Passer au contenu
;

FEWO Rapport du Comité

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

PDF

IL EST URGENT DE SE DOTER D’UN PLAN D’ACTION NATIONAL DÉTAILLÉ POUR METTRE FIN À LA VIOLENCE CONTRE LES JEUNES FEMMES ET LES FILLES.

Rapport complémentaire présenté par le

Nouveau Parti démocratique du Canada

 au gouvernement du Canada

Le 20 mars 2017

Cela fait longtemps déjà que l’on a besoin d’un leadership national pour coordonner les interventions de lutte contre la violence envers les jeunes femmes et les filles au Canada.

Tout au long de son étude consacrée à la lutte contre la violence faite aux jeunes femmes et aux filles au Canada, le Comité a entendu de nombreux témoins. Nous tenons d’ailleurs à les remercier pour leurs témoignages éclairants, et nous espérons que le gouvernement du Canada donnera suite à leurs recommandations et à celles du Comité.

Nous estimons toutefois que les recommandations finales du Comité ne sont pas tout à fait conformes à ce que de nombreux témoins experts ont proposé, soit que le gouvernement fédéral prenne le leadership dans de la lutte contre la violence envers les jeunes femmes et les filles au Canada, assorti de mesures concrètes pour mettre fin à cette violence. C’est pourquoi nous exposons notre position et nos recommandations dans le présent rapport complémentaire.

LA CRISE DES VIOLENCES SEXUELLES QUI FRAPPE LES FEMMES

Les niveaux de violence envers les femmes et les filles continuent d’être critiques au Canada. Selon Statistique Canada, les chiffres relatifs à la violence contre les femmes n’ont pratiquement pas changé depuis 20 ans.

  • 1,4 million de Canadiennes ont rapporté avoir subi une forme ou une autre de violence au cours des cinq dernières années.
  • Les jeunes femmes de 15 à 34 ans sont les plus exposées à la violence.
  • Chaque jour, les refuges refusent plus de 500 femmes et enfants.
  • Les femmes autochtones sont trois fois plus victimes d’agressions sexuelles que les non-autochtones.
  • Les femmes autochtones sont sept fois plus susceptibles d’être assassinées que les non-autochtones.
  • Les femmes ayant un handicap sont trois fois plus exposées à la violence que celles qui n’en ont pas.
  • Les violences familiales et sexuelles coûtent plus de 12 milliards de dollars par année à l’économie.

Le Canada s’est fait devancer par de nombreux pays[1] au chapitre de la prévention et de la protection des femmes et des filles contre la violence sexiste. Selon l’Alliance féministe pour l’action internationale : « Au cours des 20 dernières années, les femmes au Canada ont perdu du terrain. En 1995, le Canada se classait au 1er rang sur l’Indice d’égalité entre les sexes des Nations Unies. Il occupe aujourd’hui le 25rang[2]».

Depuis des décennies, au Canada, les organisations de femmes de première ligne montrent la voie à suivre, en proposant des solutions tangibles pour mettre un terme à la violence envers les femmes et les filles, mais les gouvernements libéraux et conservateurs qui se sont succédé n’ont jamais rien fait. Ces 10 dernières années, le gouvernement fédéral s’est montré assez indifférent à la violence sexiste dont sont victimes des millions de Canadiennes. D’ailleurs, même si cela fait plus d’un an qu’il est au pouvoir, le gouvernement Trudeau n’a pas encore transformé sa rhétorique féministe en gestes concrets.

Ces derniers mois, les intervenants de première ligne ont dénoncé l’inaction du gouvernement libéral dans le dossier de la violence faite aux femmes. Ils sont extrêmement déçus des progrès réalisés jusqu’à maintenant par le gouvernement[3].

NON-RESPECT DE LA PROMESSE FAITE À L’ONU D’ADOPTER UN PLAN D’ACTION NATIONAL DE LUTTE CONTRE LA VIOLENCE ENVERS LES FEMMES ET LES FILLES

Même si nous endossons le rapport et beaucoup des recommandations du Comité, nous sommes inquiets de l’incapacité du Canada à respecter ses engagements internationaux pour mettre fin à la violence contre les femmes, à honorer ses obligations en matière de droits de la personne[4] et à s’assurer du respect des droits à l’égalité garantis par la Constitution[5]. Dans son rapport, le Comité ne recommande pas l’établissement d’un plan d’action national pour mettre fin à la violence envers les femmes et les filles, alors que les néo‑démocrates et la communauté internationale considèrent qu’il s’agit là d’un outil essentiel.

Depuis 1995, les Nations Unies demandent à tous les pays de se doter de plans d’action nationaux pour combattre la violence envers les femmes. En 2008, elles ont invité de nouveau les pays qui n’en avaient pas à en adopter un avant 2015. Mais 2015 est passé et le gouvernement fédéral a dit depuis qu’il ne donnerait pas suite à cette demande.

En novembre dernier, le Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDEF) a évalué les mesures prises par le Canada pour combattre la violence faite aux femmes. Voici les lacunes qu’a relevées le CEDEF dans l’action du gouvernement :

  • La persistance d’une forte prévalence de la violence sexiste à l’égard des femmes […], en particulier à l’égard des femmes et des filles autochtones;
  • l’absence de plan d’action national, compte tenu du fait que la stratégie ne s’appliquera qu’au niveau fédéral;
  • le manque de centres d’accueil, de services d’appui et autres mesures de protection pour les femmes victimes de la violence sexiste, ce qui les empêcherait de quitter leur partenaire violent[6] ».

Or, contre l’avis des Nations Unies, ce gouvernement a décidé d’établir une stratégie fédérale de lutte contre la violence envers les femmes plus limitée que la stratégie nationale qu’il avait d’abord promis aux Nations Unies de mettre en œuvre.

Bien que le gouvernement n’ait pas encore rendu cette stratégie publique, le mandat la concernant indique qu’elle se cantonnera aux domaines de compétence fédérale, comme ceux dont s’occupe Statistique Canada.

Puisque le gouvernement a opté pour une stratégie fédérale plutôt que nationale, les aspects relatifs à l’amélioration des services sociaux, d’éducation et de santé (comme les refuges et les services aux victimes) ou à l’administration de la justice civile et pénale n’y seront pas abordés, étant donné qu’ils relèvent de la compétence des provinces. La stratégie fédérale ne dira rien non plus au sujet des services de police (sauf la GRC) et des poursuites en cas d’infractions criminelles (sauf en ce qui concerne les territoires).

Il est donc clair que le Canada n’a pas tenu ses engagements internationaux envers les Nations Unies, puisqu’il ne s’est pas doté d’une stratégie nationale pour protéger les femmes et les filles canadiennes.

DÉCEPTION DES ONG DEVANT L’INCAPACITÉ DU GOUVERNEMENT À ADOPTER UN PLAN D’ACTION NATIONAL POUR METTRE FIN À LA VIOLENCE CONTRE LES FEMMES ET LES FILLES

La décision de ce gouvernement d’adopter une stratégie fédérale plutôt que nationale dans la lutte contre la violence faite aux femmes et aux filles déçoit les organisations de femmes de tout le pays[7]. Étant donné l’absence de plan d’action national, les interventions sont très morcelées, souvent difficiles à obtenir et inégales d’une région du pays à l’autre[8].

Un rapport récent d’Oxfam fait état de cette déception, en soulignant qu’une stratégie fédérale de lutte contre la violence faite aux femmes :

ne s’appliquera qu’aux institutions fédérales et n’aura pas la profondeur et l’étendue d’un plan d’action national, qui répondrait au besoin qu’ont les femmes d’avoir accès à des services et une protection de niveaux comparables, où qu’elles vivent au pays[9].

Ce gouvernement aurait pu s’inspirer du Modèle de Plan d’action national sur la violence faite aux femmes et aux filles, élaboré par un réseau de 23 experts, syndicats et organisations non gouvernementales canadiens, et appuyé par 180 organismes. Des témoins du Comité y ont d’ailleurs fait référence à de nombreuses reprises ou ont participé à son élaboration.

Nous croyons que ce modèle aurait pu servir de fondement à un leadership fédéral visant à combattre la violence envers les femmes, et sommes d’avis que le gouvernement canadien aurait eu intérêt à écouter les organisations de femmes de première ligne. Angela MacDougall, directrice générale des Battered Women’s Support Services, a déclaré ceci devant le Comité :

« Je pense que nous avons besoin d’une stratégie nationale [...] pour continuer à démultiplier la capacité des réseaux dynamiques qui existent déjà et créer des occasions pour nous de faire connaître nos pratiques prometteuses et nos méthodes. Les organisations de notre réseau provoquent toutes sortes de changements incroyables en matière de formation, de prestation de services et de défense des victimes sur le plan systémique et juridique. Le résultat, ensuite, est étonnant. Nos solutions donnent actuellement des résultats. Nous avons seulement besoin de trouver des façons de les extrapoler à une plus grande échelle, ce qui, en fin de compte, signifie de faire confiance aux organisations féminines qui font le travail depuis plus de 40 ans et de se servir de nous toutes comme d’une ressource pour, grâce au travail individuel et au réseautage, renforcer considérablement ces réseaux. Nous connaissons les solutions. Nous les appliquons déjà de manière étonnante. Nous avons besoin d’appuyer leur extrapolation[10] ».

Devant des témoignages aussi convaincants que celui-là, et parce que beaucoup de témoins ont parlé de certains problèmes de violence sexuelle nécessitant des interventions coordonnées à l’échelle nationale, comme la cyberintimidation et les viols sur les campus d’établissements d’enseignement, le Comité a accepté de faire quelques recommandations sur le rôle moteur du gouvernement fédéral, et a formulé plusieurs observations sur des questions relevant de la compétence des provinces et des territoires. Néanmoins, dans ses recommandations finales, le Comité ne fait nullement écho aux témoignages plaidant en faveur de la mise en œuvre d’un plan d’action national, une mesure qui serait pourtant plus ambitieuse.

Les recommandations 1, 2, 3 et 36, en particulier, auraient dû prôner l’instauration d’un plan d’action national plutôt que la mise en place d’une stratégie fédérale moins volontariste élaborée par ce gouvernement.

Les recommandations 4, 7, 8, 9, 15, 21, 33, 35 et 36, ainsi que les observations 1, 3, 4, 5 et 6, en particulier, appellent à la collaboration entre le gouvernement fédéral et les provinces et territoires. En l’absence d’un plan d’action national, qui garantirait la collaboration, la coordination et la coopération, il sera difficile de déterminer dans quelle mesure ces recommandations et observations seront suivies. Par exemple, la recommandation 4 demande qu’une fois par année, à l’occasion du Forum fédéral‑provincial-territorial sur la condition féminine, les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux coordonnent leurs réponses pour contribuer à l’élimination de la violence à l’égard des femmes et des filles; mais une fois par année, ce n’est pas assez. Les néo‑démocrates considèrent que le gouvernement fédéral devrait en faire plus pour s’assurer que dans, chaque province et territoire, dans les zones urbaines, les régions rurales et éloignées, ainsi que dans les collectivités inuites et des Premières Nations, les femmes et les filles ont accès à des services comparables.

C’est pourquoi le Nouveau Parti démocratique recommande :

  • Que le gouvernement du Canada exerce un rôle de leadership et coordonne les initiatives fédérales, provinciales, territoriales et municipales destinées à protéger les femmes et les filles contre la violence, au moyen d’un plan d’action national, en veillant à ce que les politiques, les lois et les établissements d’enseignement garantissent l’accès aux services partout au pays, ainsi qu’à prévenir et combattre la violence envers les femmes et les filles.

INITIATIVE NATIONALE DE PRÉVENTION DES VIOLS SUR LES CAMPUS DES ÉTABLISSEMENTS D’ENSEIGNEMENT

  • Beaucoup de témoins ont insisté sur la nécessité d’uniformiser les politiques, de rendre justice aux victimes de viols sur les campus et de leur faciliter l’accès aux services, étant donné que les étudiantes sont souvent susceptibles de changer de province, à un jeune âge, et qu’elles devraient s’attendre à être en sécurité partout également.

Le Comité a entendu de nombreux témoins recommander que le gouvernement fédéral exerce un rôle de leadership pour faire cesser les viols sur les campus[11]. Natasha Kornak a déclaré devant le Comité[12] : « Je pense qu'il faut absolument légiférer pour fixer les normes que les établissements postsecondaires devront respecter, pour qu'ils offrent tous des services aux personnes sur leur campus. Je pense que c'est vraiment une chose que le gouvernement fédéral pourrait faire. »

Alana Robert s’est également prononcée en faveur d’un fort leadership national[13] :

Avec votre appui, nous pouvons élaborer une politique nationale obligeant tous les établissements d'études postsecondaires à offrir aux étudiants une formation complète sur le consentement, des centres d'intervention, et des ressources accessibles. Nous pouvons soutenir la création de centres communautaires offrant tous les services dans un même endroit où des femmes fuyant la violence peuvent se rendre pour obtenir des services d'assistance juridique, de consultation et de planification financière, et pour participer à des activités culturelles. Cela peut réduire le risque que les femmes soient traumatisées de nouveau, ce qui se produit lorsqu'elles sont forcées de répéter leur histoire à maintes reprises. C'est d'autant plus important pour les femmes autochtones, qui sont particulièrement ciblées, pour que leur sécurité soit assure.[14]

 C’est pourquoi le Nouveau Parti démocratique recommande :

  • Que le gouvernement du Canada assure le leadership national de la coordination des politiques de prévention des viols sur les campus.

COORDONNER LE SYSTÈME DE JUSTICE ET LES INNOVATIONS EN MATIÈRE DE POLITIQUES POUR LUTTER CONTRE LA VIOLENCE ENVERS LES JEUNES FEMMES ET LES FILLES

  • Des témoins ont déclaré qu’il est nécessaire d’harmoniser, entre les différents ordres de gouvernement et au sein de ces derniers, les politiques et les lois qui traitent de la violence envers les jeunes femmes et les filles.
  • Des témoins ont déclaré qu’il est nécessaire de donner aux agents de police une meilleure formation, qui soit axée sur les traumatismes et inclue la littératie numérique.
  • Des témoins ont recommandé d’instaurer l’égalité d’accès aux services pour les jeunes femmes et les filles victimes de violence.
  • Des témoins ont souligné qu’il est nécessaire que le gouvernement fédéral exerce un rôle de leadership et coordonne les interventions provinciales, territoriales et municipales en réaction à la violence à l’égard des jeunes femmes et des filles.

Pour ce qui est de rechercher l’aide ou la protection du système de justice canadien, de nombreux témoins ont raconté des histoires déchirantes de victimes qui 1)n’ont pas été prises au sérieux ou ont été blâmées pour ce qui leur était arrivé, 2) ont été à nouveau victimisées, (3) n’ont pas été informées, (4), se sont fait dire que leur plaintes n’était pas fondée[15] ou que les charges contre l’accusé avaient été abandonnées.

Cela explique en partie les faibles taux de déclaration et de condamnation. Le système de justice pénale et les services de police ont abandonné à leur sort énormément de femmes et de filles au Canada.

Elisabeth Gendron[16] a déclaré qu’il était primordial « d’attirer l’attention des élus, tous partis confondus, pour unir nos forces et régler ce problème et s’assurer d’avoir un système de justice véritablement représentatif et qui considère les intérêts de toute la population canadienne, y compris les femmes[17] ».

La majorité des organisations de femmes en première ligne ont affirmé qu’il devrait y avoir une uniformité de traitement des victimes d’agressions sexuelles partout au Canada, ce qui n’est actuellement pas le cas.

Dans le rapport du Comité, et ce, malgré un certain nombre de recommandations formulées dans ce sens, il n’y a aucune recommandation relative à la nécessité d’une coordination entre les provinces, les territoires, les municipalités et le gouvernement fédéral visant à garantir l’uniformisation des systèmes de déclaration et la prise en compte des traumatismes ainsi que l’aide aux survivantes dans les enquêtes.

C’est pourquoi le Nouveau Parti démocratique recommande :

  • Que le gouvernement fédéral assure le leadership de la coordination nationale des services de police et des systèmes de justice afin de garantir un accès égal à la protection et à la justice, dans tout le pays, aux jeunes femmes et les filles victimes de violence et, notamment l’uniformité des services, des politiques et des lois entre les différents ordres de gouvernement et au sein de ces derniers.
  • Que le gouvernement fédéral établisse une stratégie nationale afin de garantir des normes de police uniformes en matière :
    • a) de formation à la littératie numérique;
    • b) d’interventions en réaction à la cyberviolence.

LEADERSHIP FÉDÉRAL EN MATIÈRE D’ÉDUCATION POUR METTRE FIN À LA VIOLENCE ENVERS LES JEUNES FEMMES ET LES FILLES

Selon les témoignages entendus par le Comité, une éducation sur la cyberviolence fait défaut. L’accès à la littératie numérique est limité et varie selon la province où l’on vit. Certaines écoles montrent la voie en mettant beaucoup l’accent sur la cyberviolence, mais il n’y a aucune uniformité. De multiples témoins ont insisté sur la nécessité d’un leadership national d’une coordination pancanadienne pour la mise en place d’un programme complet d’éducation sexuelle, qui ne soit pas fondé sur la peur et l’abstinence, mais sur la notion de consentement; parmi ces témoins, on soulignera Tessa Hill, une élève de 9e année qui a réussi à faire que le consentement soit un sujet abordé dans le nouveau Programme‑cadre de santé de l’Ontario et qui veut désormais que cela soit fait à l’échelle nationale.[18]

C’est pourquoi le Nouveau Parti démocratique recommande :

  • Que le gouvernement fédéral assure le leadership de la coordination nationale et de la campagne d’éducation en matière de consentement et de littératie numérique dans le système d’éducation pour mettre fin à la violence envers les jeunes femmes et les filles.

APPUYER LES SERVICES DE PREMIÈRE LIGNE ET LES ORGANISATIONS COMMUNAUTAIRES QUI LUTTENT CONTRE LA VIOLENCE ENVERS LES JEUNES FEMMES ET LES FILLES

Le Canada manque également à ses obligations internationales en matière de financement adéquat. La Déclaration et le Programme d’action de Beijing, dont le Canada est partie, exigent que les États fassent en sorte d’« [i]nscrire au budget national des ressources suffisantes et [de] mobiliser les ressources de la collectivité pour financer les activités visant à éliminer la violence à l’égard des femmes, notamment pour appliquer les plans d’action à tous les niveaux appropriés[19]».

Le Programme de promotion de la femme de Condition féminine Canada n’offre qu’un financement de durée limitée à des organismes pour des projets qui visent à contrer la violence faite aux femmes et aux filles.

L’ancienne ministre de la Condition féminine, l’honorable Patty Hajdu, a démontré que cette allocation de ressources n’était pas adéquate :

« [J]e ne peux pas vous dire combien de fois, depuis mon élection, les représentants de ma propre municipalité m’ont demandé si le centre d’hébergement allait enfin obtenir un financement de base du gouvernement fédéral. Malheureusement, la réponse est non, car nous ne fournissons pas de financement opérationnel aux programmes sur le terrain. […] le financement durable représente toujours un défi[20]. »

Les organisations de femmes souffrent depuis des décennies d’un manque de financement adéquat[21]. Selon Farrah Khan, « [l]orsque nous ne bénéficions pas d’un financement adéquat, nous disons aux gens que la violence n’a aucune importance, que nos corps n’ont aucune importance. À l’heure actuelle, c’est ce qu’on ressent de manière constante. Je le sais, [à cause] des 10 dernières années de notre dernier gouvernement[22] ».

Dans les établissements postsecondaires, cela signifie qu’il est « beaucoup plus difficile de veiller à ce que les étudiants obtiennent l’aide qu’ils désirent lorsqu’un grand nombre de services, de maisons de refuge et de centres d’aide aux victimes d’agression sexuelle doivent fermer leurs portes. Le gouvernement fédéral peut jouer un rôle considérable dans ce domaine dont financer des organismes communautaires aptes à venir en aide aux universités[23] ».

Le manque de financement opérationnel des refuges, le manque de financement pour l’embauche de nouveau personnel et un financement inadéquat pour créer suffisamment de places peuvent empêcher des femmes de quitter leur agresseur et, selon Mélanie Sarroino :

« La femme attend depuis des mois, et il lui a fallu tout son courage simplement pour décrocher le téléphone et appeler. J’essaie de l’envoyer vers l’un de mes centres, et je sais très bien que, quand elle téléphonera au centre, elle tombera sur un message du répondeur affirmant qu’on va la rappeler, mais qu’actuellement, la liste d’attente du centre est de six mois. On peut garantir que la femme ne rappellera jamais et qu’elle vivra avec la situation qu’elle vit, quelle qu’elle soit, pour très longtemps. Voilà la première conséquence[24]. »

On a observé un consensus chez les témoins sur le fait que :

  • le financement est inadéquat pour le travail que notre pays demande de jouer aux organisations de femmes et de première ligne, ainsi qu’aux refuges;
    • l’absence de financement opérationnel prévisible à long terme est l’un des plus gros problèmes pour ces organisations;
  • les financements récemment annoncés pour des refuges de femmes victimes de violence familiale sont extrêmement inadéquats pour les femmes autochtones et ne répondent pas à des besoins qui existent depuis déjà trop longtemps :
    • 70 % des communautés inuites n’ont pas accès à un refuge : on dénombre actuellement environ 15 refuges pour 53 communautés inuites dans l’ensemble de l’Inuit Nunangat;
    • un seul réseau, comptant désormais 41 refuges en réserve, pour l’ensemble des 600 communautés du Canada, et le nouvel investissement ne vise que la création de cinq nouveaux refuges au cours des cinq prochaines années[25];
  • les femmes handicapées sont loin d’obtenir le financement dont elles ont besoin étant donné qu’elles subissent l’un des taux de violence les plus élevés;
  • de nombreuses organisations communautaires n’ont même pas la capacité de préparer une demande de subvention ou cela leur prend un temps précieux que leurs employés pourraient autrement consacrer à aider des victimes et des survivantes de violence;
  • il n’y a pas assez de ressources ou de soutien pour les victimes de cyberviolence;
    • faute de financement opérationnel stable, il est difficile de financer les interventions en réaction aux propos haineux en ligne.

On a également observé un consensus chez les témoins sur le fait que l’élimination de la violence envers les femmes est freinée par le manque de financement fédéral. Un financement opérationnel prévisible à long terme permettrait aux organisations de première ligne :

  • d’embaucher le personnel dont elles ont désespérément besoin;
  • de surmonter le manque de places en refuge;
  • d’améliorer leur capacité d’intervention et la prestation des services;
  • de réduire les listes d’attente.

Afin d’atteindre ces objectifs, le Nouveau Parti démocratique recommande :

  • Que le gouvernement fédéral assure un financement opérationnel constant aux organisations communautaires de première ligne qui travaillent à protéger les victimes et à mettre un terme à la violence envers les femmes et les filles.

CONCLUSION

Le Nouveau Parti démocratique croit, comme l’a déclaré Ann Decter, du YWCA, qu’« [i]l y a toujours de la place pour un leadership fédéral en matière de violence faite aux femmes, et je pense que ce leadership contribue grandement à l’établissement d’une norme et d’une attitude nationales. Il établit une norme à respecter par les gouvernements de l’ensemble du pays[26] ».

Le gouvernement fédéral doit recommencer à appuyer les organisations communautaires qui œuvrent pour la justice sociale.

Cela serait une honte pour notre pays que le gouvernement fédéral ne respecte pas sa promesse d’assurer la sécurité des femmes et des filles dans notre pays.

Nous exhortons le gouvernement canadien à faire preuve de leadership en passant de la parole aux actes et en accordant l’appui politique, les ressources et le financement nécessaires pour que le Canada honore ses engagements internationaux et constitutionnels de longue date visant à faire du Canada un pays sûr où les femmes et les filles sont à l’abri de la violence. Il est plus que temps de joindre le geste à la parole.

Respectueusement soumis au nom du Nouveau Parti démocrate, le 20 mars 2017.


[1] D’après Oxfam Canada, beaucoup de pays ont mis en œuvre des plans d’action nationaux de lutte contre la violence faite aux femmes et les violences sexistes; le National Plan to Reduce Violence Against Women and their Children de l’Australie, qui s’étend sur 12 ans, est considéré comme étant le plus complet à cet égard. L’Australie a lancé en 2016 son troisième plan d’action, qui contient des cibles claires, des échéanciers et des mesures précises. Pour plus d’information : For more information : http://womensrights.oxfam.ca/

[2] Alliance féministe pour l’action internationale. « Engagez-vous pour l’égalité des femmes !»

Consulté le 08 mars 2017. http://fafia-afai.org/en/engagez-vous/

[3]Kathleen Harris, “'Massive disappointment': Liberals urged to step up efforts to tackle sexual, domestic violence,” CBC News, 24 janvier, 2017, consulté le 24 janvier 2017, http://www.cbc.ca/news/politics/liberal-trudeau-sexual-violence-1.3948607

[4] Le gouvernement fédéral s’est engagé à se conformer à la Déclaration et au Programme d’action de Beijing adoptés en 1995. Le Canada est signataire de la Déclaration sur l’élimination de la violence contre les femmes adoptée par les Nations Unies en 1993, et le gouvernement souscrit au rapport 2016 du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes.

[5] Ce gouvernement a l’obligation de protéger les droits à l’égalité garantis par le paragraphe 15. (1) de la Constitution, qui dit : « La loi ne fait acception de personne et s’applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l’âge ou les déficiences mentales ou physiques. »

[6] Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes « Observations finales (2016) CEDAW/C/CAN/CO/8-9”, 18 Novembre 2016, http://tbinternet.ohchr.org/_layouts/treatybodyexternal/Download.aspx?symbolno=CEDAW/C/CAN/CO/8-9&Lang=Fr En

[7] Oxfam Canada, «Feminist Scorecard 2017: Tracking government action to advance women’s rights and gender equality» 6 mars 2017, consulté le 6 mars, 2017 http://womensrights.oxfam.ca/wp-content/uploads/2017/03/TIME-TO-TURN-FEMINIST-WORDS-INTO-ACTION.pdf

[8] Réseau canadien des maisons d’hébergement pour femmes, « A Blueprint for Canada’s National Action Plan on Violence Against Women and Girls » consulté le 20 avril 2016, http://endvaw.ca/wp-content/uploads/2015/10/Blueprint-for-Canadas-NAP-on-VAW.pdf

[9] Ibid., Oxfam Canada.

[10] FEWO, Témoignages, 21 septembre 2016, 1635 (Angela MacDougall).

[11] Témoignages, 17 octobre 2016, 1540 (Anuradha Dugal, directrice, Programmes de prévention de la violence, Fondation canadienne des femmes); Témoignages, 19 octobre 2016, 1535 (Elizabeth Sheehy, professeure, Faculté de droit, Section de common Law, Université d’Ottawa, à titre personnel); Témoignages, 31 octobre 2016, 1715 (Liette Roussel); Antigonish Women’s Resource Centre and Sexual Assault Services; Témoignages, 31 octobre 2016, 1635 (Manon Bergeron, professeure, Université du Québec à Montréal, chercheure principale, ESSIMU, à titre personnel); Témoignages, 24 octobre 2016, 1545 (Kenya Rogers, analyste des politiques, Association des étudiants de l’Université de Victoria, Projet de lutte contre la violence); Témoignages, 19 octobre 2016, 1635 (Alexander Wayne MacKay, professeur de droit, Université Dalhousie, Faculté de droit Schulich, à titre personnel); Témoignages, 19 octobre 2016, 1545 (Danika McConnell, représentante, Alliance canadienne des associations étudiantes);

[12] Natasha Kornak, déléguée d’Héritières du suffrage, poursuit actuellement sa deuxième année d’études en Sciences de la vie à l’Université Queen’s. Elle siège également au conseil d’administration de la Conférence sur le leadership des femmes en politique et de l’Association des étudiants autochtones de l’Université Queen’s. Natasha a lancé aussi la campagne Right2Know, une initiative de sensibilisation au consentement sexuel menée en Alberta.

[13] Alana Robert, déléguée d’Héritières du suffrage, est une étudiante de première année à la Osgoode Hall Law School. Alana est la fondatrice et présidente de Justice pour les femmes, un groupe d'étudiants qui défend l'égalité des sexes. Dans ce rôle, Alana a créé des ateliers sur la culture du consentement, une politique sur les espaces sécuritaires et sûrs et un centre de ressources, qui servent tous à combattre la violence sexiste.

[14] FEWO, Témoignages, 7 mars 2017, (Alana Robert)

[15] Récemment, The Globe and Mail a également révélé un nombre alarmant de lacunes graves à toutes les étapes des enquêtes de police sur les plaintes pour agressions sexuelles, et notamment le fait que 1 cas sur 5 était jugé non fondé et clos. Pour plus d’information : Robyn Doolittle, Globe and Mail, http://www.theglobeandmail.com/news/investigations/unfounded-sexual-assault-canada-main/article33891309/.

[16] Élisabeth, déléguée d’Héritières du suffrage, est étudiante de troisième année à la Faculté de droit de l’Université de Montréal. Elle est correctrice du journal étudiant de la Faculté de droit de l’UdeM et de l’Observatoire national des droits linguistiques. Originaire de la ville de Trois-Rivières et civiliste affirmée, elle effectue actuellement un stage à la Clinique juridique Juripop dans le but de favoriser l’accès à la justice pour tous. Elle milite pour l’égalité des femmes dans le milieu du travail.

[17] FEWO, Témoignages, 7 mars 2017, (Elisabeth Gendron).

[19] Organisation des Nations Unies, « Programme d'action de Beijing », Septembre 1995, http://www.un.org/womenwatch/daw/beijing/platform/violence.htm.

[20] FEWO, Témoignages, 10 mars 2016 (Hon. Patty Hajdu, Minister de la Condition féminine).

[21] De nombreux témoins, dont Cathy Grant, Harvey Bate (New Leaf Program), et Mélanie Sarroino, du Regroupement québécois des Centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel, ont déclaré que leur financement est demeuré inchangé depuis des années, soit, respectivement depuis 29 et 10 ans.

[22] Témoignages, 24 octobre 2016, 1600 (Farrah Khan, coordonnatrice, Soutien et sensibilisation en matière de violence sexuelle, Université Ryerson, à titre personnel).

[24] Témoignages, 14 novembre 2016, 1640 (Mélanie Sarroino, agente de promotion et de liaison, Regroupement québécois des Centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel);

[25] Selon Oxfam, un nombre bien trop minime pour répondre aux besoins des 600 communautés de Premières Nations. Pour plus d’information : For more information : http://womensrights.oxfam.ca/

[26] Témoignages, 28 septembre 2016, 1600 (Ann Decter, directrice, Plaidoyer et politiques publiques, YWCA Canada).