FAAE Rapport du Comité
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LE CANARI DANS LA MINE DE CHARBON : RÉACTIONS AUX VIOLATIONS DE LA LIBERTÉ DE LA PRESSE AU VENEZUELA ET AU MYANMAR
Introduction
Le respect de la presse indépendante par le gouvernement est très révélateur de la voie sur laquelle s’engage un État quant au traitement réservé aux citoyens. Les gouvernements qui souhaitent agir en toute impunité ont d’abord et avant tout tendance à miner la capacité des médias indépendants de rendre compte librement des événements qui se produisent dans le pays. Les mesures prises par les gouvernements répressifs afin de limiter la liberté de la presse sont souvent intentionnelles, systématiques et calculées. Il peut s’agir notamment du harcèlement et de l’intimidation des journalistes par les forces de sécurité de l’État, de la révocation de la licence de radiodiffusion des médias, de la censure de sites Web ou même de certains mots, de l’application beaucoup trop générale de lois comportant des dispositions anti‑diffamation ou soi‑disant anti‑haine, ou le fait de discréditer publiquement la presse au moyen d’accusations sans fondement.
La dernière année a été difficile pour les médias indépendants et pour les défenseurs de la liberté d’expression. Cette année, on a enregistré une tendance à la baisse de la liberté de la presse dans le monde entier[1]. Des journalistes ont été ciblés de façon éhontée, alors que des gouvernements ont affiché un mépris manifeste envers les médias indépendants qui ont critiqué leurs politiques. Le contexte commercial défavorable en raison de facteurs démographiques, et la popularité des médias sociaux ont affaibli encore davantage la presse indépendante et ont rendu cette dernière particulièrement vulnérable à l’hostilité de certains gouvernements. Compte tenu du lien qui existe entre la solidité des médias indépendants et le respect des droits de la personne, il est manifestement pertinent d’étudier l’état de la liberté de la presse dans le monde.
Dans cette optique, le Sous‑comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes (le Sous‑comité) a réalisé, du 27 novembre 2018 au 28 février 2019, une étude sur l’état de la liberté de la presse dans le monde. Afin de mieux comprendre le lien qui existe entre les valeurs démocratiques et la liberté de la presse, le Sous‑comité a décidé de prendre pour étude de cas le contexte médiatique au Venezuela, où une crise politique perdure, et au Myanmar, une jeune démocratie où la montée du nationalisme a entraîné un génocide contre les Rohingyas et la résurgence de conflits entre l’armée du Myanmar et plusieurs groupes ethniques. Le Sous‑comité a entendu quatre témoins experts sur le Venezuela et quatre sur le Myanmar. Parmi les témoins, il y avait des membres d’organisations non gouvernementales (ONG) locales et internationales, des journalistes locaux et étrangers, ainsi que le rapporteur spécial sur la liberté d’expression de la Commission interaméricaine des droits de l’homme.
Les témoins qui ont parlé de la situation au Venezuela ont dressé le portrait d’un contexte médiatique qui n’a cessé de se détériorer au cours de la dernière décennie. La fermeture et l’acquisition par le gouvernement des grands médias indépendants ont donné lieu à une grande concentration de la propriété des médias et à une très faible diversité. Les grands médias qui exercent encore leurs activités, quant à eux, ont changé leur ligne éditoriale et appuient maintenant le gouvernement. En réponse aux manifestations contre le gouvernement de Nicolás Maduro, le Venezuela a coupé l’accès aux médias et a procédé à des arrestations arbitraires de certains journalistes.
Les témoins qui ont parlé de la situation au Myanmar ont insisté sur le fait que l’hostilité du gouvernement actuel à l’égard des médias indépendants est d’autant plus décevante que l’arrivée de la Ligue nationale pour la démocratie (LND), dirigée par la conseillère d’État Aung San Suu Kyi, avait donné l’espoir qu’une nouvelle ère de liberté d’expression allait être inaugurée. En outre, les journalistes du pays doivent faire face non seulement à l’hostilité du parti au pouvoir, mais aussi à la répression et aux menaces physiques provenant de l’armée et des groupes radicalisés. La manipulation de Facebook par l’armée et le fait que les algorithmes du réseau social donnent la priorité aux publications en fonction de leur popularité dans les fils de nouvelles ont contribué à la confusion causée par la diffusion d’informations réelles et fictives au Myanmar. Si, au Venezuela, les citoyens sont privés d’information indépendante et limités à des réseaux qui diffusent le discours du gouvernement, le contexte médiatique au Myanmar fait en sorte que les journalistes indépendants sont aux prises avec plusieurs acteurs répressifs ainsi qu’avec le phénomène de la propagation du discours haineux et de la désinformation dans les médias sociaux.
Nous exposons ci‑après, à titre d’étude de cas, un compte rendu des facteurs qui ont mené au contexte médiatique actuel, ainsi qu’une description de ce dernier, au Venezuela et au Myanmar. L’analyse relative à chaque pays se termine par une courte section qui expose des mesures suggérées par des témoins pour que les médias indépendants puissent récupérer leur place. Pour terminer, le rapport présente les grandes difficultés liées à la liberté de la presse dans le monde et à l’existence de contextes médiatiques sains. En guise de conclusion, le Sous-comité se penche sur les mesures qui peuvent être mises en place pour protéger la liberté de la presse dans le monde et formule six recommandations à l’intention du gouvernement du Canada.
La liberté de la presse au Venezuela
Au Venezuela, le déclin de la liberté de la presse au cours de la dernière décennie n’est pas le fruit du hasard. L’ancien président Hugo Chávez et son successeur, Nicolás Maduro, ont tous les deux désigné les médias indépendants comme un ennemi politique[2] et ils ont pris des mesures systématiques pour limiter les droits des journalistes, contrôler les lignes éditoriales et fermer les médias indépendants. Au Venezuela, la dégradation « continue et perpétuelle[3] » de la liberté de la presse n’a cessé de s’amplifier au cours des dernières années, ce qui a rendu l’infrastructure médiatique particulièrement vulnérable aux crises économiques et sociales que vit le pays et limite la capacité des citoyens d’obtenir et de diffuser de l’information en période de crise[4]. C’est d’ailleurs pendant ces périodes que le gouvernement accentue la répression contre la presse locale et étrangère, de même qu’envers des citoyens qui publient de l’information en ligne[5]. L’ingérence du gouvernement dans les médias est devenue la nouvelle norme. Selon Carlos Correa, directeur exécutif, Organisation non gouvernementale (ONG) Droits de la personne, liberté d’expression, Espacio Público :
À l’heure actuelle, la plupart des Vénézuéliens ne savent pas ce qui se passe en ce moment. Le peu de place laissé à l’information et la désinformation pratiquée par le gouvernement contribuent à accroître l’incertitude et à restreindre les débats publics éclairés, qui sont nécessaires pour mettre fin à la crise et rétablir les institutions démocratiques[6].
Alors que le Sous‑comité menait son étude pendant l’automne 2018 et l’hiver 2019, la crise politique s’est intensifiée au Venezuela. Attisés par l’élection du président Maduro pour un second mandat en janvier 2019, suivie peu après par l’autoproclamation de Juan Guaidó comme président intérimaire, les obstacles qui entravent la diffusion d’une information indépendante au public sont devenus plus nombreux[7]. Les témoins ont toutefois insisté sur le fait que la situation actuelle des médias au Venezuela est le résultat d’une longue campagne menée par l’État pour établir son hégémonie sur les communications. Emmanuel Colombié, directeur du bureau Amérique latine, Reporters sans frontières, a résumé la situation de la façon suivante :
Cette censure existe depuis de longs mois, voire plusieurs années. Elle s’est intensifiée en ce début d’année 2019, mais c’est une réalité que nous observons depuis très longtemps.[8]
Mesures prises pour limiter la libre circulation de l’information au Venezuela
Consolidation des médias et hégémonie de l’État sur les communications
L’État vénézuélien a adopté une approche à deux volets pour imposer son hégémonie sur les communications : 1) en suspendant des licences accordées aux médias; 2) en acquérant des réseaux médiatiques. Laura Helena Castillo, cofondatrice d’El Bus TV, a expliqué que cette tendance remonte à 2007, lorsque le président Chávez a accru le contrôle de l’État sur l’appareil médiatique et accéléré l’acquisition des médias indépendants[9]. Alors que les médias appartenant à l’État prenaient de l’expansion, la licence de certains des plus grands radiodiffuseurs indépendants du Venezuela a été révoquée[10]. Pour ce faire, le gouvernement a eu recours au mécanisme de révocation des licences de la Commission nationale des télécommunications (CONATEL), le cas le plus connu étant celui du retrait du permis de Radio Caracas Televisión (RCTV)[11]. Edison Antonio Lanza Robatto, rapporteur spécial sur la liberté d’expression de la Commission interaméricaine des droits de l’homme, a indiqué que RCTV « était sans aucun doute la principale chaîne de télévision privée [et on] l’a confié[e] à un média d’État[12] ». Mme Castillo a signalé que ces politiques ont entraîné la fermeture de 39 médias entre 2005 et 2017, dont la majorité était des stations de radio. Les grands médias de la presse écrite ont été vendus. En 2013, la seule chaîne d’information continue a elle aussi été vendue, transaction à la suite de laquelle elle a abandonné sa ligne éditoriale indépendante[13]. Les médias internationaux n’ont pas échappé à la répression et les suspensions ont connu des points culminants en 2009, en 2014 et en 2017[14]. En 2017 seulement, 61 sources médiatiques ont été fermées, soit 32 % de toutes les sources médiatiques fermées depuis 2002[15]. M. Correa a expliqué que les « fermetures nombreuses de médias, qui se produisent de plus en plus, ont considérablement restreint le nombre de médias traditionnels, particulièrement ceux qui rejoignent le plus grand nombre de personnes, notamment la télévision et la radio[16] ».
Selon M. Lanza Robatto, le gouvernement Maduro défend la légitimité des mesures décrites précédemment, y compris le fait de bloquer l’accès aux plateformes de médias, de retirer des licences et d’expulser des journalistes[17]. Bien que ces moyens de répression impudents des médias indépendants soient toujours employés, il existe aussi des approches plus subtiles, comme l’achat de médias par des sociétés de façade privées proches du gouvernement. M. Lanza Robatto a donné l’exemple de Global Vision, dont la ligne éditoriale a changé après son acquisition par un entrepreneur proche du gouvernement[18].
Pour se protéger des pressions exercées par le gouvernement, les médias ont procédé à des fusions, ce qui a eu pour résultat d’effriter la diversité des lignes éditoriales. M. Correa a expliqué qu’« il y avait un certain nombre de dispositions qui réglementaient les bandes de fréquence que pouvait posséder un particulier » et que « personne ne pouvait posséder plus de 10 % des radiofréquences FM et AM, ou plus de 25 % des fréquences radio pour ce qui est des diffuseurs régionaux[19] ». Afin de survivre aux fermetures incessantes de stations de radio, ces dernières établissent maintenant « un partenariat avec des forces politiques ou privées qui ont des liens étroits avec de puissants personnages de l’État, à l’échelle locale, régionale ou nationale[20] ».
La diversité et le pluralisme sont donc amoindris. Nous sommes passés d’une situation où le pluralisme et la diversité étaient plus forts à une situation où la concentration de la propriété des médias est plus marquée et où les gens ont moins de choix pour s’informer et comparer l’information contrastante qu’on leur présente[21].
Obstacles à la diffusion de l’information
Équipement et ressources
M. Colombié a expliqué que les journaux écrits quotidiens ou hebdomadaires font l’objet d’un « type de censure […] vicieuse : la pénurie de papier[22] ». En effet, le gouvernement se sert de son monopole sur la vente et la distribution de papier journal. Concrètement, en limitant la distribution du papier, l’État empêche la presse écrite dont l’opinion est contraire à la sienne de publier ses journaux. En décembre 2018, il n’y avait plus de presse écrite dans 10 États du pays en raison de cette tactique, qui a commencé environ cinq ans avant les crises actuelles[23]. M. Lanza Robatto a signalé la gravité particulière de la disparition de la presse écrite, qui constitue le « volet le plus indépendant de la presse[24] ».
Entrave à la radiodiffusion et à l’accès à Internet
Le blocage de la radiodiffusion et le contrôle exercé sur le contenu par le gouvernement sont des phénomènes courants et touchent toutes les formes de médias au Venezuela. L’accès à Internet est limité pendant certaines périodes, les fréquences de télévision et de radio sont bloquées et le contenu des trois moyens d’expression est surveillé. M. Correa a expliqué que, en raison de la récurrence du blocage des médias, des restrictions imposées à la diffusion d’informations et des limites relatives à l’accès à l’information, ces pratiques constituent désormais la norme[25].
Des témoins ont déclaré que le gouvernement Maduro a élaboré des stratégies visant à contrôler les messages publiés en ligne en bloquant des sites Web[26] et que des sites de journalisme d’enquête comme Armando.info sont plus spécialement visés par la censure, pour des périodes de plusieurs mois[27]. M. Correa a indiqué que le blocage des médias sociaux est systématique les jours où des manifestations contre le gouvernement ont lieu et que cette pratique « a une incidence sur la diffusion des événements qui se déroulent dans le pays[28] ». Il a également souligné que le blocage de sites Web est souvent suivi d’accusations au criminel contre ceux qui utilisent des blogues[29].
La commission de réglementation des communications dirigée par l’État, CONATEL, prive de fréquences les chaînes de radio et de télévision indépendantes, « que ce soit par des courriers ou par des interventions directes dans les locaux des médias[30] », ce qui les empêche de diffuser leurs informations. En plus de gérer la distribution des licences et de bloquer les fréquences, CONATEL surveille le contenu diffusé, ce qui rend certains sujets de plus en plus difficiles à aborder. M. Correa a fait remarquer qu’aucune station de télévision ou de radio n’a pu interviewer Juan Guaidó, de sorte que le public ne peut pas entendre ses arguments. C’est pourquoi, a‑t‑il expliqué, les citoyens n’ont pas pu « comparer [ses arguments] avec l’abondance de renseignements officiels qui se retrouvent également, au-delà des médias d’État, sur d’autres plateformes[31] ». M. Colombié a ajouté que le jour de l’investiture du chef de l’opposition, Juan Guaidó, les médias vénézuéliens ont uniquement transmis le discours du président Maduro, que les chaînes de radio et de télévision avaient été censurées d’avance par le gouvernement et que « le peuple vénézuélien […] n’a pas accès à des informations indépendantes, contrastées, objectives ou critiques sur ce qui se passe au pays[32] ». CONATEL a également bloqué des chaînes de télévision étrangères, dont CNN, des réseaux colombiens (Radio Caracol, par exemple) et la télévision nationale chilienne[33].
Accusations criminelles contre des journalistes et expulsion des journalistes étrangers
Le cadre législatif dans lequel les reporters exercent leur profession est devenu plus restrictif, comme en témoigne la persécution judiciaire accrue, caractérisée par des arrestations arbitraires et la condamnation de journalistes au criminel[34]. M. Lanza Robatto affirme que la tendance à la criminalisation du journalisme, qui existe depuis huit ans, s’est accentuée récemment[35]. M. Correa a ajouté que cette criminalisation a facilité l’offensive contre les médias et favorisé l’impunité lorsque des journalistes sont victimes d’actes de violence[36].
Des journalistes qui couvraient les manifestations d’opposition au Venezuela et d’autres qui n’appuyaient pas le discours officiel du gouvernement ont également fait l’objet d’arrestations arbitraires par le service de contre‑espionnage de l’État, le Servicio Bolivariano de Inteligencia Nacional (SEBIN). M. Lanza Robatto a informé le Sous‑comité que, au Venezuela, lorsqu’un journaliste local parle de la corruption du gouvernement ou de violations des droits de la personne, des poursuites sont intentées contre lui et on lui interdit de quitter le pays[37]. En outre, des reporters identifiés comme étant opposés au gouvernement ont vu leurs caméras et leur équipement de photographie confisqués et détruits par le SEBIN[38].
Des journalistes ont été détenus sous divers chefs d’accusation, notamment l’espionnage et la conspiration. M. Colombié a fait remarquer ceci : « Nous faisons donc face à une panoplie d’accusations qui ne sont absolument pas valables et qui ne visent selon nous qu’à faire taire non seulement les journalistes, mais aussi des blogueurs ou d’autres[39] ».
M. Lanza Robatto a expliqué que la crainte de finir en prison a incité de nombreux journalistes à s’exiler à l’étranger. Il a fait remarquer que plus de 10 journalistes vénézuéliens travaillent depuis Miami ou la Colombie. Signalons aussi que la répression ne vise pas uniquement les journalistes locaux. Des correspondants étrangers sont expulsés sur une base régulière. En effet, 20 cas ont été signalés au cours des quatre dernières années[40]. Des témoins ont mentionné les cas récents de sept journalistes étrangers qui ont été arrêtés sur une période de 24 heures, dont des journalistes provenant du Chili, de la Colombie, de l’Espagne, du Brésil et de la France. Tous ont été détenus, interrogés et, après quelques heures, libérés. La plupart d’entre eux ont immédiatement été escortés jusqu’à l’aéroport et expulsés du pays. D’après M. Colombié, on a demandé aux reporters de cesser de transmettre de l’information, même si ces derniers s’étaient présentés comme journalistes à leur arrivée au Venezuela[41].
Surveillance et criminalisation d’utilisateurs de médias sociaux
M. Colombié a également insisté sur l’importance des médias sociaux au Venezuela et indiqué que « Twitter joue un rôle fondamental dans la crise que traverse actuellement le Venezuela. [C]'est l’un des rares outils grâce auxquels les gens peuvent trouver les informations diffusées par les médias d’opposition et indépendants, qui ne sont pas alignés sur le président Maduro[42]. » Étant donné que les médias d’opposition ont été systématiquement exclus des canaux de radiodiffusion habituels par le régime Maduro, ils se sont tournés vers Twitter[43] ». Abondant dans le même sens, M. Lanza Robatto a ajouté que la répression et la monopolisation des médias traditionnels ont poussé les blogueurs et les citoyens à s’en remettre à Internet et que, « pendant certaines années, cet espace était beaucoup plus libre que les médias traditionnels[44] ».
Toutefois, M. Colombié et d’autres témoins ont formulé une mise en garde, à savoir que le gouvernement prend actuellement des mesures pour restreindre la liberté d’expression à travers des médias sociaux. En effet, le gouvernement se sert du contrôle qu’il exerce sur l’infrastructure Internet pour censurer directement les réseaux « en coupant l’accès à Internet ou aux plateformes[45] ». De plus, le gouvernement a mis en place une surveillance sélective des citoyens sur les médias sociaux et il applique de façon arbitraire la nouvelle loi contre la haine aux utilisateurs des médias sociaux[46]. M. Lanza Robatto et M. Correa ont parlé du cas de Pedro Jaimes Criollo, qui diffusait régulièrement sur Twitter de l’information sur la météorologie et les trajectoires de vol au Venezuela. En mai 2018, M. Jaimes a été arrêté sans mandat par le SEBIN pour avoir publié sur Twitter la trajectoire de vol de l’avion présidentiel, un renseignement qui était du domaine public. M. Amado Vivas, coordonnateur, Organisation non gouvernementale (ONG) Droits de la personne, liberté d’expression, Espacio Público, a expliqué ce qui suit :
[I]l y a essentiellement une surveillance sélective des médias sociaux qui afflige ces citoyens, en particulier dans le cas de Jaimes. Comme il a diffusé de l’information publique, il risque maintenant jusqu’à 30 ans de prison, soit la peine maximale au Venezuela. De plus, il est maintenant passible de poursuites dans lesquelles les juges, de toute évidence, n’ont pas la moindre indépendance[47].
M. Lanza Robatto a expliqué qu’au cours des 18 derniers mois, les personnes qui, prétendument, « expriment de la haine, font de la discrimination ou se livrent à du terrorisme » sont menacées d’emprisonnement au titre de la « loi contre la haine » sur les médias sociaux[48]. Il a insisté sur le fait que la définition de ces actes demeure vague et ambiguë. M. Lanza Robatto a informé le Sous‑comité que cette loi, qu’il a qualifiée de draconienne, est une première dans l’hémisphère et qu’elle « prévoit jusqu’à 20 ans de prison pour les gens qui, selon le gouvernement, diffusent en ligne des messages haineux et subversifs[49] ». En 2018, 23 personnes ont été mises en détention pour avoir publié de l’information en ligne, ce qui porte le nombre de détenus à 53 depuis 2009[50].
Bien que la situation susmentionnée soit désastreuse du point de vue de la liberté d’expression en ligne au Venezuela, les choses pourraient bientôt s’empirer. M. Colombié a signalé que le gouvernement Maduro a l’intention de présenter un projet de loi qu’il a qualifié de « très préoccupant[51] » et qui permettra au gouvernement de garder la mainmise sur les données privées en ligne. Cette dernière initiative du régime Maduro s’inscrit dans la lignée du scénario présenté précédemment, où un gouvernement multiplie les mesures répressives à mesure que s’intensifient les menaces à son emprise sur le pays.
Médias alternatifs : défis et possibilités
En réaction aux obstacles de plus en plus nombreux qui entravent la libre circulation de l’information, les Vénézuéliens « se sont tournés vers des médias en ligne[52] ». En fait, M. Correa a fait remarquer que « les médias qui peuvent fonctionner sont ceux qui sont les plus recherchés[53] ». Cependant, la médiocrité des infrastructures et l’accès limité rendent les choses plus difficiles aux Vénézuéliens à la recherche de médias indépendants en ligne. Au Venezuela, la vitesse Internet demeure l’une des plus lentes de la région et plus de la moitié de la population n’a pas accès au réseau[54]. Le prix élevé des téléphones intelligents, qui correspond à une grande partie du revenu minimum du Vénézuélien moyen, constitue un obstacle supplémentaire pour accéder à Internet[55].
Le Sous‑comité a appris l’existence d’un exemple de journalisme innovateur qui communique les nouvelles directement aux Vénézuéliens. Cofondé en 2017 par Mme Castillo et une collègue, El Bus TV regroupe plus de 40 journalistes et étudiants en journalisme, qui travaillent pour obtenir des crédits d’études, qui, si on leur en donne la permission, lisent les nouvelles à voix haute dans des autobus privés. Les présentateurs transmettent les nouvelles derrière un carton découpé qui évoque un écran de télévision. El Bus TV exerce ses activités sur plusieurs itinéraires, essentiellement dans les quartiers à faible revenu de Caracas, de Valencia et de Mérida, et il prévoit les étendre à Ciudad Guayana. Mme Castillo a déclaré au Sous‑comité ce qui suit : « À notre avis, nous ne pouvons pas attendre que le public se tourne vers les médias. Les médias doivent s’adresser à leur auditoire pour l’informer, surtout pour lui donner une information indépendante et équilibrée[56]. »
Au Venezuela, le manque d’information ne se limite pas aux affaires politiques, il s’étend aussi aux besoins fondamentaux comme la nutrition et les soins de santé[57]. Mme Castillo a expliqué que les Vénézuéliens assistent à une résurgence de maladies qui avaient été éradiquées. La diphtérie, l’hépatite A et la malnutrition sont courantes, et il y a « une absence totale de campagnes d’information sur la santé[58] ».
Mme Castillo a mentionné que les journalistes sont généralement bien accueillis à bord des autobus. Des passagers ont proposé des sujets qui les intéressent et des discussions éclairées ont eu lieu. Cependant, la tension à bord des autobus a monté au même rythme que les tensions politiques. Des journalistes ont été victimes d’agressions verbales et physiques, et l’organisme a dû revoir ses protocoles de sécurité[59].
Répercussions de l’univers médiatique sur la crise politique actuelle
Au cours des derniers mois, la crise au Venezuela s’est gravement accentuée. La censure a gagné en intensité au début de l’année 2019, parallèlement à la réélection du président Maduro et l’autoproclamation de Juan Guaidó comme président intérimaire le 23 janvier 2019[60]. Il s’agit d’un cycle qui se répète au Venezuela : « Chaque fois que l’opposition prend de l’importance […], c’est totalement mécanique : la censure, en parallèle, évolue en conséquence[61]. » Comme mentionné précédemment, CONATEL a coupé en janvier 2019 les fréquences de toutes les chaînes de télévision qui comptaient présenter en direct le discours d’inauguration de Juan Guaidó[62]. Au cours des manifestations et des événements qui ont eu lieu depuis, CONATEL a également coupé les chaînes de télévision à péage du Chili et de la Colombie[63]. M. Correa a exprimé ses préoccupations au sujet des derniers développements, précisant que
le président de l’Assemblée nationale du Venezuela [Juan Guaidó] n’a pas accordé d’entrevue à la radio au pays. Aucune station de télévision ou de radio n’est capable de l’interviewer. La population n’a pas entendu ses arguments. Elle n’a pas pu les comparer avec l’abondance de renseignements officiels qui se retrouvent également, au-delà des médias d’État, sur d’autres plateformes[64].
Dans la même veine, M. Colombié a ajouté qu’« [i]l est de plus en plus difficile pour les journalistes de décrire la réalité, de parler de ce qui se passe, de la crise économique, de la pénurie d’aliments, de la répression et du contexte très tendu dans lequel s’amorce l’année 2019[65] ». Plus que jamais, la population du Venezuela n’a aucun accès à de l’information indépendante, variée, objective ou essentielle sur ce qui se passe dans leur pays[66]. Le gouvernement Maduro a également mis les bouchées doubles sur sa lutte contre les médias sociaux en restreignant l’accès à des plateformes comme Twitter et Instagram. Dans plusieurs régions du pays, l’accès Internet est sporadiquement interrompu[67]. M. Correa a indiqué que, en janvier 2019 seulement, 20 membres de la presse ont été détenus pour leurs reportages[68].
Comme il a été mentionné précédemment, ces mesures de répression ont contribué à un climat « très tendu » pendant un mois pour les journalistes au pays; une témoin a indiqué que la population s’est davantage polarisée[69]. Mme Castillo a fait observer ce qui suit :
Nous continuons de faire ce que nous faisons et nous continuons de croître. Mais nous savons aussi qu’il sera de plus en plus difficile de monter dans les autobus et de fournir de l’information. Nous pensons que c’est de plus en plus nécessaire et, en même temps, de plus en plus difficile. C’est plus délicat qu’il y a quelques années parce que les gens sont plus tendus[70].
Que peut-on faire?
Des témoins ont souligné l’importance de l’attention des gouvernements étrangers et des Nations Unies (ONU) dans la lutte contre les restrictions imposées à la liberté de la presse au Venezuela. Ils ont discuté plusieurs mesures potentielles, telles que la plaidoirie, les programmes de protection et la formation offerte aux journalistes sur le terrain.
Selon M. Colombié, il est essentiel que les gouvernements continuent de dénoncer la situation et de condamner ce qui se passe au Venezuela et ailleurs dans le monde. Il a expliqué que les gouvernements étrangers pourraient sensibiliser le monde aux grands enjeux qui se déroulent au Venezuela, comme la censure et l’impossibilité d’accéder à des renseignements impartiaux. Il a ajouté que l’intensification des pressions exercées par les ONU permettrait d’appuyer les progrès, et a formulé la proposition suivante :
L’une des demandes que nous présentons depuis plusieurs années à l’ONU vise la création d’un poste de conseiller spécial sur la protection des journalistes qui se rapporterait au secrétaire général de l’organisme et qui pourrait s’exprimer régulièrement sur les questions touchant la liberté de la presse. Si le Canada était disposé à appuyer cette demande, nous en serions très reconnaissants[71].
M. Colombié a également indiqué que le Canada pourrait apporter son aide par le financement d’initiatives de formation des journalistes locaux « qui ont de grands besoins en matière de cybersécurité et de protection physique sur le terrain » et « qui ont aussi besoin de matériel de protection [et] de matériel journalistique[72] ». Il a souligné l’importance de la formation pour les journalistes indépendants « qui ne savent pas comment se défendre face à des menaces telles que des violences physiques et verbales, des arrestations et des attaques en ligne[73] ». Il a affirmé que des organismes comme Human Rights Watch et Reporters sans frontières « travaillent à des solutions d’assistance directe pour des médias en situation de vulnérabilité », mais que l’établissement de programmes comme ceux-ci peut s’avérer difficile en raison de questions financières[74]. M. Colombié a par ailleurs souligné que l’aide offerte par les ambassades aux journalistes en péril est utile, voire essentielle[75].
Liberté de la presse au Myanmar
La liberté d’expression, l’univers médiatique et le journalisme au Myanmar
Depuis 2010 environ, le Myanmar se relève de décennies de dictature militaire durant laquelle la liberté d’expression était grandement restreinte[76]. Des élections ont été tenues en 2012 pour mettre en place un gouvernement civil, quoique l’armée du Myanmar conserve le pouvoir. Les premiers députés de la LND, le parti dirigé par Aung San Suu Kyi, ont été élus cette année-là. Ils ont joint l’opposition de l’époque[77].
Il a d’abord semblé que la démocratisation du pays donnerait lieu à une plus grande liberté d’expression, un droit garanti par la nouvelle constitution du Myanmar, rédigée par l’armée[78]. En partie en raison de la pression exercée par la communauté internationale, les journalistes locaux ont pu avoir un meilleur accès au gouvernement civil soutenu par l’armée. En 2012, le conseil de la censure du Myanmar, qui approuvait chaque article avant leur publication, a été aboli[79], après quoi les organes d’information se sont multipliés[80]. Les journalistes n’avaient peut-être plus besoin d’obtenir une autorisation avant de publier leurs articles, mais certains ont été la cible de menaces d’arrestation ou de représailles par l’armée lorsque leur attention se portait sur certains sujets en particulier, notamment l’intensification des opérations militaires contre des groupes ethniques ayant des factions armées, comme les kachins dans le nord et le nord-est du Myanmar[81]. L’armée a commencé à s’affilier à des organismes bouddhistes nationalistes extrémistes, tissant des alliances utiles dans le nouveau paysage politique[82]. Malgré ce contexte, la LND a remporté haut la main les élections libres et équitables de 2015 après une campagne fondée sur le renforcement de la liberté de la presse[83]. Esther Htusan, correspondante étrangère, The Associated Press, se souvient que les journalistes « [se] nourriss[aient] beaucoup d’espoir[84] » à ce moment, un espoir qui serait déçu. Linda Lakhdhir, conseillère juridique, Human Rights Watch, a expliqué que, depuis que la LND a pris le pouvoir en 2016, on a observé « un déclin de la liberté de la presse » au Myanmar[85]. Les mesures prises par la LND constituent « un réel retournement de tendance » en ce qui concerne la liberté d’expression et il ne s’agit pas d’« un accident de parcours[86] ». Le refus d’Aung San Suu Kyi de défendre les journalistes dans son pays « en dit long sur le chemin encore très cahoteux et très sinueux que le Myanmar devra parcourir en matière de liberté de la presse pour mener à bien sa transition démocratique[87] ».
Depuis l’élection de la LND, le Myanmar a attiré l’attention de la communauté internationale en raison du génocide perpétré par l’armée du pays et par des civils contre les Rohingyas musulmans de l’État de Rakhine, et de l’exode massif de cette population vers le Bangladesh. Par ailleurs, les affrontements entre l’armée du Myanmar et des milices ethniques armées se sont intensifiés, perpétuant un conflit qui perdure depuis l’indépendance du Myanmar. Des préoccupations chroniques liées aux droits de la personne sont encore bien présentes, notamment la corruption des autorités[88].
Les répercussions de l’univers médiatique sur les événements au Myanmar
Des témoins ont indiqué au Sous-comité que le discours national au Myanmar et certains événements récents sont le résultat de l’univers médiatique et de l’environnement de l’information au pays. Certains ont fait valoir que les atrocités commises contre les Rohingyas sont nourries par la désinformation et des propos haineux propagés par la résurgence du mouvement nationaliste bouddhiste et encouragées par les autorités de l’État.
Désinformation par les autorités
Mme Htusan a affirmé au Sous-comité que « l’information officielle que nous obtenons du gouvernement est elle-même de la désinformation[89] ». Elle a ajouté que les informations fondées sur des entrevues avec les autorités gouvernementales « sont habituellement inexactes[90] ». En outre, le gouvernement du Myanmar possède des journaux qui, selon Ko Ko Naing, président de la Los Angeles Rohingya Association, sont utilisés pour diffuser de la désinformation[91]. D’autres journaux sont « proches du gouvernement » et sont « plus ou moins des organes de propagande[92] ». Les modèles d’affaires des organismes médiatiques privés et de petite taille « sont encore très faibles », ce qui les rend très vulnérables aux pressions éditoriales exercées par l’État[93]. Dans d’autres cas, le gouvernement ne réagit tout simplement pas et ne répond pas aux questions des journalistes[94].
L’accès des citoyens du Myanmar à Internet se fait presque exclusivement par l’intermédiaire de Facebook. Entre d’autres mots, « Internet se limite essentiellement à Facebook[95] ». Le nombre d’utilisateurs Facebook au Myanmar a augmenté de manière exponentielle au cours des dernières années[96]. Des témoins ont expliqué que les médias sociaux représentent la pire menace à la libre circulation de l’information fiable au Myanmar.
La prolifération des propos haineux en ligne
Mme Lakhdhir a indiqué que Facebook « joue un rôle fort complexe » au Myanmar[97]. Il a « joué un rôle bénéfique à bien des égards » en permettant aux activistes de promouvoir la démocratie, d’organiser des manifestations et de diffuser de l’information sur celles-ci et de sensibiliser la population[98]. Toutefois, elle reconnaît que Facebook « a également joué un rôle néfaste[99] ». Daniel Bastard, directeur du bureau Asie-Pacifique, Secrétariat international, Reporters sans frontières, a décrit le nœud de la question : les algorithmes de Facebook accordent la priorité aux publications qui récoltent le plus de clics, ce qui comprend les fausses informations et les propos haineux[100]. Selon M. Bastard, les journalistes-citoyens qui publient de l’information fiable sur Facebook « vo[ient] généralement leurs publications se retrouver complètement au bas de la liste[101] ». Par ailleurs, des témoins ont affirmé que les algorithmes sont « manipulés par les autorités – par l’armée notamment[102] ».
Des témoins ont expliqué que la dépendance aux médias sociaux au Myanmar a contribué à la prolifération du discours haineux. Mme Htusan a fait valoir que « [l]a propagande militaire contre les Rohingyas a connu beaucoup de succès[103] ». Soulignant la « quantité phénoménale de propos haineux […] proférés sur Facebook au Myanmar[104] », des témoins ont expliqué que le gouvernement et les citoyens du Myanmar utilisent Facebook comme un outil de diffusion du discours haineux et pour justifier le génocide des Rohingyas[105]. Mme Lakhdhir, M. Naing et M. Bastard ont chacun soulevé des allégations très sérieuses selon lesquelles Facebook portait une part de la responsabilité de l’incitation au génocide[106]. M. Bastard a affirmé que, à tout le moins, Facebook « a fait preuve d’une très coupable négligence[107] ».
M. Bastard a fait valoir que Facebook « n’avait quasiment personne pour modérer l’activité de toute cette masse d’utilisateurs », tout en reconnaissant que la modération des activités « est très difficile à définir[108] ». M. Bastard et Mme Htusan ont mentionné une lettre ouverte rédigée par une coalition de groupes de la société civile à l’intention de Mark Zuckerberg, premier dirigeant de Facebook[109]. La lettre critique le recours excessif de Facebook à des tiers pour signaler les propos haineux et l’incitation à la violence, le fait que l’entreprise ne s’est pas dotée d’un mécanisme approprié pour transmettre aux autorités les signalements en cas d’urgence, sa réticence à collaborer avec des intervenants locaux pour trouver des solutions, et son manque de transparence sur ses pratiques passées et les mesures à prendre pour améliorer la réaction de l’entreprise dans ces situations[110].
Menaces à la liberté et à la sécurité des journalistes et des défenseurs des droits de la personne
Tout comme l’univers médiatique a façonné le discours national, la rhétorique employée par le gouvernement du Myanmar et les mesures qu’il a prises ont profondément influencé la capacité des journalistes de couvrir l’actualité. Certains membres du gouvernement discréditent régulièrement la presse et appuient le harcèlement des journalistes[111]. Le Sous-comité a appris que les journalistes craignent particulièrement les représailles à la publication de reportages sur les questions des droits de la personne ou sur les crises humanitaires au Myanmar, des craintes qui les amènent à se censurer eux-mêmes[112]. Mme Htusan a souligné que la peur est maintenant employée pour remplacer les fonctions de l’ancien conseil de censure et que, en plus de craindre l’armée, les journalistes sont maintenant la cible de menaces par le gouvernement civil et les groupes bouddhistes extrémistes[113].
Le recours au système juridique pour nuire à la circulation libre de l’information
Mme Htusan a indiqué que le plus grand défi auquel sont confrontés les journalistes est la menace de la criminalisation de leur travail[114]. Les autorités ont arrêté des journalistes et des activistes en s’appuyant sur un large éventail de lois[115]. Mme Htusan a fait observer que, même s’il détient le pouvoir d’abroger des lois répressives employées par le régime militaire pendant plus de 50 ans, le gouvernement civil du Myanmar, de même que l’armée, use de ces lois pour criminaliser et diaboliser les journalistes qui signalent la corruption ou les échecs du gouvernement et ceux qui produisent des satires, peu importe leur type[116]. Ces lois sont « comme une épée de Damoclès qui pèse » au-dessus des journalistes d’enquête, ce qui engendre un fort effet dissuasif[117]. Même si elles n’aboutissent pas à des déclarations de culpabilité, les accusations criminelles peuvent donner lieu à d’énormes coûts financiers pour les agences médiatiques, qui se trouvent déjà en situation de précarité financière[118]. De plus, elles peuvent perturber profondément la vie professionnelle et personnelle des journalistes. À titre d’exemple, Mme Lakhdhir a mentionné le cas d’un chroniqueur qui a été contraint de faire un trajet aller-retour de 1260 kilomètres toutes les deux semaines pour assister a son procès[119]. L’effet dissuasif est exacerbé par le fait que « [l]a magistrature n’est pas indépendante du gouvernement central, et le gouvernement peut arrêter n’importe qui n’importe quand[120] ».
L’exemple le plus criant du recours au système judiciaire pour faire taire les journalistes est le cas des journalistes Wa Lone et Kyaw Soe Oo de Reuters[121], qui ont été condamnés en vertu de la Loi relative aux secrets d’État de 1923 du Myanmar. Les deux journalistes ont été immédiatement mis en état d’arrestation après que deux représentants gouvernementaux leur ont remis « de mystérieux documents » lors d’une rencontre organisée par les représentants eux-mêmes[122]. De nombreux observateurs estiment que Wa Lone et Kyaw Soe Oo ont été arrêtés en guise de représailles à leur reportage qui a mis au jour un massacre dans l’État de Rakhine[123]. M. Bastard a indiqué ce qui suit :
Si l’appareil policier, judiciaire et politique a pu s’en prendre aussi allègrement à ces journalistes, c’est peut-être parce que c’était comme un gage apporté par le gouvernement civil d’Aung San Suu Kyi aux militaires et au milieu fondamentaliste bouddhiste, dans le cadre de cette fameuse répression de la minorité musulmane rohingya[124].
Après la fin des témoignages, en mai 2019, les deux journalistes de l’agence Reuters ont bénéficié d’une amnistie présidentielle à l’occasion d’une tradition annuelle et ils ont été libérés après avoir passé 18 mois en prison[125]. Certains observateurs avaient prévu cette tournure des événements. Voici ce qu’a expliqué M. Bastard :
Dans cette hypothèse, d’un côté, le pouvoir civil pourrait ainsi faire montre de sa clémence et de son humanité tout en confirmant la condamnation des journalistes, ce qui, de l’autre côté, permet aux militaires et aux nationalistes bouddhistes de sauver la face […], mais le message que les autorités enverraient aux autres journalistes est absolument glaçant : voilà ce qu’il vous en coûtera si vous osez enquêter sur les sujets interdits[126].
Wa Lone et de Kyaw Soe Oo sont seulement deux cas parmi au moins 43 journalistes arrêtés entre 2016, à l’arrivée au pouvoir de la LND, et septembre 2018[127].
Plusieurs témoins ont formulé des critiques au sujet de la Loi sur les télécommunications de 2013 du Myanmar. L’alinéa 66d) de la Loi prévoit une peine criminelle d’emprisonnement d’au plus trois ans pour « diffamation ». Plus précisément, la Loi criminalise l’extorsion, la coercition, la contrainte indue, la diffamation, l’influence indue ou la menace de toute personne au moyen d’un réseau de télécommunications, un terme qui, au sens de la Loi, s’entend des ordinateurs et d’autres appareils similaires branchés à un réseau[128]. Quiconque peut présenter une plainte en vertu de cette Loi[129]. Selon M. Bastard, cette dernière est « très vague et assez mal formulé[e] », si bien que, peu importe le poids des sources et des preuves soutenant leurs enquêtes, les journalistes sont la cible de plaintes[130].
En vertu de cette Loi, des plaintes contre des journalistes ont été présentées par des autorités gouvernementales, des membres de l’armée et des groupes bouddhistes ultra-nationalistes[131]. Des chroniqueurs et des journalistes ont subi des procès pour diffamation de l’armée et de représentants régionaux, même si leurs propos étaient « manifestement satiriques[132] ». Un chroniqueur, Swe Win, a été accusé de diffamation du moine bouddhiste ultra-nationaliste Wirathu, après que ce dernier a applaudi le meurtre d’un avocat. Selon le chroniqueur accusé, « cette affaire semait la crainte dans toutes les salles de nouvelles, où on avait peur de traiter des questions relatives aux moines bouddhistes et au mouvement nationaliste au pays[133] ».
Des activistes et des citoyens sont également arrêtés pour avoir pris la parole dans les médias au sujet de questions comme les violations des droits de la personne commises par l’armée ou la corruption[134]. Il est donc encore plus difficile, même pour les journalistes les plus intrépides, de trouver des sources d’information[135]. Mme Lakhdhir a indiqué, par exemple, que des personnes ont été arrêtées pour avoir parlé aux médias d’une frappe militaire contre une église de l’État Kachin, pour avoir réclamé de l’aide pour les civils pris au piège pendant un conflit entre le Tatmadaw et l’armée indépendante kachin, et pour avoir fait des allégations de corruption contre le ministre régional. Elle a en outre mentionné le cas d’Aung Ko Htway, qui purge une peine d’emprisonnement de deux ans pour avoir accordé une entrevue à Radio Free Asia sur son vécu d’enfant-soldat[136].
L’effet dissuasif de la criminalisation en vertu des lois vagues s’ajoute à certaines interdictions officielles. L’utilisation du mot « Rohingya » est interdite au Myanmar. Les autorités privilégient le terme « Bengali » pour faire référence à ce groupe, un terme qui laisse entendre que les Rohingyas sont un groupe du Bangladesh, et, par extension, qu’ils ne feront jamais partie des peuples du Myanmar. Les agences d’information qui utilisent le terme « Rohingyas » s’exposent à une fermeture forcée ou à une interdiction de diffusion, comme ce fut le cas pour Radio Free Asia, un organe d’information basé aux États-Unis[137]. L’utilisation du terme peut être un motif d’arrestation, tant pour les journalistes que pour les citoyens[138].
La liberté de la presse est également entravée par de vastes restrictions d’accès aux zones de conflit, notamment l’État de Rakhine, qui est inaccessible depuis 2016[139]. D’importantes restrictions d’accès sont également imposées pour les États Kachin, Chin et Shan[140]. La Loi sur les associations illégales de 1906 du Myanmar est « une loi à très grande portée » qui est souvent utilisée « pour punir tous ceux dont on pense qu’ils ont des contacts avec un des nombreux groupes ethniques armés du pays », y compris des journalistes[141]. En outre, selon M. Bastard, « [c]eux qui osent [se] rendre [dans les zones de conflit] font l’objet de sérieuses menaces et, parfois, de représailles de la part des belligérants[142] ». Il a précisé ce qui suit :
Dès qu’il y a un peu de conflits, les journaux n’ont pas de liberté éditoriale. C’est même dangereux physiquement de publier des choses que l’armée ne voudrait pas qu’on publie. C’est vraiment dans les quelques zones où la population vit en paix que les journaux régionaux peuvent être diffusés[143].
Par conséquent, les zones de conflit ne font l’objet d’aucune couverture médiatique[144]. Mme Htusan a expliqué que, en raison des restrictions d’accès, il est très difficile de confirmer les renseignements provenant de sources rohingyas, avec lesquelles elle pouvait communiquer à l’aide des médias sociaux. Elle a fait valoir que les tentatives de confirmation des renseignements auprès des administrations locales exposent grandement les journalistes à des accusations de diffamation en vertu de la Loi sur les télécommunications, notamment lorsque les administrations locales nient les renseignements[145].
Diabolisation, menaces et harcèlement
Mme Lakhdhir a affirmé que l’animosité à l’égard du journalisme est
un problème de taille, notamment au Myanmar. Le gouvernement n’améliore pas la situation, car même s’il a adopté un manifeste où il promet la liberté de la presse, certains de ses membres diabolisent ou dénigrent régulièrement la presse et appuient les poursuites intentées contre des journalistes[146].
Des témoins ont indiqué au Sous-comité que les journalistes et les activistes sont la cible de menaces et de harcèlement par les ultra-nationalistes, les militants qui appuient le gouvernement et l’armée lorsqu’ils abordent des sujets délicats, comme les violations des droits de la personne perpétrées contre les Rohingyas et d’autres minorités[147]. Ces menaces sont formulées en personne et en ligne. Mme Htusan, journaliste lauréate du prix Pulitzer, a décrit sa propre expérience. Son journaliste vidéo a été battu par un moine bouddhiste alors qu’il filmait les manifestations contre la fermeture de deux médersas[148]. Elle a quitté le Myanmar en décembre 2017 après que des militants du gouvernement lui ont fait des menaces de mort[149].
M. Bastard a souligné le problème de la présence « sur Facebook [de] toute une armée de trolls au service de la mouvance bouddhiste fondamentaliste », composée de personnes « qui sont assez proches des responsables de l’armée[150] ». Il a ajouté que le harcèlement des journalistes est systématique et organisé. Il a également mentionné qu’il est de plus en plus courant que l’on cible des journalistes-citoyens qui, puisqu’ils ne sont pas des professionnels, risquent moins de faire l’objet de menaces de poursuites[151].
Que peut-on faire?
Au fil de leur témoignage, les témoins ont décrit les effets de la désinformation, des propos haineux, de la criminalisation et du harcèlement sur les journalistes et les défenseurs des droits de la personne au Myanmar. La criminalisation peut représenter « des frais financiers énormes[152] » et avoir de grandes répercussions sur la vie personnelle et professionnelle des victimes[153]. Mme Lakhdhir a fait valoir que les journalistes locaux « se sentent bien plus vulnérables » que les journalistes étrangers en raison de l’absence d’un réseau de soutien[154]. D’autres journalistes se sont exilés, à l’instar de Mme Htusan[155]. La situation a également forcé des militants qui défendent les minorités ethniques au Myanmar – y compris des personnes de la majorité bouddhiste – à quitter le pays. Des communautés de journalistes-citoyens rohingyas ont pris racine en Thaïlande, en Malaisie et aux États-Unis[156]. Malgré tout, « il s’est développé une culture de la déontologie journalistique et de l’éthique que l’on doit prendre en compte[157] », et que les journalistes au Myanmar « sont vraiment des héros. Ils incarnent ce que pourrait être la liberté de la presse[158]. »
M. Bastard a proposé que la communauté internationale adopte une approche qui comprendrait la protection directe des journalistes et des agences médiatiques privées. Il a fait valoir que le soutien aux agences médiatiques privées contribuerait au renforcement de leur résilience contre les attaques. Par exemple, il a fait valoir qu’il serait utile d’offrir des fonds pour appuyer la défense contre les accusations criminelles[159]. Mme Lakhdhir a décrit le rôle important que pourraient jouer les ambassades canadiennes pour protéger les journalistes locaux, y compris en reconnaissant leur travail et en leur offrant de l’aide[160].
Certains témoins se sont penchés sur l’effet potentiel des pressions diplomatiques. Mme Lakhdhir est d’avis que le Canada devrait condamner le Myanmar, ou tout autre pays qui diabolise les journalistes et appuie la persécution systématique des journalistes[161]. M. Naing a toutefois fait observer que les États de l’Occident, notamment le Canada, les États-Unis et les pays de l’Union européenne, ainsi que certains États voisins du Myanmar, comme la Malaisie, font des pressions soutenues sur le gouvernement du Myanmar depuis plus de 10 ans, en vain. Il a précisé que le Myanmar jouit encore du soutien d’autres États voisins, comme la Chine, Singapour, la Thaïlande et le Vietnam[162]. M. Bastard a fait valoir que, compte tenu du caractère économique de sanctions ciblées, le fait que les avoirs des dirigeants du Myanmar se trouvent en Chine « complique beaucoup les choses ». Il a toutefois indiqué qu’« on peut envoyer un message[163] ». M. Naing a proposé une approche plus ferme qui viserait entre autres à isoler le gouvernement et l’armée du Myanmar[164].
Affronter les menaces à la liberté d’expression : Un besoin urgent
Le cas du Venezuela et celui du Myanmar illustrent clairement la manière dont un univers médiatique fragile peut alimenter des crises. En raison de la suppression des médias indépendants au Venezuela au cours de nombreuses années, la population est désormais privée d’information indépendante. Au Myanmar, la popularité de Facebook et la suppression des médias indépendants ont donné lieu à une trop grande dépendance à un média social susceptible d’être détourné par des personnes qui propagent des propos haineux. Les gouvernements répressifs limitent les médias pour étouffer les critiques, mais, lorsqu’ils en ont la possibilité, ces mêmes gouvernements utilisent leur mainmise sur les médias pour imposer leur vision de la réalité, ce qui est particulièrement alarmant en temps de crise, notamment lors de bouleversements politiques comme au Venezuela et la résurgence de conflits ethniques comme au Myanmar. La situation au Venezuela et au Myanmar s’inscrit dans une discussion plus vaste sur la nature du droit à la liberté d’expression, sur le rôle des médias et sur les répercussions de la liberté d’expression sur la gouvernance et la vie des citoyens.
La liberté de la presse : Un facteur décisif
Comme le définit l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, la liberté d’expression comprend la liberté « de chercher, de recevoir et de répandre, sans considération de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit[165] ». Ce droit est donc violé non seulement lorsqu’on empêche une personne de communiquer, mais également lorsque le gouvernement l’empêche d’accéder à l’information juste, équitable et objective dont elle a besoin pour se forger un jugement éclairé. Par conséquent, le bâillonnement des journalistes relève d’une violation aux libertés fondamentales de tous les citoyens d’un État.
Le traitement réservé aux journalistes dans un État est un indicateur important de l’orientation adoptée par un gouvernement en ce qui a trait au traitement de ses citoyens. Philip Tunley, président, Conseil d’administration des Journalistes canadiens pour la liberté d’expression, a affirmé que les gouvernements cherchent d’abord à « s’attaquer aux journalistes parce qu’ils constituent la première ligne de critique[166] ». Il a expliqué ce qui suit :
Les journalistes sont les premiers à être exposés, lorsqu’un gouvernement cherche à mettre en place des mesures répressives, parce que les autorités veulent soustraire leurs actes à l’examen du monde entier et aux pressions des Nations Unies[167].
M. Tunley a indiqué que, dans le monde, la liberté de la presse tend à décliner depuis quelques années[168]. Il a fait valoir que de nombreux gouvernements dans le monde estiment pouvoir agir en toute impunité[169], puis a décrit certaines mesures éhontées prises par les gouvernements contre des journalistes, des actes d’interférence sélectifs posés par des gouvernements contre des agences de presse qui n’ont pas leur faveur, et le détournement de fonds publics vers des agences médiatiques que possèdent les dirigeants politiques, par exemple[170]. M. Tunley a fait valoir que, « une fois que la liberté de presse a été minée et subvertie dans un pays, le barreau indépendant et les juges indépendants ne tardent pas à être visés à leur tour[171] ». Ces éléments essentiels renforcent le besoin de « n’épargner aucun effort pour […] préserver » la liberté de la presse, non seulement au Canada, mais partout dans le monde[172]. Outre les préoccupations concernant les droits de la personne, la protection de la liberté de la presse, selon M. Tunley, est essentielle si le Canada veut « avoir des partenaires économiques et politiques dynamiques dans la communauté des nations[173] ».
Les recommandations formulées par les témoins portaient essentiellement sur la protection des journalistes en situation périlleuse, le renforcement du processus de collecte des faits, et les mesures appuyant la capacité des citoyens à accéder aux médias indépendants. Parmi les leçons apprises et les recommandations présentées par les témoins au sujet de la situation au Myanmar et au Venezuela, nombreuses sont celles qui peuvent également s’appliquer ailleurs dans le monde. Par exemple même s’ils traitaient de contextes différents, M. Colombié et Mme Lakhdhir ont tous les deux recommandé que les ambassades canadiennes jouent un plus grand rôle dans la promotion de la liberté de la presse[174]. Ils ont aussi recommandé que le gouvernement du Canada condamne des actes précis afin de sensibiliser la population aux enjeux abordés[175]. Par ailleurs, le rôle que pourrait jouer l’ONU a été abordé tant dans les témoignages sur le Venezuela que dans ceux sur le Myanmar[176].
Des témoins ont fait état des risques que représente l’ingérence par un gouvernement dans la liberté de la presse, y compris des mesures prises par des gouvernements étrangers comme celles que pourrait prendre le Canada. Par exemple, M. Tunley a dit appuyer l’aide gouvernementale aux médias indépendants qui ont de la difficulté à survivre dans un contexte commercial, mais il a fait valoir que le soutien financier des gouvernements « suscite la controverse, même chez les journalistes[177] ». Des témoins ont également mentionné qu’il est important de faire preuve de prudence lorsqu’il est question d’interagir avec le « marché d’idées[178] ». Selon certains témoins, les mesures visant à promouvoir la libre circulation de l’information peuvent facilement être détournées. Mme Lakhdhir a fait la mise en garde suivante :
Le risque, c’est que dans bien des pays où des gouvernements ont tenté d’instaurer des limites ou [d’]adopter des lois, nous avons constaté que même si elles sont bien intentionnées, ces lois, comme celles relatives aux discours haineux, tendent souvent à être utilisées par la majorité contre la minorité, ce qui va à l’encontre des raisons pour lesquelles elles ont été adoptées[179].
En effet, le cas du Venezuela et celui du Myanmar montrent comment les lois « contre la haine » ou « contre la diffamation » peuvent être utilisées pour appréhender de manière arbitraire les journalistes. Par ailleurs, M. Colombié a ajouté que les mesures visant à lutter contre les fausses nouvelles représentent un problème puisque « nous ne savons pas qui doit être la figure de celui qui va déterminer si une information est vraie ou fausse ou si l’information peut être qualifiée de propagande ou d’intérêt public[180] ». Il n’en reste pas moins que les critiques émises par les témoins à l’égard des lois du Venezuela et du Myanmar ne laissent aucun doute sur la nécessité de modifier ou d’abroger ces lois. Mme Lakhdhir a dit espérer que des « les gouvernements qui se préoccupent de la question, comme le gouvernement du Canada, [exercent] des pressions sur le gouvernement du Myanmar pour qu’il prenne des mesures afin d’améliorer la liberté des médias[181] ». De même, M. Lanza souhaite que, si le Venezuela entre dans une période de transition politique, la première étape soit « de modifier la législation qui limite la liberté d’expression[182] ».
Ces éléments ont éclairé les recommandations des témoins sur le soutien à la recherche responsable de l’information et au renforcement des compétences médiatiques. Des témoins ont proposé des mesures de soutien direct, notamment une formation pratique sur la manière de réagir aux menaces, au harcèlement en ligne et aux arrestations, et la fourniture de matériel et de ressources pour appuyer la profession[183]. M. Tunley a souligné le fait que le financement de la liberté de la presse équivaut au financement du journalisme d’enquête fondé sur des faits, une activité qui s’avère trop coûteuse pour de nombreuses publications. Il a précisé que, dans le contexte canadien, le journalisme d’enquête repose désormais sur le réseautage et sur la mise en commun des ressources[184]. Cette réalité peut également s’appliquer à l’étranger. En outre, des témoins ont indiqué que la prolifération du contenu incendiaire dans les médias sociaux et la prolifération de la désinformation exigent le renforcement des compétences médiatiques « pour éviter que les lecteurs ne prennent les informations au premier degré[185] ».
S’inspirant des témoignages entendus, le Sous-comité formule les recommandations suivantes :
Recommandation 1 – Condamner les mesures prises par les gouvernements pour étouffer la dissidence
Qu’Affaires mondiales Canada, de concert avec des partenaires aux vues similaires, continue de condamner explicitement les violations à la liberté d’expression des défenseurs des droits de la personne au Venezuela, au Myanmar et ailleurs.
Recommandation 2 – Offrir une aide pratique à la rédaction législative
Que le gouvernement du Canada offre une aide pratique aux États qui envisagent d’adopter, de modifier ou d’abroger des lois qui concernent la liberté d’expression, l’utilisation d’Internet, la protection des renseignements personnels et la pratique du journalisme, pour faire en sorte que ces lois ne soient pas trop générales et qu’elles ne puissent pas être facilement utilisées à mauvais escient.
Recommandation 3 – Utiliser les ambassades pour protéger les journalistes
Qu’Affaires mondiales Canada charge ses ambassades de jouer un plus grand rôle de promotion de la liberté de la presse, notamment en prenant des mesures pour protéger les journalistes dont la sécurité personnelle est menacée, par exemple en faisant la lumière sur des cas particuliers ou en leur offrant le refuge.
Recommandation 4 – Financer des programmes de formation à l’intention de journalistes œuvrant dans des environnements hostiles à l’étranger
Qu’Affaires mondiales Canada appuie, directement ou par l’intermédiaire d’organismes partenaires ou d’initiatives dirigées par des journalistes, des programmes de formation ou de soutien pour les journalistes qui œuvrent dans un environnement hostile aux médias. Cela pourrait comprendre de la formation sur la sécurité personnelle et la sécurité de l’information, une formation juridique de base aux journalistes, de la formation sur le processus de collecte des faits, du soutien au réseautage, ou la prestation des ressources et du matériel nécessaires aux activités journalistiques.
Recommandation 5 – Promouvoir les compétences médiatiques
Qu’Affaires mondiales Canada cerne les possibilités d’appuyer des programmes qui comprennent un volet sur les compétences médiatiques adapté au contexte local et qu’il appuie ces initiatives.
Recommandation 6 – Appuyer la création d’un poste de conseiller spécial à la protection des journalistes aux Nations Unies
Que le gouvernement du Canada collabore avec les Nations Unies des États aux vues similaires en vue de l’établissement d’un poste de conseiller spécial pour la protection des journalistes dont le titulaire pourrait se prononcer sur les menaces pesant sur cette liberté et la sécurité des journalistes.
Conclusion
Les témoins ont décrit au Sous-comité la détérioration des paysages médiatiques ainsi que les méthodes employées par les gouvernements pour étouffer la liberté de la presse. Le Sous-comité a pris connaissance des difficultés auxquelles sont confrontés les journalistes au Venezuela et au Myanmar, mais aussi des cas de persévérance, d’initiative et de courage dans un contexte où il est difficile de communiquer de l’information indépendante au public. En effet, les efforts soutenus déployés par le Venezuela et le Myanmar pour miner les médias indépendants, relatés dans le présent rapport, illustrent l’importance fondamentale de la profession journalistique. Les cas décrits montrent que le soutien aux journalistes en temps de crise est crucial, mais qu’il faut se donner pour priorité constante d’adopter une approche prudente afin d’assurer la santé des paysages médiatiques. Bien qu’il puisse sembler ardu pour les gouvernements et les intervenants de trouver des solutions aux environnements d’affaires désavantageux et de saisir comment les médias traditionnels peuvent s’arrimer aux médias sociaux, le rôle que joue la liberté de la presse dans la protection des démocraties justifie sans l’ombre d’un doute le besoin de relever ces défis avec assurance.
Enfin, comme l’a expliqué M. Tunley, il convient de répéter que les journalistes représentent la première ligne de critique et qu’ils sont les premiers à exiger des comptes des gouvernements. La rhétorique employée par les dirigeants pour attaquer les journalistes et les mesures prises par les gouvernements pour restreindre la liberté d’expression journalistique doivent être comprises dans toute l’ampleur de leur objectif : elles visent délibérément à empêcher toute critique contre les dirigeants et à empêcher toute condamnation des actes que ces derniers entendent poser.
[1] Sous‑comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes [SDIR], Témoignages, 27 novembre 2018, 1305 (Philip Tunley, président, Conseil d’administration, Journalistes canadiens pour la liberté d’expression).
[2] SDIR, Témoignages, 26 février 2019, 1300 (Carlos Correa, directeur exécutif, Organisation non gouvernementale (ONG) Droits de la personne, liberté d’expression, Espacio Público).
[3] SDIR, Témoignages, 5 février 2019, 1335 (Emmanuel Colombié, directeur, bureau Amérique latine, Reporters sans frontières).
[4] SDIR, Témoignages, 26 février 2019, 1310 (Edison Antonio Lanza Robatto, rapporteur spécial sur la liberté d’expression, Commission interaméricaine des droits de l’homme).
[5] SDIR, Témoignages, 5 février 2019, 1335 (Colombié).
[6] SDIR, Témoignages, 26 février 2019, 1300 (Correa).
[7] SDIR, Témoignages, 5 février 2019, 1305 (Colombié).
[8] Ibid.
[9] SDIR, Témoignages, 28 février 2019, 1300 (Laura Helena Castillo, cofondatrice, El Bus TV).
[10] SDIR, Témoignages, 26 février 2019, 1320 (Lanza Robatto).
[11] SDIR, Témoignages, 26 février 2019, 1335 (Correa).
[12] SDIR, Témoignages, 26 février 2019, 1325 (Lanza Robatto).
[13] SDIR, Témoignages, 28 février 2019, 1300 (Castillo).
[14] SDIR, Témoignages, 26 février 2019, 1315 (Correa).
[15] SDIR, Témoignages, 26 février 2019, 1300 (Correa).
[16] Ibid.
[17] SDIR, Témoignages, 26 février 2019, 1310 (Lanza Robatto).
[18] Ibid.
[19] SDIR, Témoignages, 26 février 2019, 1335 (Correa).
[20] Ibid.
[21] SDIR, Témoignages, 26 février 2019, 1335 (Correa).
[22] SDIR, Témoignages, 5 février 2019, 1310 (Colombié).
[23] Ibid.; SDIR, Témoignages, 26 février 2019, 1300 (Correa).
[24] SDIR, Témoignages, 26 février 2019, 1355 (Lanza Robatto).
[25] SDIR, Témoignages, 26 février 2019, 1300 (Correa).
[26] SDIR, Témoignages, 26 février 2019, 1310 (Lanza Robatto).
[27] SDIR, Témoignages, 28 février 2019, 1330 (Castillo).
[28] SDIR, Témoignages, 26 février 2019, 1315 (Correa).
[29] Ibid.
[30] SDIR, Témoignages, 5 février 2019, 1305 (Colombié).
[31] SDIR, Témoignages, 26 février 2019, 1335 (Correa).
[32] SDIR, Témoignages, 5 février 2019, 1310 (Colombié).
[33] SDIR, Témoignages, 28 février 2019, 1330 (Castillo); SDIR, Témoignages, 26 février 2019, 1305 (Lanza Robatto).
[34] SDIR, Témoignages, 5 février 2019, 1335 (Colombié).
[35] SDIR, Témoignages, 26 février 2019, 1335 (Lanza Robatto).
[36] SDIR, Témoignages, 26 février 2019, 1300 (Correa).
[37] SDIR, Témoignages, 26 février 2019, 1320 (Lanza Robatto).
[38] Ibid.; SDIR, Témoignages, 5 février 2019, 1310 (Colombié).
[39] SDIR, Témoignages, 5 février 2019, 1335 (Colombié).
[40] SDIR, Témoignages, 26 février 2019, 1305 (Lanza Robatto).
[41] SDIR, Témoignages, 5 février 2019, 1310 (Colombié).
[42] SDIR, Témoignages, 5 février 2019, 1350 (Colombié).
[43] Ibid.
[44] SDIR, Témoignages, 26 février 2019, 1325 (Lanza Robatto).
[45] SDIR, Témoignages, 5 février 2019, 1350 (Colombié).
[46] SDIR, Témoignages, 26 février 2019, 1325 (Lanza Robatto).
[47] SDIR, Témoignages, 26 février 2019, 1300 (Amado Vivas, coordonnateur, Organisation non gouvernementale (ONG) Droits de la personne, liberté d’expression, Espacio Público).
[48] SDIR, Témoignages, 26 février 2019, 1325 (Lanza Robatto).
[49] Ibid.
[50] SDIR, Témoignages, 26 février 2019, 1300 (Correa).
[51] SDIR, Témoignages, 5 février 2019, 1335 (Colombié).
[52] SDIR, Témoignages, 26 février 2019, 1320 (Correa).
[53] Ibid.
[54] SDIR, Témoignages, 26 février 2019, 1300 (Correa).
[55] SDIR, Témoignages, 28 février 2019, 1330 (Castillo).
[56] SDIR, Témoignages, 28 février 2019, 1305 (Castillo).
[57] Ibid.
[58] Ibid.
[59] Ibid.
[60] SDIR, Témoignages, 5 février 2019, 1305 (Colombié); SDIR, Témoignages, 26 février 2019, 1305 (Lanza Robatto).
[61] SDIR, Témoignages, 5 février 2019, 1335 (Colombié).
[62] Ibid.
[63] SDIR, Témoignages, 26 février 2019, 1305 (Lanza Robatto).
[64] SDIR, Témoignages, 26 février 2019, 1335 (Correa).
[65] SDIR, Témoignages, 5 février 2019, 1310 (Colombié).
[66] SDIR, Témoignages, 26 février 2019, 1335 (Correa).
[67] SDIR, Témoignages, 5 février 2019, 1350 (Colombié).
[68] SDIR, Témoignages, 26 février 2019, 1300 (Correa).
[69] SDIR, Témoignages, 28 février 2019, 1305 (Castillo).
[70] SDIR, Témoignages, 28 février 2019, 1305 (Castillo).
[71] SDIR, Témoignages, 5 février 2019, 1355 (Colombié).
[72] SDIR, Témoignages, 5 février 2019, 1325 (Colombié).
[73] Ibid.
[74] Ibid.
[75] SDIR, Témoignages, 5 février 2019, 1355 (Colombié).
[76] SDIR, Témoignages, 19 février 2019, 1315 (Naing).
[77] SDIR, Témoignages, 19 février 2019, 1310 et 1350 (Bastard); SDIR, Témoignages, 28 février 2019, 1310 et 1345 (Htusan).
[78] SDIR, Témoignages, 28 février 2019, 1310 (Htusan).
[79] Ibid.
[80] SDIR, Témoignages, 19 février 2019, 1310 (Bastard).
[81] SDIR, Témoignages, 28 février 2019, 1310 et 1315 (Htusan).
[82] SDIR, Témoignages, 28 février 2019, 1345 (Htusan).
[83] SDIR, Témoignages, 28 février 2019, 1310 (Htusan).
[84] Ibid.
[85] SDIR, Témoignages, 5 février 2019, 1315 (Lakhdhir).
[86] SDIR, Témoignages, 19 février 2019, 1310 (Bastard).
[87] Ibid.
[88] SDIR, Témoignages, 5 février 2019, 1320 (Lakhdhir); SDIR, Témoignages, 19 février 2019, 1315 (Naing); SDIR, Témoignages, 19 février 2019, 1330 (Bastard); SDIR, Témoignages, 28 février 2019, 1310 et 1315 (Htusan).
[89] SDIR, Témoignages, 28 février 2019, 1345 (Htusan).
[90] Ibid.
[91] SDIR, Témoignages, 19 février 2019, 1315 (Naing).
[92] SDIR, Témoignages, 19 février 2019, 1350 (Bastard).
[93] SDIR, Témoignages, 19 février 2019, 1340 (Bastard).
[94] SDIR, Témoignages, 5 février 2019, 1325 (Lakhdhir).
[95] SDIR, Témoignages, 5 février 2019, 1345 (Lakhdhir). Voir également : SDIR, Témoignages, 19 février 2019, 1330 (Bastard).
[96] SDIR, Témoignages, 19 février 2019, 1330 et 1345 (Bastard).
[97] SDIR, Témoignages, 5 février 2019, 1345 (Lakhdhir).
[98] Ibid.
[99] Ibid.
[100] SDIR, Témoignages, 19 février 2019, 1330 (Bastard).
[101] Ibid.
[102] Ibid. Voir également : SDIR, Témoignages, 19 février 2019, 1320 (Naing).
[103] SDIR, Témoignages, 28 février 2019, 1320 (Htusan).
[104] SDIR, Témoignages, 5 février 2019, 1345 (Lakhdhir).
[105] SDIR, Témoignages, 19 février 2019, 1320 (Naing). Voir également : SDIR, Témoignages, 5 février 2019, 1345 (Lakhdhir); SDIR, Témoignages, 19 février 2019, 1330 (Bastard).
[106] SDIR, Témoignages, 19 février 2019, 1345 (Bastard); SDIR, Témoignages, 5 février 2019, 1345 (Lakhdhir); SDIR, Témoignages, 19 février 2019, 1320 (Naing).
[107] SDIR, Témoignages, 19 février 2019, 1350 (Bastard).
[108] SDIR, Témoignages, 19 février 2019, 1345 (Bastard).
[109] Ibid.; SDIR, Témoignages, 28 février 2019, 1325 (Htusan).
[110] Lettre ouverte à Mark Zuckerberg, 5 avril 2018 [en anglais seulement].
[111] SDIR, Témoignages, 5 février 2019, 1325 (Lakhdhir).
[112] SDIR, Témoignages, 28 février 2019, 1315 (Htusan).
[113] Ibid.
[114] SDIR, Témoignages, 28 février 2019, 1355 (Htusan).
[115] Pour plus de renseignements sur la criminalisation de la liberté d’expression pacifique au Myanmar, voir Dashed Hopes: The Criminalization of Peaceful Expression in Myanmar, Human Rights Watch, 31 janvier 2019 [en anglais seulement].
[116] SDIR, Témoignages, 28 février 2019, 1310 (Htusan).
[117] SDIR, Témoignages, 19 février 2019, 1340 (Bastard); SDIR, Témoignages, 5 février 2019, 1315 (Lakhdhir).
[118] SDIR, Témoignages, 19 février 2019, 1340 (Bastard).
[119] SDIR, Témoignages, 5 février 2019, 1315 (Lakhdhir).
[120] SDIR, Témoignages, 19 février 2019, 1315 (Naing). Voir également : SDIR, Témoignages, 19 février 2019, 1305 (Bastard).
[121] SDIR, Témoignages, 5 février 2019, 1315 (Lakhdhir).
[122] SDIR, Témoignages, 19 février 2019, 1305 (Bastard).
[123] SDIR, Témoignages, 5 février 2019, 1315 (Lakhdhir).
[124] SDIR, Témoignages, 19 février 2019, 1305 (Bastard).
[125] « Wa Lone and Kyaw Soe Oo: Reuters journalists freed in Myanmar », BBC News, 7 mai 2019 2019 [disponible en anglais seulement].
[126] SDIR, Témoignages, 19 février 2019, 1305 (Bastard).
[127] SDIR, Témoignages, 5 février 2019, 1315 (Lakhdhir); SDIR, Témoignages, 28 février 2019, 1315 (Htusan).
[128] The Telecommunications Law (loi no 31 du Pyidaungsu Hluttaw, 2013), 4e jour de lune croissante de Thadingyut, 1375 M.E. (8 octobre 2013).
[129] SDIR, Témoignages, 19 février 2019, 1340 (Bastard).
[130] Ibid.
[131] SDIR, Témoignages, 28 février 2019, 1310 (Htusan); SDIR, Témoignages, 5 février 2019, 1315 (Lakhdhir).
[132] SDIR, Témoignages, 5 février 2019, 1315 (Lakhdhir).
[133] Ibid. Voir également : SDIR, Témoignages, 19 février 2019, 1310 (Bastard).
[134] SDIR, Témoignages, 5 février 2019, 1315 (Lakhdhir).
[135] SDIR, Témoignages, 5 février 2019, 1315 and 1320 (Lakhdhir).
[136] SDIR, Témoignages, 5 février 2019, 1315 (Lakhdhir).
[137] SDIR, Témoignages, 19 février 2019, 1310 (Bastard).
[138] SDIR, Témoignages, 19 février 2019, 1315 (Naing).
[139] SDIR, Témoignages, 28 février 2019, 1340 (Htusan).
[140] SDIR, Témoignages, 5 février 2019, 1325 (Lakhdhir); SDIR, Témoignages, 19 février 2019, 1310 (Bastard).
[141] SDIR, Témoignages, 5 février 2019, 1315 (Lakhdhir); SDIR, Témoignages, 19 février 2019, 1320 (Naing).
[142] SDIR, Témoignages, 19 février 2019, 1310 (Bastard).
[143] SDIR, Témoignages, 19 février 2019, 1355 (Bastard).
[144] Ibid.
[145] SDIR, Témoignages, 28 février 2019, 1340 (Htusan).
[146] SDIR, Témoignages, 5 février 2019, 1325 (Lakhdhir).
[147] Ibid.; SDIR, Témoignages, 28 février 2019, 1315 et 1345 (Htusan).
[148] SDIR, Témoignages, 28 février 2019, 1345 (Htusan).
[149] SDIR, Témoignages, 5 février 2019, 1325 (Lakhdhir).
[150] SDIR, Témoignages, 19 février 2019, 1325 (Bastard).
[151] Ibid.
[152] SDIR, Témoignages, 19 février 2019, 1350 (Bastard).
[153] SDIR, Témoignages, 5 février 2019, 1315 (Lakhdhir).
[154] Ibid.
[155] SDIR, Témoignages, 5 février 2019, 1325 (Lakhdhir).
[156] SDIR, Témoignages, 19 février 2019, 1315 (Naing).
[157] SDIR, Témoignages, 19 février 2019, 1350 (Bastard).
[158] Ibid.
[159] Ibid.
[160] SDIR, Témoignages, 5 février 2019, 1325 (Lakhdhir).
[161] Ibid.
[162] SDIR, Témoignages, 19 février 2019, 1335 (Naing).
[163] SDIR, Témoignages, 19 février 2019, 1340 (Bastard).
[164] SDIR, Témoignages, 19 février 2019, 1320 et 1335 (Naing).
[165] Assemblée générale des Nations Unies, La Déclaration universelle des droits de l’homme, 10 décembre 1948, 217 A (III), article 19.
[166] SDIR, Témoignages, 27 novembre 2018, 1325 (Tunley).
[167] Ibid.
[168] SDIR, Témoignages, 27 novembre 2018, 1330 (Tunley).
[169] SDIR, Témoignages, 27 novembre 2018, 1325 (Tunley).
[170] SDIR, Témoignages, 27 novembre 2018, 1300 (Tunley).
[171] Ibid.
[172] Ibid.
[173] Ibid.
[174] SDIR, Témoignages, 5 février 2019, 1325 (Lakhdhir); SDIR, Témoignages, 5 février 2019, 1325 (Colombié).
[175] SDIR, Témoignages, 5 février 2019, 1340 (Lakhdhir); SDIR, Témoignages, 5 février 2019, 1325 (Colombié).
[176] SDIR, Témoignages, 5 février 2019, 1355 (Colombié); SDIR, Témoignages, 28 février 2019, 1355 (Htusan).
[177] SDIR, Témoignages, 27 novembre 2018, 1320 (Tunley).
[178] SDIR, Témoignages, 27 novembre 2018, 1340 (Tunley).
[179] SDIR, Témoignages, 5 février 2019, 1335 (Lakhdhir).
[180] SDIR, Témoignages, 5 février 2019, 1330 (Colombié).
[181] SDIR, Témoignages, 5 février 2019, 1325 (Lakhdhir).
[182] SDIR, Témoignages, 26 février 2019, 1340 (Lanza Robatto).
[183] SDIR, Témoignages, 5 février 2019, 1325 (Colombié).
[184] SDIR, Témoignages, 27 novembre 2018, 1300 et 1325 (Tunley).
[185] SDIR, Témoignages, 5 février 2019, 1325 (Colombié).