédéral présente une loi proactive sur l’équité salariale avant la fin de 2016.

Rapport du Groupe de travail sur l’équité salariale

Le Nouveau Parti démocratique s’inquiète aussi de la façon dont le rapport du Comité écarte de nombreuses recommandations importantes du Groupe de travail sur l’équité salariale. Comme des témoins l’ont indiqué, le rapport du Groupe de travail découle d’une étude approfondie et a reçu un fort appui. Mme Byers a déclaré au Comité que « Le Groupe de travail a élaboré ses recommandations après avoir mené pendant des années des études et des consultations avec soin et profondeur. Ces recommandations ont l’appui général des syndicats et des organismes de femmes. Le travail de ce Groupe de travail est le plus important et le plus approfondi que l’on n’ait jamais accompli, et l’OIT reconnaît cela[11]. »

Dans le même ordre d’idées, Me Fiona Keith, de la Commission canadienne des droits de la personne, a fait valoir que du point de vue de la Commission, comparativement aux autres options, « les recommandations du Groupe de travail produiront très probablement le droit à l’équité salariale le plus solide et efficace du point de vue de sa mise en œuvre et de son coût[12] ».

Il est donc étonnant et décevant de voir que le rapport du Comité écarte bon nombre des recommandations du Groupe de travail, surtout lorsqu’aucun témoignage devant le Comité ne démontre qu’il faut faire abstraction de ces recommandations. Nous sommes particulièrement préoccupés par le fait que, selon le rapport, il ne faudrait pas tenir compte de certaines des recommandations permettant de supprimer les échappatoires auxquelles les employeurs pourraient avoir recours pour éviter d’assurer vraiment l’équité salariale. Le rapport du Comité écarte également de nombreuses recommandations qui exigeraient que l’employeur fasse preuve de transparence pendant le processus. De plus, nous jugeons totalement inacceptable que le rapport du Comité soutienne qu’une recommandation est « trop normative » ou « trop coûteuse » parce qu’elle exige que les comités d’équité salariale soient composés d’au moins 50 % de femmes. Après tout, nous sommes en 2016.

Par conséquent, le Nouveau Parti démocratique recommande que le gouvernement fédéral adopte toutes les recommandations du Groupe de travail sur l’équité salariale de 2004.

Loi sur l’équité salariale dans la rémunération du secteur public

Quoique la loi régressive de l’ancien gouvernement conservateur sur l’équité salariale, la Loi sur l’équité salariale dans la rémunération du secteur public, n’a jamais été mise en œuvre, de nombreux témoins ont affirmé qu’elle avait néanmoins des conséquences néfastes sur les droits des fonctionnaires en matière d’équité salariale au Canada. À cause de cette loi, les plaintes en matière d’équité salariale provenant de la fonction publique ont été déposées devant la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique plutôt que devant la Commission canadienne des droits de la personne[13].

Il est donc très décevant que le gouvernement libéral n’ait pas profité de l’occasion pour abroger cette loi lorsqu’il a présenté le projet de loi C-4, qui abroge d’autres lois du travail nuisibles des conservateurs.

Le Nouveau Parti démocratique recommande d’abroger immédiatement la Loi sur l’équité salariale dans la rémunération du secteur public.

La mesure rétablira le droit des femmes et de leurs syndicats du secteur public fédéral de déposer des plaintes en matière d’équité salariale pendant la transition vers un nouveau régime fédéral proactif d’équité salariale. Cela devrait être fait dès la reprise des travaux en septembre.

Le caucus du Nouveau Parti démocratique est impatient d’examiner le projet de loi du gouvernement sur un régime proactif d’équité salariale et de collaborer avec les députés de tous les partis à l’élimination de la discrimination salariale pour tous les Canadiens.

Respectueusement soumis au nom du Nouveau Parti démocratique

Le 9 juin 2016


[1] ESPE, Témoignages, 18 avril 2016.

[2] ESPE, Témoignages, 18 avril 2016.

[3] ESPE, Témoignages, 20 avril 2016.

[4] ESPE, Témoignages, 20 avril 2016.

[5] ESPE, Témoignages, 18 avril 2016.

[6] ESPE, Témoignages, 20 avril 2016.

[7] ESPE, Témoignages, 18 avril 2016.

[8] ESPE, Témoignages, 18 avril 2016.

[9] ESPE, Témoignages, 20 avril 2016.

[10] ESPE, Témoignages, 20 avril 2016.

[11] ESPE, Témoignages, 18 avril 2016.

[12] ESPE, Témoignages, 18 avril 2016.

[13]ESPE, Témoignages, 18 avril 2016.