Témoignage sur le modèle exécutoire |
« Je n'ai pas
d'idée bien arrêtée sur cette question spécifique, mais je penche fortement
du côté du pouvoir de rendre des ordonnances. Je vous invite, dans votre
réflexion, à vous placer du point de vue du titulaire de droits individuels
qui garantissent sa vie privée et à vous demander lequel de ces deux modèles
vaut mieux pour lui, celui qui le pousse à saisir les tribunaux pour faire
valoir ses droits, ou celui qui suit l'autre approche. Nous faisons face à
une crise en matière d'accès à la justice ici et contraindre les individus à
faire appel aux tribunaux alors qu'ils sont censés jouir de droits solides,
me semble peu réaliste. […] La
seule autre chose que je voudrais ajouter, c'est que dans ces contextes
faisant intervenir la Charte, qui me préoccupent beaucoup, il est bon d'avoir
un gros bâton, parce que l'individu est dans un rapport conflictuel avec
l'État, alors que dans un contexte davantage administratif, où l'État
administre un programme social, la tension conflictuelle est moindre[1] ».
Mme Lisa Austin |
« Nous voudrions
également que le commissaire à la protection de la vie privée se voie
conférer un pouvoir de prise de décret. Nous avons remarqué avec intérêt
qu'il est maintenant d'accord. Plus il s'échange et se recueille de
renseignements, plus les excès peuvent causer de torts. Les conséquences
doivent être proportionnelles aux risques; le commissaire a donc besoin de
pouvoirs élargis pour assurer l'application efficace et en temps opportun de
la protection accrue prévue dans la loi révisée[2] ».
Mme Brenda McPhail |
« Par
conséquent, je suis en faveur […] des mécanismes améliorés, y compris des
pouvoirs d'ordonnance permettant au commissaire à la protection de la vie
privée de préserver la confiance du public[3] ».
M. Thomas Keenan |
« Ma sixième
recommandation est la suivante: que le commissaire à la protection de la vie
privée ait le pouvoir de rendre des ordonnances. Le commissaire Therrien
approuve maintenant cette recommandation, mais des pouvoirs de contrainte et
des sanctions plus sévères pour les violations de la
vie privée seraient nécessaires pour limiter les atteintes à la vie privée et
réglementer la circulation transfrontalière des renseignements[4] ».
M. Ken Rubin |
« les pouvoirs
les plus importants d'un commissaire à la protection de la vie privée sont
ceux qui, comparativement, sont proactifs et de nature générale ou
systématique, plutôt que ceux qui sont réactifs et centrés sur l'individu.
J'aimerais que la Loi soit modifiée de façon à prévoir davantage de pouvoirs
proactifs. Cela comprend l'autorité de rendre des ordonnances. Le commissaire
peut uniquement formuler des recommandations non contraignantes; il ne peut
obliger un organisme public à prendre des mesures ou à mettre fin à des
mesures sans l'intervention des tribunaux[5] ».
M. Collin Bennett |
« Je crois qu'il
faut établir une distinction entre le modèle fondé sur les tribunaux utilisé
au Québec et les modèles fondés sur les commissions utilisés en
Colombie-Britannique et en Alberta. […] Nous devrions également être très
prudents lorsque nous généralisons l'application des processus utilisés dans
les provinces au gouvernement fédéral et lorsque nous croyons que des modèles
qui fonctionnent en Colombie-Britannique ou au Québec fonctionneront
également à Ottawa. Toutefois, quelques raisons me poussent à préférer le
modèle exécutoire. Par exemple, je crois qu'il permet de mieux rassembler les
idées. […] si l'ancienne commissaire était ici —, elle dirait que le fait de
savoir qu'on a ce pouvoir permet d'orienter davantage l'organisme vers la
médiation. Les types de processus utilisés en médiation devraient donc se
dérouler plus rapidement et plus sérieusement. Je ne crois pas que le pouvoir
d'émettre des ordonnances ralentit nécessairement le processus. Encore une
fois, on compare des pommes et des oranges, […] L'autre facteur à prendre en
considération au sujet du pouvoir d'émettre des ordonnances, c'est que la loi
est claire, ce qui n'est pas nécessairement le cas dans le processus
d'ombudsman[6] »
M. Collin Bennett |
« Je dois
admettre que la plupart de mes observations sont liées au contexte du secteur
privé. […] Je pense que les cas que nous avons eus au cours des dernières
années démontrent l'importance de sanctions réelles. […] Je dirais
également que nous avons maintenant assez d'expérience avec des entreprises
prêtes à faire fi de l'opinion du commissaire à la protection des
renseignements personnels pour savoir, à mon avis, qu'il est nécessaire
d'adopter une position plus ferme. Un cas classique est celui de Bell — un
cas qui refait surface, je suppose —, par rapport à la décision sur la
publicité ciblée. […]Le commissaire a tiré des conclusions et la position
initiale de Bell consistait essentiellement à dire: « Eh bien, soit;
c'est votre opinion et nous ne sommes pas d'accord. » J'ai de la
difficulté à comprendre comment il est possible, étant donné l'importance que
nous accordons au rôle du Commissaire à la protection de vie privée et aux
responsabilités qui lui incombent, que les entreprises puissent adopter une telle
position et dire qu'elles vont s'adresser aux tribunaux et contester une
décision pendant plusieurs années avant de décider elles-mêmes de la suite
des choses. Bell a finalement battu en retraite, mais je pense qu'avec un
pouvoir exécutoire, la dynamique aurait été totalement différente[7] ».
M. Michael Geist |
« En ce qui concerne les comparaisons entre le recours à
l'ombudsman, le pouvoir de rendre des ordonnances et un modèle hybride, nous
constatons que le commissaire en est lui-même venu à l'idée que le modèle du
pouvoir de rendre des ordonnances serait préférable. Nous préconisons cette
idée depuis longtemps, et nous l'avons également proposée pour le commissaire
à l'information. Ces deux agents du Parlement devraient avoir le pouvoir de
rendre des ordonnances[8] ».
M. Vincent Gogolek |
« Le modèle
fondé sur un pouvoir d'ordonnance aurait pour avantage de permettre une
harmonisation plus étroite avec les modèles internationaux utilisés pour la
protection des données. C'est ce que l'on peut constater aux États-Unis avec
les commissions fédérales du commerce et des communications, de même qu'au
Royaume-Uni et au Mexique. La plupart des instances européennes de protection
des données ont également opté pour un tribunal semblable doté de pouvoirs
d'ordonnance. Il va de soi que l'autorité de surveillance pourra obtenir des
réponses plus rapidement une fois l'enquête officiellement enclenchée. Dans
les provinces qui ont opté pour les pouvoirs d'ordonnance, le commissaire
obtient en effet des réponses plus facilement et plus rapidement lorsqu'il
fait enquête. Bien évidemment, les institutions gouvernementales seraient
plus nombreuses à donner suite à une telle démarche alors qu'elles ne
l'auraient pas nécessairement fait pour une recommandation du commissaire. Cela
dit, j'ai déjà entendu la commissaire à l'information indiquer que la plupart
de ses recommandations sont désormais acceptées sans qu'une ordonnance soit
nécessaire. Pour ce qui est des inconvénients, le processus est généralement
plus structuré et moins dynamique dans le cas d'un tribunal administratif. Le
plus souvent, l'obligation stricte d'assurer l'équité procédurale a pour
effet de prolonger les délais de traitement d'un dossier. Il pourrait
s'ensuivre des retards encore plus longs que ce que l'on connaît
actuellement, et assurément une marge de manœuvre plus restreinte pour le
commissaire. Le processus sera moins convivial pour vos commettants et
pourrait être plus intimidant pour les gens qui auraient à formuler une
plainte auprès d'un commissaire doté de pouvoirs d'ordonnance. Il y aurait
probablement scission du personnel en deux groupes distincts, soit d'une part
les agents de réception des plaintes et les médiateurs, et d'autre part les
arbitres et les agents d'audience. Il y aurait pour ainsi dire un mur entre
ces deux groupes au sein du même bureau[9] ».
M. Gary Dickson |
« Il ne fait
aucun doute que le processus [du modèle exécutoire] est plus formel. Par
exemple, l'Alberta et la Colombie-Britannique ont des employés qui s'occupent
expressément de la médiation. Dans ces bureaux, d'autres employés sont
uniquement responsables d'écrire des ordonnances formelles pour la province.
Il y a donc une division des tâches, ce qui complique les choses. Une
disposition de la Loi sur la protection des renseignements personnels prévoit
que le commissaire crée ses propres règles de procédures. Une autre
disposition indique que personne n'a le droit d'être en mesure d'entendre ce
que dit l'autre partie. Ces gens n'ont pas le droit d'être dans la pièce
lorsque d'autres personnes passent une entrevue ou un examen. Je crois que la
position de l'Association du Barreau canadien, c'est que le modèle amélioré
d'ombudsman présente un avantage important sur le plan de la flexibilité et
de l'accessibilité[10] ».
M. Gary Dickson |
« En Alberta et
en Colombie-Britannique, par exemple, le processus est nettement plus formel.
Les parties ont davantage l'occasion de prendre connaissance des arguments
présentés par les autres parties. Cela fait manifestement partie de l'équité
procédurale. Ce qui se produit dans le modèle d'ombudsman, c'est que le
bureau d'un commissaire à l'information ou d'un commissaire à la protection
de la vie privée offre une plus grande souplesse. Si une question est
soulevée dans le cadre d'une enquête menée en Alberta ou en
Colombie-Britannique, il faut presque revenir au point de départ. Il faut
écrire une série d'avis, etc., et repartir de zéro. Cela prend plus de temps.
Dans le cadre du modèle d'ombudsman, si une autre question importante est
soulevée au cours de l'enquête, on envoie un avis plus informel à l'organisme
public. On lui donne moins de temps pour fournir des réponses
supplémentaires. On juge que c'est un processus équitable, mais cette équité
procédurale n'est pas aussi rigide que dans le cas d'un tribunal
administratif[11] ».
M. Gary Dickson |
« J'ai acquis de
l'expérience sur les pouvoirs de rendre des ordonnances lorsque je
travaillais en Colombie-Britannique. […] Lorsque des questions étaient
portées en arbitrage, il y avait un mur entre la médiation informelle et
l'arbitrage. Le processus d'ordonnances était plutôt strict par rapport au
processus de recommandations. Les parties étaient généralement représentées
par des avocats. Elles fournissaient les mémoires des témoins. Il y avait des
échanges de mémoires. De façon générale, les audiences se déroulaient presque
exclusivement par voie de mémoires devant un arbitre. En raison de cette
manière de faire, le bureau de la Colombie-Britannique a dû créer un groupe
d'arbitres distinct du reste du personnel qui menait les audiences et
produisait des rapports écrits[12] ».
Mme Catherine Tully |
« Ayant eu
l'expérience de rendre des ordonnances et de formuler des recommandations, je
peux dire sans hésitation que faire une recommandation toute simple n'est pas
un bon modèle. […] Rendre des ordonnances a très bien
fonctionné en Colombie-Britannique [...] Lorsque des
ordonnances sont rendues, les résolutions informelles vont plus vite,
l'organisme public est pris plus au sérieux, les choses traînent moins, les
individus souhaitent davantage s'investir et s'investir plus vite, et ils ont
de meilleures propositions. Si vous ne faites qu'une recommandation à la
fin, il y a un certain degré d'incohérence en termes de qui accepte et qui
n'accepte pas, il est donc difficile de définir une bonne norme pour tous les
organismes publics, car certains souhaitent suivre les recommandations et
d'autres pas. Il est sans aucun doute nécessaire de faire plus. J'aime le
modèle hybride pour une petite administration. Je pense que ça devrait
vraiment marcher. Mon bureau est très petit. Nous ne sommes que sept. Il n'y
a aucun moyen pour que nous ayons des ressources nous permettant d'avoir une
sous-section du règlement distincte, tandis que les bureaux fédéraux sont
grands et probablement plus aptes à absorber cette responsabilité[13] ».
Mme Catherine Tully |
« En
Colombie-Britannique, en vertu du pouvoir d'ordonnance, de la médiation et de
la consultation, le mandat de l'office couvre la promotion des droits sur la
protection des renseignements personnels, l'éducation du public, les conseils
aux organismes publics et aux entreprises, le traitement des plaintes, la
médiation et l'arbitrage indépendant. Ces fonctions sont complémentaires et,
selon moi, sont mieux assurées par une seule entité […] La conduite des
enquêtes et de l'arbitrage par un même bureau procure de nets avantages aux
citoyens. Cela leur assure un guichet unique. Cette clarté et cette commodité
sont importantes. […] Nous n'avons pas remarqué que l'éducation du public ou
les fonctions consultatives confiées à un commissaire risquent de saper la fonction
décisionnelle. Nous prenons les moyens pour protéger l'intégrité du processus
décisionnel. Par exemple, aucun renseignement sur les dossiers d'enquête ou
les tentatives de résolutions officieuses n'est divulgué aux arbitres. […] Le
processus décisionnel renforce notre capacité de résoudre les problèmes grâce
à la médiation. La fonction décisionnelle confère plus de pouvoirs à nos
enquêteurs parce qu'elle sensibilise les parties en les incitant à éviter le
processus décisionnel officiel. Si bien que 90 % des plaintes et des
demandes d'examen que nous recevons se résolvent par la médiation.
[…] Le fait que nous assumons l'éducation du public et donnons des
conseils, en plus de jouir du pouvoir d'enquête, avec la capacité ultime
d'imposer l'observation grâce à notre fonction décisionnelle, nous procure ce
degré d'autorité capable d'influencer le public comme le gouvernement[14] ».
M. Drew McArthur |
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