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FAAE Rapport du Comité

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RENFORCER LE SERVICE CONSULAIRE DU CANADA MAINTENANT ET POUR L’AVENIR

INTRODUCTION

Le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes (le Comité) a procédé à une étude sur la prestation de l’aide consulaire du Canada[1], c’est-à-dire l’aide offerte par le Canada à ses citoyens voyageant ou vivant à l’étranger. Cette étude tombait à point, puisque jamais auparavant un comité parlementaire ne s’était intéressé d’aussi près aux services consulaires du Canada et à son cadre juridique et politique.

Le Comité a consacré plus de 10 heures à l’audition des témoignages d’une multitude de témoins, dont des représentants d’Affaires mondiales Canada (AMC) et de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et des anciens agents consulaires canadiens. Le Comité a aussi recueilli les témoignages de chercheurs et d’experts du domaine consulaire, de défenseurs des droits de la personne et de particuliers concernés à divers degrés par des cas complexes et déterminants relevant des services consulaires. Les réflexions du Comité ont également été nourries par les mémoires que lui ont adressés plusieurs particuliers et organisations[2].

Les lignes qui suivent présentent les conclusions du Comité. Les auteurs situeront d’abord la prestation des services consulaires canadiens dans leur contexte mondial, caractérisé par l’évolution constante des affaires consulaires. Ils traiteront ensuite du cadre politique et juridique de la prestation des services consulaires aux Canadiens et présenteront les opinions des témoins sur la prérogative exercée par la Couronne sur la conduite des affaires consulaires du Canada. Dans la section suivante, il sera question de la politique appliquée par le Canada dans les cas complexes relevant des services consulaires, notamment lors d’enlèvement, lorsque des citoyens canadiens ayant une double nationalité sont en détresse à l’étranger, et lorsque sont menacés les droits fondamentaux de Canadiens détenus à l’étranger. Les dernières sections du rapport seront consacrées à des questions relatives à la gouvernance du Programme des affaires consulaires, à savoir les normes de service, la responsabilisation, la sensibilisation aux services consulaires et la modernisation. Le rapport contient 15 recommandations à l’intention du gouvernement du Canada sur les sujets que nous venons d’énumérer.

MISE EN CONTEXTE DES AFFAIRES CONSULAIRES

Les affaires consulaires forment un domaine vaste et multidimensionnel. Elles mettent en jeu des questions de fond, des instruments juridiques canadiens, étrangers et multilatéraux ainsi que les relations bilatérales du Canada avec d’autres pays. Elles supposent une coordination entre plusieurs ministères et une coopération à l’échelle nationale. Car si Affaires mondiales Canada assure la prestation des services consulaires canadiens, plusieurs autres ministères et organismes fédéraux ont des responsabilités connexes en la matière. Mentionnons à ce titre Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada et Sécurité publique Canada, dont relèvent respectivement l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) et la GRC. Par exemple, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada administre le programme de passeport et la GRC fournit conseils et assistance dans les situations critiques relevant des affaires consulaires, comme lorsque des Canadiens sont enlevés à l’étranger. Quant à l’ASFC, elle fait enquête pour le compte d’agents d’immigration canadiens postés à l’étranger relativement à la délivrance de passeports, entre autres.

Des témoins ont dit au Comité que la prestation d’aide consulaire, quoique déjà complexe, devient de plus en plus difficile. Le nombre de Canadiens qui choisissent de vivre, de travailler, d’étudier et de voyager à l’étranger ne cesse de croître, et ils sont de plus en plus nombreux à voyager ou à s’établir dans des endroits potentiellement dangereux. Les statistiques illustrent la complexité actuelle et croissante, sur le plan de la politique, de la prestation d’aide consulaire aux Canadiens. D’après AMC, quelque 2,8 millions de Canadiens habitent en dehors du Canada[3]. Le Bureau du vérificateur général du Canada (BVG) estime que les Canadiens ont fait approximativement 55 millions de voyages à l’étranger en 2015, ce qui représente une hausse de 21 % par rapport à la décennie précédente[4]. Bien que les États-Unis demeurent le pays étranger le plus fréquenté par les Canadiens, ceux-ci voyagent de plus en plus vers d’autres destinations. Il convient de noter à ce titre qu’en 2017, les Canadiens ont fait 12,8 millions de voyages ailleurs qu’aux États-Unis, un nombre record de 7,2 % supérieur à celui de 2016. En fait, le nombre de Canadiens qui voyagent ailleurs qu’aux États-Unis augmente chaque année depuis le début des années 1990; ils sont en hausse de 153 % comparativement aux 5,1 millions recensés en 1993[5].

Comme les Canadiens voyagent et s’établissent à l’étranger en nombre grandissant, ils encourent des risques et des difficultés désormais plus variés. C’est ce qu’a fait remarquer Alex Neve, secrétaire général d’Amnistie internationale Canada. « [L]e monde est de plus en plus petit, et les affaires, le travail, les études, le travail humanitaire, le journalisme, les visites familiales et les voyages personnels amènent plus de Canadiens à voyager vers un plus grand nombre de destinations, y compris des régions dangereuses du monde, et ce, plus fréquemment[6] », a-t-il déclaré. Heather Jeffrey, sous-ministre adjointe aux services consulaires, à la sécurité et à la gestion des urgences d’AMC, a émis un point de vue semblable, expliquant que « [l]'augmentation du nombre de voyages entraîne un risque accru pour les Canadiens en ce qui concerne les menaces à la sécurité et le terrorisme ». Elle a ajouté :

Les nouvelles menaces à la sécurité que font planer Daech et d’autres entités terroristes et criminelles dans toutes les régions du monde ont eu des répercussions sur les Canadiens en Europe, en Asie, en Afrique et au Moyen-Orient, de Cancún aux Philippines, à Paris et à Barcelone. Les événements tragiques survenus [en octobre 2017] à Las Vegas ont, encore une fois, montré que les Canadiens risquent d’être victimes d’autres formes de violence, même à proximité du pays[7].

Outre les menaces à la sécurité, les témoins ont évoqué plusieurs risques et difficultés touchant les Canadiens voyageant à l’étranger, comme les catastrophes naturelles et les événements météorologiques graves. En allusion à la saison des ouragans qu’a connue l’Atlantique en 2017 – l’une des plus destructrices de l’histoire – les représentants d’AMC ont signalé que « la fréquence et la gravité des événements météorologiques anormaux augmentent[8] ».

L’augmentation du nombre de Canadiens habitant ou voyageant à l’étranger signifie que la clientèle des services consulaires canadiens s’est amplifiée et dispersée géographiquement. Les agents canadiens offrent des services consulaires dans plus de 260 points de service répartis dans 150 pays. En 2017, ils ont traité environ 278 000 cas – 4 % de plus qu’en 2016. D’après AMC, en 2017, la vaste majorité des cas relevant des services consulaires canadiens – près de 98 % – étaient ordinaires ou de nature administrative et ont été résolus rapidement à la mission diplomatique compétente[9]. Dans plus de 80 % des cas, il s’agissait d’une demande de passeport ou de citoyenneté[10]. En revanche, AMC a ouvert en 2017 quelque 6 400 cas complexes concernant des Canadiens qui ont eu besoin d’aide urgente pendant qu’ils voyageaient ou résidaient à l’étranger[11].

Selon Gar Pardy, ancien diplomate canadien et directeur général des affaires consulaires du Canada, il ne faut pas croire que le « contexte international de plus en plus inhospitalier » fera pour autant diminuer l’ardeur des voyageurs canadiens[12]. En effet, lui et plusieurs autres témoins ont indiqué que le nombre de Canadiens voyageant ou habitant à l’étranger allait selon toute probabilité continuer d’augmenter, tout comme la demande en services consulaires. Comme l’ont souligné les témoins tout au long de l’étude du Comité, le Canada doit se doter des outils et des ressources nécessaires pour gérer la demande et les attentes croissantes à l’égard des services consulaires au cours des années à venir.

LE CADRE POLITIQUE ET JURIDIQUE DES SERVICES CONSULAIRES CANADIENS

Cela fait plus de 50 ans que la Convention de Vienne sur les relations consulaires (Convention de Vienne) a été adoptée à la Conférence des Nations Unies sur les relations consulaires, tenue en Autriche[13]. Elle régit les relations entre les agents consulaires et leurs citoyens à l’étranger. Elle protège et concilie avec les garanties minimales offertes en droit international les droits des ressortissants étrangers qui sont assujettis à la loi du pays où ils se trouvent.

La Convention de Vienne – à laquelle le Canada a adhéré en 1974 – donne sa structure au cadre juridique international permettant aux citoyens canadiens d’obtenir des services consulaires[14]. Au Canada, la Loi sur le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement confère au ministre des Affaires étrangères la responsabilité de diriger et de gérer les affaires consulaires. L’alinéa 10(2)a) de cette loi s’énonce de la manière suivante : « Dans le cadre des attributions que lui confère la présente loi, le ministre dirige les relations diplomatiques et consulaires du Canada[15]. » La loi prévoit également que le ministre est chargé de gérer les missions diplomatiques et consulaires du Canada et de coordonner les orientations données par le gouvernement du Canada aux chefs des missions diplomatiques et consulaires.

Malgré les attributions conférées au ministre des Affaires étrangères, aucune loi canadienne n’oblige le gouvernement du Canada à offrir des services consulaires à un Canadien. En effet, en vertu de la prérogative qu’exerce la Couronne sur les affaires étrangères, le gouvernement du Canada a le pouvoir, mais pas l’obligation, de fournir des services consulaires. La prérogative de la Couronne s’entend du pouvoir de l’organe exécutif de l’État d’agir à sa discrétion en l’absence de contrainte ou d’obligation découlant de la Constitution ou d’une loi fédérale. Les affaires étrangères, qui comprennent les affaires consulaires, sont depuis toujours l’apanage de l’organe exécutif de l’État conformément à la prérogative de la Couronne.

A.  La consécration en droit canadien du droit à des services consulaires

Lors des audiences du Comité, il a été longuement question de la prérogative de la Couronne sur les affaires consulaires. Au cours de son étude, le Comité a recueilli de multiples opinions sur l’application de cette prérogative à la prestation d’aide consulaire. Les témoins ont recensé les forces et faiblesses de ce régime juridique et ont suggéré des modifications à la politique consulaire du Canada.

De façon générale, le principal argument avancé par les témoins contre l’application de la prérogative de la Couronne aux affaires consulaires a trait au caractère équitable des services. Plusieurs ont fait valoir que l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire sur les affaires consulaires en vertu de cette prérogative peut donner lieu à de la discrimination. Gar Pardy a résumé ainsi cet argument :

[P]uisqu'il n’y a rien d’enchâssé dans les lois canadiennes, le gouvernement au pouvoir peut décider qui reçoit de l’aide ou pas. Il va sans dire qu’un tel pouvoir discrétionnaire appartenant au gouvernement a, à l’occasion, mené à de la discrimination, ce qui a entraîné des conséquences graves pour les Canadiens concernés[16].

Cette possibilité que la prérogative de la Couronne donne lieu à de la discrimination ou à une prestation inéquitable des services consulaires a incité des membres de la société civile à proposer des modifications au cadre juridique régissant ces services au Canada. L’un des plus ardents militants en la matière est Mohamed Fahmy, cofondateur de la Fondation Fahmy. Ce journaliste canadien d’origine égyptienne a été arrêté à tort en Égypte en décembre 2013 et détenu durant 14 mois.

Lorsqu’il a témoigné devant le Comité, M. Fahmy a parlé de la détention du point de vue de celui qui l’a vécue. « J’ai fait face à des accusations inventées de toutes pièces selon lesquelles j’appartenais aux Frères musulmans [un groupe désigné par l’Égypte comme étant une organisation terroriste] et que j’avais inventé des nouvelles pour servir leur programme[17] », a-t-il expliqué. Pendant sa détention, il a passé plusieurs mois dans une prison à sécurité maximale où il a été placé en isolement cellulaire. Souffrant d’une fracture à l’épaule, il a dû attendre sept mois son transfert à l’hôpital pour être opéré. « [I]l est devenu rapidement évident que l’affaire était complexe sur le plan politique et fondée sur un règlement de compte géopolitique entre pouvoirs régionaux[18] », a‑t‑il ajouté.

« Je suis très reconnaissant de l’intervention de l’équipe consulaire canadienne, à l’époque, qui m’a rendu visite dans mon lieu de détention et qui a communiqué avec ma famille », a dit M. Fahmy au Comité. L’ambassade du Canada au Caire est aussi intervenue tôt – quoique sans succès – pour le faire transférer dans un hôpital où l’on aurait traité sa fracture à l’épaule. Selon M. Fahmy, ces efforts n’étaient pas des démarches officielles comme celles que peuvent entreprendre les instances supérieures de l’État. Il a décrit l’inquiétude ressentie par lui et les autres prisonniers de ne pas savoir si le gouvernement du Canada leur fournirait une aide consulaire. « De nombreux observateurs ont été critiques à l’égard du processus d’intervention durant mon affaire, car certains estimaient qu’il y avait de la discrimination dans le degré de soutien consulaire que je recevais, comparativement à d’autres cas survenus dans le passé[19] », a-t-il expliqué au Comité.

Mohamed Fahmy n’a pas été le seul à évoquer la différence entre les efforts des agents consulaires sur place et les démarches officielles des instances supérieures de l’État. Bien qu’ils aient salué le travail des agents consulaires aux missions diplomatiques du Canada dans le monde, certains témoins ont néanmoins réclamé une plus grande intervention des instances supérieures, notamment politiques, à Ottawa dans les cas complexes relevant des affaires consulaires. Ils ont dit au Comité qu’une telle intervention est particulièrement importante dans les situations où les Canadiens sont détenus dans des pays qui n’ont pas les mêmes normes que le Canada en matière de droit et de justice.

Après sa libération, M. Fahmy a fait équipe avec Amnistie internationale Canada et plusieurs autres organisations et particuliers pour rédiger un document qu’ils ont intitulé « Charte de protection ». Celle-ci contient 12 recommandations, dont la première demande au gouvernement du Canada d’« enchâsser le droit à l’aide consulaire et au traitement égal dans le droit canadien[20] ». Les auteurs de la Charte déclarent : « [D]es perceptions croissantes ces dernières années, qu’elles soient justes ou non, laissent croire que certains Canadiens subissant des violations de leurs droits fondamentaux à l’étranger reçoivent une aide consulaire plus importante, plus rapide et de plus haut niveau de la part du gouvernement. Cela génère un sentiment de discrimination dans cette approche de "deux poids deux mesures". Le droit canadien devrait être clair à l’effet que tous les Canadiens doivent être traités équitablement en ce qui a trait à l’aide consulaire[21]. »

Lors de son témoignage devant le Comité, M. Fahmy a évoqué la crainte de l’arbitraire ou de la prestation sélective de services consulaires. Il a dit :

Que ce soit vrai ou faux, je crois que cette perception et cette incertitude – et la peur que j’ai ressentie –, que vivent certainement un grand nombre des centaines de Canadiens détenus à l’étranger aujourd’hui, peuvent être éliminées par la mise en place d’une loi qui obligerait le gouvernement à suivre des lignes directrices précises en matière d’intervention afin que la situation ne soit pas laissée à la discrétion du ministre des Affaires étrangères.
L’incertitude et la peur sont le cauchemar de tous les prisonniers. Le gouvernement va-t-il se battre assez fort pour moi? Suis-je à l’ordre du jour du prochain voyage? Une loi mettrait fin à ce dilemme et permettrait à tous les dirigeants canadiens de passer à l’action et les soulagerait du fardeau de la paperasserie et de toute préoccupation d’ordre politique liée à l’affaire en question[22].

Mark Warren, chercheur en droits de la personne, a dit au Comité que de nombreux pays conçoivent la prestation de services consulaires comme une obligation qui leur incombe en droit plutôt que comme une prérogative discrétionnaire. D’après ses travaux de recherche, au moins 45 pays ont édicté des lois prévoyant l’obligation impérative des services consulaires de protéger tous les citoyens se trouvant à l’étranger[23]. Il a indiqué par exemple que les consulats du Mexique sont tenus par la loi de contester systématiquement les violations des droits et les mauvais traitements infligés à leurs citoyens par des autorités étrangères. Selon M. Warren, les nombreux exemples de pays ayant édicté de telles lois font naître la question suivante :

[L]es Canadiens méritent-ils moins une obligation juridiquement contraignante concernant la protection de leurs droits à l’étranger que les citoyens du Mexique, des États-Unis ou de la Chine? Assurément, nous méritons tous mieux de la part de notre gouvernement qu’une protection sélective fondée sur les lignes directrices d’une politique vague et changeante qui n’ont aucune valeur juridique[24].

« Une mesure législative est la meilleure façon de garantir des services consulaires cohérents et efficaces pour toutes les personnes qui nécessitent le plus cette aide », a poursuivi M. Warren. « J’avancerais que toute mesure plus timide menace de réduire les Canadiens au rang de citoyens du monde de deuxième ordre[25]. »

B.  Les limites de la prérogative de la Couronne

Bien que le gouvernement du Canada exerce un pouvoir discrétionnaire sur les affaires consulaires, il convient de noter que la prérogative de la Couronne n’est pas sans bornes, puisqu’elle est assujettie aux limites fixées par la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte) et aux obligations du Canada au titre de la Convention de Vienne sur les relations consulaires. D’ailleurs, depuis quelques années, plusieurs décisions judiciaires ont affirmé que l’organe exécutif de l’État canadien n’est pas dispensé du contrôle de la constitutionnalité dans l’exercice de la prérogative de la Couronne sur les affaires consulaires.

L’arrêt Canada (Premier ministre) c. Khadr en est un important exemple. En 2010, la Cour suprême du Canada a rendu une décision dans l’affaire d’Omar Khadr, un citoyen canadien qui était détenu dans la prison militaire américaine de Guantanamo, à Cuba, au motif qu’il avait commis des crimes de guerre en Afghanistan. Bien que la Cour ait conclu que le Canada avait « activement participé à un processus contraire aux obligations internationales qui lui incombent en matière de droits de la personne et a[vait] contribué à la détention continue de [M. Khadr], de telle sorte qu’il a[vait] porté atteinte aux droits à la liberté et à la sécurité de sa personne », elle n’a pas ordonné au gouvernement de demander le rapatriement réclamé par M. Khadr. Au lieu de cela, la Cour a déclaré que « la réparation appropriée, en l’espèce, consist[ait] à déclarer que les droits de [M. Khadr] garantis par la Charte [avaient] été violés, et à laisser au gouvernement le soin de décider de quelle manière il convien[drai]t de répondre à la lumière de l’information dont il dispos[ait alors], de sa responsabilité en matière d’affaires étrangères et de la Charte[26] ».

Cette décision confirmait la prérogative de la Couronne sur les affaires étrangères, mais soulignait aussi que les tribunaux ont la compétence et le devoir de déterminer si l’exercice de cette prérogative porte atteinte à la Charte ou à d’autres normes constitutionnelles. La Cour a déclaré : « Les tribunaux ont compétence, et sont tenus d’exercer cette compétence, pour déterminer si la prérogative invoquée par la Couronne existe véritablement et, dans l’affirmative, pour décider si son exercice contrevient à la Charte ou à d’autres normes constitutionnelles. Lorsque cela s’avère nécessaire, les tribunaux ont aussi compétence pour donner à la branche exécutive du gouvernement des directives spécifiques[27]. » La Cour a aussi déclaré dans cette décision que le devoir des tribunaux de statuer sur l’exercice de cette prérogative par la Couronne va de pair avec le fait que tous les pouvoirs de l’État doivent être mis en action dans le respect de la Constitution[28].

Outres les limites qu’impose le droit à l’exercice de la prérogative de la Couronne sur les affaires consulaires, les représentants d’AMC ont indiqué clairement dans leurs témoignages que la politique du gouvernement consiste à fournir des services consulaires aux Canadiens aussi souvent que possible. Selon Mme Jeffrey, les agents consulaires font tout ce qu’ils peuvent et utilisent tous les moyens à leur disposition pour fournir des services consulaires aux Canadiens à l’étranger. Elle a expliqué :

Bien que la prestation de services consulaires soit une prérogative de la Couronne, nous respectons la politique gouvernementale qui nous demande de faire de notre mieux pour aider tous les Canadiens, où qu’ils se trouvent. Nous prenons cette politique très au sérieux. Il nous arrive de ne pas pouvoir le faire dans les cas de catastrophes naturelles, de situations d’urgence ou dans les zones de combat. Toutefois, nous faisons d’énormes efforts pour intervenir directement le plus rapidement possible[29].

De l’avis de Mme Jeffrey, légiférer la prestation des services consulaires « ne se traduirait pas par un renforcement [des] efforts ». Elle a en outre déclaré : « Le fait de jouir de la prérogative de la Couronne nous permet de faire preuve de souplesse dans le choix des moyens et des mécanismes à mettre en œuvre dans chaque cas particulier, mais, concernant le niveau global de service, nous avons toujours eu pour politique de tout mettre en œuvre pour venir en aide aux Canadiens[30]. »

L’idée selon laquelle la prérogative de la Couronne confère au gouvernement du Canada une certaine souplesse dans la prestation de services consulaires a été reprise plusieurs fois par les représentants d’AMC. Cette souplesse est nécessaire, selon Mme Jeffrey, parce qu’elle permet aux agents consulaires d’adapter leur réponse en fonction de l’endroit et de la situation. Elle a dit :

Nous suivons des lignes directrices et des politiques sur tous les cas d’aide que nous offrons, mais chaque cas diffère en fonction du contexte. Certaines tactiques réussissent dans certains contextes et non dans d’autres. Il est parfois plus efficace d’intervenir publiquement. Dans d’autres situations, nous sommes obligés d’intervenir dans les coulisses pour ne pas nuire à notre client.
Il n’y a pas de solution magique. Tout dépend des circonstances locales. Ne pensez pas pour autant que nous fournissons différents niveaux de service à nos clients[31].

Patricia Fortier, membre de l’Institut canadien des affaires mondiales et ancienne sous‑ministre adjointe aux services consulaires, à la sécurité et à la gestion des urgences d’AMC, a également affirmé l’importance de pouvoir agir avec souplesse dans les cas relevant des affaires consulaires. « [L]es situations consulaires sont aussi diversifiées que les gens concernés », a-t-elle précisé, ajoutant qu’une mesure législative risquerait, à cause des formalités qui l’accompagneraient inévitablement, de retarder la gestion des cas et la prestation d’aide[32]. « Les services consulaires qu’offre le Canada à ses clients sont constamment parmi les meilleurs au monde, même lorsque nous les comparons aux services offerts par des pays qui ont une loi en la matière », a en outre déclaré Mme Fortier.

C.  Renforcer le cadre consulaire du Canada

Le Comité a recueilli des arguments pour et contre l’idée d’adopter une loi garantissant la prestation de services consulaires. De récentes décisions judiciaires ont fait ressortir les forces et les faiblesses du régime actuel. D’une part, elles ont confirmé que la prérogative de la Couronne n’est pas sans bornes : l’organe exécutif de l’État n’échappe pas au contrôle de la constitutionnalité dans l’exercice de ses pouvoirs. Autrement dit, les cas relevant des affaires consulaires engagent les droits reconnus aux Canadiens par la Charte, et le gouvernement du Canada a le devoir de protéger ces droits. D’autre part, définir les droits des Canadiens à des services consulaires par de longs procès coûteux et générateurs de stress n’est ni souhaitable ni efficace.

Le Comité estime que le gouvernement du Canada doit disposer d’une certaine souplesse lorsqu’il répond à des cas complexes relevant des affaires consulaires. Comme l’ont fait remarquer les représentants ministériels, chaque situation est unique et appelle des moyens tout aussi uniques. Toute mesure législative régissant la prestation de services consulaires devra impérativement établir une distinction entre les différents types de cas et permettre au gouvernement du Canada de continuer d’adapter ses réponses à chaque situation. Elle devra garantir la prestation d’une aide en cas de besoin sans toutefois obliger le gouvernement à agir dans les situations où une intervention serait inappropriée ou inutile, voire contre-productive. Le Comité doute qu’il soit possible d’y parvenir autrement qu’en préservant le pouvoir discrétionnaire du gouvernement. En fait, une mesure législative bien intentionnée pourrait empirer les choses en multipliant les litiges dans ce domaine sans toutefois modifier substantivement les actions du gouvernement.

Néanmoins, le Comité croit fermement que l’équité dans la prestation des services est essentielle. Bien que les tribunaux aient largement contribué ces dernières années à affirmer les droits des Canadiens dans les cas complexes relevant des affaires consulaires, des inquiétudes subsistent quant à l’équité des services offerts dans de telles situations. Ces inquiétudes doivent être apaisées.

Recommandation 1

Le gouvernement du Canada devrait continuer d’examiner le cadre politique et juridique des services consulaires en vue de s’assurer que les Canadiens ne subissent pas de discrimination ou de traitement arbitraire lors de la prestation des services consulaires.

LES CAS COMPLEXES RELEVANT DES AFFAIRES CONSULAIRES

Comme nous l’avons vu plus haut, les incidents ou situations pouvant être qualifiés de « complexes » ne représentent qu’une infime partie des cas traités par les agents consulaires canadiens. En effet, selon AMC, près de 98 % des cas relevant des affaires consulaires en 2017 étaient des dossiers ordinaires et pour la plupart de nature administrative (passeports perdus, dispositions relatives à des soins médicaux, etc.). Les autres cas, dits « complexes », sont ceux de Canadiens voyageant ou résidant à l’étranger qui ont besoin d’aide urgente[33]. Ces cas suscitent bien entendu une grande attention en raison de leur gravité. Il peut s’agir par exemple d’un Canadien illégalement détenu ou emprisonné à l’étranger ou d’un Canadien victime ou susceptible d’être victime de violations des droits de la personne. Lorsqu’un Canadien ayant une double nationalité est détenu dans l’autre pays dont il est également citoyen, le degré de complexité augmente encore en raison des risques particuliers que comporte une telle situation.

Bien qu’ils demeurent rares par rapport au volume total de cas traités, les cas complexes croissent en nombre depuis quelques années[34]. « Nous comptons [à AMC] davantage de cas dont le règlement exige plus de temps et dans lesquels il faut investir une plus grande attention[35]», a indiqué Mme Jeffrey. Elle a fait état en particulier d’une hausse considérable du nombre de cas de nature familiale, incluant ceux impliquant la garde ou l’enlèvement d’un enfant. D’un point de vue géographique, les témoins ont expliqué que les cas complexes sont plus fréquents dans les pays où les régimes juridique et politique sont fragiles et considérablement différents de ceux du Canada, ainsi que dans les endroits où d’importants problèmes de sécurité rendent l’accès des agents consulaires plus difficile.

Dans les lignes qui suivent, il sera question de la politique appliquée par le Canada dans les cas complexes relevant des affaires consulaires. Seront traités en particulier les trois types de cas, à savoir les Canadiens enlevés contre rançon à l’étranger, les Canadiens ayant une double nationalité en situation de détresse dans un pays dont ils sont également citoyens, et les Canadiens victimes ou susceptibles d’être victimes de torture, de mauvais traitements ou d’autres violations des droits de la personne à l’étranger.

A.  Les enlèvements contre rançon

Le Comité a appris l’existence d’un sous-ensemble de cas complexes appelés « incidents critiques », qui rassemble certaines des situations les plus difficiles impliquant des Canadiens à l’étranger. Comme l’a expliqué Mark Gwozdecky, sous-ministre adjoint à la sécurité internationale et aux affaires politiques à AMC : « Il s’agit de personnes qui ont été enlevées par des organisations terroristes ou des organisations affiliées à des organisations terroristes, qui cherchent non seulement à obtenir des concessions de la famille, mais qui veulent aussi rançonner le gouvernement du Canada et lui arracher des concessions, et qui ont donc des répercussions sur la sécurité nationale[36]. »

Affaires mondiales Canada pilote la réponse du Canada aux incidents critiques. Pour ce faire, le Ministère coordonne un groupe de travail interministériel, qui « table sur les efforts concertés des acteurs des sphères de la diplomatie, du maintien de l’ordre, du renseignement et des activités militaires[37] ». Les témoins ont dit au Comité que chaque incident critique est unique, tout comme la réponse qu’il convient de lui apporter. D’après AMC, le gouvernement dispose de divers outils en cas d’incident critique. Il peut exercer des pressions diplomatiques, solliciter l’aide d’équipes de sauvetage d’otages de pays d’optique commune ou encore déployer des ressources militaires ou antiterroristes.

Les représentants d’AMC ont dit au Comité que le Ministère examine soigneusement chaque situation de prise d’otage par des terroristes et tient compte également des enseignements tirés des incidents passés. Selon David Drake, directeur général de la Direction générale du contre-terrorisme, de la criminalité et du renseignement d’AMC, « les prises d’otage par des terroristes exigent le recours à des outils différents, de même qu’à une expertise et à des compétences spécialisées en raison de leur incidence sur la sécurité nationale ». Signalant l’absence de document public sur la marche suivie par le gouvernement en cas de prise d’otage par des terroristes, M. Gwozdecky a toutefois révélé l’un des grands principes dictant l’intervention du groupe de travail interministériel en pareille situation :

Nous essayons de concentrer nos efforts sur les mesures qui, d’une part, conviendraient idéalement et seraient plus susceptibles de mener à la libération sécuritaire de l’individu, mais également sans rien provoquer qui puisse mettre en péril la sécurité de cet individu ou qui augmenterait la probabilité que des Canadiens soient enlevés et confrontés à ce genre de situation à l’avenir[38].

En mars 2018, les représentants d’AMC ont informé le Comité que, pour la première fois depuis 2007, le Ministère ne gérait aucun cas actif de prise d’otage par des terroristes[39]. Depuis 2005, le gouvernement du Canada a répondu à 20 incidents critiques[40].

1.   Le paiement de rançons et la politique du gouvernement du Canada en cas d’enlèvement

L’une des réponses explicitement proscrites par le gouvernement du Canada lorsque des Canadiens sont pris en otages par des terroristes à l’étranger est le paiement de la rançon exigée. Cette politique repose sur la logique selon laquelle le paiement de rançons aurait pour effet de récompenser, de faire subsister et d’encourager les groupes terroristes et de rendre les citoyens des pays qui obtempèrent encore plus vulnérables aux enlèvements. La politique de non-paiement des rançons a été réitérée ces dernières années par le G7 et le Conseil de sécurité des Nations Unies et d’autres organisations internationales[41]. Cependant, des témoins ont informé le Comité que des rançons sont parfois payées par des gouvernements, des entreprises ou des proches des victimes[42].

En septembre 2017, l’honorable Chrystia Freeland, ministre des Affaires étrangères, a réitéré la politique de non-paiement des rançons en réponse à une pétition présentée au Parlement. Elle a écrit :

Le Canada suit depuis longtemps une politique contre le versement de rançons. Le gouvernement du Canada maintient fermement sa volonté de refuser de fournir aux terroristes les ressources dont ils ont besoin pour perpétrer des attaques contre le Canada et ses alliés et partenaires. En outre, le versement d’une rançon ou d’une concession pourrait encourager les groupes terroristes à recourir davantage à la prise d’otages, ce qui augmenterait les risques pour les Canadiens voyageant et travaillant à l’étranger et mettrait en danger la vie de chacun des millions de Canadiens partout dans le monde[43].

La politique consistant à ne payer aucune rançon et à n’accorder aucune concession aux groupes terroristes a en outre été confirmée par les représentants d’AMC lors de leurs témoignages devant le Comité en octobre 2017 et en mars 2018[44].

Lors des audiences du Comité, plusieurs témoins ont affirmé que le Canada doit revoir la politique appliquée dans les cas d’enlèvement par des groupes terroristes à l’étranger. Par exemple, sans nécessairement préconiser le paiement de rançons, Gar Pardy a affirmé qu’une plus grande souplesse pourrait faciliter les négociations par l’entremise d’intermédiaires et ainsi mener à la libération d’otages[45]. « [L]a rançon n'est pas le problème dans tous ces types de choses; c'est le processus avec lequel le gouvernement s'organise et se fixe l'objectif de sauver la vie d'un de ses citoyens », a-t-il expliqué en évoquant les résultats de travaux de recherche à ce sujet[46]. « Essentiellement, l'élément clé du processus est de ne pas parler publiquement de ce qui se passe. C'est la dernière chose à faire, car cela aggrave la situation plus qu'autrement. » M. Pardy indique en outre dans un mémoire qu’il a rédigé que le Canada doit envisager l’adoption d’une politique plus souple qui mettrait la vie des victimes au premier plan[47].

Daniel Livermore, agrégé supérieur à l’École supérieure d’affaires publiques et internationales de l’Université d’Ottawa, a lui aussi défendu l’idée selon laquelle le gouvernement du Canada doit faire preuve de souplesse lorsque des Canadiens sont enlevés à l’étranger. Selon lui, les représentants diplomatiques du Canada doivent avoir plus de latitude pour établir « toute une gamme de contacts à l’étranger », y compris avec des organisations ou des groupes pouvant être impliqués dans les enlèvements[48]. Ces contacts, qui seraient autorisés par le gouvernement canadien et suivis de près par AMC, pourraient s’avérer précieux advenant une situation difficile tel un enlèvement à l’étranger. « [D]ans un monde rude […], il est tout simplement naïf et contre-productif de n’avoir aucun contact, et surtout de n’avoir aucun moyen d’entrer en contact[49] », a écrit M. Livermore.

La politique du Canada de ne pas payer de rançon a fait l’objet de critiques de la part de certains témoins citant l’absence de preuve pour étayer l’hypothèse selon laquelle les victimes d’enlèvement seraient ciblées en raison de leur nationalité. Plusieurs témoins ont indiqué que les auteurs d’enlèvement ne ciblent pas des nationalités en particulier, mais saisissent plutôt les occasions opportunes. Dans le même ordre d’idée, des témoins ont signalé l’absence de preuve liant le non-paiement de rançons à une probabilité moindre d’enlèvements futurs, et vice-versa. « Il est très difficile de démontrer que le paiement de rançons facilite la prise d’otages[50] », a affirmé à ce sujet Mark Gwozdecky d’Affaires mondiales Canada. Il a toutefois ajouté : « [M]ais il existe tout un ensemble de récits anecdotiques laissant entendre que, chaque fois qu’on enrichit un groupe en lui versant une rançon, on lui donne les moyens de continuer ses exactions. C’est donc la politique du gouvernement du Canada de ne pas le faire. »

Cela montre bien la difficulté de définir la meilleure marche à suivre lorsqu’un Canadien est enlevé à l’étranger. Comme l’ont fait remarquer les témoins, les situations de prise d’otage par des terroristes sont certes parmi les cas les plus complexes et les plus difficiles du domaine consulaire. Bien que chaque cas d’enlèvement soit unique et appelle une stratégie unique, l’objectif fondamental de la politique canadienne en pareille situation demeure le même : garantir la sûreté et la sécurité de tous les Canadiens.

Recommandation 2

Le gouvernement du Canada devrait veiller à ce que la politique canadienne sur les enlèvements soit toujours guidée par un objectif fondamental : garantir la sûreté et la sécurité de tous les Canadiens.

2.   Le paiement d’une rançon : un acte criminel en droit canadien

L’une des principales parties au groupe de travail interministériel sur les incidents critiques est la GRC. Elle y joue un rôle d’enquêteur consistant à rassembler et à étayer des preuves qui pourraient permettre de déposer des accusations contre les auteurs d’enlèvement et de les traduire en justice. De concert avec AMC, la GRC offre également un soutien aux victimes d’enlèvement par l’entremise d’agents de liaison avec la famille. James Malizia, commissaire adjoint à la sécurité nationale et à la police de protection à la GRC, a décrit le rôle de ces agents de liaison lors de son témoignage devant le Comité :

Leur rôle est de tenir les membres de la famille aussi informés que possible sur la situation et sur les efforts que le gouvernement du Canada déploie pour obtenir la libération de leurs êtres chers.
Les agents de liaison avec les familles et les enquêteurs doivent aussi aider les familles des victimes au fil des différentes étapes de l’enquête, entre autres, la collecte des éléments de preuve qui peuvent être nécessaires pour faire avancer l’enquête et étayer une éventuelle poursuite. Les efforts de ces agents de liaison se poursuivent longtemps après la conclusion de la prise d’otages puisque les victimes et les membres de leur famille peuvent aussi être appelés à revivre ce qu’ils ont vécu devant les tribunaux[51].

La contribution de la GRC dans l’affaire Amanda Lindhout a été évoquée plusieurs fois au cours de l’étude du Comité. Mme Lindhout a été enlevée en août 2008 – en même temps que Nigel Brennan, un photographe australien – par des extrémistes islamiques près de Mogadiscio, en Somalie, où elle travaillait comme journaliste pigiste. Elle a passé 460 jours en détention, durant lesquels elle a été privée de nourriture, battue et agressée sexuellement. Mme Lindhout et M. Brennan ont été libérés en novembre 2009 après qu’une rançon a été versée par des particuliers[52].

La GRC a participé aux efforts visant à faire libérer Mme Lindhout et à arrêter les auteurs de l’enlèvement. Des agents ont loué une maison à Sylvan Lake (Alberta), où habitait la mère de Mme Lindhout, Lorinda Stewart, pour conseiller cette dernière durant les négociations[53]. Après la libération de Mme Lindhout, la GRC a amorcé une opération de plusieurs années ayant mené à l’arrestation d’un suspect. En juin 2015, Ali Omar Ader, un ressortissant somalien, a été arrêté à Ottawa et accusé de prise d’otages pour avoir tenu le rôle de négociateur dans l’enlèvement de Mme Lindhout. M. Ader avait été attiré au Canada par la GRC sous prétexte d’une entente sur la publication d’un livre sur l’histoire de la Somalie. Le 6 décembre 2017, la Cour supérieure de l’Ontario a déclaré M. Ader coupable de prise d’otages[54].

Malgré l’arrestation et la condamnation de M. Ader, la GRC et le gouvernement du Canada ont été critiqués pour la manière dont ils ont géré certains aspects de l’affaire. Mme Stewart, par exemple, a affirmé que le gouvernement du Canada ne l’avait pas pleinement informée de ce qui se passait durant la détention de sa fille. Elle a aussi déclaré que l’insistance de la GRC pour contrôler les négociations avec les preneurs d’otages avait peut-être retardé inutilement la libération de Mme Lindhout[55].

Mme Stewart a en outre indiqué que la GRC l’avait avertie que le paiement d’une rançon constituait un acte criminel. Plus précisément, il s’agit d’une infraction à l’article 83.03 du Code criminel[56], qui porte sur le financement du terrorisme. En voici le libellé :

83.03 Est coupable d’un acte criminel passible d’un emprisonnement maximal de dix ans quiconque, directement ou non, réunit des biens ou fournit – ou invite une autre personne à le faire – ou rend disponibles des biens ou des services financiers ou connexes :
a) soit dans l’intention de les voir utiliser – ou en sachant qu’ils seront utilisés –, en tout ou en partie, pour une activité terroriste, pour faciliter une telle activité ou pour en faire bénéficier une personne qui se livre à une telle activité ou la facilite;
b) soit en sachant qu’ils seront utilisés, en tout ou en partie, par un groupe terroriste ou qu’ils bénéficieront, en tout ou en partie, à celui-ci[57].

Lors de son témoignage devant le Comité, M. Malizia a expliqué que, lorsqu’elle intervient auprès des proches de victimes d’enlèvement, la GRC « leur expliqu[e] évidemment les infractions criminelles qui pourraient être déposées selon ce qu’il se passe dans le dossier[58] ». Selon M. Malizia, ce type de mise en garde vise surtout à faire comprendre aux proches « les risques qui vont de pair avec ce genre de négociation et les conséquences qu’elles auront sur la sécurité de l’otage ». En revanche, a-t-il affirmé, la GRC assure toujours aux proches qu’ils ne seront pas poursuivis en droit pénal pour avoir payé une rançon. Il a dit :

Sachez que nous leur indiquons très clairement que pour nous, il n’est pas et n’a jamais été de l’intérêt public de déposer des accusations criminelles concernant le financement ou la facilitation du terrorisme contre les membres de la famille, et que jamais nous n’avons mené d’enquête ou envisagé de déposer des accusations contre eux[59].

À l’occasion d’un témoignage livré au Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, M. Malizia a expliqué plus en détail le type de garanties que donne le gouvernement aux particuliers et aux organisations qui négocient avec des groupes terroristes. Il a alors affirmé que des lettres d’accord sont remises aux firmes négociant avec des preneurs d’otage pour leur assurer qu’aucune action en justice pénale ne sera intentée contre elles[60].

Bien que les données confirment que le Canada n’a jamais poursuivi les proches, l’employeur ou l’assureur d’un ressortissant canadien enlevé à l’étranger pour avoir payé une rançon, certains déplorent que la loi plonge les familles des victimes dans l’incertitude quant aux conséquences judiciaires auxquelles elles s’exposent[61]. Aux États‑Unis, par suite des protestations de familles de victimes partageant ces mêmes inquiétudes, la politique relative aux Américains pris en otages à l’étranger a été modifiée. Ainsi, en 2015, le président Obama a annoncé que le gouvernement des États‑Unis refusait toujours de payer des rançons, mais qu’il serait désormais disposé à communiquer et à négocier avec les preneurs d’otage et qu’il n’empêcherait pas les familles de payer des rançons si elles sont en mesure de le faire. Auparavant, les familles ayant payé des rançons aux États-Unis étaient passibles d’accusations pénales[62].

Il ne fait aucun doute pour le Comité que les familles continueront de payer des rançons malgré l’article 83.03 du Code criminel. De le reconnaître ne traduit pas un manque de détermination à contrer le terrorisme ou le financement du terrorisme; c’est simplement admettre que les proches de victimes d’enlèvement tenteront tout pour les faire libérer. Le Comité croit fermement que les proches de victimes d’enlèvement ne doivent pas au surplus craindre d’être accusés d’un acte criminel pour avoir pacifiquement tenté de faire libérer un être cher. Bien qu’utiles, les mesures prises par la GRC pour rassurer les familles – p. ex. les lettres garantissant qu’aucune accusation ne sera portée – ne sont pas suffisantes. Le Comité estime que le gouvernement du Canada doit offrir une plus grande certitude juridique aux Canadiens à cet égard.

Recommandation 3

Le gouvernement du Canada devrait examiner l’article 83.03 du Code criminel afin de préciser que les Canadiens qui tentent pacifiquement de faire libérer une victime d’enlèvement, y compris en versant une rançon, ne sont passibles d’aucune peine.

3.   Soutenir les victimes d’enlèvement

Autre sujet soulevé par les témoins relativement aux enlèvements : la nécessité de soutenir les victimes et leurs proches durant et après l’incident. Lors des audiences, il a été question de cas où des personnes ont senti que le gouvernement du Canada ne les informait pas pleinement de la situation de leur proche pris en otage à l’étranger. De plus, des témoins ont déploré le manque de soutien en matière de santé mentale offert aux victimes après leur libération.

En ce qui a trait aux communications, des témoins se sont dits préoccupés par le peu d’informations transmises par le gouvernement du Canada aux familles des Canadiens faisant l’objet de cas complexes relevant des affaires consulaires ou à leur avocat. Par exemple, Gary Caroline, président du Ofelas Group, a affirmé que les agents consulaires entretiennent « presque universellement [le] secret » autour de leur travail. Selon lui, cette attitude les rend « peu enclins à expliquer les efforts déployés et [fait en sorte qu’ils] évoquent à tort les lois sur la protection des renseignements personnels pour justifier la non-divulgation de renseignements cruciaux aux membres de la famille et aux avocats[63] ». Dean Peroff, avocat à la Peroff Professional Corporation, partage cet avis et il a signalé que les considérations en matière de protection des renseignements personnels peuvent être employées comme « couverture[64] » pour éviter de communiquer des renseignements aux avocats des personnes mêlées à des cas complexes relevant des affaires consulaires.

Pour ce qui est de l’échange de renseignements, Mme Jeffrey a déclaré au Comité qu’Affaires mondiales Canada prend « très au sérieux » les responsabilités qui lui incombent au titre de la Loi sur la protection des renseignements personnels et ne divulguera pas de renseignements « sur les dossiers ou la situation d’individus[65] » sans leur consentement. « Cela inclut la divulgation de renseignements à des membres de la famille et, dans certains cas, à leurs avocats. Dans la [Loi sur la protection des renseignements personnels], la notion de consentement du client est d’une importance capitale, et c’est ce que nous respectons », a‑t‑elle ajouté. Le Comité a appris que les agents consulaires tentent toujours d’obtenir le consentement des personnes mêlées à des cas complexes relevant des affaires consulaires, y compris celles qui sont détenues à l’étranger. Les représentants d’AMC ont toutefois indiqué que, conformément à certaines dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels, le Ministère divulguera des renseignements sur le client, c’est‑à‑dire le Canadien qui est en danger à l’étranger, si une menace imminente pèse sur sa sécurité et s’il est dans son intérêt que l’information soit communiquée[66].

Le Comité croit que le gouvernement du Canada devrait tirer des enseignements de chaque dossier complexe ou incident critique auquel il est confronté. Il devrait s’efforcer de tenir les proches de victimes le mieux informés possible de ce qui se passe et leur fournir l’assistance dont ils ont besoin pour gérer les situations consulaires vu leur complexité. Le Comité souligne en outre l’importance d’aider la victime et ses proches une fois l’incident critique résolu. Les représentants d’AMC et de la GRC ont parlé de la politique du Canada relative aux enlèvements, mais peu de choses ont été dites sur l’aide en matière de santé mentale offerte par le gouvernement du Canada aux victimes après leur libération. Le Comité estime que cette question mérite plus d’attention.

Recommandation 4

Le gouvernement du Canada devrait passer en revue systématiquement chaque cas d’enlèvement afin d’en tirer des enseignements pour les cas futurs et d’établir des pratiques exemplaires pour la communication avec les proches de victimes, notamment en ce qui concerne l’évolution de la situation.

Recommandation 5

Le gouvernement du Canada devrait examiner l’application de la Loi sur la protection des renseignements personnels en ce qui a trait à la communication de renseignements à la famille ou à l’avocat des Canadiens faisant l’objet de cas complexes relevant des affaires consulaires.

Recommandation 6

Le gouvernement du Canada devrait travailler avec les autorités provinciales en vue d’assurer aux victimes d’enlèvement et à leurs proches du soutien en matière de santé mentale une fois l’incident critique résolu.

B.  Les citoyens ayant une double nationalité en détresse à l’étranger

Le second type de cas complexe relevant des affaires consulaires dont il a été question lors de l’étude du Comité concerne les citoyens ayant une double nationalité qui sont en détresse à l’étranger. Des témoins ont informé le Comité des difficultés qui entourent la prestation de services consulaires aux Canadiens se trouvant dans un autre pays dont ils sont également citoyens. D’après le Recensement de 2016, plus de 1,4 million de Canadiens sont citoyens d’au moins deux pays[67]. Le Canada compte parmi la centaine de pays dans le monde qui autorisent ses citoyens à détenir plus d’une nationalité[68].

Comme l’ont expliqué les témoins, les Canadiens qui voyagent dans un autre pays dont ils sont également citoyens peuvent s’attendre à y être traités comme n’importe quel autre citoyen de ce pays. Heather Jeffrey a dit au Comité : « Les personnes qui ont [une] double nationalité courent un certain risque lorsqu’elles visitent leur pays natal, parce que tous les pays ne reconnaissent pas la citoyenneté canadienne. Ils n’autorisent souvent pas leurs citoyens à visiter nos consulats, mais nous cherchons continuellement à faciliter cela[69]. » Le Comité a aussi appris qu’il est particulièrement difficile pour les agents consulaires d’accéder à un Canadien ayant une double nationalité qui est entré dans son pays d’origine avec le passeport de ce pays.

Bien que la Convention de Vienne sur les relations consulaires garantisse aux citoyens canadiens à l’étranger l’accès à des agents consulaires ainsi qu’à certains autres services, le droit international prévoit peu de mesures de protection pour quiconque ayant une double nationalité se trouve en détresse dans l’un des pays dont il est citoyen. C’est ce qu’a expliqué Mark Warren dans son témoignage :

C’est un sujet délicat du droit international. Il n’y a vraiment pas de consensus sur la question de savoir si un pays a l’obligation d’offrir un accès consulaire à quelqu’un qu’il considère comme son propre citoyen et qui est détenu dans son pays d’origine lorsque ce citoyen possède également une citoyenneté étrangère[70].

Selon Mme Jeffrey, lorsqu’un Canadien est en détresse dans un autre pays dont il est également citoyen, les agents consulaires discutent avec le gouvernement local et tentent tout ce qu’ils peuvent pour le convaincre de les laisser intervenir auprès de cette personne. « Notre approche auprès de ces pays consiste à continuer d’insister sur le fait que les personnes qui ont la citoyenneté canadienne sont des Canadiens et que nous avons le droit, en vertu de la Convention de Vienne, de leur fournir des services consulaires. Nous continuons d’insister sur ce droit même dans les pays où il n’est pas reconnu[71] », a-t-elle expliqué. En revanche, d’autres témoins ont affirmé que l’intervention des agents consulaires canadiens pouvait susciter de la méfiance et donner lieu à des réactions imprévisibles dans certains pays. D’ailleurs, selon les témoins, il est déjà arrivé, dans un même pays, que le Canada obtienne l’accès consulaire à l’un de ses citoyens ayant une double nationalité, mais pas à un autre.

Les témoins ont fait état d’un environnement juridique fragmenté en la matière, de nombreux pays ayant conclu des accords bilatéraux pour gérer les relations et les éventuels différends dans ce domaine. En 1997, par exemple, le Canada a signé un accord consulaire bilatéral avec la Chine[72]. Bien que le droit chinois ne reconnaisse pas la double nationalité, les parties ont convenu de « faciliter les déplacements entre leurs deux territoires d’une personne qui peut revendiquer à la fois être un ressortissant de la République populaire de Chine et du Canada ». L’accord prévoit qu’une telle personne sera traitée exclusivement comme un citoyen du pays dont elle a présenté le passeport à son arrivée. Autrement dit, si un voyageur ayant les nationalités chinoise et canadienne entre en Chine avec son passeport canadien, le gouvernement de la Chine convient de le traiter exclusivement comme un citoyen canadien. L’accord garantit en outre certains droits consulaires qui complètent la Convention de Vienne, comme celui de rendre visite à un ressortissant détenu dans les deux jours suivant la notification de la détention.

Les témoins ont dit au Comité qu’en l’absence de cadre juridique international, les accords bilatéraux peuvent être un moyen efficace de faire respecter les droits consulaires des Canadiens ayant une double nationalité. Les représentants d’AMC ont indiqué que le Canada dispose parfois d’autres options lorsqu’un pays qui ne reconnaît pas la double nationalité refuse l’accès consulaire à un citoyen canadien. Par exemple, Mme Jeffrey a signalé que le Comité international de la Croix-Rouge, qui a un mandat spécial pour rendre visite aux détenus dans les prisons, est souvent en mesure de faciliter l’accès des agents canadiens lorsque les droits consulaires garantis par le Canada ne sont pas reconnus par un autre État[73].

1.   La coopération internationale en matière de protection consulaire pour les personnes ayant une double nationalité

Affaires mondiales Canada décrit dans plusieurs publications les risques qui guettent les Canadiens lorsqu’ils sont dans un autre pays dont ils sont également citoyens. Par exemple, on peut lire ce qui suit sur la page Web du gouvernement du Canada intitulée « Voyager en tant que citoyen à double citoyenneté » :

Si vous êtes un citoyen à double citoyenneté et que vous vous rendez dans l’autre pays où vous avez la citoyenneté, les autorités locales pourraient refuser de vous donner accès aux services consulaires canadiens. Ce refus pourrait empêcher les agents consulaires canadiens de vous fournir une assistance[74].

Le Gouvernement du Canada publie également des avertissements à l’intention des voyageurs à l’étranger, qui traitent entre autres des conditions de sécurité locales et des exigences d’entrée et de sortie. Ils indiquent également si le pays de destination reconnaît la double nationalité et les conséquences possibles pour les Canadiens qui sont également citoyens de ce pays[75].

Malgré ces publications, plusieurs témoins ont affirmé que le gouvernement du Canada doit mieux sensibiliser et informer la population au sujet des difficultés que peuvent rencontrer les Canadiens qui voyagent dans un autre pays dont ils sont également citoyens. Daniel Livermore a fait valoir que les complications auxquelles s’exposent les Canadiens ayant une double nationalité doivent être communiquées plus efficacement à ces derniers. « Les avertissements dans les documents consulaires d’Affaires mondiales ne sont pas suffisants. Nous devrions améliorer nos communications et faire beaucoup plus de sensibilisation, notamment dans les journaux ethniques[76] », a-t-il dit.

Les témoins ont traité de la nécessité d’améliorer la coopération entre les pays sur les questions liées à la double nationalité. Comme nous l’avons déjà vu, la coopération mondiale dans ce domaine est encore fragmentée et sporadique. Dans un document qu’il a remis au Comité, Gar Pardy affirme l’urgence d’atteindre un consensus international en la matière[77]. Il écrit que la question de la double nationalité pourrait justifier des modifications à la Convention de Vienne ou l’adoption d’un protocole connexe. Il écrit aussi que le gouvernement du Canada devrait demander aux Nations Unies d’organiser une conférence d’examen relativement à la Convention de Vienne en vue de recenser et de gérer les questions de nature consulaire qui, à l’exemple de la double nationalité, sont devenues problématiques au cours des 50 dernières années.

Si M. Pardy et d’autres témoins ont avancé la nécessité de moderniser la Convention de Vienne pour la remettre en phase avec les réalités d’aujourd’hui, peu de signes semblent indiquer toutefois que la communauté internationale serait disposée à renégocier le traité. Une tribune plus probable pour discuter des difficultés d’ordre consulaire qui guettent les personnes ayant une double nationalité est le Forum consulaire mondial. Créé en 2013, il vise à promouvoir le dialogue international sur la politique et les partenariats dans le domaine des services consulaires et des services de gestion des urgences[78]. Le Forum compte 35 pays membres, dont le Canada, qui siège à son comité directeur en plus d’être l’hôte de son secrétariat.

Des témoins ont dit au Comité que le Forum consulaire mondial doit être plus dynamique. En effet, il n’a tenu que trois sommets de haut niveau depuis sa création. Malgré leur rareté, il y a lieu de croire que les sommets ont permis aux pays membres de bâtir des réseaux dans la sphère consulaire et d’étudier des questions complexes comme celle de la protection consulaire des citoyens ayant une double nationalité. Les sommets de 2013 au Royaume-Uni et de 2015 au Mexique ont été l’occasion de traiter de sujets liés à la double nationalité et les membres se sont alors mis d’accord pour chercher des solutions concrètes aux problèmes du domaine consulaire[79].

Il faudra aussi examiner plus avant la situation des résidents permanents du Canada. Les citoyens canadiens ayant une double nationalité ont droit à des services consulaires, mais pas les résidents permanents. Des témoins ont dit au Comité que la prestation des services consulaires canadiens dépend de la citoyenneté; par conséquent, les résidents permanents n’ont pas droit à ces services en vertu de la Charte des services consulaires[80]. Or, comme l’a expliqué Alex Neve : « [T]rès souvent, ces personnes n’entretiennent des liens plus étroits avec aucun autre gouvernement. Leur conjoint, leurs enfants, leurs parents, leurs frères et sœurs sont chez eux au Canada. Il est compréhensible qu’elles se tournent vers le Canada pour obtenir de l’aide[81]. »

Bien que le gouvernement du Canada ne soit pas tenu de fournir des services consulaires aux résidents permanents du Canada qui sont en détresse à l’étranger, il lui arrive dans certains cas d’offrir de l’aide, à condition que le gouvernement du pays hôte soit disposé à coopérer. À ce sujet, Heather Jeffrey a dit au Comité des comptes publics de la Chambre des communes : « [E]n cas de crise, de situation d’urgence ou si des motifs humanitaires entrent en jeu, nous faisons tout notre possible pour aider [les résidents permanents][82] . » Mais si le Canada a déjà offert des services consulaires à des résidents permanents, « on se demande pourquoi [il l’a] fait dans certaines situations et pas d’autres[83] », a indiqué le vérificateur général du Canada Michael Ferguson. D’après M. Neve, « [i]l faut des lignes directrices qui établiront clairement quand et de quelles manières le gouvernement canadien prendra en charge les cas de non-citoyens ayant des liens étroits avec le Canada qui font face à de graves violations des droits de la personne ».

Le Canada étant une société multiculturelle composée de nombreux immigrants de partout dans le monde, la question de la protection consulaire des citoyens ayant une double nationalité et des résidents permanents se pose chez nous avec grande acuité. De plus, étant donné la mondialisation croissante et le nombre toujours plus élevé de Canadiens qui voyagent, habitent, étudient ou travaillent à l’étranger, les problèmes et difficultés liées à la protection consulaire des citoyens ayant une double nationalité et des résidents permanents ne feront probablement qu’augmenter. Le Comité estime que le Canada peut et doit ouvrir la voie aux autres pays en prônant le consensus international quant aux normes et aux solutions à adopter et en favorisant la coopération entre les États en cette matière des plus importantes.

Recommandation 7

Le gouvernement du Canada devrait continuer de soutenir les efforts visant à favoriser la coopération internationale et à dégager un consensus entre les États en ce qui concerne la protection consulaire des citoyens ayant une double nationalité. Dans cette optique, le gouvernement du Canada devrait continuer d’appuyer le Forum consulaire mondial et envisager d’organiser un sommet réunissant les pays membres.

Recommandation 8

Le gouvernement du Canada devrait revoir sa politique à l’égard de la prestation d’aide consulaire aux résidents permanents qui demandent une aide urgente et nécessaire à l’étranger en vue d’établir une approche cohérente pour répondre à ce type de situation.

C.  Canadiens détenus à l’étranger victimes de torture, de mauvais traitements ou d’autres violations des droits de la personne

La troisième catégorie de cas complexes comprend les situations où un Canadien détenu à l’étranger est victime de violations des droits de la personne. Bien que ces cas soient rares, ils sont parmi les plus difficiles et les plus graves à relever des affaires consulaires. Il peut s’agir d’une violation fondamentale du principe d’application régulière de la loi (arrestation arbitraire, emprisonnement illicite, procès partial ou inéquitable) ou encore de torture ou d’autres formes de violence ou de privation.

Alex Neve a dit au Comité que le nombre de cas impliquant des Canadiens détenus à l’étranger dans des conditions difficiles est en hausse :

[…] le nombre de citoyens canadiens, de résidents permanents et d’autres personnes ayant des liens étroits avec le Canada qui sont emprisonnés à l’étranger dans des situations suscitant de très graves préoccupations quant aux droits de la personne a augmenté de façon exponentielle. Des peut-être un ou deux cas par année que nous voyions auparavant, il est maintenant fréquent pour nous de surveiller de 20 à 25 cas en même temps […][84]

D’après M. Neve, cette hausse est le résultat de nombreux facteurs dont, comme nous l’avons vu dans la section précédente, le fait que de nombreux gouvernements ne reconnaissent pas la double nationalité. Il a aussi évoqué des facteurs liés à la mondialisation, qui fait que les gens travaillent, étudient et voyagent à l’étranger plus fréquemment et dans des endroits plus dangereux. M. Neve a en outre déclaré que l’augmentation de ces types de cas peut être attribuée au fait que « de nombreux gouvernements se sentent de plus en plus audacieux au point de faire fi de l’application régulière de la loi et des mesures de protection des droits de la personne pour les prisonniers […] pour des motifs liés à la sécurité nationale[85] ».

Il existe de nombreuses situations où les Canadiens peuvent voir leurs droits fondamentaux bafoués lorsqu’ils sont détenus à l’étranger. Ce peut être le cas de citoyens ayant une double nationalité qui résident ou voyagent dans le pays de leur autre nationalité, ou encore de personnes ayant une unique citoyenneté canadienne qui voyagent ou travaillent temporairement dans un pays étranger. Les personnes à risque proviennent de divers milieux professionnels. Comme l’a expliqué Lawyers’ Rights Watch Canada dans son mémoire, on compte parmi celles-ci des militants des droits de la personne, des travailleurs humanitaires, des journalistes, des professeurs et des gens d’affaires[86].

Des témoins ont dit au Comité que les journalistes étaient particulièrement touchés par les violations du principe d’application régulière de la loi et par les autres atteintes aux droits de la personne. Lors de son témoignage, M. Fahmy a déclaré : Durant ma carrière de plusieurs décennies sur le terrain, je n’ai jamais été témoin d’une attaque contre les journalistes et les défenseurs des droits de la personne aussi importante que celle que nous observons aujourd’hui; plus de 250 journalistes sont derrière les barreaux dans le monde entier[87]. Selon lui, les journalistes courent un risque particulièrement élevé parce qu’ils travaillent « en première ligne ». Pour illustrer les dangers qui les guettent à l’étranger, il a cité l’exemple désolant de Zahra Kazemi, une photojournaliste irano-canadienne morte en prison en 2003 après avoir été arrêtée et torturée par les autorités iraniennes[88]. Selon MM. Fahmy et Neve, le gouvernement du Canada doit soutenir et protéger davantage les journalistes canadiens emprisonnés à tort et privés de leurs droits à l’étranger[89].

Des témoins ont dit au Comité que le gouvernement du Canada doit mieux utiliser les outils à sa disposition pour intervenir lorsque les droits fondamentaux d’un Canadien ne sont pas respectés à l’étranger. Gary Caroline, par exemple, recommande que le gouvernement du Canada soit plus enclin à collaborer avec les proches des victimes et leurs avocats dans les situations complexes relevant des affaires consulaires[90]. Dans le même ordre d’idée, Dean Peroff a dit que des représentations de haut niveau par des politiciens influents pouvaient aussi être essentielles dans les cas les plus graves. Selon lui, les agents consulaires canadiens doivent être formés pour intervenir au nom des Canadiens en détresse à l’étranger lorsque la situation le justifie[91].

Dans la politique du gouvernement du Canada relative aux arrestations et aux détentions à l’étranger, on peut lire ceci : « S’il est reconnu que vous avez été victime de violations des droits de la personne, le gouvernement du Canada pourrait prendre des mesures pour amener les autorités étrangères à respecter leurs obligations internationales en ce domaine et à vous fournir des normes minimales de protection[92]. » Avec la publication, en mai 2018, du rapport du vérificateur général sur les services consulaires[93], le Comité a scruté à la loupe les mesures prises par AMC dans les cas où les droits fondamentaux de Canadiens sont menacés à l’étranger. L’audit portait en particulier sur l’intervention des agents consulaires lorsque des Canadiens sont arrêtés ou détenus dans un autre pays, notamment lorsqu’ils allèguent la torture ou de mauvais traitements. Le BVG s’est dit insatisfait de la performance du Ministère dans ce domaine. L’audit du BVG et la réponse du Comité aux conclusions du vérificateur général sont abordés en détail dans l’addenda au présent rapport.

LA RESPONSABILISATION RELATIVE AUX SERVICES CONSULAIRES ET LA MODERNISATION

Au cours de son étude, le Comité a entendu un large éventail de points de vue sur des questions liées à la gouvernance interne et à la structure du programme canadien de services consulaires. Ces points de vue portaient sur plusieurs aspects des services consulaires canadiens, dont le financement, la responsabilisation et les normes de services, ainsi que les mécanismes de sensibilisation et de modernisation. La présente section offre un aperçu des principaux arguments avancés par les témoins et des améliorations qu’ils ont proposées à ces sujets.

A.  Le droit à payer pour les services consulaires

En 1995, le gouvernement du Canada a pris un règlement qui fixait à 25 $ le droit à payer pour la délivrance de tout document de voyage, à savoir un passeport canadien, un certificat d’identité ou un titre de voyage de réfugié[94]. Le droit a été établi dans le but de recouvrer les coûts de la prestation des services consulaires aux Canadiens. Il a été approuvé à condition que le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (appelé maintenant Affaires mondiales Canada) fasse état de tous les coûts liés à la prestation de services consulaires et des recettes tirées de ce droit. Le Ministère devait ajuster le droit, le cas échéant, pour veiller à ce que les recettes ne dépassent pas la totalité des coûts liés à la prestation des services consulaires.

Le Comité a appris que pendant les 10 premières années qui ont suivi la mise en place du droit à payer pour les services consulaires, les recettes et les dépenses se sont suivies de très près. Michael C. Welsh, ancien ambassadeur canadien et directeur général de la Direction générale des affaires consulaires du Canada, a soumis au Comité un mémoire où il est indiqué que, entre les exercices 1996‑1997 et 2005‑2006, les recettes consulaires se sont élevées à 479,4 millions de dollars, alors que les dépenses ont atteint 520,4 millions de dollars[95].

M. Welsh a cependant expliqué que les recettes consulaires ont commencé à dépasser les dépenses à partir de 2006, situation attribuable en grande partie à l’Initiative relative aux voyages dans l’hémisphère occidental. Cette initiative américaine exigeait que tous les visiteurs se rendant aux États‑Unis, y compris les Canadiens, aient un passeport valide. En conséquence, la demande de passeports a augmenté considérablement au Canada et les recettes consulaires ont augmenté. En 2008, le Bureau de la vérificatrice générale (BVG) a publié un rapport qui constatait des problèmes quant à la manière dont le Ministère comptabilisait et déclarait le droit pour les services consulaires[96]. Le BVG a recommandé au Ministère de revoir sa méthode de calcul des coûts et de « prendre toutes les mesures nécessaires pour rajuster les frais, en tenant compte de la tendance aux excédents ». Le Ministère a accepté de revoir sa méthode de calcul des coûts à la lumière du rapport du BVG.

Le Comité a été informé que l’équilibre entre les recettes et les dépenses consulaires a commencé à basculer en 2013, c’est‑à‑dire l’année où le passeport de 10 ans a été introduit. Bien que le coût de ce passeport (160 $) soit 33 % plus élevé que celui d’un passeport de 5 ans (120 $), le droit pour les services consulaires est toujours de 25 $ pour chacun des deux passeports. Selon M. Welsh, le passeport de 10 ans suscite un grand intérêt auprès des Canadiens, qui sont plus nombreux à opter pour un passeport valide pour une plus longue période[97].

Le Comité a appris que le barème des droits actuel exerce des pressions financières sur le programme de services consulaires. Au cours des dernières années, le coût de l’exécution du programme canadien de services consulaires a largement dépassé les recettes perçues. Entre les exercices 2014‑2015 et 2016‑2017, les recettes des services consulaires ont atteint 304,5 millions de dollars, alors que les dépenses consulaires totales se sont élevées à 392 millions de dollars. M. Welsh a indiqué dans son mémoire que « [l]a question demeure ouverte : pourquoi le [Ministère] n’a‑t‑il pas agi malgré les nombreux signes inquiétants concernant le financement des droits consulaires […][98]? » M. Pardy a exprimé un point de vue semblable lorsqu’il a déclaré au Comité que le droit à payer pour les services consulaires pose « un problème imminent[99] ».

Lors de son témoignage devant le Comité, Affaires mondiales Canada a reconnu qu’il y a un écart entre les recettes et les dépenses. Mme Jeffrey a affirmé que le coût de la prestation des services consulaires dépasse largement les sommes perçues depuis plusieurs années. Elle a expliqué que durant l’exercice 2016‑2017, le Ministère a perçu des droits de l’ordre de 105 millions de dollars, mais qu’il a dépensé 131 millions de dollars pour offrir les services consulaires[100]. Mme Jeffrey a indiqué que le déficit du programme de services consulaires est absorbé à même les ressources d’AMC. Fait inquiétant, elle a déclaré au Comité que le Ministère prévoit que cette tendance se poursuivra et que « l’écart se creusera ». En fait, d’après le Rapport sur les résultats ministériels 2016‑2017, AMC prévoit que les recettes perçues au moyen du droit à payer pour les services consulaires seront de 28,1 millions de dollars en 2019‑2020. Pour le même exercice, AMC estime que le coût total de l’exécution du programme de services consulaires s’élèvera à 136,8 millions de dollars[101].

Le Comité exhorte Affaires mondiales Canada à revoir immédiatement le droit à payer pour les services consulaires. L’examen devrait déterminer si le droit actuel permet de répondre adéquatement aux besoins du programme canadien de services consulaires. L’examen devrait porter à la fois sur le régime de financement et sur la méthode de calcul des coûts du programme, de manière à assurer sa viabilité à long terme.

Recommandation 9

Le gouvernement du Canada devrait entreprendre un examen du droit à payer pour les services consulaires afin de s’assurer qu’il est adéquat et que le programme de services consulaires est viable sur le plan financier à long terme.

B.  Les normes de service et la surveillance

La prestation des services consulaires canadiens est évaluée en fonction de normes de service écrites qui décrivent en détail le délai et le coût prévus de la gamme de services offerts par les agents consulaires[102]. Ces normes exposent aussi en détail les normes qualitatives et quantitatives que le personnel doit observer. Pendant son étude, le Comité a appris qu’AMC se sert de ces normes pour s’assurer d’offrir des services consulaires efficaces et rentables aux Canadiens partout dans le monde. Des témoins ont aussi suggéré au Comité des moyens qui permettraient à AMC d’améliorer ses services consulaires ainsi que de mieux incorporer les commentaires des clients sur la qualité de l’assistance consulaire que reçoivent les Canadiens à l’étranger.

Les normes de service d’AMC donnent de l’information sur le délai de réponse cible pour une gamme de services consulaires. En ce qui concerne la protection et l’assistance, par exemple, le délai cible pour communiquer avec la famille ou les amis d’un Canadien se trouvant dans une situation d’urgence à l’étranger est de 12 heures. Le délai cible pour prendre contact avec un Canadien qui a été arrêté ou qui est détenu à l’étranger est de 24 heures ou moins. AMC fournit également des délais cibles pour la gamme des services administratifs qui font partie du programme de services consulaires. Par exemple, le délai de traitement cible d’un passeport ordinaire est de 20 jours ouvrables dans les missions offrant des services diplomatiques complets à l’extérieur des États‑Unis[103]. D’après le Rapport sur les résultats ministériels 2016‑2017 d’AMC, 92 % des Canadiens ont déclaré avoir reçu une aide consulaire satisfaisante à l’étranger[104].

Les représentants d’AMC ont déclaré au Comité que le Ministère évalue constamment ses services consulaires. Mme Jeffrey a dit que le Canada offre « des formulaires de rétroaction des clients en ligne et à tous [ses] points de service à l’étranger. [Les] clients peuvent ainsi […] indiquer ce qu’ils pensent [du] niveau de service[105]. » Le Comité a aussi été informé que les personnes qui souhaitent porter plainte au sujet de la qualité des services consulaires qu’ils ont reçus à l’étranger peuvent le faire au moyen du formulaire prévu à cet effet par AMC[106].

En réponse à des questions précises posées par des membres du Comité, Affaires mondiales Canada a soumis un mémoire portant sur le processus de gestion des plaintes au sujet des services consulaires canadiens[107]. AMC a indiqué dans le mémoire que, en plus du formulaire de rétroaction des clients, il est possible de déposer une plainte auprès du Ministère par correspondance ministérielle, en adressant une lettre à une mission diplomatique du Canada à l’étranger ou en écrivant à l’équipe responsable des affaires consulaires à Ottawa. AMC a expliqué les démarches qui sont entreprises lors de la réception d’une plainte au sujet des services consulaires. Le Ministère communique avec la mission ou l’agent de gestion des affaires consulaires qui a traité le dossier et compare les services fournis à ses politiques et à ses normes de service. Il prépare ensuite une réponse officielle par écrit à l’intention du plaignant, dans laquelle il expose les résultats de l’examen du dossier et les mesures qui ont été prises à la suite de la plainte.

En dépit des mécanismes permettant de soumettre une rétroaction et des plaintes sur les services consulaires, plusieurs témoins ont fait valoir que la surveillance du programme canadien de services consulaires est insuffisante et qu’il n’existe aucun moyen d’obtenir réparation lorsque des erreurs sont commises. Gar Pardy a soulevé ce point dans le mémoire qu’il a adressé au Comité :

Dans l’état actuel des choses, à l’exception des tribunaux, il n’existe pas d’arbitre indépendant qui peut enquêter sur des accusations d’incompétence, de mauvaises mesures ou de politiques injustes de la part du gouvernement relativement aux affaires consulaires. Ainsi, de nombreux Canadiens s’en sont remis aux tribunaux au cours des dernières années pour contraindre le gouvernement à prendre des mesures plus appropriées. Le processus est long et s’avère compliqué, coûteux et difficile sur le plan de la procédure pour les personnes qui tentent d’obtenir réparation ainsi que pour le gouvernement qui essaie de démontrer que les mesures prises étaient adéquates[108].

Au cours de son témoignage, Gar Pardy a préconisé l’établissement d’un mécanisme indépendant d’arbitrage des différends en matière d’affaires consulaires entre les Canadiens et le gouvernement. Selon lui, la mise en place d’un tel mécanisme contribuerait à régler les problèmes de nature consulaire avant qu’ils n’aboutissent devant les tribunaux[109].

Plusieurs autres témoins ont eux aussi réclamé l’établissement d’un mécanisme indépendant qui permettrait d’examiner et d’arbitrer les différends portant sur les services consulaires. Par exemple, lors de sa comparution devant le Comité, Alex Neve a soutenu qu’il fallait créer un bureau dont le rôle consisterait à surveiller et à examiner les dossiers relatifs aux services consulaires. M. Neve a aussi parlé de la sixième recommandation de la Charte de protection, qui réclame l’établissement d’un bureau indépendant pour examiner l’aide consulaire. D’après les auteurs de cette charte, ce bureau pourrait veiller à ce que soit respectée l’obligation d’offrir une aide consulaire non discriminatoire aux Canadiens[110].

D’autres témoins ont proposé des mesures visant à améliorer la responsabilisation et la surveillance, dont la création d’un poste d’ombudsman indépendant qui superviserait les affaires consulaires. Gary Caroline et Dean Peroff ont proposé au Comité la création du bureau de l’avocat général des services consulaires. Tel que le suggèrent M. Caroline, M. Peroff et d’autres témoins, le mandat de ce bureau consisterait à offrir des conseils et à assurer la gestion active des dossiers consulaires les plus complexes. Le bureau proposé aurait également l’obligation de rendre des comptes au Parlement au moyen de rapports annuels qui expliqueraient en détail le travail effectué au nom des Canadiens qui ont besoin d’aide à l’étranger[111].

Lors de leur comparution devant le Comité, les représentants d’AMC ont signalé qu’ils portent une attention particulière aux mémoires et aux rapports qui présentent au Ministère des moyens d’améliorer les services consulaires canadiens[112]. Le Comité croit en l’importance de ce genre de boucle de rétroaction, car le gouvernement du Canada est tenu de se soucier des clients qui reçoivent des services consulaires. Cette obligation est attribuable en grande partie au fait que les Canadiens doivent payer pour les services consulaires, ce qui leur donne le droit de s’attendre à des services de qualité. Bien que le taux de satisfaction exprimé par les Canadiens quant à la qualité des services consulaires soit encourageant, le gouvernement du Canada devrait viser plus haut. En ce sens, le Comité exhorte le gouvernement du Canada à se pencher sur les mesures proposées par des témoins qui ont été mentionnées précédemment sur les moyens d’améliorer la surveillance et la responsabilisation des services consulaires.

Recommandation 10

Le gouvernement du Canada devrait revoir le rôle du Bureau de l’inspecteur général d’Affaires mondiales Canada et envisager d’y inclure l’examen des services et des normes consulaires.

C.  La sensibilisation et la modernisation

La nécessité de moderniser le programme canadien de services consulaires, surtout en ce qui concerne la sensibilisation des clients et la communication avec ceux‑ci, a fait l’objet de discussions tout au long de l’étude menée par le Comité. Les représentants d’AMC ont parlé des efforts déployés pour moderniser les outils numériques afin que les Canadiens qui voyagent ou vivent à l’étranger aient accès à l’information la plus récente. D’autres témoins ont mentionné au Comité l’importance de communiquer de façon proactive avant que ne survienne une urgence et de la nécessité de nouer des alliances avec des intervenants de l’ensemble de l’industrie du tourisme et du voyage.

Les représentants d’AMC ont parlé au Comité de nombreuses initiatives et outils employés par le Ministère pour informer les Canadiens avant leur départ et pendant leur séjour à l’étranger. On pense notamment aux avis aux voyageurs qui fournissent à ces derniers des renseignements récents sur la situation dans d’autres pays. Affaires mondiales Canada publie aussi un document intitulé Bon Voyage, mais… Renseignements indispensables pour les voyageurs canadiens. Ce document, qui est fourni avec chaque nouveau passeport, présente des recommandations et des renseignements pour assurer la sécurité des voyageurs canadiens à l’étranger.

Heather Jeffrey a déclaré au Comité qu’AMC « poursuit sans relâche le processus de modernisation des services consulaires en vue de composer avec la hausse de la demande » à leur égard. Elle a expliqué qu’AMC s’affaire à moderniser ses outils de communication numérique et à promouvoir de nouvelles applications en ligne, comme l’initiative « Consultez voyage[113] ». De plus, le Comité a appris que le programme de services consulaires a recours aux médias sociaux, comme Facebook et Twitter, pour fournir des renseignements aux Canadiens qui vivent ou qui voyagent à l’étranger. Sur le plan des communications, Mme Jeffrey a expliqué que l’équipe de sensibilisation aux services consulaires parcourt le pays pour rencontrer les voyageurs canadiens et les représentants du secteur des voyages à l’occasion d’événements organisés par l’industrie, de foires commerciales et de conférences. Elle a ajouté que le Ministère s’adresse aux Canadiens dans le cadre de campagnes d’information pour le public qui coïncident avec la semaine de relâche des étudiants et la saison annuelle des ouragans dans l’Atlantique[114].

L’Inscription des Canadiens à l’étranger (ROCA) est un autre outil dont les représentants d’AMC et d’autres témoins ont parlé à plusieurs reprises. Ce service permet au gouvernement du Canada d’aviser les citoyens canadiens en cas de situation d’urgence à l’étranger ou d’urgence personnelle au Canada. Il permet aux Canadiens de recevoir des renseignements en cas de catastrophe naturelle ou de troubles civils concernant leur destination. Le gouvernement du Canada « [encourage] fortement tous les citoyens canadiens qui voyagent ou vivent à l’étranger à s’inscrire au service d’Inscription des Canadiens à l’étranger[115] ».

Malgré les efforts déployés pour promouvoir le service d’Inscription des Canadiens à l’étranger, le taux de participation demeure faible. Heather Jeffrey a informé le Comité qu’en date de mars 2018, quelque 220 000 personnes étaient inscrites dans le système. Cela ne représente qu’un très faible pourcentage des voyageurs et des personnes qui vivent à l’étranger. Des témoins ont dit au Comité que le faible taux d’inscription était en partie attribuable au fait que la majorité des Canadiens se rendent dans des régions qu’ils estiment peu risquées, comme les États‑Unis ou les destinations ensoleillées des Caraïbes. Mme Jeffrey a déclaré ce qui suit à ce sujet :

Le taux d’utilisation est bien moins élevé chez les voyageurs qui se rendent à des endroits moins risqués ou qui parcourent différents pays et qui ne connaissent pas avec certitude l’endroit où ils se trouveront aux différentes dates. Nous avons constaté récemment que tel était le cas dans les Caraïbes, où, dans certains cas, peu de Canadiens s’enregistraient, alors que nous avons réalisé que le nombre de Canadiens qui se trouvaient sur cette île ce jour-là était bien plus élevé[116].

Mme Jeffrey a notamment fait remarquer que seulement 15 Canadiens avaient inscrit leur présence en Dominique dans le système ROCA lorsqu’AMC se préparait au passage de l’ouragan Maria. Toutefois, a‑t‑elle expliqué, AMC a découvert plus tard qu’environ 250 Canadiens se trouvaient dans l’île lorsque l’ouragan a frappé celle‑ci en septembre 2017.

La saison des ouragans dans l’Atlantique de 2017 met en évidence l’importance de promouvoir la sensibilisation des clients et les outils de communication numérique comme l’Inscription des Canadiens à l’étranger. L’importance de ces outils ne se limite pas aux situations d’urgence, car ils jouent aussi un rôle de prévention. Patricia Fortier a fait remarquer au Comité que l’éducation et la sensibilisation sont les meilleurs moyens d’éviter que des situations graves ou problématiques ne se produisent. « Le risque fait partie de l’attrait des voyages, mais nos citoyens doivent mieux comprendre le risque et les limites. Nous devons sans cesse moderniser nos outils de gestion des affaires consulaires et des urgences pour sensibiliser la population et diffuser cette information[117] », a‑t‑elle expliqué.

Selon Mme Fortier, l’établissement d’une collaboration avec un réseau de partenaires internationaux et du secteur privé est un autre moyen d’assurer la sécurité des Canadiens lorsqu’ils se trouvent à l’étranger. Le Comité a effectivement appris que l’industrie du tourisme et de l’hôtellerie, y compris les compagnies aériennes, peut jouer un rôle particulièrement utile en cas de crise comme un ouragan. Mme Fortier a expliqué que ce sont les transporteurs aériens qui savaient où se trouvaient les Canadiens dans la foulée des ouragans qui ont frappé les Caraïbes et la Floride en août et en septembre 2017[118].

Un rapport rédigé en 2012 par une équipe d’évaluation de l’ancien ministère des Affaires étrangères et du Commerce international a abordé la nécessité d’améliorer la sensibilisation aux services consulaires et de moderniser les outils à l’égard de ces services[119]. Ce rapport formulait quatre recommandations visant à améliorer la prestation des services consulaires et la gestion des urgences internationales. L’une d’entre elles invitait le Ministère à préparer une campagne moderne de sensibilisation du public qui optimiserait l’utilisation des plateformes des médias sociaux afin d’informer clairement le public sur les services consulaires auxquels les clients peuvent s’attendre dans les situations courantes, de détresse et d’urgence. Il y a lieu de croire qu’AMC a étudié cette recommandation et s’est efforcée de la mettre en œuvre. Par exemple, le plan ministériel d’AMC pour 2018‑2019 est truffé de références à la modernisation des services consulaires et à de nouvelles initiatives numériques destinées à mieux informer les Canadiens sur les conditions de voyage à l’étranger, avant et après leur départ.

Le système d’Inscription des Canadiens à l’étranger est un point où peu de progrès semble avoir été réalisé. En effet, le système ROCA demeure tout aussi sous‑exploité qu’il l’était en 2012. Selon le rapport d’évaluation des services consulaires publié cette année‑là, les citoyens inscrits au ROCA représentent moins de 10 % des Canadiens qui visitent un endroit ou y habitent. Selon le rapport, la grande majorité des missions diplomatiques canadiennes utilisaient le ROCA, mais 95 % des missions interrogées ont reconnu que le système ne rendait pas compte du nombre réel de Canadiens se trouvant sur leur territoire. Des études de cas effectuées au Liban, en Inde, en Indonésie et au Mexique ont aussi laissé entendre que les renseignements contenus dans le ROCA étaient incomplets, ce qui en réduit l’utilité en cas d’urgence[120].

Malgré le faible taux de participation, les témoins ont dit clairement que le système ROCA est un outil important pour le programme de services consulaires. Pour AMC, le défi consiste à trouver des moyens de mieux le promouvoir et de mieux faire connaître ses avantages. L’élaboration d’une stratégie visant à accroître le nombre d’inscriptions est devenue d’autant plus importante qu’un nombre sans cesse grandissant de Canadiens voyagent et vivent à l’étranger. Le Ministère pourrait envisager d’adopter une stratégie plus ciblée au sujet du ROCA et de concentrer ses efforts de promotion auprès des voyageurs qui se rendent à certains endroits à des moments précis de l’année. Par exemple, il pourrait cibler les Canadiens qui voyagent dans les Caraïbes pendant la saison des ouragans ou qui se rendent dans des pays où des conflits politiques ou civils ont eu lieu récemment. Pour faire la promotion du ROCA auprès de ces publics cibles, AMC devrait s’assurer de travailler en étroite collaboration avec des intervenants de l’industrie du voyage et du tourisme.

Recommandation 11

Le gouvernement du Canada devrait élaborer une stratégie de promotion du système Inscription des Canadiens à l’étranger qui cible les Canadiens qui voyagent ou vivent dans des destinations où les risques de catastrophes naturelles ou d’instabilité politique sont particulièrement élevés. Dans le cadre de cette stratégie, le gouvernement du Canada devrait renforcer sa capacité de sensibilisation en collaborant avec des intervenants et des partenaires du secteur du voyage et du tourisme.

Recommandation 12

Le gouvernement du Canada devrait moderniser ses outils de communication en ce qui a trait aux services consulaires, et en particulier utiliser davantage d’outils numériques comme des applications en ligne et les médias sociaux.

LE RENFORCEMENT DU RÉSEAU CONSULAIRE CANADIEN

Le monde est trop vaste et trop complexe pour que le Canada puisse avoir partout une représentation diplomatique ou consulaire. C’est le message clair et constant qui a été transmis par les témoins de tous les horizons qui ont comparu devant le Comité ou lui ont soumis des mémoires. Le Comité a donc appris que des relations et des partenariats bilatéraux et multilatéraux avec des organisations de la société civile, le secteur privé et d’autres intervenants sont essentiels à l’efficacité du programme de services consulaires. De l’avis de plusieurs témoins, le gouvernement du Canada devrait, par l’intermédiaire d’AMC et du réseau des missions diplomatiques canadiennes à l’étranger, cultiver ces liens et chercher à en créer de nouveaux afin de renforcer les services consulaires canadiens.

Les représentants d’Affaires mondiales Canada ont informé le Comité que les ententes consulaires de coopération et de partage des services sont un moyen pour le Canada d’élargir son rayonnement mondial. À titre d’exemple, le Comité a appris que le Canada et l’Australie ont conclu un accord sur le partage des services consulaires, qui permet d’offrir des services consulaires aux ressortissants de l’autre pays là où l’un des deux pays n’a pas de présence diplomatique[121]. D’un point de vue régional, cela permet aux Canadiens d’obtenir des services consulaires dans les pays où la présence diplomatique de l’Australie est particulièrement importante, comme dans le Pacifique Sud. De leur côté, les Australiens sont en mesure de recevoir des services consulaires dans les régions où le Canada a un réseau diplomatique solide, notamment dans plusieurs pays de l’Afrique de l’Ouest et de l’Amérique latine.

Le Comité a appris que la coopération consulaire bilatérale dans laquelle est engagé le Canada comprend, en plus des accords sur le partage des services consulaires, des ententes sur les puissances protectrices. Une « puissance protectrice » est un pays désigné pour représenter les intérêts d’un autre État souverain qui n’a pas de représentation diplomatique dans un troisième pays. Cette entente diffère de l’accord sur le partage des services consulaires dans la mesure où une puissance protectrice est généralement désignée lorsque deux États rompent leurs relations diplomatiques ou consulaires ou lorsqu’un pays n’a pas accès à ses ressortissants se trouvant dans un autre État[122]. Lisa Helfand, directrice générale, Opérations consulaires, à AMC a dit au Comité que le Canada a conclu trois accords de puissance protectrice pour aider les Canadiens à l’étranger. La Suède est la puissance protectrice du Canada en Corée du Nord, l’Italie en Iran et la Roumanie en Syrie[123]. Mme Helfand a parlé du rôle de ces ententes :

Chacune de ces ententes avec nos puissances protectrices est différente, mais toutes décrivent principalement la communication entre ces pays et le nôtre. Nous leur demandons de manière officielle ou non de fournir un service consulaire pour nous. Par exemple, nous leur demanderons d’envoyer un représentant visiter une personne emprisonnée, et ce représentant nous remettra un rapport sur sa visite[124].

Au‑delà des ententes et des partenariats bilatéraux officiels sur les affaires consulaires, le Comité a entendu parler de l’utilité d’établir des relations avec des pays aux vues similaires par l’intermédiaire de tribunes multilatérales. Le Forum consulaire mondial, dont il a été question précédemment, en est un exemple. Du côté du renseignement de sécurité, le Comité a été informé que le Groupe des cinq est un réseau important sur lequel la GRC peut miser en cas d’incidents critiques[125]. Indépendamment de ces deux exemples, des témoins ont suggéré que les agents consulaires canadiens cherchent à multiplier les occasions de rencontrer leurs homologues à l’étranger afin de mettre en commun des pratiques exemplaires et des leçons retenues dans le domaine des affaires consulaires.

Enfin, plusieurs témoins ont fait valoir que le Canada devrait tirer davantage profit de l’expertise de représentants de la société civile, du secteur privé et du milieu juridique en ce qui concerne les affaires consulaires. Par exemple, Gary Caroline et Dean Peroff estiment que les agents consulaires canadiens devraient chercher à collaborer avec des juristes expérimentés dans la gestion de dossiers consulaires complexes[126]. Alex Neve, quant à lui, a invité le gouvernement à faire appel à l’expérience, aux connaissances et aux relations des divers intervenants intéressés par les questions relatives aux services consulaires. Selon M. Neve, les organisations de la société civile, les groupes d’entreprises et les communautés de diaspora pertinentes comptent parmi ces intervenants[127].

Le Comité convient avec les témoins que les partenariats sont essentiels au succès du programme de services consulaires. Le fait d’avoir un large éventail de relations nationales, bilatérales et internationales peut être particulièrement utile en cas d’urgence consulaire ou de situation consulaire complexe. Le Comité invite le gouvernement du Canada à chercher des stratégies novatrices pour renforcer les relations consulaires du Canada à l’étranger et mieux tirer profit de l’expertise en matière de services consulaires au Canada.

Recommandation 13

Le gouvernement du Canada devrait assurer un dialogue continu entre les agents consulaires canadiens et des experts issus de la société civile, du secteur privé, du milieu juridique et des communautés de diaspora afin que des discussions aient lieu régulièrement sur les pratiques exemplaires et les leçons retenues dans le domaine des affaires consulaires canadiennes.

CONCLUSION

Le contexte mondial dans lequel les services consulaires sont fournis aux Canadiens est en évolution. Le présent rapport souligne le fait qu’un nombre croissant de Canadiens voyagent à l’étranger, dans des pays plus éloignés qu’avant et potentiellement dangereux. La mobilité internationale accrue a entraîné une hausse de la demande, aussi bien sur le plan des questions administratives de routine que des cas complexes relevant des services consulaires. Non seulement les agents consulaires doivent‑ils traiter un plus grand nombre de dossiers, mais les dossiers auxquels ils ont affaire sont de plus en plus compliqués. Il arrive que les agents consulaires gèrent simultanément plusieurs dossiers complexes, concernant par exemple un Canadien coincé outre‑mer en raison d’une catastrophe naturelle, la détention illégale d’un Canadien à l’étranger ou l’enlèvement international d’un enfant.

Pour relever de tels défis, les agents consulaires canadiens doivent disposer de tout un éventail d’outils. On pense, notamment à des moyens d’intervention pour les situations d’urgence – comme la convocation d’un groupe de travail interministériel responsable de réagir en cas d’incident critique – ou de moyens de prévention conçus pour conseiller et informer les Canadiens avant qu’une situation d’urgence ne survienne. Il est donc essentiel de veiller à ce que le programme canadien de services consulaires poursuive la modernisation de ses outils de sensibilisation et de communication.

Le succès du programme canadien de services consulaires repose également sur des partenariats, aussi bien entre les ministères et organismes gouvernementaux, qu’entre ces derniers et des intervenants externes. C’est pourquoi le Comité estime que le gouvernement du Canada devrait étendre son réseau de relations consulaires. Pour ce faire, il peut établir avec des pays aux vues similaires une collaboration quant aux pratiques exemplaires et tirer profit de l’expertise des représentants de la société civile, du secteur privé et du milieu juridique sur les questions relatives aux affaires consulaires.

Les agents consulaires canadiens doivent également pouvoir s’appuyer sur des fondements juridiques et stratégiques solides en fonction desquels les services consulaires sont offerts. Comme on l’a vu, la question de la prérogative de la Couronne en matière d’affaires consulaires a été au cœur de l’étude menée par le Comité. Bien qu’il soit important que le gouvernement du Canada puisse réagir avec souplesse devant les dossiers consulaires complexes, le Comité croit fermement que l’égalité du service offert dans le secteur des affaires consulaires est un élément essentiel. Le gouvernement du Canada devrait tenir compte des préoccupations formulées par certains témoins à propos de la prérogative de la Couronne en matière d’affaires consulaires, et rassurer les Canadiens quant à leur droit de recevoir une aide consulaire équitable.

Le Comité salue le travail du Bureau du vérificateur général du Canada, qui a publié en mai 2018 un rapport sur la prestation de services consulaires aux Canadiens. Cet audit, dont il est question dans l’addenda au présent rapport, a permis au Comité de savoir dans quels domaines Affaires mondiales Canada doit améliorer, renforcer et moderniser son approche.

Le Comité tient aussi à souligner le travail exceptionnel qu’effectuent les agents consulaires canadiens, partout dans le monde et à l’administration centrale à Ottawa. Tout au long de son étude, le Comité a entendu des éloges sur le professionnalisme et la détermination dont ces personnes font preuve quotidiennement au service des Canadiens. Le Comité a rencontré certains de ces agents lors de ses missions d’étude à l’étranger au cours de la 42e législature et il a constaté par lui‑même ces qualités. Le Comité tient aussi à signaler la contribution des employés recrutés sur place dans des missions canadiennes partout dans le monde. Daniel Livermore a déclaré au Comité que ces employés sont « l’épine dorsale des affaires consulaires. Nous pouvons nous vanter d’avoir certains des meilleurs agents consulaires recrutés sur place dans le monde[128]. » Le Comité abonde dans le même sens et tient à exprimer sa gratitude à tous les agents consulaires de première ligne du Canada. Il espère que le présent rapport contribuera à renforcer davantage le programme de services consulaires.

ADDENDA

Le 29 mai 2018, dans le cadre de ses rapports du printemps au Parlement, le Bureau du vérificateur général du Canada a publié les résultats de son audit examinant la prestation, par le gouvernement du Canada, des services consulaires aux Canadiens[129]. L’audit du BVG, qui porte sur la période s’échelonnant du 1er janvier 2016 au 31 octobre 2017, visait plus précisément à déterminer si Affaires mondiales Canada avait répondu adéquatement aux demandes d’assistance consulaire des Canadiens voyageant ou vivant à l’étranger. Il s’agissait du premier audit effectué par le BVG sur cette question.

Les résultats de l’audit du BVG ont été publiés à peu près au moment où le Comité a terminé son rapport sur la prestation des services consulaires aux Canadiens. En raison de la corrélation entre les sujets des deux rapports, les membres ont décidé d’inviter le BVG à comparaître devant le Comité avant la fin de son propre rapport. Le 17 septembre 2018, Michael Ferguson, vérificateur général du Canada, et Carol McCalla, directrice principale, BVG, sont venus témoigner. Le présent addenda analyse le rapport du BVG et se termine par le point de vue du Comité sur certaines de ses conclusions.

A.  Rapport du Bureau du vérificateur général du Canada sur les services consulaires aux Canadiens à l’étranger

La portée, l’objectif et la méthodologie de l’examen du BVG sur la prestation des services consulaires aux Canadiens diffèrent de l’approche adoptée par le Comité. Le BVG s’est penché sur le rendement d’AMC dans la prestation des services consulaires en se basant sur les procédures, lignes directrices et normes de service internes du Ministère. L’étude du Comité est quant à elle axée sur des enjeux plus vastes liés à la politique du gouvernement du Canada sur les affaires consulaires, notamment en ce qui concerne les cas complexes relevant des affaires consulaires.

Malgré ces approches différentes, l’audit du BVG renforce et complète le travail effectué par le Comité. De fait, dans plusieurs domaines, des recommandations semblables ont été formulées dans le cadre des deux examens. Tout comme le BVG, par exemple, le Comité recommande que le gouvernement fédéral renforce sa stratégie de communication et de sensibilisation en matière de services consulaires, et qu’il informe les voyageurs des risques de voyager à certains endroits. De plus, les deux examens ont révélé que l’écart se creuse entre les coûts de la prestation de services consulaires et le montant prélevé en frais de services consulaires. Il faudra donc revoir ces frais.

Le Comité souligne ces éléments communs parce qu’il convient de noter que deux examens distincts du programme canadien de services consulaires se sont traduits par des conclusions et des recommandations semblables. Le BVG a formulé sept recommandations sur les manières pour AMC d’améliorer sa prestation de services consulaires. Affaires mondiales Canada les a toutes acceptées. Le Comité attend avec intérêt le rapport du Ministère sur les progrès qu’il a réalisés en vue d’entreprendre les réformes nécessaires.

1.   Intervention dans les cas d’arrestations et de détention de Canadiens à l’étranger

L’intervention d’AMC dans les cas où des Canadiens étaient arrêtés ou détenus à l’étranger était l’un des secteurs où le rapport du BVG se montrait critique à l’égard du rendement du Mministère. Le BVG a constaté qu’AMC n’avait pas toujours pris contact avec les Canadiens arrêtés ou détenus à l’étranger comme l’exigeaient les normes de services du Ministère, et que les dossiers ne fournissaient souvent pas d’explications à ce propos. De plus, le contact avait souvent lieu au téléphone ou par courriel, plutôt qu’en personne. Comme l’a expliqué le BVG, les agents consulaires canadiens sont tenus par la politique d’entrer en contact avec les Canadiens arrêtés ou détenus à l’étranger dans un délai de 24 heures après avoir été avisés, et de prendre contact par la suite à intervalles réguliers, selon la région du monde[130]. Le BVG a aussi constaté que de nombreux agents consulaires ne consignent pas leur évaluation de la vulnérabilité des personnes emprisonnées, et qu’ils ne déterminent pas quelles personnes pourraient avoir besoin de rencontres plus fréquentes et d’une surveillance accrue[131].

La politique d’AMC exige aussi que le Ministère avise rapidement le ministre des Affaires étrangères par écrit de toute information crédible faisant état d’actes de torture, et qu’il avise le sous-ministre des Affaires étrangères dans les cas indiquant des mauvais traitements. Le terme « rapidement » n’est toutefois pas défini. Pour les 15 cas qui ont été examinés, les représentants d’AMC ont déterminé que les allégations de torture (5 cas) et de mauvais traitements (10 cas) étaient sérieuses et crédibles. Or, le BVG a constaté qu’il avait fallu entre un et six mois aux représentants du Ministère pour évaluer officiellement le bien-fondé de ces allégations. Une fois que les agents ont établi que de la torture ou des mauvais traitements avaient probablement eu lieu, le BVG a expliqué qu’il a fallu 47 jours de plus en moyenne pour informer le ministre des Affaires étrangères par écrit des cas de torture, et 29 jours de plus en moyenne pour aviser par écrit le sous-ministre des cas de mauvais traitements. M. Ferguson a indiqué au Comité que, dans un cas, sept mois se sont écoulés avant qu’AMC informe le ministre de la possibilité qu’un détenu canadien ait été victime de torture[132].

La qualité et la fréquence de la formation reçue par les agents consulaires est un autre sujet de préoccupation. Les agents consulaires suivent ce qui est décrit comme une formation de « sensibilisation générale » sur les exigences relatives aux visites en prison, mais le BVG a constaté que les cours « ne proposaient pas suffisamment d’outils ou de directives sur la manière de détecter les actes de torture, les sévices ou les mauvais traitements[133] ». À partir de ces observations, le BVG a formulé la recommandation suivante :

Affaires mondiales Canada devrait renforcer son processus de contrôle de la qualité pour s’assurer que ses agents consulaires prennent contact avec les Canadiens arrêtés ou détenus et leur offrent de l’assistance, en s’intéressant plus particulièrement aux personnes qui courent des risques élevés en raison de leur identité ou de l’endroit où elles se trouvent. De plus, les agents consulaires devraient recevoir une formation spécialisée cyclique sur les arrestations et les détentions tout au long de leur carrière. Cette formation devrait expliquer comment mener une visite en prison et proposer des outils pour repérer les actes de torture, les sévices ou les mauvais traitements[134].

De l’avis du Comité, les conclusions du BVG concernant les cas de Canadiens arrêtés ou détenus à l’étranger sont troublantes. Elles sont particulièrement inquiétantes parce que de telles déficiences (en ce qui concerne le service rapide et la formation) ont été signalées par le passé. En 2006, le juge de la Cour d’appel de l’Ontario Dennis O’Connor a publié son rapport sur la restitution et la torture du citoyen canadien Maher Arar (aussi appelé « enquête O’Connor »)[135]. L’enquête O’Connor a formulé des recommandations similaires aux conclusions du BVG, dont le Comité attend toujours la mise en œuvre.

Tout comme le BVG, le Comité estime que prendre trois mois[136] ou plus pour aviser le ministre des Affaires étrangères qu’un Canadien détenu à l’étranger est ou a été victime de torture « ne respecte pas », pour reprendre les propos du BVG, « l’esprit des recommandations du juge O’Connor[137] ». Le Comité est également d’accord avec M. Ferguson, qui considère qu’AMC doit s’assurer que ses agents consulaires sont bien préparés pour aider les Canadiens arrêtés ou détenus à l’étranger, grâce à de la meilleure formation et à de la formation mieux ciblée[138]. Le Comité a appris que les agents consulaires eux‑mêmes réclament ce type de formation.

Recommandation 14

Le gouvernement du Canada devrait établir des normes de service prescrivant les délais à l’intérieur desquels une évaluation officielle des allégations de torture et mauvais traitements des Canadiens détenus à l’étranger doit être complétée, et à l’intérieur desquels le ministre et le sous-ministre des Affaires étrangères doivent être informés dans tous les cas où de l’information crédible indique qu’un Canadien détenu à l’étranger a été victime de torture ou de mauvais traitements. Les délais doivent être en adéquation avec la gravité de ces cas et la nécessité d’une réponse prompte, cohérente et efficace de la part du gouvernement du Canada.

Recommandation 15

Le Gouvernement du Canada devrait veiller à ce que les agents consulaires canadiens reçoivent une formation approfondie et cyclique sur la conduite de visites carcérales dans le cas de Canadiens arrêtés ou détenus à l’étranger et sur la détection d’actes de torture, de sévices ou de mauvais traitements.


[1]              Voici le texte de la motion à l’origine de l’étude : « Que, conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international entreprenne une étude sur l’aide aux Canadiens en difficulté à l’étranger, y compris, mais sans s’y limiter : l’assistance consulaire; les cas complexes, y compris les cas consulaires liés à la politique et aux droits de la personne, l’enlèvement international d’enfants, les enlèvements à l’étranger et les prises d’otages, et les cas impliquant des résidents permanents du Canada; les frais relatifs aux services consulaires; et la coordination des services entre les ministères concernés; et de faire rapport de ses conclusions à la Chambre. » Chambre des communes, Comité permanent des affaires étrangères et du développement [FAAE], Procès-verbal, 1re session, 42e législature, 9 février 2017.

[3]              FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 5 octobre 2017.

[4]              Bureau du vérificateur général du Canada (BVGC), Rapport 7 – Les services consulaires aux Canadiens et aux Canadiennes à l'étranger – Affaires mondiales Canada, printemps 2018 – Rapports du vérificateur général du Canada. Pour une analyse plus détaillée du rapport du BVGC, voir l’addenda au présent rapport.

[5]              Statistique Canada, « Voyages entre le Canada et les autres pays, décembre 2017 », Le Quotidien, 20 février 2018.

[6]              FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 février 2018.

[7]              Quatre Canadiens se trouvaient parmi les 58 personnes tuées dans le massacre de Las Vegas en octobre 2017 la fusillade la plus meurtrière de l’histoire des États-Unis. FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 5 octobre 2017.

[8]              FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 5 octobre 2017.

[9]              FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 27 mars 2018.

[10]            En 2017, Affaires mondiales Canada (AMC) a traité 204 000 demandes de passeport et 26 000 demandes de citoyenneté. FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 27 mars 2018.

[11]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 27 mars 2018.

[12]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 8 février 2018.

[13]            La Convention de Vienne a été adoptée le 22 avril 1963 et est entrée en vigueur le 19 mars 1967. Les États parties sont au nombre de 179. Voir : Nations Unies, Collection des traités, Convention de Vienne sur les relations consulaires.

[14]            La Loi sur les missions étrangères et les organisations internationales consacre en droit canadien des dispositions de la Convention de Vienne. Voir : gouvernement du Canada, Loi sur les missions étrangères et les organisations internationales, L.C. 1991, ch. 41.

[15]            Site Web de la législation (Justice), Loi sur le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement, L.C. 2013, c. 33, art. 174.

[16]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 8 février 2018.

[17]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 février 2018.

[18]            Ibid.

[19]            Ibid.

[20]            Pour la liste complète des recommandations, voir : Amnistie internationale Canada et Fondation Fahmy, Charte de protection.

[21]            Ibid.

[22]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 février 2018.

[23]            Ibid.

[24]            Ibid.

[25]            Ibid.

[26]            Canada (Premier ministre) c. Khadr, 2010, Cour suprême du Canada, no de dossier 33289.

[27]            Ibid.

[28]            Ibid.

[29]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 5 octobre 2017.

[30]          Ibid. En mai 2018, dans ses rapports du printemps au Parlement, le Bureau du vérificateur général du Canada a publié les résultats de son audit sur la prestation de services consulaires aux Canadiens. L’audit a révélé que les agents consulaires ne satisfont pas toujours les normes de service d’Affaires mondiales Canada lorsque des Canadiens sont détenus ou arrêtés à l’étranger ou en ce qui a trait au traitement des passeports réguliers dans les missions du Canada à l’étranger. Voir : BVGC, Rapport 7 – Les services consulaires aux Canadiens et aux Canadiennes à l’étranger – Affaires mondiales Canada, printemps 2018 – Rapports du vérificateur général du Canada. Pour une analyse plus détaillée du rapport du BVGC, voir l’addenda au présent rapport.

[31]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 5 octobre 2017.

[32]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 22 mars 2018.

[33]            AMC, Rapport sur les résultats ministériels 2016-2017; FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 27 mars 2018.

[34]          Par exemple, en 2006-2007, les agents consulaires canadiens ont ouvert plus de 5 700 dossiers relativement à des Canadiens en détresse à l’étranger. Par comparaison, en 2016-2017, on comptait environ 6 200 cas de Canadiens voyageant ou résidant à l’étranger ayant besoin d’aide urgente. Voir : Ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, Rapport sur le rendement 2006-2007, et AMC, Rapport sur les résultats ministériels 2016-2017.

[35]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 5 octobre 2017.

[36]            Ibid.

[37]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 27 mars 2018.

[38]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 5 octobre 2017.

[39]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 27 mars 2018.

[40]            Ibid.

[41]            Dans sa résolution 2133 (2014), le Conseil de sécurité des Nations Unies a demandé aux États membres d’empêcher les terroristes de profiter directement ou indirectement de rançons ou de concessions politiques. La résolution précise que les rançons versées ont pour effet de soutenir l’effort de recrutement des groupes terroristes, de renforcer leur capacité opérationnelle d’organiser et de perpétrer des attentats terroristes, et d’« encourager la pratique des enlèvements contre rançon ». Voir : Conseil de sécurité des Nations Unies, Résolution 2133 (2014), S/RES/2133 (2014), 27 janvier 2014. En 2016, les dirigeants du G7 ont déclaré : « Nous réitérons sans équivoque notre volonté de nous abstenir de verser des rançons aux terroristes, de protéger la vie de nos ressortissants et, conformément aux conventions internationales pertinentes, de réduire l’accès des groupes terroristes au financement qui leur permet de survivre et de prospérer, et invitons tous les États à en faire autant. » Voir : Déclaration d’Ise-Shima des dirigeants du G-7 , Sommet du G7 à Ise-Shima, 26 et 27 mai 2016. En 2013, les dirigeants du G8 avaient déclaré : « Nous sommes résolus à protéger nos ressortissants et à réduire l’accès des groupes terroristes aux financements qui leur permettent de se développer. Nous rejetons catégoriquement le paiement de rançons aux terroristes et nous appelons les pays et entreprises du monde entier à nous suivre dans cette voie, afin de bloquer cette source de revenus lucrative pour les terroristes et les autres sources similaires. Nous nous entraiderons face aux prises d’otages en échangeant les bonnes pratiques en amont et en proposant notre expertise en tant que de besoin lors de prises d’otages. » Dans le même document, les dirigeants s’étaient félicités « des efforts déployés pour empêcher les enlèvements et pour obtenir la libération des otages en toute sécurité et sans paiement d’une rançon, notamment des actions recommandées par le Forum mondial de lutte contre le terrorisme, en particulier dans le Mémorandum d’Alger sur les bonnes pratiques en matière de prévention des enlèvements contre rançon par des terroristes et d’élimination des avantages qui en découlent ». Voir : G8 Lough Erne Leaders Communique, 2013, Sommet de Lough Erne, 18 juin 2013.

[42]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 8 février 2018; Mémoire présenté au Comité par Daniel Livermore le 23 février 2018.

[43]         Réponse à la pétition, Chambre des communes du Canada, pétition no 421-01510, 13 juin 2017. Les pétitionnaires demandaient au gouvernement du Canada, entre autres, d’accroître l’aide consulaire offerte aux citoyens canadiens kidnappés ou enlevés à l’étranger. Voir : E-696 (politique étrangère), Parlement du Canada, 29 novembre 2016.

[44]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 5 octobre 2017; FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 27 mars 2018.

[45]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 8 février 2018.

[46]            Ibid.

[47]            Gar Pardy, Political Violence and Kidnapped Canadians, décembre 2017, article remis au Comité par M. Pardy en février 2018.

[48]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 22 mars 2018; Mémoire présenté par Daniel Livermore le 23 février 2018.

[49]            Mémoire présenté par Daniel Livermore le 23 février 2018.

[50]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 5 octobre 2017.

[51]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 27 mars 2018.

[52]            Les ravisseurs de Mme Lindhout et M. Brennan demandaient au départ une rançon d’environ 2,5 M$ US. Après des mois de négociation, les familles des otages avaient amassé approximativement 600 000 M$ US grâce à des dons de particuliers. Un montant additionnel d’environ 600 000 M$ US avait été amassé pour payer la firme de sécurité britannique AKE, qui a négocié la rançon et pris les dispositions relatives à la libération des otages. Rosemary Westwood, « Escape from hell: Amanda Lindhout and Nigel Brennan left Somalia after a dramatic rescue. How it worked, and what’s happened since », Macleans, 6 septembre 2013.

[53]            Colin Perkel, « Mother of Amanda Lindhout pens memoir describing nightmare of daughter’s kidnapping », Global News, 17 octobre 2017.

[54]            Le 18 juin 2018, Ali Omar Ader a été condamné à une peine d’emprisonnement de 15 ans pour le rôle qu’il a joué dans l’enlèvement de Mme Lindhout. John Paul Tasker, « Amanda Lindhout’s kidnapper sentenced to 15 years in prison », CBC News, 18 juin 2018.

[55]            Geoffrey York, « New Book by Amanda Lindhout’s mother criticizes Ottawa’s handling of hostage case », The Globe and Mail, 17 octobre 2017.

[56]            Amanda Lindhout, « I owe my life to those who paid my ransom. But should Ottawa pay ransoms? No », National Post, 29 avril 2016.

[57]            Cet article a été édicté par la Loi antiterroriste de 2001, qui modifiait entre autres le Code criminel, afin de prévenir le financement délibéré du terrorisme. Voir : « Financement du terrorisme », Code criminel (L.R.C. (1985), ch. c-46).

[58]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 27 mars 2018.

[59]            Ibid.

[60]            Sénat, Comité permanent de la sécurité nationale et de la défense, Témoignages, 1re session, 42e législature, 12 février 2018.

[61]            Gar Pardy, Political Violence and Kidnapped Canadians, décembre 2017, document remis au Comité par M. Pardy en février 2018.

[62]            Lorsqu’il a annoncé la nouvelle politique américaine sur les otages, le président Obama a déclaré qu’aucun Américain n’avait jamais été poursuivi pour avoir payé une rançon en échange de la libération d’un proche. Bill Chappell, « U.S. Clarifies Hostage Policy, Saying it Won’t Prosecute Families Over Ransom », National Public Radio, 24 juin 2015; Tom Keatinge, « Pay the Price: Washington’s Change of Heart on Ransom Payments », Foreign Affairs, 1er juillet 2015.

[63]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 15 février 2018.

[64]            Ibid.

[65]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 27 mars 2018.

[66]            Ibid.

[67]            Statistique Canada, « Tableaux de données », Recensement de 2016, produit no 98-400-X2016184 au catalogue de Statistique Canada.

[68]            Arton Capital, Dual Citizenship.

[69]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 5 octobre 2017.

[70]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 février 2018.

[71]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 5 octobre 2017.

[73]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 5 octobre 2017.

[74]            Gouvernement du Canada, Voyager en tant que citoyen à double citoyenneté.

[75]            Voir : gouvernement du Canada, Conseils aux voyageurs et avertissements.

[76]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 22 mars 2018.

[77]            Voir : Gar Pardy, Canadians Abroad : A Policy and Legislative Agenda, Centre canadien de politiques alternatives et Institut Rideau, Institute, mars 2016.

[78]            Voir : Forum consulaire mondial, Mission & Overview [en anglais seulement].

[79]            Voir : Forum consulaire mondial, Conference report : Contemporary consular practice: trends and challenges, Wilton Park, 2013; et Forum consulaire mondial, Report: Global Consular Forum 2015 [en anglais seulement].

[80]            La Charte des services consulaires du Canada énonce les types de services consulaires offerts aux citoyens canadiens et précise ceux qui au contraire ne relèvent pas des agents consulaires. Voir : Gouvernement du Canada, Charte des services consulaires du Canada.

[81]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 février 2018.

[82]            Comité des comptes publics de la Chambre des communes, Témoignages, 1re session, 42e législature, 5 juin 2018.

[83]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 17 septembre 2018.

[84]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 février 2018.

[85]            Ibid.

[86]            Lawyers’ Rights Watch Canada a présenté au Comité un mémoire traitant des cas de plusieurs Canadiens détenus à l’étranger qui allèguent des mauvais traitements et d’autres violations de leurs droits fondamentaux. D’après l’organisme, ces cas « révèlent des incohérences quant à l’objet, à la fréquence et à l’effet des visites consulaires et de la protection consulaire, et au défaut de fournir des renseignements adéquats ou de fournir des renseignements aux familles des victimes, invoquant parfois les lois sur la protection des renseignements personnels ». Voir : Lawyers’ Rights Watch Canada, Protection consulaire et intervention diplomatique : Obligations en droit, présenté au Comité le 12 mars 2018.

[87]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 février 2018.

[88]           M. Fahmy a aussi parlé du cas de Kavous Seyed-Emami, professeur irano-canadien mort en février 2018 à la prison d’Evan à Téhéran, où il était incarcéré au motif qu’il s’était livré à de l’espionnage. Dans une déclaration faite après sa mort, la ministre canadienne des Affaires étrangères a affirmé : « Nous sommes très préoccupés par le contexte dans lequel [M. Seyed-Emami] a été détenu et a trouvé la mort […] Nous nous attendons à ce que le gouvernement de l’Iran fournisse de l’information et des réponses quant aux circonstances qui ont mené à cette tragédie. » Gouvernement du Canada, Le Canada offre ses condoléances à la suite du décès de M. Seyed-Emami, Déclarations, 14 février 2018.

[89]            La troisième recommandation de la Charte de protection, document élaboré conjointement par Amnesty International et la Fondation Fahmy, s’énonce comme suit : « Le Gouvernement canadien devrait mettre en place des mécanismes pour appuyer et protéger les journalistes et le personnel contre l’emprisonnement illégal et les abus subis dans des États étrangers. Ce soutien devrait inclure l’élaboration et la mise en application d’un code de sécurité pour les organisations médiatiques qui emploient des Canadiens à l’étranger ou qui diffusent leurs contenus au Canada. » Voir : Amnesty International et Fondation Fahmy Foundation, Charte de protection.

[90]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 15 février 2018.

[91]            Ibid.

[92]            Gouvernement du Canada, Arrestation et détention.

[93]            Voir : Bureau du vérificateur général du Canada (BVG), Rapport 7– Les services consulaires aux Canadiens et aux Canadiennes à l’étranger–Affaires mondiales Canada, printemps 2018 – Rapports du vérificateur général du Canada.

[94]            Règlement sur les droits à payer pour les services consulaires, DORS/95-538, enregistrement 1995-11-08.

[95]            Mémoire soumis au Comité par Michael C. Welsh le 25 février 2018.

[96]            Vérificatrice générale du Canada, « Chapitre 1 – La gestion des frais imposés par certains ministères et organismes », Rapport de mai 2008 de la vérificatrice générale du Canada, 2008. L’audit de 2008 avait révélé des problèmes quant au prix des services consulaires. Dans le rapport de 2018, le BVG a conclu qu’AMC « ne disposait pas de données fiables pour calculer le coût des services consulaires. Or, cette information est nécessaire pour fixer les frais à facturer pour ces services. » Il a donc recommandé qu’AMC mette à jour la méthode qu’il utilise pour fixer le prix des services consulaires et étayer ses accords de financement. Il a également recommandé que le Ministère mette à jour l’information sur le rendement aux fins du calcul des frais des services consulaires. Voir : Bureau du vérificateur général du Canada (BVG), Rapport 7– Les services consulaires aux Canadiens et aux Canadiennes à l’étranger–Affaires mondiales Canada, printemps 2018 – Rapports du vérificateur général du Canada.

[97]            Mémoire soumis au Comité par Michael C. Welsh le 25 février 2018.

[98]            Ibid.

[99]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 8 février 2018.

[100]          FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 27 mars 2018.

[101]          Voir : AMC, « Section IV : Renseignements supplémentaires », Rapport sur les résultats ministériels 2016‑2017,.

[102]          Voir : gouvernement du Canada, Services consulaires : Normes de service.

[103]          D’après AMC, de nombreuses missions à l’étranger connaissent des périodes de pointe au cours desquelles il n’est pas toujours possible de respecter le délai prévu pour les services de passeport. De plus, AMC signale que « bien que tous les efforts soient faits pour que les missions aient les ressources appropriées pour répondre aux demandes, des questions concernant la charge de travail et le volume peuvent de temps à autre avoir des conséquences sur la capacité de certaines missions à satisfaire à ces normes. Les clients doivent donc vérifier directement auprès de chaque mission ou consulter leurs sites Web pour obtenir de l’information sur les écarts par rapport à ces normes. » Gouvernement du Canada, Services consulaires : Normes de service.

[105]          FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 5 octobre 2017.

[106]          Voir : Affaires étrangères, Commerce et Développement Canada, Formulaire de rétroaction des clients.

[107]          Mémoire soumis au Comité par Affaires mondiales Canada en février 2018.

[108]          Gar Pardy, Canadians Abroad: A Policy and Legislative Agenda, Centre canadien de politiques alternatives et Institut Rideau, mars 2016 [en anglais seulement].

[109]          FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 8 février 2018.

[110]          Amnistie Internationale et Fondation Fahmy, Charte de protection.

[111]          FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 15 février 2018.

[112]          FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 5 octobre 2017.

[113]          « Consultez voyage » est un portail en ligne offrant aux Canadiens qui vivent ou qui voyagent à l’étranger des renseignements et des réponses à des questions fréquentes. Voir : gouvernement du Canada, Consultez voyage.

[114]          FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 27 mars 2018.

[115]          Gouvernement du Canada, Inscription des Canadiens à l’étranger – FAQ.

[116]          FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 5 octobre 2017.

[117]          FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 22 mars 2018.

[118]          Ibid.

[120]          Ibid.

[121]        Dans le cadre de cet accord, les Canadiens peuvent recevoir des services consulaires auprès des représentants australiens dans 20 pays où le Canada n’a pas de bureau, et les Australiens peuvent obtenir la même assistance auprès de missions canadiennes dans 23 pays. Gouvernement du Canada, Accord sur le partage de services consulaires entre le Canada et l’Australie; Haut‑commissariat du Canada en Australie, Relations Canada-Australie.

[122]          Département fédéral des affaires étrangères, Suisse, ABC de la diplomatie.

[123]          FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 5 octobre 2017.

[124]          Ibid.

[125]          Le Groupe des cinq est une alliance de partage du renseignement conclue entre le Canada, l’Australie, la Nouvelle‑Zélande, le Royaume-Uni et les États‑Unis. FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 27 mars 2018.

[126]          FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 15 février 2018.

[127]          FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 février 2018.

[128]          FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 22 mars 2018.

[129]          Voir : BVG, Rapport 7 — Les services consulaires aux Canadiens et aux Canadiennes à l’étranger, Printemps 2018 — Rapports du vérificateur général du Canada au Parlement du Canada.

[130]        Selon Affaires mondiales Canada, la norme de service canadienne pour le contact avec les prisonniers varie d’un pays à l’autre en fonction des besoins et des conditions. Selon AMC, « en général », le contact avec les prisonniers a lieu dans les délais suivants : 3 mois pour les prisonniers en Afrique, au Moyen-Orient, en Asie, dans les îles du Pacifique-Sud, en Amérique latine, dans les Caraïbes et en Europe de l’Est; 6 mois pour les prisonniers en Europe de l’Ouest (à l’exception du Royaume-Uni); et 12 mois pour les prisonniers en Australie, en Nouvelle‑Zélande, au Royaume-Uni et aux États-Unis. Voir : Gouvernement du Canada, Services consulaires : Normes de service.

[131]          BVG, Rapport 7 — Les services consulaires aux Canadiens et aux Canadiennes à l’étranger, Printemps 2018 — Rapports du vérificateur général du Canada au Parlement du Canada, paragraphe 7.46.

[132]          FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 17 septembre 2018.

[133]          BVG, Rapport 7 — Les services consulaires aux Canadiens et aux Canadiennes à l’étranger, Printemps 2018 — Rapports du vérificateur général du Canada au Parlement du Canada, paragraphe 7.50.

[134]          AMC a accepté la recommandation du BVG et a indiqué qu’il examinera « ses normes de service et renforcera ses activités de surveillance. Affaires mondiales Canada s’emploie déjà à moderniser ses systèmes d’information sur la gestion des cas, ce qui permettra de renforcer encore davantage les capacités de surveillance et de contrôle de la qualité du programme. » Selon AMC, le Ministère « a déjà mis à l’essai une formation améliorée sur la conduite sécuritaire des visites dans les prisons, formation qui sera offerte à tous les agents consulaires. Un processus sera également mis en place pour assurer que les agents consulaires soient formés, y compris pour les cas d’arrestations et les détentions. Les mesures initiales associées à cette recommandation seront mises en œuvre d’ici décembre 2018, et les mises à jour finales des systèmes seront terminées d’ici septembre 2020. » Ibid., paragraphe 7.52.

[135]          Commission d’enquête sur les actions des responsables canadiens relativement à Maher Ara, Rapport sur les événements concernant Maher Arar; Analyse et recommandations, 2006.

[136]          Le BVG a indiqué qu’il a fallu aux fonctionnaires du Ministère entre un et six mois pour évaluer officiellement si les allégations de torture ou de mauvais traitements étaient sérieuses et crédibles. Une fois que les fonctionnaires ont établi que de la torture ou des mauvais traitements avaient probablement eu lieu, il a fallu 47 jours de plus en moyenne pour informer le ministre par écrit des cas de torture, et 29 jours de plus en moyenne pour aviser le sous‑ministre des cas de mauvais traitements.

[137]          BVG, Rapport 7 — Les services consulaires aux Canadiens et aux Canadiennes à l’étranger, Printemps 2018 — Rapports du vérificateur général du Canada au Parlement du Canada, paragraphe 7.48.

[138]          FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 17 septembre 2018.